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Chapitre II - Deux territoires insulaires exposés au risque volcanique

1.2. D ES SOCIETES VULNERABLES ESSENTIELLEMENT CONCENTREES SUR LES FRANGES LITTORALES

1.2.1. Les grandes phases de peuplement et de mise en valeur des îles

La Réunion, une île économiquement dépendante de la métropole Du statut d’escale commerciale à celui de département

Située à l’écart de la route commerciale des Indes, La Réunion (bien que découverte par les Arabes dès le Moyen-âge) n’est repérée par les navigateurs européens que vers 1500. Les Français en prennent possession au nom du roi en 1642 en la baptisant île Bourbon, pour en faire une escale de la Compagnie des Indes Orientales. Ils ne la colonisent réellement qu’à partir de 1663, accompagnés de serviteurs malgaches, s’implantant essentiellement à Saint-Paul, Saint-Denis, Sainte-Suzanne et Saint-André [Collectif 2000]. A partir de 1715, la culture du café transforme Bourbon en une véritable colonie de

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plantation, utilisant des esclaves en provenance principalement de Madagascar et d’Afrique de l’Ouest. Certains d’entre eux, les Marrons, fuient dans les cirques et dans les Hauts, investis plus tard par des populations de Petits-Blancs pauvres. En 1793, l’île est rebaptisée île de la Réunion suite à la chute de la dynastie royale, puis île Bonaparte en 1806 sous le Premier Empire, époque à laquelle elle passe sous contrôle britannique de 1810 à 1814. Avant de retrouver son nom définitif, elle est à nouveau appelée île Bourbon sous la Restauration. La canne à sucre, plus résistante aux aléas climatiques, supplante le café et les épices au début du XIXème siècle. Les flancs sont cultivés jusque vers 1000 m d’altitude. L’île devient par ailleurs le premier exportateur mondial de vanille grâce à la découverte d’Albius en 1841, et développe en parallèle la culture du géranium. En 1830, la colonie compte 70 000 esclaves [Gerbeau 2002]. L’abolition de l’esclavage, officialisée le 20 décembre 1848, marque le début d’une phase de métissage des populations de l’île [Vaxelaire 2009b]. Jusqu’en 1930, les exploitants se tournent alors vers des travailleurs engagés pour l’essentiel Indiens, puis Chinois qui fuient les incursions japonaises. La Réunion bénéficie favorablement de la première guerre mondiale car les champs betteraviers soumis aux combats sont inexploitables. Dans l’entre-deux guerres le développement des échanges par le Canal de Suez et de la betterave en Europe affaiblissent l’économie réunionnaise. Cette crise s’aggrave avec la cessation des approvisionnements durant la seconde guerre mondiale [Vaxelaire 2009a]. A partir de 1946, la départementalisation permet des avancées administratives, sanitaires et sociales majeures, que complète le statut de région ultrapériphérique de l’Union Européenne obtenu en 1997 [CREGUR 2003].

Une économie dynamique et fragile

L’économie réunionnaise, historiquement basée sur la production de canne à sucre, s’est tournée après-guerre vers le secteur tertiaire qui génère aujourd’hui 85% des emplois et de la valeur ajoutée (dans l’agroalimentaire, le BTP et surtout le tourisme). Le tourisme constitue la première ressource économique de l’île avec 500 000 visiteurs chaque année. Concurrencée par d’autres destinations balnéaires, l’île intense se tourne actuellement vers un tourisme sportif de pleine nature, avec pour enjeux les pitons, cirques et remparts qui lui ont valu d’entrer au Patrimoine Mondial de l’UNESCO en 2010. Le Parc Naturel Régional de La Réunion veille en parallèle à la protection de cette nature qui héberge de nombreuses espèces endémiques.

L’agriculture occupe 10% des actifs, génère plus de 15 000 emplois sur l’île, et constitue le premier poste d’exportation grâce au sucre de canne. Il apporte le tiers de la valeur ajoutée agricole aux côtés des cultures vivrières et de l’élevage qui couvrent 60% en moyenne de la consommation locale. La pêche est également insuffisamment développée pour couvrir la demande. Le secteur industriel, tourné vers les besoins du marché intérieur, reste lui aussi embryonnaire.

De 2002 à 2007, la croissance du PIB a progressé de 4 à 5%, soit deux fois plus qu’en métropole, notamment grâce à la forte consommation intérieure. Cette consommation fait de La Réunion un importateur très important en produits pétroliers, équipements et biens intermédiaires. L’économie de l’île est donc dynamique mais fragile car fortement dépendante de la métropole et ouverte sur un environnement où les coûts de production sont parmi les plus bas au monde [CREGUR 2003].

