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Chapitre 5- Interprétation et discussion

5.1 Discussion sur les croyances, perceptions et attitudes sur la vaccination

5.1.2 Dualité entre l’empowerment et la confiance

Deux concepts semblaient importants pour distinguer les différentes attitudes vaccinales des participants : l’empowerment et la confiance. Ces deux construits sont également à la base du cadre théorique proposé par Peretti-Watel et al. (2015) afin d’aborder le concept d’hésitation vaccinale. En effet, plutôt que de considérer l’hésitation vaccinale comme une attitude, ces derniers proposent de la définir comme un processus décisionnel déterminé en grande partie par le positionnement des parents sur deux axes. Le premier axe réfère au niveau d’adhésion à une culture encourageant les individus à se préoccuper des risques à la santé et à prendre en charge leur santé. Le second axe correspond au niveau de confiance dans les autorités de santé.

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Dans ce projet de recherche, l’empowerment semblait important pour une proportion plus grande de participants hésitants que de participants favorables à la vaccination. Les propos de différents parents hésitants à la vaccination laissaient voir que la prise d’une décision éclairée était un principe qui leur était cher. Par exemple, plusieurs souhaitaient recevoir des informations neutres, présentant les pour et les contre de la vaccination. Chez des parents présentant de l’hésitation vaccinale, ce désir d’avoir accès à des informations balancées et non polarisées a déjà été observé dans d’autres études (Dubé, Vivion, et al., 2016; Glanz et al., 2013; Sobo, Huhn, Sannwald et Thurman, 2016).

Il est à noter cependant que quelques participants favorables à la vaccination semblaient aussi valoriser la prise de décision éclairée et l’accès à des informations présentant les pour et les contre de la vaccination. Ainsi, une revue Cochrane, qui a fait une synthèse des données probantes qualitatives portant sur l’expérience qu’ont les parents des communications en matière de vaccination infantile, a trouvé avec un niveau de certitude élevé que les parents désiraient avoir des informations balancées sur les bénéfices et les risques des vaccins destinés aux enfants (Ames et al., 2017). Considérant que, dans le domaine de la santé, le consentement éclairé ainsi que l’empowerment sont encouragés (Dubé et al., 2013; Peretti-Watel et al., 2015), il n’est pas étonnant que différents parents souhaitent être davantage informés.

Dans leur modèle, Peretti-Watel et al. (2015) distinguent une autre catégorie de parents hésitants à la vaccination qui ne seraient pas vraiment intéressés à s’autonomiser. Leurs enfants auraient des retards vaccinaux pour des raisons de l’ordre de la complaisance (par exemple, parce qu’ils n’auraient pas eu le temps d’aller au rendez-vous) ou n’auraient pas eu un processus de réflexion avant de refuser un vaccin (par exemple, en se fiant simplement à des rumeurs ou à leurs émotions). Toutefois, aucun parent correspondant à ce profil n’a été retrouvé parmi les participants à ce projet de recherche.

Confiance

Le niveau de confiance que les participants avaient envers les autorités de santé semblait être un autre élément important qui distinguait les différents groupes d’attitude vaccinale. Les parents qui étaient favorables à la vaccination semblaient avoir un niveau de confiance élevé dans les recommandations de leur médecin. De plus, alors que la grande majorité des participants n’avaient que peu de connaissances au sujet des MEV et de la vaccination, environ les deux tiers des parents favorables à la vaccination suivaient les recommandations de leur médecin sans chercher à avoir davantage d’information sur la vaccination. Ainsi, plutôt que de chercher à s’autonomiser en allant s’informer, ces parents semblaient s’en remettre à ce que leur médecin leur disait et à ce qui était recommandé par les autorités de santé publique. Certaines études ont d’ailleurs identifié que le fait

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de faire confiance à son médecin ou aux autorités sanitaires serait un déterminant important de l’acceptation vaccinale des parents (Austvoll-Dahlgren et Helseth, 2010; Benin et al., 2006). Les résultats du présent projet de recherche réitèrent donc l’importance des recommandations des professionnels de la santé pour promouvoir la vaccination, ainsi que leur importance en tant que source d’informations pour de nombreux parents, tel qu’il l’est souvent relevé dans la littérature (Benin et al., 2006; Dubé et al., 2013; Gust et al., 2008; Yaqub et al., 2014).

À l’inverse, quelques parents avaient des réserves par rapport aux recommandations des médecins et des autorités de santé publique. À un extrême, la mère défavorable à la vaccination ne croyait pas que son pédiatre avait les intérêts individuels de son enfant à cœur en matière de vaccination comme il se préoccuperait davantage de l’immunité collective selon elle. La croyance que son médecin n’a pas les meilleurs intérêts de son enfant à cœur a d’ailleurs déjà été associée à une plus grande hésitation vaccinale dans une étude (Smith et al., 2011). De plus, une mère hésitante à la vaccination voyait une influence des compagnies pharmaceutiques sur les recommandations en matière de vaccination. Cette dernière croyance peut d’ailleurs être retrouvée fréquemment sur les sites anti-vaccinaux (Kata, 2010). Bien que l’industrie pharmaceutique semblait globalement mal perçue par les participants de ce projet de recherche, aucun autre parent n’a exprimé qu’il croyait possible que les autorités de santé soient manipulées par l’industrie pharmaceutique.

