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CHAPITRE 1. Le contexte de l’agriculture dans les Pays Arabes du Sud et de l’Est de la

1. Panorama des grands indicateurs agro-économiques des Pays Arabes du Sud et de l’Est

2.2 Le défi environnemental

Dans les PASEM, les défis environnementaux sont sensibles sur trois registres principaux qui touchent les caractéristiques sociales, agricoles et climatiques. Car cette zone est distinguée par la rareté des ressources naturelles et la croissance démographique très importante affectant directement ou indirectement les ressources non renouvelables ainsi que le système agricole extensif puis intensif épuisant ces ressources.

A. La rareté des ressources naturelles

La zone Sud et Est de la Méditerranée est connue pour la répartition inégale de ses ressources naturelles, notamment entre les régions littorales et intérieures), entrainant celle de la population, mais aussi pour des contraintes géophysiques et des écosystèmes fragiles (steppes, déserts, oasis, montagnes). Cette fragilité des milieux rend les ressources naturelles difficilement accessibles à chaque producteur individuel, et les conditions géographiques et agro-climatiques des activités agricoles relativement défavorables.

A.1 La raréfaction des ressources hydriques et la dégradation de leur qualité

Les paysages agraires sont dominés par des zones arides et semi-arides. La pluviométrie très irrégulière ne dépasse pas 400 mm, dans une grande partie des territoires, sauf dans la région du Mont Liban et dans les zones de montagne du Maghreb où la pluviométrie est élevée (Blanc, 2002). Ce qui est traduit par une succession d’années de sècheresse. Ces aléas climatiques affectent les performances du secteur agricole qui fluctuent, par conséquent, d'une année à l'autre en liaison avec les conditions climatiques. Les variations erratiques des niveaux de production apparaissent plus claires en culture pluviale comme dans le cas des céréales. Il faut noter également que l’eau est le facteur de production le plus rare dans ces pays (Blanc, 2002). L’eau, « le nouvel or bleu », n’est pas seulement le premier obstacle à la production d’une quantité suffisante d’aliments mais aussi la cause de tensions politiques et socio- économiques difficilement contrôlables (Hervieu et Abis, 2006, p 7 ; Hervieu et al., 2006) comme l’illustrent les tensions entre la Syrie et la Turquie6. Les problèmes de gestion de l’eau

6 L'exploitation des eaux de l'Euphrate oppose de façon de plus en plus ouverte les deux pays riverains, Turquie

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et de stress hydrique tendent à s’aggraver sous l’effet du changement climatique (cf. infra), et des concurrences entre les besoins de l’urbanisation, de l’agriculture et de l’industrie. Les effets sont directs, sur les volumes d’eau disponibles, mais aussi indirects, comme, par exemple, l’augmentation de la concentration des polluants dans les eaux superficielles ; par ailleurs, l’augmentation de la salinité des lacs et des eaux souterraines est expliquée par l’évaporation importante des eaux de surface, de la baisse des précipitations ainsi que des intrusions d’eau de mer.

A.2 La rareté du sol arable et sa salinisation

Les PASEM sont composés de régions où les landes et les steppes, désertiques ou montagneuses, sont dominantes par rapport aux terres de Surface Agricole Utile (SAU). Ghersi (2002) souligne la SAU limitée des trois pays du Maghreb : le Maroc (SAU de 9 millions d'hectares), l'Algérie (SAU de 7,5 millions d'hectares) et la Tunisie (SAU de 5 millions d'hectares), soit 17 à 20 millions d'hectares, alors que la France à elle seule dispose de 30 millions d’hectares de SAU.

En termes de structures de production agricole, l’agriculture des PASEM se caractérise par la prédominance des exploitations de petite superficie. En 2003, les exploitants de moins de 10 hectares représentent 73 % du total des exploitants en Tunisie, 70 % en Algérie, 82% au Maroc (Hervieu et Thibault, 2009) et 80% des exploitations agricoles égyptiennes ont moins d’un hectare (Ayeb, 2008).

