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Rappel de la section 1.1.3

62 2. TROIS EXEMPLES DE SYNESTHÉSIE

Fig. 2.5: Exemples de Forme des nombres en trois dimensions de deux sœurs syneshètes représentées à l’aide du logiciel de réalité virtuelle développé par Eagleman (Eagleman et Goodale,2009).

sionnel4. Ces derniers peuvent changer de perspective et placer leur « avatar » de

sorte que leur séquence est visible à la première ou à la troisième personne (Figure 2.5). Les coordonnées tridimensionnelles de chaque membre de la séquence sont ensuite enregistrées dans chaque session effectuée par le synesthète puis comparés pour en déterminer la constance.

Comme pour les autres types de synesthésie, le niveau de constance est utilisé pour

considérer une personne comme étant synesthète (Baron-Cohen et al., 1987; Rich

et al., 2005;Simner, 2012a), mais le niveau de constance entre deux sessions, bien qu’étant plus élevé chez les synesthètes que chez les personnes non synesthètes, peut changer d’un synesthète à l’autre, au sein d’un même type de synesthésie. Et si la forme en elle-même ne change pas au cours du temps, la prise de vue de cette forme par le synesthète peut changer (le point d’observation peut être modifié ;

Eagleman, 2009).

La Forme des nombres est automatique et involontaire

La Forme des nombres est aussi décrite comme automatique et involontaire

(e.g. les synesthètes D.G. Hubbard et al., 2009 et S.W. Piazza et al., 2006). Pour

étudier ce point de manière objective, et tenter de déterminer le niveau de traite-ment auquel les nombres interagissent avec une localisation spatiale (comme c’est

le cas pour la synesthésie Graphème-Couleur ; Dixon et al., 2004; Piazza et al.,

4. Ce logiciel est aujourd’hui rattaché au site créé par le même auteur et permettant de tester et d’analyser différents types de synesthésies (www.synesthete.org ;Eagleman et al.,2007).

2.3. LA SYNESTHÉSIE DE FORME DES NOMBRES 63

2006; Ramachandran et Hubbard, 2001a; Smilek et al., 2001), les chercheurs ont repris l’effet de l’association nombre-position spatiale des codes réponses (i.e.

ef-fet SNARC5; Jarick et al., 2009; Piazza et al., 2006) et l’effet d’indiçage spatial6

(Jarick et al., 2009, 2011; Smilek et al., 2007), deux effets observés sur les résul-tats comportementaux de la population générale notamment dans des tâches de jugement de magnitude ou de parité (paire ou impaire).

L’effet SNARC : L’effet SNARC (i.e. l’effet de l’association nombre-position spatiale des codes réponses ; cf. encadré page 65) est considéré dans la littéra-ture scientifique concernant la synesthésie Forme des nombres comme l’illustra-tion comportementale d’une associal’illustra-tion spontanée des nombres et de l’espace chez

l’ensemble des individus (voir pour revues,Simner, 2009, et plus particulièrement

Price et Mattingley, 2013, pour une critique de cette position). Il est donc utilisé pour attester des similarités et des différences entre synesthètes et non synesthètes, et plus particulièrement démontrer le caractère automatique et involontaire des Sé-quences Spatiales de manière générale et des Formes des nombres en particulier. Après avoir attesté de la synesthésie de ses cinq participants par l’intermédiaire

d’un test de constance, Sagiv et ses collaborateurs (Sagiv et al., 2006) leur ont

demandé d’effectuer une tâche de magnitude entre deux nombres (i.e. déterminer le nombre le plus grand ou le plus petit) présentés à une place soit congruente à la localisation dans leur forme soit différente, afin d’avoir un premier regard sur le caractère involontaire des Forme des nombres. Les synesthètes se révèlent être plus lents dans le cas où la présentation divergeait de leurs Formes, que dans la condition congruente. À travers l’étude de cas du synesthète S.W., comparé à

dix participants non synesthètes contrôles, Piazza, Pinel et Dehaene (2006) vont

plus loin dans cette analyse en déclinant l’étude de cet effet à diverses tâches.

Comme les cinq synesthètes décrits dans l’étude de Sagiv et collaborateurs (2006),

S.W. était plus rapide que les sujets contrôles lorsque les attributs spatiaux des stimuli étaient compatibles à l’orientation globale de sa séquence numérique et au contraire plus lent lorsqu’ils étaient incompatibles, que la ligne représentant la

5. Cf. encadré section 2.3.1 page 65.

6. cf. encadré section 2.3.1 page 68. Le terme indiçage renvoie à la présentation d’un stimu-lus, l’indice, afin d’annoncer un stimulus cible. Les performances de réponses en seront alors améliorées.

