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L’interdisciplinarité des phénomènes étudiés

2. Les crises biologiques : un problème scientifique à part

2.7. Gradualisme ou brutalisme de la crise biologique

Jusqu’à une époque récente les chercheurs croyaient que « ces extinctions se sont produites de manière graduelle, sur une période de temps assez longue » (J. Smit, 1996). Au début des années 1980, Peter Ward paléontologue américain et ses partisans pensaient que la disparition des ammonites avait été précédée d’une période de déclin qui s’étend sur plusieurs millions d’années avant qu’elles s’éteignent sans descendance à la limite C/T. Cette thèse a été démontée par P. Ward lui-même après l’exploration des falaises calcaires du pays basque et le constat que des ammonites ont subsisté jusqu’à cette date.

Chapitre 3 L’interdisciplinarité des phénomènes étudiés

Dans les régions à sédimentation continue, une fine couche d’argile, riche en iridium, dépourvue ou très pauvre en carbonate de calcium, sépare des sédiments beaucoup plus riches en CaCO3. Ce sont des microfossiles, coccolithes (plaques calcaires de quelques microns formant le test d’algues calcaires) et surtout Foraminifères (protozoaires planctoniques ou benthiques possédant un test calcaire) qui sont la cause de la forte teneur en calcaire de ces sédiments. Dans tous les sites (Kef en Tunisie, Caravaca et Zumaya en Espagne…) et alors que durant le Crétacé il y a un renouvellement graduel des espèces de Coccolithophoracées et de Foraminifères, on constate une extinction brutale de 80 % de ces micro-organismes planctoniques et 50% des espèces d’invertébrés à la limite Maastrichtien-Danien. De nouvelles espèces de Foraminifères, de dimensions plus réduites, apparaissent au début du Tertiaire et des espèces benthiques ne sont pratiquement pas touchées.

La chute de la teneur en carbonate de calcium à la limite Crétacé-Paléocène traduit une diminution considérable des dépôts de coccolithes et de test de Foraminifères planctoniques. Cette diminution est attribuée à une raréfaction de ces micro-organismes planctoniques dans les eaux océaniques à cette période. Cet effondrement coïncide précisément avec l’apparition de la fine lame d’argile enrichie en iridium et en spinelle nickélifère […] signe un impact extraterrestre.

Les ammonites et les bélemnites, céphalopodes marins très bien représentés au crétacé, disparaissent de façon brutale, soudaine et synchrone il y a 65 millions d’années. Il n’existe aucune ammonite postérieure au crétacé. Par contre, les nautiloïdés, mollusques proches des ammonites, ne sont pas affectés. Les données quantitatives et qualitatives concernent les coccolithophoracées et les foraminifères, la disparition des ammonites et des bélemnites plaident en faveur de l’existence d’une crise biologique majeure en milieu marin. La sélectivité des extinctions est à noter : certains groupes (foraminifères benthiques, nautiloïdés…) ne sont pas touchés par la crise.

Au niveau de la flore les chercheurs ont mis en évidence au niveau, de la couche à iridium, une augmentation considérable du pourcentage de spores de fougères par rapport aux grains de pollen. Tout se passe comme si l’abondance des plantes à fleurs avait décru soudainement, pendant le temps correspondant à l’accumulation de l’iridium. Le pic de spores à la limite Crétacé-Paléocène traduit une crise biologique brutale entraînant, au moins temporairement, la disparition de 30 à 40% des plantes à fleurs.

L’extinction des foraminifères fut-elle graduelle ou brutale ? L’analyse des deux sites les plus complets du monde (Le Kef en Tunisie et Caravaca en Espagne), par Dieter Herm en 1982, a montré que les disparitions furent brutales et soudaines voire compatibles avec une

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catastrophe cosmique. Ceci prouve, ce qui a été démontré par Peter Luterbacher et Isabella Premoli Silva en 1963, que les foraminifères sont morts subitement à la fin du Crétacé. Gerta Keller a réétudié la même série du Kef, et soutint que les disparitions se sont étalées sur quelques dizaines de milliers d’années. Difficile de trancher face à un problème scientifique soutenu par des donnés du terrain. Un test aveugle a été mené sous la direction de Robert Ginsburg. « Six échantillons identiques, méconnaissables et codés, ont été confiés à quatre micropaléontolgues », leur mission était de déterminer les différentes espèces présentes dans chaque échantillon. Ils ont constaté, comme Gerta Keller, que certaines espèces (pas toujours les mêmes) semblaient s’éteindre sur plusieurs milliers d’années. « Mais quand on superpose les résultats des quatre chercheurs, la thèse de la disparition graduelle s’évanouit […], près de la moitié des espèces disparaissent juste au niveau de la limite C/T (J. Smit, 1996). La chute météoritique semble être l’argument d’une disparition brutale, dans un « laps » de temps relativement cours. La tendance de se borner sur les deux explications enrichies chez les élèves un amalgame explicatif et leur faire obstacle à l’appréhension d’un phénomène sujet de débat jusqu’à nos jours.

2.8. Conclusion

Nous récapitulons dans le tableau suivant les hypothèses et les arguments de la crise Crétacé-Tertiaire.

Tableau 14 : la crise biologique conjonction de deux phénomènes géologiques

Repère temporel Hypothèse arguments

L’impact météoritique Phénomène géologique externe (météorites)

forte teneur en iridium dans les météorites dans la limite K/T

Couche d’argile noire - forte quantité d’Iridium - diminution du rapport 13C/12C - diminution de la teneur en

CaCO3

Impact volcanique Phénomène géologique interne (tectonique des plaques, volcanisme)

empilements de gigantesques coulés de basaltes

émission de gaz et de poussière dans l’atmosphère

L’hypothèse météoritique est un phénomène planétologique externe alors que l’hypothèse volcanique est une cause tectonique de la crise. La crise de l’ère primaire coïncide avec la fragmentation de la Pangée est les hypothèses probables de cette crise sont principalement

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tectoniques. La tectonique des plaques est-elle un modèle explicatif de certains phénomènes biologiques et géologiques ? Nous expliquons dans ce qui suit les séismes et l’orogenèse.