La rareté du sol n’est pas cantonnée à la dimension quantitative mais aussi qualitative qui s’exprime dans la dégradation de la qualité du sol. À cause notamment de la sécheresse, ces régions souffrent de problèmes de pédogenèse. Il s’agit de sols squelettiques fragiles, touchés par l'érosion résultant de nombreux facteurs : la déclivité, la force des vents, la faiblesse du couvert végétal, les épisodes de très fortes pluies, et le surpâturage (Blanc, 2002). À titre d’exemple, en Algérie la surface moyenne de l’exploitation est 3,5 hectares dont la majorité se situe dans des zones arides ou semi arides ce qui signifie que la durabilité risque d’être compromise par une utilisation intensive des ressources non renouvelables (Gherci, 2002). Le sol souffre de plus en plus de salinisation pour diverses raisons : par exemple en Syrie, en l’absence de réseaux de drainage opérants, l’eau d’irrigation dissout des sels qui remontent ensuite par capillarité dans les sols ; en Libye, la salinisation est imputable aux pompages dans les nappes côtières dont la diminution du niveau piézométrique induit une pénétration de l’eau de mer (Hervieu et Thibault, 2009). L'augmentation de la salinité du sol provoquée par

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l'affleurement des nappes phréatiques est la première cause directe de faible productivité des récoltes (Norton, 2005).

B. Le changement climatique

Thibault (2008, p. 4) décrit la Méditerranée comme un hot spot du changement climatique. Le changement thermique est intensifié par les variations de la température de la surface marine où la température moyenne superficielle annuelle de la mer Méditerranée est passé de 19.5°C en moyenne dans les années 80-90, à 19.9°C en moyenne en début des années 2000 (Hervieu et Thibault, 2009). Des pertes de territoire sont également à envisager pour les zones côtières (-1% en Égypte) (Durand et De Jouvenel, 2004).

Le changement climatique bouleverse l’agriculture via la dégradation de ses facteurs de production relatifs au capital naturel, l’eau, le sol, la biodiversité, la forêt, etc. Il accentue les déficits hydriques en modifiant le cycle de l’eau du fait de la hausse de l’évaporation, des sécheresses successives et de la diminution des précipitations cumulées. Cela conduit à la salinisation des cours d’eau et des eaux souterraines et à la pénurie d’eau. Il accélère les phénomènes de désertification d’ores et déjà enclenchés et l’apparition de nouveaux parasites du fait de l’augmentation des températures durant la saison humide. Ces impacts amplifient et vont encore amplifier les pressions déjà existantes sur l’environnement naturel. Le premier effet de ce phénomène global sur l’agriculture est la baisse des rendements agricoles. À titre d’exemple, au Maroc, un Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat montre des baisses de rendement de l’ordre de 10% en année normale et de 50% en année sèche d’ici 2020 et une production nationale en baisse de 30%, en cultures hivernales de céréales (Van Grunderbeeck et Tourre, 2008).

Dans ce contexte de changement global, la Méditerranée est particulièrement concernée. « Les

zones méditerranéennes les plus vulnérables seront celles de l’Afrique du Nord voisines des zones désertiques, les grands deltas (ceux du Nil, du Pô et du Rhône notamment), les zones côtières (rive Nord comme rive Sud du bassin) ainsi que les zones à forte croissance démographique et socialement vulnérables (rive Sud et Est, villes denses et banlieues) » (Van

Grunderbeeck et Tourre, 2008, pp. 1-8). Les PASEM apparaissent plus vulnérables au changement climatique que ceux de la rive Nord. Ils ne sont pas seulement plus exposés à l’accélération de la désertification et de l’aridité des sols ou à l’augmentation de la raréfaction des ressources en eau pour des raisons biophysiques, mais de plus leurs structures économiques dépendent beaucoup des ressources naturelles compte tenu de l’orientation des modes de

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production ainsi que des capacités techniques et financières limitées pour mettre en œuvre des options d’adaptation de grande ampleur (Van Grunderbeeck et Tourre, 2008).

Il faut noter que l’agriculture n’est pas seulement soumise au changement climatique mais, par ses pratiques, elle est l’une des causes de ce phénomène, selon le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat qui évalue « les pratiques agricoles non

durables comme étant à l’origine d’environ 15 % de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique » (Delcourt, 2014, p. 12). Les émissions résultant des quantités

considérables d’énergie fossile nécessaire à la production d’engrais, de pesticides et d’herbicides, le labour, et le transport des produits liées à l’agriculture, sont considérées comme l’une des principales contributions au réchauffement climatique.