64 2. TROIS EXEMPLES DE SYNESTHÉSIE forme de S.W. soit présentée à l’écran ou non. Ces résultats sont répliqués lorsque la tâche du participant est une comparaison de magnitude à une norme fixe, mais dans une tâche de parité, le synesthète S.W. parait répondre de la même façon que les contrôles (i.e. les petits nombres sont plus vite identifiés à gauche, les grands à droite). Ce dernier résultat est à considérer avec attention car l’effet SNARC est de manière générale moins fort dans ce type de tâche que dans celles impliquant

for-tement la cognition de la magnitude des nombres (Wood et al., 2008). L’étude de

cas du synesthète français D.G. (en comparaison avec huit participants contrôles)

de Hubbard et collaborateurs (2009) a pour objectif de tester l’automaticité de

la synesthésie Forme des nombres en répliquant et étendant les résultats de ces

deux études (Piazza et al., 2006; Sagiv et al., 2006). Ce dernier associe les petits

nombres avec la plus petite portion de l’espace, et les grands nombres avec la plus grande lors de tâche de comparaison numérique (i.e. quel nombre est le plus petit ou le plus grand) en fonction de la représentation spatiale de sa suite numérique. Cet effet est observé de façon plus faible chez les sujets contrôles. Conformément aux études antérieures dans la population normale et synesthésique, l’effet SNARC observé dans ces deux populations est retrouvé dans la tâche de jugement de ma-gnitude avec une norme fixe. Lors de tâches de parité, l’effet SNARC n’est observé ni chez le synesthète ni chez les contrôles, conformément à l’étude précédemment

décrite (Piazza et al.,2006), au synesthète B. (Jarick et al.,2009) et à l’hypothèse

de la revue de littérature scientifiques sur l’effet SNARC chez la population

géné-rale (Wood et al.,2008). Les auteurs en concluent que l’interférence induite par la

Forme des nombres demande une représentation explicite de l’information spatiale et un accès explicite à l’information de magnitude. La synesthète L., dont la Forme des nombres de 1 à 10 va verticalement de bas en haut puis horizontalement toutes

les dizaines de gauche à droite (Jarick et al.,2009), réplique les résultats observés

dans les tâches de jugement de magnitude chez les synesthètes des études citées ci-dessus, mais aussi dans la tâche de parité ; quelle que soit la Forme que prend la séquence numérique du synesthètes, l’effet SNARC en est dépendant.

2.3. LA SYNESTHÉSIE DE FORME DES NOMBRES 65

L’effet SNARC d’après la revue de Wood et al., 2008

L’effet SNARC (i.e. effet de l’association nombre-position spatiale des codes réponses) a été décrit pour la première fois dans une étude de Dehaene,

Bossini et Giraux (1993) dans des tâches de parité (i.e. pair ou impair) et

de magnitude (i.e. comparaison de deux chiffres) : les participants répondent plus rapidement avec le bouton de gauche pour des petits chiffres (e.g. les chiffres entre 1 et 4 quand la liste s’arrête à 9) et celui de droite pour des grands chiffres (e.g. les chiffres entre 6 et 9 pour la même liste). A travers neuf expériences, ces auteurs ont déterminé que cet effet :

– n’était pas affecté par la latéralité du participant mais pouvait être diminué ou inversé chez les personnes lisant et écrivant de droite à gauche.

– était lié à la localisation du bouton-réponse plus qu’à la main utilisée pour répondre (en croisant les mains, l’effet est toujours le même : les petits nombres font l’objet d’une réponse plus rapide à gauche, les grands à droite).

– était répliqué avec les noms des nombres mais pas avec des lettres ; l’effet ne paraît pas être dû aux séquences mais à des caractéristiques numériques. Les auteurs en concluent qu’il existe une ligne mentale des nombres, reliant nombres et localisation spatiale de manière systématique. Cet effet a été ré-pliqué par la suite avec d’autres paramètres réponses tels que le pointage, les mouvements oculaires et dans la force de la prise. Les temps de réponses et la nature de la tâche paraissent avoir un impact sur sa taille ; il est compa-rable quand les études utilisent les chiffres arabes, ou les noms des chiffres (qu’ils soient écrits ou parlés). De plus, la force de l’effet SNARC est d’au-tant plus grande que la magnitude des nombres est activée. Il pourrait donc bien y avoir une association entre nombre et espace, mais surtout dans les tâches sémantiques (e.g. tâche de parité), par rapport à celles non séman-tiques (e.g. discrimination de couleur). L’effet SNARC fluctue avec l’âge des participants : plus l’échantillon interrogé est âgé, plus l’effet est grand. Wood

et collaborateurs (2008) ont estimé que pour observer un effet les enfants

in-terrogés doivent avoir environ 9,5 ans. Les auteurs émettent l’hypothèse que les enfants n’activent pas la magnitude des nombres de la même manière que les adultes, et que l’organisation des nombres dans l’espace doit être moins automatique.

L’effet d’indiçage spatial : Jarick et ses collaborateurs (Jarick et al., 2009)

ont repris la tâche mise en place par Fischer (Fischer et al.,2003; cf. encadré page

68) pour étudier le caractère involontaire et automatique des Formes des nombres de deux synesthètes (L. et B.). Dans la condition « alignée » l’indiçage oriente vers