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Capacités de réponse aux échelles individuelle et communautaire au Tremblet et à Vouvouni

DES CAPACITES THEORIQUES

1.3. R EPONSES THEORIQUES DES SOCIETES A TRAVERS L ’ ETUDE DE LEURS CAPACITES ET VULNERABILITES Selon les auteurs du paradigme radical67 , la capacité de réponse des sociétés face aux menaces ne peut

1.3.2. Capacités de réponse aux échelles individuelle et communautaire au Tremblet et à Vouvouni

Le choix d’une étude ciblée sur le Tremblet et Vouvouni découle de l’analyse globale de vulnérabilité menée à l’échelle des îles. Ces localités, en plus d’être parmi les plus exposées à la menace volcanique sur les deux îles, ont été confrontées ces dernières années à des événements volcaniques majeurs. Elles constituent à ce titre des cas d’étude particulièrement intéressants. Des observations participantes et des enquêtes par entretien et Focus Group Discussion ont été menées auprès des acteurs-clef et populations,

essentiellement d’avril à août 2009 à Vouvouni et d’octobre 2009 à janvier 2010 au Tremblet. Les thématiques abordées sont similaires à celles identifiées à l’échelle insulaire, approfondies pour comprendre comment elles se traduisent localement. On cherche ainsi à connaître les ressources de vie quotidienne des villageois pour être à même de mieux comprendre leurs ressources spécifiques disponibles en temps de crise.

Approche des moyens de subsistance durable au cœur des communautés69Concept des moyens de subsistance durable

Une des meilleures façons de comprendre les conditions de vie quotidienne d’une communauté repose sur l’analyse de ses moyens de subsistance [Cannon 1994 ; Chambers 1994 ; Scoones 1998 ; Dereveux 2001

; DFID 2001 ; Twigg 2001 ; Benson et Twigg 2007 ; Kelman et Mather 2008 ; Gaillard et al. 2009]. Les

différentes formes de ressources (naturelles, humaines, physiques, financières et sociales) qui composent ces moyens de subsistance se confondent en effet avec les indicateurs de vulnérabilité face aux aléas naturels et anthropiques. La capacité à faire face à ces aléas dépend donc de la nature, de la résistance, de la diversité et de la durabilité des ressources permettant de subvenir aux besoins élémentaires. Au contraire, l’incapacité à s’en protéger reflète des difficultés à maîtriser sa vie quotidienne [Blaikie 1985]. D’où l’intérêt de l’approche des moyens de subsistance durables (ou SLF pour Sustainable Livelihoods Framework) qui a émergé dans les années 80. Elle se définit comme permettant « un accès durable et adapté à un revenu et à d’autres ressources, nécessaires pour subvenir aux besoins de base et pour se créer des atouts (ressources, capitaux) permettant de résister aux chocs et aux situations de stress » telles que les éruptions volcaniques [DFID 2001]. Cette approche présente l’intérêt de supprimer les indicateurs descriptifs « réducteurs » des populations qui sont utilisés dans les études de développement [Chambers

1994], autorisant une approche systémique beaucoup plus réaliste et conforme au vécu des populations.

Le principal enjeu du SLF est d’ailleurs que les populations analysent elles-mêmes leurs besoins et capacités [Delica-Willison et Willison 2004]. Ces capacités sont en effet ancrées dans des savoirs et ressources endogènes aux communautés locales au contraire de la vulnérabilité et des verrous d’accès aux moyens de protection qui sont souvent d’ordre exogène.

Avantages de l’approche participative

Les approches communautaires et participatives apparaissent de ce fait les plus appropriées pour faire face aux risques de catastrophe car elles mettent l’accent sur la participation de la communauté locale dans l’évaluation des aléas, de la vulnérabilité, des capacités et des risques [Anderson et Woodrow 1989 ;

Maskrey 1989 ; Heijmans et Victoria 2001 ; Wisner 2006]. Il existe souvent un décalage entre la

représentation de la vulnérabilité, parfois « généralisante », des experts et celle des individus vulnérables

