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Histoire B : message narratif et émotif dans lequel un médecin témoigne

Chapitre 4- Résultats

4.3 Perception des messages de promotion de la vaccination contre la rougeole

4.3.2 Histoire B : message narratif et émotif dans lequel un médecin témoigne

Dans cette histoire, un pédiatre raconte qu’un de ses jeunes patients, pour lequel les parents ont refusé la vaccination, a attrapé la rougeole. Le médecin veut maintenant en faire davantage pour promouvoir la vaccination.38 Cette histoire a initialement suscité beaucoup de réponses négatives et a été modifiée de façon substantielle entre les groupes de discussion, entre autres afin de la rendre moins dramatique et moins culpabilisante.39 Le message principal de cette histoire, soit d’inciter à faire vacciner son enfant, semblait avoir été bien capté par les participants.

Perception du médecin

Globalement, le médecin de cette histoire semblait avoir été perçu plutôt négativement. Bien que quelques participants lui accordaient une certaine crédibilité, plusieurs autres la mettaient plutôt en doute. Ainsi, deux participants ont affirmé qu’ils trouvaient que l’histoire racontée était crédible et une mère semblait faire confiance à son statut « d’expert » (DP2, favorable à la vaccination). À l’inverse, deux participants semblaient voir les propos du médecin comme une opinion et non comme des faits. Un père l’exprimait ainsi :

Je compare ça un petit peu à une annonce à la TV où ils vont mettre un produit sur une voiture. Ils mettent un sarrau blanc parce que ça a l'air crédible, le monde a confiance. Ici, c'est un peu le même principe. C'est une personne de la santé qui va parler du message. L'impact est sûrement plus important. Mais, c'est juste un médecin parmi plein d'autres. Et il y en a plein d'autres, et pleins d’autres études. Moi, je trouve que c'est l'image que ça donne. (AP6, hésitant à la vaccination)

La crédibilité du médecin semblait aussi mise à mal lorsque des participants trouvaient qu’il dramatisait ou exagérait au sujet de la sévérité de la maladie, de sa responsabilité dans la prévention de la rougeole de son patient et de l’éclosion qui a suivi, ainsi que lorsqu’il disait vouloir mettre tout en œuvre pour convaincre des parents refusant ce vaccin de changer d’avis. Ainsi, un participant a comparé le médecin à un « médecin de soap opera » (CP1, favorable à la vaccination). Voici également un exemple d’échange survenu en réaction au passage où il est écrit que, au courant de sa carrière, le médecin avait diagnostiqué et annoncé plusieurs

38 La première version des messages testés peut être consultée dans l’annexe II. 39 Les modifications effectuées peuvent être retrouvées dans l’annexe III.

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maladies graves chez des enfants, mais que le jour où il a annoncé un diagnostic de rougeole chez un enfant le hantait encore :

-Au début, il a dit que cette maladie-là aurait pu être évitée… (AP3, hésitante à la vaccination) - OUI! Il diagnostique des cancers, mais ça là… (AP2, favorable à la vaccination)

- …mais combien de fois on met notre nez où on n'a pas d'affaire et ça finit à l’hôpital… surtout des enfants, on en a toutes. Tu dis : « tout le reste c'est correct, qu'il se casse la gueule et qu'il se mette les pieds où il n'a pas d'affaire, c’est correct, mais ça là, c'est la fin du monde ». Ce côté- là m'accroche un peu, je me dis attends un peu, c'est une maladie parmi tant d'autres. (AP3, hésitante à la vaccination)

Bien que le message ait ensuite été modifié pour que le diagnostic de rougeole soit annoncé pour un enfant et son frère plutôt que pour un enfant seulement, des participants du groupe exposé à cette version ont réagi de la même façon que précédemment. Certains participants avaient également l’impression que le médecin voulait en faire trop lorsqu’il disait qu’il mettrait tout en œuvre pour essayer de convaincre des parents, un père y voyant même un côté « moralisateur » (BP1, favorable à la vaccination). Bien qu’elle comprenait pourquoi le médecin voulait agir ainsi, une mère hésitante à la vaccination avait aussi une réaction négative à ce message :

