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Origines de la synesthésie

84 3. ORIGINES DE LA SYNESTHÉSIE gagières tels que la dyslexie, les processus orthographiques et les difficultés de

3.2. HYPOTHÈSES NEURONALES ET

NEURO-DEVELOPPEMENTALES 87

Fig. 3.3: Schématisation des trois modèles majeurs actuels concernant le fonc-tionnement neuronal de la synesthésie, à partir de l’exemple de la synes-thésie Graphème-Couleur, (tiré de Hubbard,2013). Les flèches représentent le flux d’informations et les encadrés marquent les étapes procédurales. Lorsque les lignes sont en pointillés, les processus et étapes concernés ne sont pas actifs.

2013). Chacune de ces théories prend appui sur une hypothèse neuronale.

Le modèle d’activations croisées

Dans la théorie d’activations croisées (en anglais « cross-activation » ou « local cross-activation » ; Figure 3.3 schéma a) proposée par Hubbard et Ramachandran (Hubbard et al., 2011; Hubbard et Ramachandran, 2005; Ramachandran et Hub-bard, 2001a,b, 2003), chez les synesthètes, des connexions existeraient en plus grand nombre entre les modalités ou sous modalités sensorielles impliquées dans les associations synesthésiques. La synesthésie aurait alors plus de chance d’exister entre deux régions voisines, comme ce serait le cas pour les aires du traitement des graphèmes et de la couleur dans la synesthésie Graphème-Couleur. Les différences inter-individuelles observées dans la description de l’expérience synesthésique et dans les données comportementales dépendraient du lieu où ces connexions se font (Hubbard et Ramachandran, 2005; Ramachandran et Hubbard, 2001a,b).

Le modèle du retour de l’information désinhibée

Dans la théorie du retour de l’information désinhibée (en anglais «

disinhibi-ted feedback » ; Figure 3.3 schéma c), Grossenbacher et Lovelace (Grossenbacher,

synesthé-88 3. ORIGINES DE LA SYNESTHÉSIE sique additionnelle dépendrait d’un manque d’inhibition du réseau multisensoriel présent chez tous les individus. De manière générale, parallèlement au traitement d’informations sensorielles qui suit un circuit précis, allant des aires de plus bas niveau (i.e. traitant des indices simples) aux aires de plus haut niveau (i.e. traitant des indices plus complexes, mettant en relation les indices simples traités séparé-ment jusqu’à présent), les aires de plus haut niveau envoient des informations aux

aires de plus bas niveau (Gleitman et al.,2007; Grossenbacher et Lovelace, 2001).

C’est ce qui est appelé traitement « de bas en haut ou d’intégration de l’informa-tion » (en anglais "feedforward") et « de haut en bas, de rétroacl’informa-tion ou de retour de l’information » (en anglais "feedback"). Chez les synesthètes, l’information venant des aires sensorielles supérieures habituellement inhibées, ne le serait pas chez les synesthètes, activant ainsi le percept additionnel (e.g. la couleur dans le cadre de la synesthésie Graphème-couleur). La synesthésie dépendrait donc du réseau de traitement de l’information sensorielle présent chez tous les individus.

Le modèle du retour de l’information ré-entrante

La dernière théorie cognitive majeure est le modèle du retour de l’information ré-entrante ("re-entrant feedback" ; Figure 3.3 schéma b) émise par Smilek et ses

collaborateur (2001). Elle se situe aux confluences des deux autres hypothèses

pré-sentées ci-dessus. En effet, ses auteurs considèrent que des connexions existeraient entre les deux aires cérébrales responsables du traitement des informations senso-rielles présentes dans l’expérience synesthésique (i.e. traitement des informations caractérisant l’inducteur et le concurrent, tels que le graphème et la couleur dans le cas de la synesthésie éponyme). Ce système de connexions croisées similaire à celui

présenté dans la théorie de Ramachandran et Hubbard (Hubbard et

Ramachan-dran, 2005; Ramachandran et Hubbard, 2001a) se couplerait à des processus de retour de l’information similaire aux mécanismes décrits dans la théorie de

Gros-senbacher et Lovelace (Grossenbacher et Lovelace, 2001; Hubbard, 2013; Smilek

et al., 2001), puisque c’est le sens lié au graphème qui induirait la couleur et non

3.2. HYPOTHÈSES NEURONALES ET

NEURO-DEVELOPPEMENTALES 89

Le développement neuronal des synesthètes

Ces différentes théories expliquent la synesthésie à l’âge adulte sans prendre

en considération son développement (Mitchell, 2013). L’hypothèse neuronale la

plus répandue à ce jour postule que, suite à un changement dans un facteur géné-tique (cf. section 3.1 page 79), le mécanisme d’étayage supprimant les connexions transitoires mises en place par le nouveau-né lors du développement normal de l’in-dividu ne serait pas effectué chez les synesthètes entre certaines régions proches (Hubbard, 2013). Cette hypothèse peut soutenir les théories d’activation croisée (Hubbard et Ramachandran,2005;Ramachandran et Hubbard,2001a,b) et du

re-tour de l’information ré-entrante (Smilek et al., 2001). Ces mutations génétiques

pourraient aussi toucher des mécanismes encore plus précoces dans le développe-ment neurodéveloppedéveloppe-mental et entraîner des différences de migration de cellules,

de guidage d’axones ou encore de choix des cibles synaptiques (Mitchell,2013), ce

qui ne serait pas non plus en contradiction avec les deux théories citées ci-dessus.

Enfin, la théorie de désinhibition du retour de l’information (Grossenbacher,1997;

Grossenbacher et Lovelace, 2001) et une partie de la théorie du retour de

l’infor-mation ré-entrante (Smilek et al., 2001) pourraient s’appuyer sur l’hypothèse que

des mutations sur les gènes déterminent l’équilibre neuro-chimique des inhibitions

et excitations dans certains circuits cérébraux (Mitchell, 2013).

Toutes ces hypothèses, cognitives ou neuronales restent cependant a être démon-trer ; aucun consensus n’existe à l’heure actuelle, que ce soit entre les études com-portementales ou les études neurophysiologiques (grâce aux techniques d’imagerie cérébrale comme l’imagerie à résonance magnétique ou la tomographie à émission

de positons ; Hupé et Dojat, 2015;Mitchell, 2013).

Une autre théorie très répandue dans la littérature scientifique actuelle intègre à la fois des hypothèses sur le développement comportemental et sur l’évolution neurologique de l’individu synesthète en comparaison à la personne synesthète :

l’hypothèse néonatale (Maurer et Maurer, 1988).

3.2.2 Hypothèse néonatale

En s’appuyant sur des études effectuées chez le nouveau-né et sur les