• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 2. Le contexte de la vulgarisation agricole dans les Pays du Sud et de l’Est de la

3. État des lieux des systèmes de vulgarisation agricole en Pays Arabes du Sud et de l’Est

3.1 Les deux grandes périodes d’organisation du système de vulgarisation agricole des

Les évolutions des contextes économiques et agricoles nationaux et mondiaux engendrent d’importants changements et adaptations en matière d’organisation et d’orientation des dispositifs d’encadrement de l’agriculture (Desjeux, 2009). Si les SVA ont présenté une grande homogénéité d’organisation dans les PASEM, ils ont subi des changements différents selon les pays pour répondre aux exigences imposées par l’environnement socio-économique et politique. Il est difficile d’appréhender ces mutations dans leur exhaustivité, dans des pays différenciés par leur propre histoire agraire et par leurs stratégies politiques et économiques. Nous avons choisi de focaliser notre analyse sur les changements majeurs touchant les aspects organisationnels. Cette organisation du SVA, marquée par une phase de fort interventionnisme de l’État après l’indépendance, a connu un mouvement de décentralisation avec une diversification de ses prestataires. Les deux caractéristiques sont liées au désengagement de l’État des services de VA. Celui-ci poursuit un premier mouvement commencé lors de la mise en place, à la fin des années 80, des Programmes d’Ajustement Structurel (PAS) (Qamar, 2007).

A. Une décentralisation induite par le Programme d’Ajustement Structurel

Avant les années 80 et les Programmes d’Ajustement Structurel imposés par les instances internationales, les PASEM avaient adopté une stratégie économique à forte intervention de l’État (Encadré 2).

Source : (Khader, 1995, p. 46)

 hypertrophie du secteur public entraînant un alourdissement des dépenses publiques,  sureffectif et sous productivité des entreprises publiques,

 système de prix administré,

 subventions systématiques aux produits de consommation de base et des services publics,  rigidité des politiques de contrôle des changes, barrières protectionnistes : licences

d'importation et quotas d'exportation,

 contrôle souvent centralisé de la distribution du crédit avec une faible rémunération de l'épargne et parfois un coût élevé du crédit.

 hypertrophie du secteur public entraînant un alourdissement des dépenses publiques,  sureffectif et sous productivité des entreprises publiques,

 système de prix administré,

 subventions trop systématiques aux produits de consommation de base et des services publics,

 rigidité des politiques de contrôle des changes : systèmes de change multiple, taux de change officiel,

 barrières protectionnistes : licences d'importation et quotas d'exportation,

 contrôle souvent centralisé de la distribution du crédit avec une faible rémunération de l'épargne et parfois un coût élevé du crédit,

Encadré 2 : Quelques caractéristiques des économies des PASEM avant le Programme d’Ajustement Structurel (PAS)

68

Dans les années 80, deux changements fondamentaux interviennent avec le constat d’impuissance des anciens dispositifs à forte consonance étatique de VA et des politiques imposées par les instances internationales d’ajustement structurel (FMI et Banque mondiale). D’une part, la crise de l'agriculture au début des années 80 concernant la production, l'environnement et la société rurale, a mis en évidence les dysfonctionnements des économies des PASEM (Khader, 1995) et a témoigné du manque d'efficacité de l’État dans la gestion de la VA qui est la base du développement du secteur agricole (Elloumi, 1993). D’autre part, la nécessité d’une approche nouvelle du développement agricole moins centralisée et plus proche des agriculteurs a conduit les instances internationales à accompagner et appuyer techniquement la mise en place du PAS, dans les années 80. Le PAS a pour objectif de rétablir l’équilibre des comptes publics, sur fond de conception libérale de l’économie. Cela se traduit par un désengagement massif de l’État des activités dans lesquelles il était impliqué, comme la production agricole et l'encadrement des producteurs. L’objectif de cette orientation politique libérale est de renforcer la prise en charge réelle de la VA par les agriculteurs eux-mêmes par le biais de la profession (Sghaier, 2004). Les services de VA ont été une première cible de réduction d’effectifs, dans le cadre des PAS (Qamar, 2007). Certains pays ont réuni différents services partageant des activités de VA pour constituer des organismes unifiés comme l’Institut National de la Vulgarisation Agricole en Algérie ou l’Agence de Vulgarisation et de Formation Agricole (AVFA) en Tunisie.

