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3 Etude du marqueur QVALIS

3.5 Configurations syntaxiques

3.6.2 Fonction interne

Dans plusieurs énoncés, la fonction interne de qualis, c’est-à-dire sa fonction au sein de p, est clairement attributive, comme en :

170) Multi cum semel noua dolia uel serias crasse cummi linierunt, una in

perpetuum cummitione contenti sunt ; et sane, quae semel oleum testa conbibit, iam alteram cummitionem non recipit ; respuit enim olei pinguitudo talem materiam qualis est cummis. (Colum., 12,52,17) : « Beaucoup, une fois qu’ils ont appliqué un enduit

épais de gomme aux jarres et aux seriae, se contentent de ce seul enduit de gomme pour toujours, et avec raison, parce que la poterie, une fois imprégnée d’huile, n’admet plus un second enduit de gomme ; car la graisse de l’huile repousse les substances de la nature de la gomme. »

171) Circa Nonacrin in Arcadia Styx appelata ab incolis aduenas fallit, quia

non facie, non odore suspecta est, qualia sunt magnorum artificum uenena quae deprehendi nisi morte non possunt. (Sen., nat. 3,25,1) : « Près de Nonacris, en Arcadie,

une source, appelée Styx par les habitants, trompe les étrangers, parce qu’ils ne sont mis en défiance ni par son aspect, ni pas son odeur. Il en est d’elle comme des empoisonneurs, dont les méfaits ne sont révélés que par la mort des victimes. »

Dans cette fonction les formes de l’indicatif ne sont pas les seules à être employées : le verbe esse peut être modalisé comme en :

172) Sed plerique peruerse, ne dicam impudenter, habere talem amicum uolunt, quales ipsi esse non possunt, quaeque ipsi non tribuunt amicis, haec ab iis desiderant.

(Cic., Lael. 82) : « Mais la plupart des gens ont le tort, pour ne pas dire l’impudence, de vouloir un ami tel qu’ils ne peuvent être eux-mêmes et de s’attendre à ce que les services qu’ils ne rendent pas à leurs amis leur viennent d’eux. »

ou dépendre d’un verbe recteur :

173) Cossinius hic, cui dedi litteras, ualde mihi bonus homo et non leuis et

amans tui uisus est et talis qualem esse eum tuae mihi litterae nuntiarent. (Cic., Att. 1,19,11) : « Cossinius, à qui je remets cette lettre, me paraît un parfait honnête

homme sérieux, plein d’amitié pour toi, tel enfin que ta lettre me l’annonçait. »

D’autre part, comme nous l’avons vu, ce même verbe esse peut ne pas être matérialisé. C’est le cas, dans notre corpus, avec un uerbum dicendi :

174) Denique, ut quod non uidisti, id tale fuerit quale dicis (...). (Apul.,

apol. 53,12) : « Supposons toutefois que ce que tu n’as pas vu fût tel que tu dis (...). »

Ici, nous pensons que quale est attribut et que l’on peut comprendre : quale dicis <id

esse>.

Ainsi, associé à la fonction attributive de qualis, le verbe esse est présent dans presque la moitié de nos exemples. On retrouve également la fonction attribut du sujet avec uideri :

175) Haec, si in transuersum solem accipit, colorem talem qualis in arcu uideri

solet reddit, ut scias non imaginem hic solis esse, sed coloris imitationem ex repercussu.

(Sen., nat. 1,7,1) : « Si une baguette de ce genre reçoit obliquement un rayon solaire, elle fait apparaître une couleur semblable à celle que nous avons accoutumé de voir dans l’arc-en-ciel. On peut en conclure qu’il y a dans l’arc, non pas une image du soleil, mais une imitation de sa couleur, due à la réflexion. »

Dans les autres cas, il nous semble que qualis peut être analysé comme un

praedicatiuum :

176) Vidua autem qualis nuptiis uenit, talis diuortio digreditur (...). (Apul.,

apol. 92,8) : « Une veuve, au contraire, telle le mariage l’a fait entrer chez vous, telle

Ici qualis fonctionne comme une qualification de la uidua pour laquelle le prédicat

nuptiis uenit sert de cadre.

On pourrait rapprocher ce mode de qualification de celui que C. Guimier (1996 : 70 sq) décrit pour les adverbes orientés vers le sujet, dans le sens où ces adverbes voient leur contenu porter indubitablement sur le sujet tout en étant en étroite relation avec le procès exprimé par le prédicat. Aussi, à propos de l’exemple : « La jeune mère, anxieusement, regardait sa petite fille jouer près de l’eau », propose-t-il les paraphrases : «La jeune mère montrait son anxiété en regardant sa petite fille jouer près de l’eau / De l’anxiété apparaissait dans le regard de la jeune mère occupée à regarder sa petite fille près de l’eau. »

L’exemple suivant emprunté à Sénèque illustre ces différentes fonctions :

177) Quales sunt hostium uel ferarum caede madentium aut ad caedem

euntium aspectus, qualia poetae inferna monstra finxerunt succincta serpentibus et igneo flatu, quales ad bella excitanda discordiamque in populos diuidendam pacemque lacerandam deterrimae inferum exeunt : talem nobis iram figuremus, flamma lumina ardentia, sibilo mugituque et gemitu et stridore et si qua his inuisior uox est perstrepentem, tela manu utraque quatientem (neque enim illi se tegere curae est) (…).

