• Aucun résultat trouvé

Caesar ei munitioni quam fecerat T Labienum legatum praefecit (Caes.,

Gall. 1,10,3) « César confia au légat Titus Labiénus le commandement de la

fortification qu’il avait construite »

est distinct de la structure comparative étudiée. Tous les caractères retenus ci-dessus, en effet, en sont absents, engendrant des différences de fonctionnement syntaxique, telle l’impossibilité d’une application de l’ellipse.

2.7 Analyse syntaxique

2.7.1 Idem... qui vs Dignus qui

Nous fondant sur l’analyse de C. Touratier (1994 : 637) selon lequel : « Le morphème

idem, employé comme déterminant ou comme SN, présente une construction semblable (à dignus), à cela près que le subjonctif n’est pas nécessaire après qui, comme du reste après ut »123, nous voudrions examiner de plus près le problème, pour voir dans quelle mesure l’analyse proposée pour dignus pourrait s’appliquer à idem... qui. Nous rappelons que l’auteur propose de voir dans le relatif un élément subordonnant et un anaphorique extraposé et glose donc les compléments introduits par le relatif ainsi : dignus qui aliquando imperet = « digne que lui, il commande un jour », « avec un authentique anaphorique thématisé ». Le rapprochement, cependant, entre les deux constructions nous semble délicat pour plusieurs raisons.

122 On consultera à propos du préfixe re- du français, les différentes analyses de C. Fuchs (1994) qui explique,

entre autres, (167) : « Basiquement, cette forme correspond à un opérateur de mouvement de retour en

arrière ; selon le domaine (caractérisé en particulier par le type de verbe) sur lequel il porte (…) mais en tout

état de cause, l’itération ainsi construite l’est cette fois par un effet de reproduction à l’identique (…) » ; (168) : « Autrement dit, on pourrait proposer deux représentations géométriques différentes : l’itération par

encore se construisant le long d’une droite, celle par re- à partir d’une boucle ».

123Sous la rubrique « complément d’adjectif ». Nous avons déjà mentionné supra cette analyse. Nous tâcherons

D’un point de vue morphologique, tout d’abord, dignus, ou aptus, sont des adjectifs clairement dérivés de racines verbales. D’après le DELL124 dignus est un dérivé de la racine de decet que l’on retrouve en grec et en sanskrit. En outre, il faut mentionner la possibilité d’ajoindre à dignus un complément à l’Ab. : dignus aliqua re. Aptus est, lui, rattaché au verbe

apio dont on trouve des parallèles en védique et en hittite125 ; il peut lui aussi être complété par un complément à l’Ab, un Dat. ou par ad et l’Acc126. On trouve là plusieurs points de discordance avec idem : morphologiquement, idem est issu d’un thème pronominal et reçoit plus volontiers un complément au Dat. Il conviendrait en outre de se pencher sur les éventuelles différences de productivité entre les compléments susceptibles de constituer des « suites » de dignus et idem, d’étudier les fréquences de compléments strictement substantivaux par rapport aux compléments introduits par un relatif, d’examiner les classes sémantiques de ces compléments, etc.

Si l’on s’attache maintenant à la possibilité pour le complément, d’être introduit par un relatif, possibilité qui pourrait inviter à rapprocher les deux constructions, on constate que les différences sont importantes. Le mode, tout d’abord, comme les grammaires s’accordent à le reconnaître, est distinct. La relative complément de dignus est au subjonctif. L’utilisation du mode subjonctif dans la relative peut relever d’une opération similaire à celle de la proposition indépendante, comme l’ont noté M.D. Joffre, S. Mellet & G. Serbat (1994 : 200) : « une relative au subjonctif exprimera facilement une possibilité ou une éventualité par opposition à un fait constaté ». Ils appliquent ce signifié à la relative complément de dignus. On peut en effet reconnaître dans bon nombre de cas une visée ou une valeur téléonomique dans ce subjonctif. Dans l’exemple cité par C. Touratier, ce point est souligné par l’adverbe

aliquando. On fera le même constat que pour la relative complément de idem, mais en

quelque sorte inverse : l’opposition modale indicatif/subjonctif effective dans bon nombre de relatives est neutralisée par le sémantisme du terme introducteur, en l’occurrence dignus.

On considérera donc que le subjonctif n’est pas, dans ce cas, un simple indice de subordination. Il est également envisageable d’accorder au complément de dignus un caractère informatif particulier. A ce sujet, H. Adamczewski (1992 : 16), étudiant les adjectifs complétés par à et de en français explique : « On pourra vérifier que des adjectifs tels que prêt (à) et digne (de) sont organisés selon le même vecteur : on peut être prêt à... n’importe quoi,

124 DELL (166-167) et G. Meiser (1998 : 45) pour decet. 125 DELL (39).

mais il faut que l’on ait mesuré la dignité de l’objet pour pouvoir l’attribuer à quelqu’un »127. Selon lui, le complément présente une qualité présupposée par la situation d’énonciation ou le contexte gauche du discours. La visée s’appliquerait donc en premier lieu à la réalisation de cette qualité.

Le mode employé dans la relative complément de idem est l’indicatif et l’on a essayé de montrer que ce complément avait un statut sémantico-pragmatique particulier de repère de comparaison. La différence majeure qui existe entre les deux constructions est que l’une est soumise à la syntaxe des comparatives et l’autre non. De fait, apparaît dans le cas de idem...

qui la possibilité de trouver le même prédicat affectant idem et son complément, ce qui

engendre cet effet de boucle et parfois de répétition. Dignus qui ne présente pas le même fonctionnement ni la « même symétrie ».

Cette distinction transparaît dans un fait syntaxique que nous avons observé dans le cas de idem... qui : l’ellipse, comme en :

89) Quid istuc est ? quicum litigas, Olympio ? // Cum E1 eadem qua tu semper

E2. / Cum uxore mea ? // Quam tu mi uxorem ? quasi uenator tu quidem es, (…).

(Plaut., Cas. 317-319) : « Qu’est-ce qu’il y a ? Avec qui te querelles-tu, Olympion ? / Avec celle qui te querelle tous les jours. / Avec ma femme ? / Qu’est-ce que tu me dis ? Ta femme ? Tu es ma foi, comme le chasseur (…). »

Il semble en effet impossible de soumettre à l’ellipse le prédicat verbal de la relative complément de dignus.

90) (…) hoc me profiteor suscepisse magnum fortasse onus et mihi

periculosum, uerum tamen dignum in quo omnes neruos aetatis industriaeque meae

contenderem. (Cic., Verr. 1,35) « (…) je me suis chargé de cette tâche, qui est peut-être

lourde et dangereuse pour moi, mais qui est bien digne que je m’efforce d’y employer toute la vigueur que me donnent mon âge et mon activité. »

**(…) hoc me profiteor suscepisse magnum fortasse onus et mihi

periculosum, uerum tamen dignum in quo omnes neruos aetatis industriaeque meae E.

Enfin, l’analyse de C. Touratier montre qu’il existe un rapport d’identité stricte, de coréférence stricte entre le substantif qualifié par dignus et le pronom relatif. Ainsi peut-il gloser : « Il est digne que lui, il ». Cette identité est obligatoire et ne semble pas modalisable.

127 « Même vecteur » ici signale que dans le premier cas, on parlera de « saisie rhématique » et dans le second de

Or, avec la comparative, la coréférence est certes instaurée par les règles morpho-syntaxiques, mais plus lâche d’un point de vue référentiel128.