[Bhatt 1998 ; Revet 2009a], qui sont les mieux placés pour identifier les opportunités et les difficultés

d’accès aux moyens de protection. L’approche participative permet de pallier ce problème. Le bien-fondé des actions à l’échelle locale est d’ailleurs largement reconnu et admis au sein des communautés scientifiques et de praticiens depuis plus d’une trentaine d’années [Wisner et al. 2003]. Ces mesures sont désormais promulguées par des organismes à l’échelle internationale, telle la « Stratégie Internationale de Prévention des Catastrophes des Nations Unies ». Elles ont de plus été formalisées par le « Cadre d’Action de Hyogo pour des nations et des collectivités résilientes face aux catastrophes » à l’horizon 2015 à la « Conférence Mondiale pour la Réduction des Catastrophes » organisée à Kobe en janvier 2005 et par des stratégies régionales de prévention des catastrophes, à l’instar de la Stratégie adoptée par l’Union africaine

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en 2004 [UA/NEPAD 2004]. L’implication des autorités gouvernementales doit donc s’appuyer sur un état des lieux initial au niveau communautaire et local. C’est l’approche que nous avons adoptée dans les deux localités sélectionnées.

Observations participantes au sein des communautés du Tremblet et de Vouvouni L’observation participante repose sur une immersion complète et prolongée dans les communautés étudiées. Elle a permis une appréhension des difficultés et opportunités des villageois du Tremblet (durant un mois et demi) et de Vouvouni (durant trois mois et demi70) en vivant leur quotidien : partage des activités laborieuses et récréatives (des adultes et des jeunes, des femmes et des hommes), de l’habitat, des moyens de transports, des coutumes, etc. Les observations ont été menées aux différentes heures de la journée (matin, midi, après-midi, soirée - à l’exception de la nuit) depuis des lieux variés (terrasse des restaurants, épicerie, école, champs, etc.). Elles ont donné lieu à la constitution de grilles d’observation sur le trafic routier et pédestre dans les villages, la nature des activités quotidiennes, la salubrité de l’habitat, l’accès aux ressources élémentaires (alimentation, eau, énergie, éducation), les relations sociales, l’occurrence des aléas et leur prise en compte. Les discussions informelles menées ont permis de s’éloigner de l’aspect académique de l’enquête et d’aborder des thèmes parfois tabous qui n’auraient pas été révélés en entretien officiel : activités et pratiques illégales, conflits familiaux et villageois, opinions politiques et religieuses, etc. La question des relations sociales a revêtu un caractère particulièrement important. Elle permet de comprendre le rôle de chacun dans la communauté, de déterminer les personnes susceptibles de prendre des décisions localement, celles qui bénéficient de la confiance des autres membres de la communauté, ou à l’inverse, suscitent la défiance. Cette reconnaissance locale peut être décisive pour l’organisation communautaire en temps de crise. La compréhension des relations de pouvoir entre villageois permet par ailleurs de décrypter plus finement certaines des réponses obtenues par la suite au cours des entretiens individuels.

Les observations apportent des informations riches mais ne permettent pas de comprendre le fondement des pratiques observées. Des entretiens s’imposent en parallèle. Nous avons choisi d’analyser les ressources communautaires à travers des entretiens de groupe, et les ressources des foyers via des entretiens individuels.

Groupes de discussion sur les ressources communautaires au Tremblet et à Vouvouni Quotidien des communautés

Des groupes de discussion (FGD dans la littérature pour Focus Group Discussion) ont donc été préparés pour identifier les contextes de vulnérabilité, les ressources à la base des moyens de subsistance et les stratégies d’adaptation aux menaces aux différentes périodes de l’année (la prise en compte de la saisonnalité étant préconisée pour l’Analyse des Vulnérabilités et des Capacités [Benson et Twigg 2007]). Nous sommes partis du quotidien des habitants (activités et ressources) pour progressivement orienter la discussion vers le volcan et les menaces qui y sont associées. Le risque volcanique est ainsi intégré dans la dimension quotidienne de leur existence au lieu d’être pris comme sujet d’étude à part. Les interviewés sont plus enclins à répondre dans la mesure où ils se sentent davantage concernés.

Les FGD sont plus difficiles à mener pour l’interviewer que les entretiens individuels, mais présentent deux avantages. D’une part, ils favorisent l’auto-vérification des informations entre participants [Chambers 2007].

