• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 1. Le contexte de l’agriculture dans les Pays Arabes du Sud et de l’Est de la

1. Panorama des grands indicateurs agro-économiques des Pays Arabes du Sud et de l’Est

2.3 Le défi engendré par le modèle de la Révolution verte

Depuis les années 60, les PASEM ont cherché à augmenter les rendements par unité de surface pour assurer la sécurité alimentaire des pays caractérisés par l’explosion démographique. Les politiques agricoles ont été orientées vers l’adoption de la Révolution Verte. Ce modèle est caractérisé par une simplification des systèmes et une homogénéisation des pratiques. Quelques succès appartenant à ce modèle unique de développement, adopté par les PASEM, sont à noter. Il a contribué à l’augmentation des volumes de production par unité de surface et d’emploi, et dans une moindre mesure par unité de capital et de consommation intermédiaire (Ghali et al., 2014). En outre, la sous-alimentation est relativement réduite (5% de la population vs 13% en moyenne mondiale en 2010), mais stagnante (Rastoin, 2013). En ce qui concerne la couverture d’une partie des besoins alimentaires : « L'essor très rapide de l'aviculture dans tous les pays

du Sud Méditerranée (Algérie par exemple) au cours des deux dernières décennies en a fait la première source d'approvisionnement en viande, et a relégué la viande rouge au second rang »

(Cote, 1986, p. 109). Néanmoins, ce modèle caractérisé par la consommation massive d’eau, des produits phytosanitaires et par l’utilisation des machines a montré ses limites et n’a pas toujours réussi à concilier les enjeux de production, de protection de l’environnement, de la santé humaine et d’emploi. De ce fait, les externalités négatives de ce modèle ne sont pas comptabilisées dans le calcul coûts-bénéfices de ce modèle d’agriculture (Parmentier, 2014).

A. La consommation massive d’eau pour l’irrigation

L’extension de l’irrigation a été réalisée à travers des aménagements tels que la réalisation des barrages comme celui d’Assouan en Égypte ou de Tabqa en Syrie, et à la construction de forages

53

dans les pays du Maghreb. L'aménagement des périmètres irrigués est une expérience ancienne dans la plupart des PASEM, pourtant, sa maîtrise et sa mise en valeur sont encore loin d'être parfaites (Allaya, 1993). L’agriculture constitue le principal utilisateur d’eau dans les PASEM, en volume. En effet, la part de la consommation d’eau d’irrigation dans la consommation totale d’eau en PASEM est plus élevée en Syrie (88%) et au Maroc (87%), et le plus bas au Liban (60%) et en Algérie (56%) (Cheriet, 2013). De même, il y a une certaine hétérogénéité, selon les pays, en termes d’augmentation de la surface irriguée (Figure 5).

Figure 5 : Évolution des surfaces irriguées (en milliers d’hectares) en Méditerranée (PASEM*)

*Liste des pays limitée en raison de l’absence des statistiques sur le Maroc, la Libye et le Liban

Source : Eurostat, 2015 et ASMARA7, 2014

Pourtant, si nous prenons le cas où la surface baisse comme en Syrie, elle reste énorme par rapport à la superficie totale du pays et par rapport au pays similaire en surface comme la Tunisie et la Palestine.

Vu que les PASEM sont des pays arides ou semi arides, l’augmentation de la surface irriguée dépend des ressources d’eau souterraine. La consommation d’“eau verte”8 représente 82% de la demande totale en eau dans les PASEM (Hervieu et Abis, 2006, p. 174). L’épuisement de l’eau souterraine conduit, avec le manque de précipitations, à une augmentation de la salinité

7 Annuaire Statistique du Ministère de l’Agriculture et de la Réforme Agraire en Syrie, données de 2013. 8 L’eau verte : il s’agit de l’eau emprisonnée dans les sols et accessible par les plantes, tandis que l’eau bleue se

réfère à l’eau de (rivières, lacs, etc.). La distinction eau bleue / eau verte a été proposée par Falkenberg (1995). L’eau bleue est transformée en eau verte par l’irrigation ; l’eau verte est transformée en eau bleue par le drainage des sols (Lévêque, 2016).

1439 24 2701 348 673 1356 26 2932 396 856 1310 17 2643 469 1090 S Y R I E P A L E S T I N E E G Y P T E T U N I S I E A L G É R I E Année 2003 Année 2008 Année 2013

54

de l’eau, ce qui annonce des risques importants pour le devenir des systèmes irrigués. Par ailleurs, l’extension d’une irrigation mal maîtrisée à des terres plus ou moins « aptes » à l’irrigation, l’utilisation d’eaux de moindre qualité, y compris les eaux d’intrusions marine, et l’inexistence ou l’inefficience du drainage concourent à étendre la salinité des sols, parfois de manière très rapide (Lahmar et Ruellan, 2007, p. 319). Dosso (1980) et Ilaiwi (2001) montrent qu’en Syrie, la salinisation est apparue de manière notable dans les années 1950, à cause de développement de l’irrigation du coton sans drainage. L’irrigation, en plus des pratiques comme le labour, ont conduit également à l’érosion du sol ; d’où vient l’interdiction du labour dans la steppe en Syrie en 1995 (Ilaiwi, 2001). Les dégradations des sols sont très rapides à tel point que dans certaines situations, les seuils de l’irréversibilité sont déjà atteints, voire dépassés (Lahmar et Ruellan, 2007).

B. L’utilisation intensive des produits phytosanitaires

Les PASEM cherchent une augmentation maximale des rendements à l’hectare par la spécialisation et l’intensification des cultures. Cela a conduit notamment à l’augmentation des quantités d’engrais et de produits phytosanitaires consommés par l’agriculture. Cet usage intensif d’intrants accroît les risques sur l’environnement et sur la santé de l’homme, par la hausse des maladies invalidantes et des cancers, par exemple. Ni les cultures ni les sols ne peuvent absorber la quantité supplémentaire de substances nutritives qui restent comme résidus dans les produits agricoles, ou se transforment pour saliniser le sol ou percolent en polluant l’eau souterraine. Les nitrates sont, à titre d’exemple, l’une des principales causes de la détérioration de la qualité des eaux en milieu rural. La durée des résidus de pesticides dans la chaîne alimentaire humaine et l’environnement peut varier de quelques semaines à une trentaine d’années (Hervieu et Thibault, 2009). Les résidus dans les produits agricoles mènent de plus en plus fréquemment à des problèmes face aux exigences qualitatives sur le marché mondial, ce qui est un frein pour l’exportation.

Parmi les PASEM, l’Égypte est le plus grand consommateur d’engrais (Hervieu et Thibault, 2009). L’Algérie utilise moins d’engrais par rapport aux autres pays du Maghreb surtout dans les années 80 où les prix étaient élevés avec des ruptures fréquentes d’approvisionnement de certains intrants et de l’absence de campagnes de vulgarisation ; néanmoins l’usage a légèrement augmenté à partir de 1999, grâce au soutien à la fertilisation avec un taux de TVA réduit à 7% pour les intrants agricoles (Hervieu et Thibault, 2009).

55

L’utilisation massive des intrants diminue la fertilité des sols et fait apparaitre diverses formes de résistances biologiques. Les émissions résultant des quantités considérables d’énergie fossile nécessaire à la production d’engrais, de pesticides et d’herbicides, ainsi qu’au labour, à la fertilisation et au transport, sont considérées comme l’une des principales contributions au réchauffement climatique.