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Homogénéité ou disparité de la répartition des boutiques ?

Une rue-symbole et des lieux transparents

B. Structures spatiales de l'offre commerciale

2. Homogénéité ou disparité de la répartition des boutiques ?

Les cadres du shopping sont supposés offrir une diversité de boutiques, une diversité d'offre pour chaque type de consommation possible. Quelle est-elle ? Comment s'organise-t-elle dans l'espace ? L'homogénéité de la répartition d'une diversité de boutiques implique un mélange sans ordre sous-jacent ; au contraire, la disparité de la répartition d'une diversité de boutiques implique une tendance à la différenciation spatiale, à la spécialisation de sous-ensembles qui tendent à l'homogénéité. Voici les trois critères dont on se propose d'étudier la répartition spatiale. Premier élément de diversité favorable au shopping, la diversité des types d'objets proposés à la vente, des vêtements aux accessoires, bijoux fantaisie en passant par la maroquinerie. Deuxième élément, la diversité des cibles (des destinataires, à ne pas confondre avec les acheteurs ou les visiteurs), qu'il s'agisse d'hommes, de femmes, de magasins mixtes ou spécialisés dans les vêtements d'enfants. Enfin, troisième élément, les prix moyens des articles proposés à la vente. Les trois cartes suivantes permettent de visualiser l'(in)différenciation pour chacun des trois critères retenus.

Deuxième partie - Chapitre 4

Figure 14. Disparités spatiales de quelques sites de commerce d'équipement de la personne

N.B. : La notion de « style » vestimentaire, ou celle de l'âge potentiel des cibles, auraient également pu être retenues de manière pertinente, afin de mettre en valeurs d'autres différenciations spatiales probablement très intéressantes. Cependant, le premier de ces deux critères aurait demandé l'établissement d'une typologie à partir d'un matériau peu favorable, extrêmement qualitatif et subjectif, et les catégorisations des enseignes selon ces deux critères, basés essentiellement

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sur l'intuition mais également dépendants des préjugés auraient demandé de mobiliser plusieurs enquêteurs ayant des styles de vie différents afin de permettre vérifications et croisements.

Il apparaît que, ni dans les centres commerciaux, ni dans les rues piétonnes, ni au centre, ni à la périphérie de l'agglomération, le type d'objets proposés à la vente et les cibles (selon leur genre) ne fait l'objet d'aucune forme de différenciation spatiale. L'homogénéité du mélange domine dans l'ensemble. Quels que soient les espaces, l'offre en vêtements prédomine largement et l'offre à destination des seules femmes comme l'offre à destination des hommes et femmes ont une part importante. Cependant il existe de petits effets de proximité, qui engendrent de petits effets de concentration : au milieu de la rue Sainte-Catherine, autour de la place Saint-Projet et du carrefour avec la rue du Loup, une concentration de magasins de chaussures ; au milieu de la rue Porte-Dijeaux, une spécialisation autour des vêtements pour enfants.

Cependant la troisième carte montre de manière tout aussi limpide, quoique nuancée, que le prix de vente n'est pas complètement indépendant de la répartition spatiale des boutiques au sein de chaque site.

Aucun quartier, aucune rue ne présentent une homogénéité stricte de la gamme des prix. En revanche, certains tronçons sont, dans l'ensemble, homogènes. Dans les centres commerciaux, l'offre est centrée sur les gammes moyennes. Mais sur l'ensemble des rues concernées dans l'hypercentre, les grandes lignes de la répartition spatiale sont évidentes. L'offre dans le secteur nord, en particulier le Triangle, est nettement plus haut de gamme que dans le secteur sud. Le quartier n'est pas une entrée pertinente pour la description de cette carte, qui montre plutôt des axes centrés sur le haut de gamme (le « Triangle », les rues Bouffard, du Pas-Saint-Georges, du Temple et de Grassi), des axes centrés sur les moyennes gammes (Porte-Dijeaux, Sainte-Catherine, centres commerciaux) et des axes, qui, sans être véritablement centrés sur le bas de gamme, regroupent les bas et moyenne gamme (sud de Sainte-Catherine et Victor-Hugo). Le critère des prix de vente joue dans la spatialisation du commerce.

La primauté du critère du prix comme facteur de différenciation spatiale n'est pas anodine, alors que le type d'objet et le genre des cibles sont des facteurs d'homogénéité spatiale de par leur mélange. L'expression spatiale de ces différenciations n'est pas étonnante, car les quartiers nord du centre sont réputés pour être des quartiers d'affaire et du luxe, alors que les quartiers sud sont réputés pour être plus populaires, plus estudiantins, surtout à partir du cours Victor-Hugo. Ces différenciations spatiales font système et la répartition du commerce vestimentaire n'en est qu'une expression.

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L'organisation spatiale du commerce d'équipement de la personne dans l'agglomération bordelaise se dessine de plus en plus nettement et donne quelques éléments qui éclairent les images exposées dans la première partie de ce chapitre, car les deux représentations entrent en cohérence l'une avec l'autre. La spatialité du commerce d'équipement de la personne peut se résumer en trois points. D'abord, elle dessine des sites bien circonscrits, répartis dans l'agglomération à intervalles réguliers, structurés selon des axes piétons. Ensuite, le centre, massif, prime sur les autres sites en termes quantitatifs, de diversité dans les gammes et dans

l'approvisionnement, tout en étant fortement contrasté91. Enfin, l'insertion spatiale dans la ville et

l'accessibilité de chacun est variable. Les logiques économiques produisant cette organisation commerciale, traduisent et révèlent à tous les niveaux un ordre social.

L'étude des représentations mise en regard avec cette approche des structures commerciales présente une dichotomie. D'une part, selon l'angle de la pratique du shopping, l'espace complexe du centre-ville apparaît comme un véritable lieu au sens de Marc Augé, à la fois historique, identitaire (cf. guides) et relationnel (cf. Sud Ouest) – (1. Augé, 1992). Il est reconnu comme objet public, comme espace de distraction, et paraît être une étape incontournable voire nécessaire de la pratique du shopping dans l'agglomération bordelaise. D'autre part, les centres commerciaux, certes de poids mineur au niveau commercial alors qu'ils sont tout de même des pôles attractifs pour le shopping (cf. chapitre 7), apparaissent comme des non-lieux. Ce ne sont pas des non-lieux au sens de Marc Augé, mais des lieux transparents dans ces représentations du shopping : s'ils ne sont pas inexistants, ils sont d'importance mineure ou de seconde catégorie.

Cette dichotomie des représentations n'est pas sans lien avec les représentations urbaines et, en particulier, avec les représentations des espaces selon leur distinction et le plaisir permis par leur fréquentation. La dualité entre centres commerciaux et périphéries doit être questionnée, mais il semble pour cela beaucoup plus fécond d'utiliser les notions de forme urbaine et de cadre (cf. chapitre 3) que d'en répertorier les points communs et les différences.

91 La concentration d'un commerce franchisé et varié, non pas dans l'ensemble du quartier de l'hypercentre, mais sur ses axes piétonniers et commerçants majeurs (4. Desse, 2001a) est très lisible à Bordeaux

Deuxième partie - Chapitre 5

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