Les Comores, îles instables sur les plans politique et économique Une instabilité politique séculaire

Les Bantous semblent avoir été les premiers, au VIème siècle, à peupler les îles de la Lune, y mettant en place une organisation politique et sociale de type africain. Les premières communautés musulmanes apparaissent au IXème siècle, sous l’influence de marchands d’origine arabo-persane. Les lignées princières

fondent alors les premiers sultanats, au contact desquels des élites comoriennes s’islamisent progressivement. Jusqu’au XIXème siècle l’islam reste toutefois élitiste et étranger à la majorité de la population, constituée d’esclaves [Blanchy 2005]. Les Sultans, secondés par des vizirs, nomment notamment les chefs de village, mais la superposition de coutumes africaines et arabo-musulmanes limite leur pouvoir de contrôle. Cette absence de pouvoir central favorise les raids malgaches jusqu’au XVIIIème

siècle. Les divisions internes et la menace malgache permettent alors aux puissances coloniales européennes de s’imposer, intéressées par l’opportunité du développement de plantations et par la localisation stratégique dans le Canal du Mozambique. Mayotte devient ainsi protectorat français en 1841, puis Anjouan en 1866, et la Grande Comore et Mohéli en 1886. Après avoir été rattachées un temps à Madagascar, les Comores obtiennent en 1946 leur autonomie administrative, puis le statut de TOM en 1958. Mais les idéologies indépendantistes défendues par certains intellectuels débouchent sur l’organisation d’un référendum en décembre 1974, au cours duquel Mayotte s’oppose à l’indépendance. La République Fédérale Islamique des Comores se déclare unilatéralement indépendante le 6 juillet 1975. Elle se réclame depuis légitimement de sa souveraineté sur Mayotte, qui a renouvelé sa volonté de rester française par un nouveau référendum en 1976. L’île est devenue département français en 2011 alors que l’assemblée générale de l’ONU condamne régulièrement la France pour son occupation qui porte atteinte à l’intégrité territoriale de l’archipel en dépit des règles du droit international.

Il n’y a eu depuis l’indépendance aucune stabilité politique favorable au développement socio-économique, le pays ayant été marqué par des coups d’Etat et des crises majeures, notamment les tentatives de sécession d’Anjouan et Moheli en 1997. Ces conflits séparatistes ont conditionné la mise en place, en 2001, d’un nouveau cadre institutionnel pour garantir l’unité et l’intégrité du pays, désormais appelé Union des Comores. Au sein de cette République, chaque île dispose de ses propres institutions et constitution. Tous les quatre ans, au moment des élections présidentielles, le pouvoir central change d’île. Ce système complexe est contesté car coûteux alors que le pays est dans une situation économique critique. Les gouvernements des trois îles autonomes contestent par ailleurs leur niveau d’autonomie tandis que l’Union essaie de maintenir une cohésion politique nationale à travers une gouvernance fédérale [Oraison 2004]. En conséquence, les tensions politiques restent notables et Anjouan a tenté une nouvelle fois sans succès une sécession à partir de 2007, entrainant une intervention armée des troupes internationales sur le territoire en 2008. La Constitution est à nouveau modifiée à l’initiative du Président Sambi en mai 2009, instituant un gouvernement unique de l’Union secondé par des gouverneurs sur chaque île. Cette politique marque l’émergence d’un nouveau conflit entre les gouvernements de la Grande Comore et de l’Union. La faiblesse de l’Etat alimente une crise socio-économique profonde et durable.

Un pays sous perfusion économique

L’économie comorienne, peu diversifiée et peu compétitive, repose sur un secteur agricole peu productif, qui représente 45% du PIB, emploie 70 % de la population, et fournit 90% des recettes à l’exportation. La vanille, les clous de girofle et l’ylang-ylang constituent 98% des exportations ; leur soumission aux variations des taux sur les marchés internationaux fragilise l’économie comorienne. La production vivrière, pratiquée avec des techniques agricoles anciennes et inadaptées, occasionne des dégâts considérables à l’environnement pour une faible productivité. Le secteur industriel reste embryonnaire (12% du PIB) car les coûts de transport, la faiblesse du marché intérieur, et surtout l’instabilité politique découragent les investisseurs [Oraison 2004]. Notons toutefois que depuis quelques années, Comores Gulf Holding (société libanaise) et la Chine se positionnent sur des grands projets et investissements dans le pays. En conséquence, les Comores recourent à l’importation massive des principales denrées alimentaires qui, avec les produits pétroliers, épuisent les richesses nationales en devises. Le tertiaire (43% du PIB) est ainsi

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largement dominé par le commerce des produits importés, et marqué par une absence de capacité d’accueil touristique. La dette extérieure représente 68% du PIB, et les arriérés de salaire des agents de la fonction publique (en moyenne 8 mois en 2009) pèsent sur la dette intérieure. Les Comores sont ainsi dans une situation de dépendance vis-à-vis de l’extérieur et les plans d’ajustement structurel imposés par les bailleurs de fonds internationaux ces deux dernières décennies ont été suivis d’un accroissement sensible de la pauvreté.Plus de 60% de la population vit sous le seuil de pauvreté [CGP 2003 ; Union des Comores et PNUD 2005 ; UNDP 2007 ; World Bank Group 2007].

L’émigration constitue une solution unique pour beaucoup d’habitants. Certains tentent de rejoindre clandestinement Mayotte dans des embarcations précaires (les kwassa kwassa) qui chavirent régulièrement. On compte en moyenne 200 morts en mer par an. Les communautés expatriées regroupent 200 000 habitants en France métropolitaine (en particulier à Marseille et Paris), à Mayotte et à La Réunion [da Cruz et al. 2004]. Elles envoient de grosses sommes d’argent aux Comores, totalisant 40 millions d’euros [MAEE 2007] à plus de 70 millions par an [Union des Comores et Nations Unies 2005]; ce qui constitue une impulsion économique majeure pour la Grande Comore.

Le Produit National Brut compte parmi les plus faibles au monde (seulement 520 $ par habitant), de même que l’Indice de Développement Humain.