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Comparaison des deux messages les plus efficaces : un message narratif dans

Chapitre 5- Interprétation et discussion

5.2 Discussion sur la perception des messages de promotion de la vaccination

5.2.3 Comparaison des deux messages les plus efficaces : un message narratif dans

témoigne

Finalement, en comparant l’efficacité du meilleur message de type narratif (histoire A) avec le meilleur message de type factuel (histoire D), il en ressort qu’il y avait des différences dans les attitudes vaccinales des participants ayant préféré chacune de ces histoires. En effet, des participants favorables à la vaccination étaient convaincus par les deux histoires, mais davantage de parents hésitants à la vaccination préféraient l’histoire D

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comparativement à seulement deux qui préféraient l’histoire A. La participante défavorable à la vaccination, quant à elle, préférait l’histoire A.

L’absence d’une tendance claire pour l’ensemble des parents pris ensemble reflète peut-être la littérature qui n’a pas permis de statuer définitivement sur le fait qu’un de ces types de messages (narratif ou didactique) est plus persuasif qu’un autre (Prati et al., 2012; Winterbottom et al., 2008; Zebregs et al., 2015). Dans ce projet de mémoire, des différences autres que le type de message (témoignage d’une mère ou d’un médecin, informations communiquées dans le message différentes) pouvait aussi influencer les effets des communications testées, de sorte qu’il est difficile d’isoler l’effet du type de message. De plus, en raison du petit nombre de participants hésitants et défavorable à la vaccination, il n’est pas possible d’affirmer que l’histoire D ou l’histoire A est nécessairement préférable pour un de ces groupes. Toutefois, comme il s’agissait d’une étude exploratoire descriptive, l’objectif n’était pas de se prononcer définitivement à cet effet. Les résultats ont quand même révélé des tendances qui méritent de plus amples recherches.

La préférence de plusieurs participants pour l’histoire A est en accord avec d’autres études qui ont observé une plus grande efficacité des messages narratifs (de Wit et al., 2008; Shen et al., 2015; Zebregs et al., 2015) et peut être expliquée par les différents mécanismes détaillés à la section 5.2.1. De plus, l’analyse des données à l’aide du modèle des croyances relatives à la santé a révélé que l’histoire A et l’histoire D ont eu un effet sur la perception de la menace que présente la rougeole, mais que cette influence semblait un peu plus grande suite à la lecture du message A en comparaison à l’histoire D. Également, l’histoire A semblait avoir influencé la perception des bénéfices de l’immunité collective chez davantage de participants que l’histoire D. Dans la littérature, aucune étude relevée évaluant les messages narratifs en santé n’avait utilisé l’ensemble des quatre construits au cœur du modèle des croyances relatives à la santé dans leur analyse. L’effet différentiel de messages narratifs en comparaison avec des messages factuels sur ces construits serait donc à valider. Par ailleurs, certains participants percevaient qu’une anecdote constituait une information limitée par rapport à des statistiques. Cependant, l’histoire A avait quand même un impact pour d’autres parents, dont deux mères hésitantes à la vaccination ainsi que la mère défavorable à la vaccination. Le fait que cette dernière préférait l’histoire A rappelle aussi une étude dans laquelle les participants qui étaient initialement les plus défavorables à un message de promotion d’un comportement répondaient plus positivement à une anecdote qu’à des statistiques (Slater et Rouner, 2002).

Par contre, le fait que le caractère émotif de l’histoire A ait rebuté une mère favorable à la vaccination et un père hésitant constitue un appel à la prudence. Alors que plusieurs théories sur le fonctionnement des messages narratifs s’appuient sur le fait que ces derniers ont la capacité de ne pas être vus comme des messages persuasifs et ainsi de ne pas éveiller autant de résistance qu’un message persuasif traditionnel (Moyer‐Gusé,

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2008), ces participants percevaient plutôt qu’une histoire émotive était manipulatrice. En effet, afin de conserver leur indépendance de choisir leurs attitudes et comportements, les individus peuvent résister et même rejeter les communications persuasives comme ces dernières peuvent être perçues comme une menace à leur indépendance (Moyer‐Gusé, 2008). D’ailleurs, une étude ayant procédé à une analyse de médiation sur les effets d’un message narratif a trouvé que la perception d’une menace à la liberté de choix était associée à une moins bonne attitude envers le comportement promu (Quick et al., 2015). Ainsi, peut-être que l’objectif de persuasion de l’histoire A n’était pas assez dissimulé. Malgré cela, la réaction de ces participants semble indiquer que, si des intervenants de santé publique souhaitent utiliser des messages narratifs et émotifs pour faire la promotion de la vaccination, ceux-ci devront être testés rigoureusement avant d’être diffusés au grand public. Une grande prudence serait nécessaire.

En revanche, la préférence de plusieurs participants hésitants pour l’histoire D, qui était plus factuelle et présentait davantage d’information, s’inscrivait probablement dans leur volonté de prendre une décision éclairée. Cette même optique explique probablement pourquoi certains d’entre eux ont critiqué le fait que les effets secondaires de la vaccination n’étaient pas assez présentés. Dans la littérature anthropologique sur l’hésitation vaccinale, Sobo et al. (2016) ont déterminé que ces parents valorisent la multiplication des perspectives au sujet de la vaccination dans leur recherche d’information. Ceci peut aussi expliquer, dans le présent projet de recherche, l’importance qu’accordaient les participants hésitants à la vaccination au fait de retrouver les différents côtés de la vaccination dans les messages lus. Cependant, il faut bien noter que, bien que ces parents préféraient l’histoire D qui contenait plus d’information, cela ne signifie pas nécessairement que cette histoire aurait réellement un impact sur leur décision vaccinale. En effet, selon la même étude anthropologique, la recherche et l’évaluation des informations au sujet de la vaccination peuvent être un processus sans fin pour ces parents (Sobo et al., 2016). Dans un contexte de surabondance d’informations qui se renouvellent constamment, et habitués à rechercher par eux-mêmes toutes sortes d’informations sur le web, le processus de recherche et d’évaluation des différentes perspectives au sujet de la vaccination peut être plus valorisé que le fait d’arriver à une décision définitive (Sobo et al., 2016).

Par ailleurs, il est important de rappeler que les résultats du présent projet ont illustré que, dans un message de promotion de la vaccination, il peut être risqué de nommer différentes fausses croyances au sujet de la vaccination sans en dire plus que le fait qu’elles sont fausses. En effet, certains participants favorables à la vaccination ont appris l’existence de ces fausses croyances au sujet de la sécurité du vaccin RRO et une mère souhaitait aller faire des recherches afin de savoir pourquoi on pouvait croire cela. Il y avait donc un risque qu’elle s’expose à différentes informations sur le web qui pourraient lui faire douter de la sécurité des vaccins.

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Pour terminer, certains participants voulaient combiner l’histoire A avec l’histoire D, ou l’histoire A avec des éléments factuels. Des études ont d’ailleurs suggéré que la combinaison d’un témoignage impliquant un pair et un expert dans une vidéo narrative (Hopfer, 2012) et que la combinaison d’un message narratif avec des informations factuelles statistiques était supérieures à des messages non combinés (Betsch et al., 2013; Nan et al., 2015). Il pourrait donc être intéressant de combiner ces deux approches afin de réaliser une intervention qui aurait le potentiel d’être plus efficace.

5.3 Limites et forces

Ce projet de recherche présente des faiblesses dont il faut tenir compte pour évaluer la portée des résultats, mais également des forces. Les limites sont d’abord discutées dans la section 5.3.1, puis les forces sont présentées en 5.3.2.