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4 Etude du marqueur QVOT

4.5 Quot : proposition de caractérisation morpho-syntaxique et sémantico-référentielle

4.5.2 Remarques sur le génitif partitif : unus + G partitif vs adjectif numéral cardinal + N

4.5.2.2 Le groupe cardinal + N

Afin d’approfondir les remarques de G. Serbat relatives à la différence de fonctionnement entre unus et al. + G Partitif et les adjectifs cardinaux + N, nous avons procédé à un relevé, à l’aide du CD-ROM BTL4, des occurrences du cardinal decem281 chez Cicéron. La réflexion qui suit ne prétend donc en aucun cas à l’exhaustivité et demande à être poursuivie et approfondie par des recherches s’étendant sur un corpus plus vaste.

Une première différence manifeste est l’absence de tours parallèles à X (l’élément associé à G) G, avec G = pronom. Dans les énoncés que nous avons pu observer, X (nous parlerons, en nous inspirant de l’analyse de G. Serbat pour le génitif, de tour C (cardinal) X (= qualifié par le cardinal), est dans la grande majorité des cas un N du type annos, dies (ces deux N représentent à eux seuls 30% des occurrences) 282.

Le point le plus important, outre la différence susmentionnée est que, contrairement à G dans XG qui est, comme nous avons essayé de le montrer, très souvent redondant et préconstruit de telle sorte que sa présence paraît servir de renchérissement, de renforcement, expliquant par là le sentiment que sa supression ne nuirait pas à la cohérence informationnelle de l’énoncé, dans CX, X semble informativement saillant et semble difficilement supprimable283.

279) Et tamen dux ille Graeciae nusquam optat ut Aiacis similes habeat decem,

sed ut Nestoris ; quod si sibi acciderit, non dubitat quin breui sit Troia peritura. (Cic., Cato 31) : « Et cependant, le grand chef de la Grèce souhaite avoir non pas dix Ajax,

mais dix Nestor ; et s’il les obtenait, il ne doute pas que Troie ne périsse bientôt. » 280) *Et tamen dux ille Graeciae nusquam optat ut 0 habeat decem, sed ut

Nestoris ; quod si sibi acciderit, non dubitat quin breui sit Troia peritura.

281) Sed ut laudandus Regulus in conseruando iure iurando sic decem illi quos post Cannensem pugnam iuratos ad senatum misit Hannibal se in castra redituros ea

quorum erant potiti Poeni nisi de redimendis captiuis impetrauissent si non redierunt uituperandi. (Cic., off. 3,32,113) : « Mais de même qu’il faut louer Regulus dans le

281 Ce cardinal est simplement choisi à titre d’exemple. 282 Nous avons analysé 90 occurrences de decem.

283 Il s’agit bien sûr d’une tendance. On relève justement : quamobrem unam ex decem non praedonum

repentino aduentu, sed legati latrocinio, non ui tempestatis, sed hac horribili tempestate sociorum amissam in litteras publicas rettulerunt. (Cic. Verr. 2,1,89) : « C’est pourquoi, quand un de ces dix navires eut été perdu,

non pas dans une attaque soudaine de pirates, mais par l’acte de brigandage du légat, non pas dans la violence d’une tempête qui s’est abattue sur les alliés, ils en ont consigné la perte dans leurs registres publics. » Il ne s’agit cependant pas d’un contre-exemple mais d’une conséquence de la construction de unam, car il est fait mention dans le cotexte immédiatement supérieur des 10 navires. Ne sont pas évoqués ici non plus les cas de notoriété du type Septem = Les sept sages, où le N n’est pas mentionné.

respect de son serment, de même faut-il blâmer, s’il est vrai qu’ils ne revinrent pas, les dix personnages qu’Hannibal, à la suite de la bataille de Cannes, envoya au sénat, après qu’ils eurent juré qu’ils reviendraient au camp – celui dont les Carthaginois s’étaient emparés – si, à propos du rachat des prisonniers, ils n’avaient pas abouti. »

282) *Sed ut laudandus Regulus in conseruando iure iurando sic decem 0 ad

senatum misit Hannibal se in castra redituros ea quorum erant potiti Poeni nisi de redimendis captiuis impetrauissent si non redierunt uituperandi. (Cic., off. 3,32,113)

Autrement dit, X dans C-X, apparaît dans le sondage que nous avons effectué sous une forme référentiellement « pleine ». Ainsi dans l’exemple 281, illi est saturé au niveau sémantique par la relative et nous n’avons pas rencontré de forme : * decem illos par exemple. On peut également évoquer le fait que, contrairement à unus, alter, etc., decem n’est pas focalisé dans l’énoncé où il apparaît. Il faut en outre signaler que, dans un SN decem-X,

decem, indéclinable, ne porte aucune information syntaxique : dans de tels syntagmes, c’est X

qui porte la marque de la fonction syntaxique. Autrement dit, X joue un rôle grammatical important alors que, dans le cas de unus, unus à lui seul marque, par sa désinence, la fonction qu’il occupe dans la charpente phrastique.

Au niveau sémantico-référentiel, on relève une autre différence. Si, dans le cas du génitif partitif, il existe un rapport sémantique étroit entre X et G, créant bien souvent un effet de renchérissement, de redondance, de lien présupposé entre X et G, tel n’est pas le cas de CX. Ainsi, on opposera :

283) Misericordior nulla me est feminarum (Plaut., Rud. 281) : « Il n’est pas de femme plus compatissante que moi. »

où nulla implique par lui-même et présuppose284 feminarum, à :

284) primum (ut) in iudiciis qui decem laudatores dare non potest, honestius

est ei nullum dare quam illum quasi legitimum numerum consuetudinis non explere.

(Cic., Verr. 2,5,57) : « D’abord, devant les tribunaux, pour l’accusé qui ne peut présenter dix apologistes, il est plus honorable de n’en présenter aucun que de ne pas compléter le nombre légal imposé par l’usage. »

284 De fait, on trouve des énoncés où ce nom au génitif n’est pas présent. Ainsi : nihil est animo uelocius (Cic.

Tusc. 1,43) : « Il n’y a rien au monde de plus effronté que toi » glosé en animus uelocissimus est omnium rerum

où un tel lien n’existe pas entre decem et laudatores. Decem ne présuppose en rien

laudatores, de telle sorte qu’au niveau paradigmatique, dans CX, X jouit de possibilités

sémantico-référentielles plus importantes que G dans XG.

Ainsi, l’opposition syntaxique mise au jour par G. Serbat se joint à d’autres différences d’ordre sémantico-référentiel et informationnel. La réflexion, entreprise ici demande évidemment à être approfondie mais, puisque nous émettons l’hypothèse que quot fonctionne comme un pro-nombre, il convenait d’étudier le fonctionnement de ces derniers dans leur rapport, entre autres, au N qu’ils qualifient et à la lumière des analyses effectuées pour le Génitif Partitif285.

4.5.3 Propriétés sémantico-référentielles fondamentales : le