La conception des démarches de VA évolue en attribuant aux agriculteurs différents rôles actifs, par la capacité de production d’un certain type de savoir empirique et par la possibilité d’adapter la production de technologies au milieu rural où elles seront appliquées. Un exemple de l’inadaptation d’une variété transférée est cité par Mahrous (1994), dans les années 1970 : des variétés de blé à haut rendement (blé mexicain) importées d’Inde n’ont pas été adoptées par les agriculteurs égyptiens, malgré les efforts de la VA, car les caractéristiques de ces variétés ne correspondaient ni au goût local, ni aux exigences culinaires (du point de vue de la couleur, de l’élasticité). L’évolution de la VA vise, en conséquence, à aider les agriculteurs à analyser eux- mêmes les contraintes, à rechercher et à tester des solutions et à choisir parmi les offres de services existantes. De ce fait, les approches classiques de la VA basées sur une relation linéaire entre le chercheur, le vulgarisateur et le paysan sont donc insuffisantes. Il faut une compréhension plus fine d’un système de connaissance et d’innovation agricole qui fonctionne non pas uniquement de manière linéaire mais comme un réseau avec plusieurs pôles qui

69

assurent les fonctions de production, de diffusion et d’utilisation de connaissances (Leeuwis, 2004 ; Klerkx et al., 2006).

Dans cet objectif, en Syrie, un département d’expérimentation et de transfert des technologies a été créé en 1993 en vue d’assurer et renforcer une relation permanente entre la recherche et les agriculteurs (Rajab, 1994).

La plupart des pays ont axé leurs réformes sur une approche fonctionnelle de la décentralisation qui intègre un ensemble d’étapes qui partent de l’identification des problèmes du secteur et vont jusqu’à l’élaboration d’un programme national de VA (Sghaier, 2004). Ce désengagement de l’État et cette décentralisation se heurtent à des problèmes cruciaux de mise en œuvre, dont notamment l’instabilité des appareils de VA, la faiblesse de la capacité des intervenants, surtout des vulgarisateurs eux-mêmes, et les difficultés organisationnelles de la décentralisation (Sghaier, 2004). En outre, le travail des vulgarisateurs a été compliqué par le fait que les PAS sont caractérisés par un retrait total ou partiel des aides aux agriculteurs familiaux ainsi que par la libéralisation des échanges (Delcourt, 2014). Cette catégorie d’agriculteurs n’a plus, en conséquence, accès aux conseils des vulgarisateurs.

Par un survol de la littérature, on constate que l’approche de la décentralisation dans les PASEM reste au niveau de la déconcentration du dispositif public, avec une participation limitée des agriculteurs à la programmation de la VA. Autrement dit, il s’agit plus de faire participer les agriculteurs à la construction du conseil public, sans transfert, même partiel, des services de VA aux Organisations Professionnels agricoles (OP). Au sein du dispositif public étatique, la participation des producteurs la plus connue réside dans « la réalisation du diagnostic et

l’identification des problèmes, leur participation à la mise en œuvre et au suivi et à l’évaluation des expérimentations » (Sghaier, 2004, p. 312).

Il faut noter qu’il y a, parmi les PASEM, des SVA qui n’ont pas évolué lors de ce mouvement des années 80-90. C’est par exemple, le cas du système libanais : « Vingt-cinq ans après

l’introduction de la VA, nous constatons que le modèle importé11 n’a pas changé, que les méthodes de travail n’ont pas évolué, et que nous n'avons pas encore trouvé notre modèle propre » (Mortada, 1994, p. 26).