70 Pour des raisons logistiques, seules deux semaines de travail ont pu y être personnellement réalisées. Nous avons ensuite supervisé le travail de M. Trouvé, stagiaire de master 1 de l’Université de Strasbourg, qui a passé trois mois à Vouvouni.

D’autre part, ils permettent de saisir les jeux d’acteurs entre participants (dominations, connivences, oppositions, etc.) et éventuellement les avis exprimés sur d’autres membres de la communauté non présents lors du FGD. Ils sont ainsi indispensables pour pouvoir prendre du recul sur les réponses recueillies lors des enquêtes et sur l’efficience prévisible de la planification de gestion de crise.

Au Tremblet, seuls les enfants se sont finalement prêtés à ce type d’enquête. Le FGD, filmé, s’est déroulé en décembre 2009 durant 1h30 avec six enfants à l’école du Tremblet. La plupart des adultes n’ont pas souhaité aborder leur quotidien en groupe pour des questions d’emploi du temps ou en raison de relations antipathiques voire conflictuelles avec d’autres villageois. Le FGD avec les enfants est insuffisant pour comprendre toutes les dimensions de l’accès aux ressources mais constitue une bonne base pour comprendre le quotidien des villageois.

A Vouvouni, un FGD a réuni durant trois heures, en juillet 2009, dix jeunes adultes de Vouvouni. Il a permis d’aborder l’ensemble des thèmes permettant de comprendre le quotidien au village. D’autres groupes se sont montrés très intéressés par cette démarche (en particulier les femmes et les exploitants de sable), mais les priorités quotidiennes ont empêché de trouver un moment consensuel pour sa réalisation. Même s’ils ne peuvent être qualifiés comme tels, certains « FGD » se sont en revanche tenus spontanément, en démarrant une discussion avec une ou plusieurs personnes, auxquelles venaient progressivement se greffer d’autres villageois. De nombreuses données ont été recueillies dans ce contexte informel.

Cartographie des ressources en vue de la préparation aux crises

On s’intéresse par ailleurs de près aux ressources dédiées à l’organisation de la gestion de crise (localisation des principaux enjeux du village en termes d’accès aux ressources, des moyens de secours et de communication, des lieux de rassemblement en cas d’alerte). A Vouvouni, ce recensement a été organisé en 2008 dans le cadre du programme de renforcement des capacités du CRCo face aux catastrophes naturelles, et mené conjointement avec le CRCo. Ce dernier a assuré la tenue d’un FGD avec une quinzaine de citoyens (hommes et femmes, pour certains volontaires CRCo) et de notables, destiné à la réalisation d’une carte communautaire des ressources de vie et de gestion de crise (Figure 29).

Au Tremblet, la pré-enquête a montré que cette démarche de cartographie participative n’était pas nécessaire, en l’absence de planification de crise informelle (prise en charge complète par les autorités) et dans un contexte de prise de décision familiale ou individuelle et non communautaire face à la menace. Lorsqu’on leur demande de détailler les ressources de gestion de crise à l’échelle communautaire, les villageois s’en remettent d’ailleurs aux uniques moyens d’intervention des autorités.

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Figure 29 - Un moyen efficace de localiser les ressources communautaires : la cartographie participative réalisée en FGD (passation CRCo 2009)

Ressources des foyers au Tremblet et à Vouvouni

Une grille a été conçue pour réaliser des entretiens semi-dirigés dans les foyers (Tableau 7). Comme lors des FGD, nous sommes partis du quotidien des habitants pour progressivement orienter la discussion vers le volcan et les menaces qui y sont associées. Les thématiques abordées tiennent compte de notre connaissance du terrain et de la littérature existante sur l’analyse des vulnérabilités et des capacités détaillée précédemment. Le plus souvent les entretiens se sont tenus spontanément, en allant à la rencontre des habitants. Seuls quelques-uns ont nécessité de prendre rendez-vous. Les entretiens, d’une durée moyenne de 2h15, ont été menés en français. Pour éviter de récolter des réponses orientées, nous avons clairement établi que notre travail relevait purement de la recherche et que les Personnes Soumises à l’Enquête (PSE) n’avaient pas à en attendre de quelconques retombées. Pour faciliter la saisie des données sur le terrain, les grilles d’enquête ont été pré-codées avec des modalités fermées définies grâce au travail de pré-enquête. Au total, 37 entretiens ont été menés auprès des foyers de Vouvouni, 23 auprès de ceux du Tremblet.