Je pense que je ferais la même chose que le médecin. Je comprends que si ça t'arrive comme médecin, tu vas aller vers ça pour ne plus jamais que ça n’arrive. En même temps, l’effet que le message a sur moi, on dirait qu'on veut me rentrer un message dans la gorge. Et quand j'ai cette impression, on dirait tout de suite que je me mets un peu sur la défensive. Je n’aime pas ça. (AP7, hésitante à la vaccination)

Après avoir atténué les propos du médecin dans le texte, la perception que le médecin exagérait sur différents plans ne semblait plus présente dans le ou les groupes de discussion exposés à ces versions.

Finalement, une participante faisait moins confiance à un médecin qu’à une mère dans le contexte d’un message de promotion de la vaccination. Elle le justifiait ainsi : « parce que je me suis dit, vous êtes médecin, donc bien sûr que vous allez être pro-vaccination, tu sais. »40 (CP6, favorable à la vaccination)

Perception du contenu

Contenu narratif

Plusieurs participants étaient critiques de l’aspect narratif de cette histoire. Par exemple, un père n’appréciait pas que le médecin raconte comment il a réagi au fait qu’un de ses patients ait contracté la rougeole, trouvant que cette histoire était « trop comme une biographie » avec un côté « sentimental » (BP7, favorable à la vaccination). De plus, quelques participants ont évoqué qu’une histoire, ou une anecdote, était insuffisante pour

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les convaincre. Voici ce qu’une participante, qui souhaitait d’ailleurs que les messages présentent davantage de statistiques, disait à cet effet :

Moi, je lis ça et je dirais : "prouvez-moi, tu sais vous faites juste me raconter une histoire, prouvez- moi que ça vaut la peine de le faire vacciner." Parce que là, il va essayer de me conter cette histoire-là… là encore, je reviens sur mes statistiques. Je comprends que c'est un professionnel qui a vécu une mauvaise expérience, mais il y en a aussi à l’envers... (AP1, hésitante à la vaccination)

Malgré tout, deux participantes exposées à la dernière version de l’histoire ont semblé apprécier son contenu narratif. Une de ces mères, pour qui il s’agissait d’ailleurs de l’histoire préférée, y voyait « une bonne combinaison d’un récit dans qui la concernait, mais qui vient aussi d’un expert »41 (DP2, favorable à la vaccination). L’autre appréciait les détails donnés sur le cas de rougeole décrit (DP1, favorable à la vaccination). Plusieurs participants semblaient aimer davantage les portions factuelles qui se trouvaient dans ce message.42 Ainsi, un peu plus du tiers des participants, dont trois parents hésitants à la vaccination, ont indiqué qu’ils aimaient lire ces informations. De plus, quelques participants disaient préférer cette histoire à l’histoire A, car ils y trouvaient plus d’information que dans une histoire anecdotique, comme on peut le voir dans cet extrait : « Je préfère l'histoire B parce que ce n'est pas seulement basé sur l'expérience personnelle, au moins il y a des faits qui viennent du médecin, alors au moins, il y a eu beaucoup d'études de faites avant de publier cette information. »43 (CP3, favorable à la vaccination)

Émotions évoquées

Plusieurs participants semblaient avoir diverses réactions émotives à ce message. Ainsi, deux participants trouvaient cette histoire sensationnaliste. Deux mères trouvaient que le récit de l’enfant relaté dans cette histoire les touchait. Cet élément du message pouvait également amener du regret anticipé, comme chez cette participante :

[...] si tu avais décidé de ne pas faire vacciner tes enfants et que finalement, ils attrapent la rougeole et quelque chose d'horrible arrive, alors tu y repenserais et tu serais, comme ... tu te sentirais horriblement coupable, et je ne pense pas que cela serait nécessairement utile à ce moment-là de toute façon, alors je ne sais pas.44 (DP6, favorable à la vaccination)

41 Citation en langue originale : « a good combination of a relatable story but also coming from an expert »

42 En effet, on retrouvait dans l’histoire B des informations sur la rougeole qui ne se trouvaient pas dans les autres histoires : une

phrase décrivait la transmission aérienne du virus de la rougeole et deux phrases contenaient des statistiques d’efficacité sur le vaccin RRO. Également, outre pour le dernier groupe de discussion pour lequel cela avait été harmonisé, il y avait une phrase sur les complications possibles dans toutes les histoires sauf la A qui n’illustrait les effets de la rougeole qu’avec le cas de l’enfant qui est décrit.