D’autres parents exprimaient aussi un manque de confiance, mais de manière moins marquée que chez les participantes précédemment mentionnées. Par exemple, une femme favorable à la vaccination semblait avoir de la difficulté à faire complètement confiance aux recommandations basées sur la science étant donné que certaines recommandations changent avec l’avancement des connaissances. De même, bien que quelques parents (dont plusieurs étant hésitants à la vaccination) semblaient voir les médecins comme une bonne source d’informations, certains ne paraissaient pas pouvoir s’en remettre aux informations fournies et allaient également s’informer ailleurs. Sachant que l’époque actuelle favoriserait la remise en question des autorités médicales et scientifiques tout en encourageant à s’informer (Kata, 2010), on peut y voir là une certaine dualité entre la confiance dans les autorités de santé (dont les médecins) et l’appropriation du pouvoir décisionnel par les parents. Une revue Cochrane a trouvé, avec un niveau de certitude élevé, qu’il y aurait un lien entre le niveau de confiance dans une source d’informations et à quel point un parent continuerait à chercher encore d’autres informations ailleurs (Ames et al., 2017). De ce fait, si un parent fait moins confiance à la source, il aurait moins tendance à accepter les informations données par cette source et serait plus porté à poursuivre ses recherches plutôt que de s’arrêter là (Ames et al., 2017).

Par ailleurs, certaines caractéristiques des communications en matière de vaccination pourraient contribuer à encourager les parents à rechercher de l’information ailleurs. En effet, dans le cadre de ce projet de recherche,

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une mère hésitante et la mère défavorable à la vaccination étaient explicites à l’effet que leur perception de la crédibilité d’un message serait liée au fait qu’il contienne des informations balancées ou non. Ceci rejoint d’autres études dans lesquelles des parents, à l’instar de la mère défavorable à la vaccination dans ce projet, avaient l’impression que seuls les bénéfices à la vaccination étaient présentés par les sources d’information gouvernementales ou du système de santé alors que les informations sur les risques seraient cachées (Ames et al., 2017). De même, Sobo et al. (2016) ont conclu qu’un message seulement pro-vaccination peut être suspect pour certains parents.

Or, comme l’ont remarqué certains participants de ce projet de mémoire ainsi que des parents dans d’autres études, la recherche d’informations peut être ardue en raison de la quantité d’informations et de la difficulté à savoir quelles sources d’informations sont dignes de confiance (Ames et al., 2017; Harmsen et al., 2013). Il peut également être inquiétant de savoir que de nombreux sites web anti-vaccinaux font la promotion du choix informé, tout en ayant tendance à présenter de l’information davantage en défaveur de la vaccination (Kata, 2010). Peretti-Watel et al. (2015) font donc une mise en garde au sujet des interventions de promotion de la santé encourageant l’empowerment des parents : à moins que les parents hésitants à la vaccination aient confiance dans les autorités sanitaires, il y aurait un risque que ces derniers deviennent moins favorables à la vaccination. En effet, si d’une part les parents sont encouragés à prendre des décisions éclairées et souhaitent s’informer, et que d’autre part ils ne font pas totalement confiance aux informations fournies par les autorités de santé (par exemple parce qu’elles ne sont pas balancées), il y a un risque qu’ils aillent consulter d’autres sources d’information encourageant à ne pas se faire vacciner. Il semble donc important de prendre au sérieux la critique que plusieurs participants de ce projet de recherche ont faite à l’effet que certains messages testés ne parlaient pas assez des risques de la vaccination.

Finalement, le niveau de confiance dans d’autres intervenants impliqués dans l’immunisation a aussi pu être brièvement évalué dans ce projet de recherche. Ainsi, bien que quelques parents faisaient confiance aux infirmières, leur capacité à répondre à leurs questions au sujet de la vaccination a été mise en doute par deux mères du Québec. Bien qu’il n’ait pas été clarifié avec ces dernières si leur perception négative était née de mauvaises expériences à cet effet, ceci soulève quand même un questionnement à savoir si les infirmières vaccinatrices disposent de bons outils pour les aider à répondre aux parents. Par ailleurs, il était rassurant de voir que plusieurs participants faisaient confiance aux autorités de santé publique. Par contre, deux enjeux potentiellement modifiables qui pourraient limiter la confiance accordée à la santé publique ont été soulevés. Il y avait d’abord le fait que les calendriers vaccinaux n’étaient pas uniformes entre les provinces et territoires du Canada. Ensuite, il y avait cette impression de manque de transparence chez la participante défavorable, qui percevait que les effets secondaires rares, mais graves, n’étaient pas mentionnés dans les communications des autorités de santé.

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