Tableau 7 - Grille d’enquête sur le quotidien des foyers de Vouvouni et du Tremblet. Les thèmes annotés d’un (GC) sont spécifiques à la Grande Comore, (RUN) à La Réunion

Facteurs analysés Origines et installation

au village

Village et quartier Lieu de naissance / Age Année d’arrivée au village

Raisons de l’implantation dans ce village Menaces et

contraintes quotidiennes

Plus grandes difficultés quotidiennes

Principaux dangers auxquels est confronté l’enquêté dans la vie quotidienne Périodes de l’année les plus facile / difficile pour l’accès aux ressources

Composition et ressources du foyer

Nombre de personnes habitant le foyer

Parmi elles, personnes malades, handicapées ou fragiles ?

Activité principale occupée / activités secondaires des membres du foyer Travail fixe / Contrats ponctuels

Evaluation du revenu pécuniaire des activités

Evaluation des moyens financiers globaux du foyer

Source des moyens financiers (type d’activité et personne assumant les apports) Nature et quantité de l’épargne

Habitat et commodités

Matériaux de construction de la maison

Modalités d’accès à la cuisine et aux sanitaires (GC)

Modalités d’accès à l’eau et à l’électricité

Déplacements

Trajets effectués régulièrement (points de départ et d’arrivée) Fréquence et motif des déplacements

Moyen de transport utilisé

Possibilité de se passer de ces déplacements en cas d’événement inattendu ?

Accès aux ressources alimentaires

Accès à un ou des champ(s) / Locataire, propriétaire ou métayer

Localisation du champ et temps nécessaire pour l’atteindre depuis le lieu d’habitation Contenu des champs et utilisation des produits

Elevage de bétail / nombre de têtes Source de la nourriture quotidienne

Combustible utilisé pour cuisiner (GC)

Accès aux soins

Principal inconvénient sanitaire au village

Accessibilité géographique / Lieu le plus fréquent de consultation du médecin Accessibilité financière / Assurance santé / Alternatives en cas d’impossibilité de payer

Nombre moyen de crises de paludisme par an / Date de la dernière crise de paludisme (GC)

Accès à l’éducation et à l’information

Niveau scolaire atteint

Type d’école fréquentée (publique, privée, coranique) (GC)

Scolarisation des membres du foyer : coût mensuel et origine des fonds Accès aux médias (presses télévisée, radiophonique, papier, internet) Vecteur et fréquence d’accès aux médias

Vie villageoise et citoyenne

Attachement au village / Fierté d’y habiter

Facteurs d’attractivité du village / Perception des atouts du village Volonté de déménager en cas de possibilité, lieu ciblé, et raisons Description des réseaux de solidarité dans la vie quotidienne

Evolutions apportées au village depuis les dernières élections nationales / locales Usage du droit de vote lors des élections et référendums

Liens avec l’extérieur

Apports des membres de la diaspora au village (GC)

Apports des touristes au village (RUN)

Membres de la famille vivant en dehors du village, localisation Aide apportée par les membres de la famille vivant à l’extérieur Aide ponctuelle / continue

Croyances et coutume

Croyances et rites religieux et coutumiers

Points positifs et négatifs du Anda71 pour le village et à titre individuel (GC)

Volonté ou non d’effectuer le Grand Mariage, raisons (GC)

En cas de Anda débuté : classe d’appartenance / volonté ou non de l’effectuer et raisons (GC)

Dépenses effectuées et prévisionnelles liées au Anda (GC)

Réduction du risque aux échelles individuelle et communautaire

Connaissance et perception (reprise des questions des enquêtes de perception)

Préparation aux crises (entrainement, sensibilisation) / Sécurisation des ressources / Stocks de secours (nourriture, eau, médicaments)

Connaissance des modalités d’alerte et du lieu de rassemblement de la communauté Adaptations liées aux événements volcaniques récents (mode de vie, habitat, ressources, etc.)

Alternatives prévues en cas de difficultés d’accès aux ressources suite à une éruption

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