43 Citation en langue originale : « I prefer the story B because it’s not just based on personal experience, at least it has some facts from the doctor so at least it’s gone through a lot of study before they release that information. »

44 Citation en langue originale : « […] if you did decide to not get your kids vaccinated and heaven forbid they came down with the measles and something horrible happened, then you think back to that and you'd be, like ... you would feel horribly guilty, and I don't think that that would be, necessarily, helpful, anyway at that point in time, so I don't know. »

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En fait, un effet culpabilisant était ce qui était le plus souvent noté par les participants. Ainsi, la première réaction d’une mère après avoir lu l’histoire B était : « C’est un guilt-trip sur papier » (CP4, favorable à la vaccination). Près de la moitié des participants trouvaient que le médecin culpabilisait les parents qui avaient refusé la vaccination contre la rougeole pour leur enfant dans cette histoire et la presque totalité d’entre eux semblaient percevoir cela négativement.45 On retrouvait parmi ces participants la mère défavorable à la vaccination, deux mères hésitantes à la vaccination et plusieurs parents favorables à la vaccination. Voici un exemple de réaction à la culpabilisation par le médecin : « […] c’est malpoli. Je fais vacciner mes enfants, mais ces propos m’offusquent quand même. »46 (DP1, favorable à la vaccination) Finalement, il y a eu un échange où deux parents se questionnaient sur l’influence du médecin en comparaison avec un autre parent dans la culpabilité induite:

- Après ça, ces parents doivent être assez démolis. Imagine, s'il fallait qu'ils voient le témoignage du médecin à la TV, ils vont culpabiliser longtemps. (AP5, favorable à la vaccination)

- C'est peut-être pire que la mère parce qu’il a son statut de médecin en plus. (AP7, hésitante à la vaccination)

- Oui, c'est ça. Il a du pouvoir. (AP5)

- On a déjà tendance à penser qu'il sait des choses que je ne sais pas. Mais on dirait que dans l’histoire A, c'est mère à mère, ou parents à parents. On va peut-être plus [se comprendre entre nous]. Mais là, c'est un expert qui nous dit qu’on n’aurait vraiment pas dû le faire. On dirait que ça joue encore plus. (AP7)

Impact global de l’histoire sur la décision de faire vacciner son enfant

Aucun participant n’a spontanément affirmé que cette histoire avait une influence sur sa décision vaccinale. Trois mères hésitantes à la vaccination ont déclaré que l’histoire B ne les aurait pas convaincues de faire vacciner leurs enfants. À l’inverse, une mère ayant lu la dernière version de l’histoire B trouvait que, en montrant les possibles conséquences de ne pas faire vacciner son enfant, ce message était en quelque sorte convaincant. Aussi, bien qu’ils n’aient pas indiqué si ce message aurait eu un impact sur leur décision, il s’agissait de l’histoire préférée pour une minorité de participants, soit trois parents favorables et une seule mère hésitante à la vaccination. Deux de ces participants avaient été exposés à la deuxième version de l’histoire B et les deux autres, à la dernière version.

45 Voici le passage de l’histoire B qui semblait causer cette perception : « En tant que médecin, vous avez l'habitude d’annoncer un

diagnostic en disant quelque chose comme: ‘Ce n'est pas votre faute’, ou ‘Les enfants ont des accidents, ça arrive. C'est normal,’» explique le docteur Tremblay. « Mais la rougeole de William, c'était évitable. William n'aurait pas été hospitalisé s'il avait été vacciné. »

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