11 Pour l’auteur, le SVA est né et s’est développé en Europe et aux États-Unis et a été importé, par la suite, dans

un pays dont l’environnement économique, social et culturel était différent de celui des pays originaires de ce système et pourtant, on a adopté les mêmes méthodes d’organisation et de travail.

70

B. Un mouvement accentué vers la décentralisation voire la privatisation du SVA à partir du milieu des années 2000

Le partenariat euro-méditerranéen, en 1995, a exigé que les PASEM s'engagent résolument sur la voie de l'ajustement structurel (Khader, 1995). Le renforcement de la refonte des SVA dans les PASEM est survenu dans une ère de mondialisation, de libéralisation des marchés de demande de démocratie et de pluralisme, de privatisation et de décentralisation (Qamar, 2007). Dans ce contexte et compte tenu des enjeux particuliers de la production agricole dans les PASEM, les décideurs politiques ont accordé un intérêt particulier à la réforme et à la modernisation du SVA dans les années 2000. L’objectif des États était de promouvoir la démarche de décentralisation du SVA en renforçant le rôle des Organisations Professionnelles (OP) ou en passant cette activité au secteur privé. Nous assistons effectivement à une montée des associations d’appui aux agriculteurs. C’est par exemple le cas de l’association Adel, en Palestine, qui propose des formations sur le travail du sol, la fertilisation et la manière de trouver le juste prix à la fois pour le consommateur et le maintien du producteur (Sawan, 2016). Nous assistons également, en Algérie, à la mise en place du Programme de Renforcement des Capacités Humaines et d’Assistance Technique instauré en 2009 (Arous et al., 2015). Ce programme ambitionne de mettre au point et renforcer les compétences et l'assistance technique aux agriculteurs, en augmentant la capacité d'intervention des structures de soutien et de développement. De même, une réforme du SVA est en cours dans certains PASEM, depuis 2012, sous le principe de la délégation du service public de VA au privé (Inter-réseaux, 2016). Il s’agit du développement d’une véritable démarche de libéralisation du marché de la VA ; dès lors, les agriculteurs s'appuient, en plus des conseils fournis par les agents de vulgarisation publics, sur d'autres fournisseurs de services. L’objectif de cette réforme est d’aboutir à 80% du conseil agricole qui soit assuré d’ici 2020 par des structures privées, professionnelles agricoles ou de services, tout en donnant, en 2013, un statut aux conseillers agricoles (Inter- réseaux, 2016). De même, en Tunisie, le projet de Promotion de l’Agriculture Durable et du Développement Rural (PAD), mis en œuvre depuis 2015, vise, à travers la formation B|U|S12, à développer l’esprit entrepreneurial dans le monde rural dans le cadre de la production, transformation et commercialisation des produits agricoles (GIZ, 2015). En revanche, l’implication des agriculteurs dans le SVA varie d’un pays à l’autre, d’une région à l’autre voire

12 La formation B|U|S «Bauern-Unternehmer-Schulung» est un outil d’aide à la réflexion et à la prise de

décision. Le projet PAD a formé, en 2015, les 20 premiers formateurs et formatrices B|U|S, dont la majorité est des vulgarisateurs, qui ont formé plus que 300 agriculteurs et agricultrices sur terrain, en Tunisie (GIZ, 2015).

71

d’un vulgarisateur à l’autre. Elle va d’une simple concertation avec les paysans, jusqu’à l’expérimentation et à l’évaluation paysanne, ou à la prise en charge de la VA par des OP. Par contre, la prise en charge de la VA par les OP n’est pas encore bien structurée et n’est pas jugée efficace dans certains pays. Par exemple, le dispositif d’accompagnement mis en place en Algérie, et composé d’OP et d’institutions d’appui à la production n’intéresse pas les agriculteurs, enquêtés par Anseur (2009), qui n’ont pas le sentiment d’être accompagnés efficacement par ce dispositif.

3.2 Les méthodes de VA dans les des Pays Arabes du Sud et de l’Est de la