(Sen., dial. 4,35,4) : « Comme est l’aspect des ennemis ou des bêtes sauvages dégouttants de sang ou allant en verser ; comme les poètes ont dépeint les monstres infernaux, ceints de serpents et soufflant du feu, comme les pires dieux de l’enfer sortent pour susciter la guerre, semer la discorde entre les peuples et déchirer la paix ; telle il nous faut figurer la colère, les yeux étincelants, sifflant, mugissant, gémissant, grinçant des dents, troublant l’air des cris les plus affreux, agitant des traits de ses deux mains sans souci de se protéger (…). »

Le premier quales est attribut du sujet ; le second peut être analysé comme un attribut du COD inferna monstra et le troisième comme un praedicatiuum, qualifiant les deterrimae dans le cadre de exeunt.

Il est parfois difficile de déterminer la fonction interne de qualis. Aussi, dans des exemples comme :

178) Hoc ut scias, uentus qui circa arborem finditur sibilat, non tonat ; lato, ut

ita dicam, ictu et totum globum semel dissipante opus est, ut sonitus erumpat qualis auditur, cum tonat. (Sen., nat. 2,28,3) : « Tu t’en rendras compte si tu observes le vent

quand il se partage autour d’un arbre : il siffle, il ne tonne pas. Il faut que le choc soit large, si l’on peut dire, et qu’il dissipe d’un coup toute la masse du nuage, pour qu’on entende un son tel que celui du tonnerre. »

179) Tonitrua distinxere quidam ita ut dicerent unum esse genus cuius graue sit

murmur, quale terrarum motum antecedit clauso uento et fremente. (Sen., nat. 2,27,1) :

« Certains auteurs ont distingué plusieurs espèces de tonnerres. Il en est, disent-ils, dont le grondement est sourd, tel que celui qui, produit par un vent captif et mugissant, précède un tremblement de terre. »

Qualis et quale sont des nominatifs. Se pose alors le problème de savoir s’ils peuvent

être analysés comme les sujets des verbes187 ou comme des qualifications portant sur le sujet non exprimé autrement que par la désinence verbale. Dans cette dernière hypothèse, ils fonctionneraient comme dans les exemples précédents. Nous avancerons des arguments en faveur de la deuxième hypothèse.

De manière générale, les exemples où qualis n’est pas clairement attribut, dans qualis p, et où aucun N n’est matérialisé en surface, posent des problèmes relatifs à sa fonction interne. Ainsi, dans un exemple, comme :

180) Scutis enim, qualibus apud Troiam pugnatum est, continebantur

imagines,(…). (Plin., nat. 35,4) : « En effet les portraits se trouvaient sur des boucliers

semblables à ceux qui servirent à combattre devant Troie, (…). »

on pourra se demander s’il faut considérer qualibus comme épithète d’un scutis sous- entendu : qualibus scutis, auquel cas qualibus n’est pas le complément circonstanciel instrumental ou de moyen de pugnatum est, ou ne l’est que secondairement, via scutis.

Enfin, il faut souligner que, dans ces emplois non corrélatifs, qualis peut être associé à un N, dans des énoncés contenant une négation. Son statut syntaxique exact nous paraît difficile à déterminer mais il semble proche de celui du relatif de liaison :

181) In hoc autem maximo crudelissimo bello, quale bellum nulla umquam

barbaria cum sua gente gessit, quo in bello lex haec fuit a Lentulo, Catilina, Cethego, Cassio constituta (…). (Cic., Catil. 3,10,25) : « Au contraire, dans cette guerre, unique,

de mémoire d’homme, par sa grandeur et par sa cruauté, une guerre telle que jamais barbares n’en firent à leur race, une guerre où Lentulus, Catilina, Céthégus, Cassius avaient posé en loi (…). »188

187 Auquel cas, ils pourraient être comparables à un adjectif substantivé et fonctionner comme des N.

188 Cet exemple a fait l’objet d’un commentaire de Lancelot dont B. Colombat (1999 : 485) étudie la théorie du relatif. Lancelot commente l’exemple de Cicéron en ces termes : « Qui ne voit que quale bellum est le même que s’il y avoit quod tale bellum (litt. « laquelle telle guerre ») ; & de plus que c’est la mesme construction que quand il dit en suitte quo in bello, repetant l’Antecedent en tous les deux endroits. (NML 3, 1653, p. 431). » B. Colombat précise (1999 : 486) : « Dans l’exemple donné par Lancelot, c’est bien l’antécédent qui est repris, l’utilisation de qualis correspond simplement à une indication supplémentaire sur la qualité de la guerre en question. »

De manière globale, les fonctions internes de qualis sont donc, dans notre corpus, limitées, et se ramènent à deux grandes fonctions qualifiantes.