• Aucun résultat trouvé

Considérations sur la catégorisation de l’attitude sur les vaccins en général

Chapitre 5- Interprétation et discussion

5.1 Discussion sur les croyances, perceptions et attitudes sur la vaccination

5.1.1 Considérations sur la catégorisation de l’attitude sur les vaccins en général

Depuis plusieurs années, la littérature indique que la caractérisation de l’attitude vaccinale des parents ne peut être réduite à une classification dichotomique entre un groupe en faveur de la vaccination et l’autre contre la

71

vaccination (Gust et al., 2005). Tout en admettant que l’attitude vaccinale d’un individu peut être placée sur un continuum allant de la demande active des vaccins jusqu’au refus complet des vaccins (Dubé et al., 2013), il semblait plus utile dans le cadre de ce projet de regrouper les participants en certaines catégories d’attitude afin de pouvoir les comparer et possiblement extrapoler les résultats à des groupes semblables dans la population. Toutefois, malgré le fait que les trois catégories choisies aient été délimitées à l’aide de caractéristiques retrouvées dans la littérature et que les résultats au questionnaire PACV aient été utilisés, il n’était pas toujours évident à première vue dans quelle catégorie certains participants devaient être placés.

Seuils du questionnaire PACV

L’utilisation des résultats au questionnaire PACV devait permettre de faciliter ce processus en confirmant certains classements réalisés à l’aide de l’analyse des verbatim et en amenant un questionnement sur certains autres. Certes, deux des questions du questionnaire PACV distribué dans cette étude n’employaient pas exactement la même échelle que dans celui qui a été validé (échelle de Likert à 10 points plutôt que 11) (Opel, Taylor, et al., 2011; Opel et al., 2013). Toutefois, avec l’ajustement réalisé59, il nous semble peu probable que cela ait eu un impact significatif sur les scores obtenus par les participants. En fait, à la lumière de la comparaison des propos des participants avec leur score au questionnaire PACV, ce sont plutôt les scores seuils pour les différentes catégories d’attitude qui ont suscité la réflexion. En effet, lors de la validation de ce questionnaire, Opel et al. ont démontré qu’un résultat de 50 et plus est associé à une augmentation des retards vaccinaux et permettrait ainsi d’identifier les parents hésitants à la vaccination (Opel, Taylor, et al., 2011; Opel et al., 2013). Or, une personne peut présenter de l’hésitation vaccinale sans nécessairement avoir déjà refusé ou retardé l’administration de vaccins (Salmon et al., 2015). C’est pourquoi il avait été anticipé dans le cadre de ce projet de recherche que des participants ayant des scores de moins de 50 pourraient être catégorisés comme ayant une attitude d’hésitation vaccinale. Ainsi, une seule participante, qui a d’ailleurs été considérée comme défavorable à la vaccination, a obtenu un score supérieur à 50. La majorité des participants (5 sur 7) classés comme hésitants à la vaccination avaient des scores se situant entre 25 et 50, les 2 autres ayant obtenu des scores plus faibles que 25.

Ainsi, si ce questionnaire est utilisé en clinique pour dépister l’hésitation vaccinale, il ne faudrait pas négliger de donner des informations et de discuter de la vaccination avec les parents qui obtiennent un score de moins de 50. D’une part, un score peu élevé ne semble pas garantir que ces parents sont exempts d’hésitation vaccinale. D’autre part, même s’ils ne présentent pas d’hésitation vaccinale, il semble important de donner des informations au sujet de la vaccination à tous les parents. En effet, comme il a été retrouvé dans les résultats de ce projet de

72

recherche, une revue de littérature systématique a démontré que les parents trouvent en général qu’ils ne reçoivent pas assez d’information sur la vaccination (Ames, Glenton et Lewin, 2017).

Dans un autre ordre d’idées, si ce questionnaire est utilisé pour recruter des participants hésitants à la vaccination dans le cadre d’un projet de recherche, il serait peut-être judicieux d’utiliser un seuil plus bas que 50. Ceci ferait en sorte que le questionnaire soit plus sensible et permette de recruter davantage de participants. Williams et al. (2013) ont d’ailleurs utilisé un score de 25 afin de recruter des parents hésitants à la vaccination. En contrepartie, l’utilisation d’un seuil plus bas rendrait le questionnaire moins spécifique. Ainsi, il pourrait y avoir plus de participants favorables à la vaccination recrutés en utilisant ce seuil, comme dans ce projet de recherche dans lequel 4 participants favorables à la vaccination avaient un score plus élevé que 25.

