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D. Enquêter sur le shopping 26

5. Expressions graphiques

Introduction

Ces quatre modalités d'enquête sur le shopping ont donné lieu à des restitutions sous forme de photographies, de textes, de différents types de données comptabilisées, mais aussi à la production de documents graphiques, parmi lesquelles des représentations spatialisées ou des représentations schématiques (cf. tables des figures, p. 457). Une large gamme d'outils d'expression graphique a été sollicité, des croquis et des plans aux synthèses, en passant par les typologies, sur un arrière-plan de réflexion sur la sémiologie graphique des cartes, des plans, des

schémas spatiaux et des schémas sagittaux36.

Cette introduction a soulevé un grand nombre de questions sur les relations entre géographie et shopping, par rapport à l'utilisation de la notion d'expérience, par rapport aux rôles des instances économique et culturelle, sur la dimension urbaine, au sujet du rôle des vêtements et de la corporéité. La première partie se consacrera à l'étude des questionnements réciproques de la géographie et du shopping, en faisant appel aux sciences humaines et sociales (anthropologie, sociologie et philosophie aux premières loges). Une fois que ces questions auront trouvé des réponses satisfaisantes et que l'approche géographique aura été justifiée, l'analyse se concentrera sur cette dialectique majeure qui existe entre les cadres du shopping (deuxième partie) et les expériences du shopping (troisième partie). Les cadres seront questionnés sur leur structure et leurs productions, selon les points de vue urbain, commercial et historique, afin d'en élucider les dimensions cognitives et spatiales. Les expériences, approchées tant par les récits, les questionnaires et les observations, seront interrogées sur les procédés de leur production par l'individualité dans le contexte de ces cadres – la recherche de l'explication des expériences du shopping sera abordée de plusieurs manières. Les espaces produits par ces expériences seront aussi mis en lumière.

36 L'ensemble des documents présentés ici ont été personnellement réalisés grâce à l'œil vigilant et aux conseils pertinents d'Olivier Pissoat, Ingénieur d'études au laboratoire CNRS ADES, qui a supervisé leur conception et leur réalisation. Ils ont été exécutés avec les logiciels Phicarto (Ph. Waniez) et Adobe Illustrator.

Première partie - Géographie et shopping

Première partie - Géographie et shopping

P

REMIÈRE PARTIE

G

ÉOGRAPHIE ET SHOPPING

: I

NTERACTIONS

Comment envisager et approcher le shopping ? Cette pratique sociale ne donne lieu à aucune

formalisation institutionnelle. Elle cohabite avec des pratiques urbaines non déterminées37, elle ne

connaît pas d'autres limites que celle des espaces de l'offre commerciale, sans qu'aucun de ces lieux n'y soit entièrement dévolu ni strictement réservé. Au cours d'une promenade ou à la fin des (vraies) courses, on se met à faire du shopping sans même y penser ; on s'arrête sans le savoir, fatigué, dans un café, avant le retour au parking. À la fin d'une journée, il subsiste peu de traces de l'intense activité de l'après-midi, quelques emballages abandonnés dans la rue et les poubelles débordantes sont les seuls souvenirs des jours de braderie, déjà enlevés avant le lendemain. La pratique du shopping est fluctuante et éphémère : elle est une combinaison de comportements individuels totalement indépendants les uns des autres. Elle renvoie avant tout à l'individualité urbaine : aux vécus, sensations, intentions, décisions, gestes, et surtout au désir. La première manifestation de cette pratique est l'immense corps fluide d'une foule active, dense, insaisissable. Cet objet non formalisé qui n'offre que peu de prises renvoie le chercheur à un sentiment d'impuissance.

Le risque majeur est alors de réduire la pratique du shopping à l'une de ses dimensions, en faisant fi des autres et de la complexité du phénomène, de sa richesse et de sa profondeur. Qu'est-ce que le shopping, d'un point de vue géographique ? L'hypothèse formulée en introduction veut que le shopping soit d'abord une expérience spatiale. Un premier chapitre s'attachera à en mettre

Première partie - Géographie et shopping

en évidence les principales dimensions, et montrera ainsi comment la notion d'expérience préserve la complexité des pratiques sociales.

Il s'avère que shopping et géographie sont véritablement en interaction en ce qu'ils s'interrogent l'un l'autre. L'objet (le shopping) questionne sur la grille de lecture théorique et méthodologique utilisée pour son observation (la géographie). Comment construire une approche géographique qui puisse répondre aux enjeux de la prise en compte des dimensions culturelles, économiques et sociales d'une expérience spatiale ? Qui puisse questionner l'irréductible dimension individuelle, sans couper les personnes de leur environnement social, sans oublier la construction sociale des personnalités et des comportements ?

Le shopping est une pratique qui vise (à court ou moyen terme) à l'appropriation d'objets, en particulier de vêtements, selon des modalités spécifiques. Il pourrait à ce titre relever d'une approche économique. En s'interrogeant sur l'appropriation des objets de l'apparence, le second chapitre montrera que l'économie dans laquelle s'inscrit le shopping est en grande partie une économie symbolique, pour laquelle les outils proposés par l'anthropologie économique semblent pertinents.

Enfin, l'approche théorique esquissée en introduction à partir de l'interactionnisme symbolique et de la phénoménologie sera consolidée et approfondie dans le troisième chapitre afin de permettre une véritable compréhension de la corporéité et du cadre de l'expérience.

Ces trois chapitres poseront chacun à leur manière les questions du rôle joué par le corps, les apparences, du statut des espaces de consommation par rapport à l'expérience et de ce que le shopping représente dans l'espace urbain.

Première partie - Chapitre 1

Première partie - Chapitre 1

Chapitre 1