Réflexions sur les catégories d’attitude générale à la vaccination

Lors de l’analyse des discours, certains éléments pouvaient rendre la tâche de départager l’attitude des parents plus difficile. Ainsi, certains parents pouvaient présenter des caractéristiques relevant de deux catégories, soit celles « favorable à la vaccination » et « hésitant à la vaccination ».

D’abord, il pouvait être difficile de qualifier l’attitude générale des parents envers la vaccination parce que, tel que déjà noté dans la littérature (Dubé et al., 2013; Peretti-Watel et al., 2015), l’attitude de certains participants différait selon le vaccin considéré. Par exemple, certains participants pouvaient exprimer une vision très favorable de tous les vaccins, à l’exception du vaccin contre l’influenza qui pouvait même avoir été refusé. La perception du vaccin contre l’influenza par le public semble effectivement différente des autres vaccins : en 2014, il est estimé que seulement 24 % des enfants québécois de 15 mois avaient reçu une dose de vaccin contre l’influenza alors que 96 % et 98 % avaient reçu trois doses des vaccins antipneumococcique et diphtérie- coqueluche-tétanos-poliomyélite respectivement (Boulianne et al., 2015). C’est pourquoi le refus de ce vaccin n’avait pas été considéré pour classer les participants. Toutefois, des situations où un seul vaccin (outre celui contre l’influenza) avait été refusé, alors que tous les autres avaient été acceptés, sont survenues pour certains participants. On peut donc se questionner s’il serait préférable d’appliquer les différentes catégories d’attitude à chaque vaccin plutôt qu’à la vaccination en général. Ces approches pourraient cependant être complémentaires. Ensuite, l’attitude de certains participants n’était pas statique : leur perception de la vaccination avait évolué au fil du temps. Par exemple, deux participantes qui ont été classées dans le groupe « hésitant à la vaccination » avaient des propos laissant croire qu’elles avaient été davantage hésitantes par le passé, mais qu’une partie de cette hésitation était résolue lors de la tenue des groupes de discussion. Ceci rejoint peut-être les résultats de l’étude de Henrikson et al. (2017) dans laquelle une cohorte de mères a été suivie, de la naissance de leur enfant jusqu’à ce que ce dernier ait atteint 24 mois. Cette équipe a observé une diminution du nombre de mères

73

pouvant être considérées hésitantes à la vaccination, ce qui suggèrerait que l’hésitation vaccinale maternelle pourrait être amenée à diminuer à mesure que les mères acquièrent de l’expérience en lien avec la vaccination (Henrikson et al., 2017). Bien sûr, les expériences avec la vaccination doivent être positives car, à l’inverse, l’expérience d’un effet secondaire suivant l’administration d’un vaccin semble avoir contribué à l’hésitation vaccinale d’une autre participante. Dans la littérature, l’expérience d’effets secondaires peut même amener des parents à cesser de faire vacciner leurs enfants (Harmsen et al., 2013). Ces exemples démontrent que l’attitude vaccinale n’est pas fixe dans le temps et qu’il pourrait être intéressant de tenir compte de ce caractère dynamique lors de la caractérisation des attitudes.

En dernier lieu, les participants de la catégorie « hésitant à la vaccination » ne semblaient pas tous autant critiques envers les vaccins. De même, les facteurs ayant contribué à leur hésitation pouvaient être différents. Il pouvait alors paraître plus ou moins instinctif de placer certains participants dans une seule et même catégorie. Ceci reflète néanmoins la définition du concept de l’hésitation vaccinale comme un spectre d’attitudes entre les extrêmes « pro » et « anti » vaccins, réunissant de ce fait un groupe hétérogène d’individus (Dubé et al., 2013). L’utilisation d’un concept aussi large peut cependant être critiquée : Peretti-Watel et al. (2015) ont même affirmé que l’hésitation vaccinale n’était pas un concept, mais « a catchall category (une catégorie fourre-tout) » (p.3, traduction libre). En effet, à la lumière des différents questionnements qui sont survenus lors de la classification des attitudes des participants, il serait peut-être pertinent de raffiner le concept d’hésitation vaccinale en distinguant quelques sous-catégories. Par exemple, la classification de Leask et al. (2012) utilise 5 catégories qui peuvent être distinguées par des attitudes vaccinales ou des comportements vaccinaux différents. D’un point de vue de santé publique, il serait probablement plus intéressant par contre d’établir des sous-catégories d’hésitation vaccinale qui puissent indiquer le type d’interventions le plus susceptible d’être efficace pour augmenter l’acceptation vaccinale chez ces parents.