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Temps géologique et problématisation dans le manuel scolaire

3. Les styles éducatifs, situations-problèmes et problématisation

3.3. Analyse comparative des styles éducatifs privilégiés

3.3. Analyse comparative des styles éducatifs privilégiés

Nous comparons dans le tableau suivant les styles éducatifs des deux manuels.

Tableau 30 : Comparaison des styles privilégiés dans les deux manuels

Styles éducatifs

M1 M2

(A) Dominant peu dominant

(B) Présent présent

(C) Présent Présent

(D) peu présent peu présent

Le style le plus dominant les thèmes analysés est le style informatif. Mais nous remarquons une évolution de la conception des auteurs concernant ce style dont sa domination étant réduite dans le manuel de la 3ème année sciences expérimentales. Le style participatif peu présent dans le manuel M1 prend plus d’ampleur dans le manuel M2. Le style injonctif et celui persuasif sont encore présents dans le manuel M2. Il est plus important de considérer l’effort de s’orienter vers la multiplication des activités destinées aux apprenants. Au niveau de la 2ème année, ces activités se résument en quelques phrases. Dans le nouveau programme, il semble que les auteurs sont conscients du rôle que peut jouer l’autonomie des élèves dans la construction de leur savoir. Quoi qu’il en soit, le style participatif reste peu développé dans d’autres manuels tunisiens (M. Abrougui et al., 2007). Il serait souhaitable d’engager plus l’élève dans l’élaboration et la construction de son savoir et de s’échapper du dogmatisme. Cependant, le dogmatisme réapparaît toujours dans le style informatif. N’y a-t-il pas d’autres méthodes pour ne pas présenter les sciences comme cumul de résultats ?

L’essai de passer de la dominance du style informatif vers le style participatif, dans le nouveau thème de la géologie, ainsi que la limitation des autres styles reflète une orientation vers cette tendance à l’autonomie et à la réflexion. En fait, la prédominance du style informatif traduit la conception d'une transmission de résultats scientifiques cumulés, et ne développe pas le plaisir de l’invention chez l’apprenant. Il est important de signaler que les

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incitations à la participation dans les activités sont nécessaires (notamment dans le manuel de la 3ème année sciences expérimentales), mais parfois elles renvoient à une solution et n’incitent pas forcement à l’élève à se poser des questions. Notre travail est inscrit dans une approche constructiviste qui met en jeu la construction du problème scientifique par l’apprenant. Il est regrettable de voir le style informatif l’emporter sur les autres styles dans les activités proposées aux élèves. L’apparition du concept didactique « situation-problème »24 dans le manuel de la 3ème année favorise une tendance au style participatif. Néanmoins, il ne suffit pas seulement de favoriser ce style, comme c’est remarquablement fait dans le manuel, mais il est aussi nécessaire d’engager l’apprenant dans une approche de construction du problème. Nous reviendrons plus tard à l’analyse des trois situations problèmes figurant dans le manuel afin de nous assurer des tendances des concepteurs et de leur efficacité dans l’enseignement du thème de la géologie.

3.4. Conclusion

Il parait, à travers la réforme du programme et du contenu du manuel, que les auteurs du programme sont convaincus par l'utilité de la participation et de l’autonomie de l’élève dans la construction de son savoir. Néanmoins, l’analyse montre que cette prise de conscience est limitée dans la mise en texte du savoir. L’utilisation de grilles de catégorisation des styles éducatifs nous a montré que les enseignements semblent ne pas être problématisés et finalisés dans le but d’aider les apprenants à agir avec réflexion critique sur le contenu et leur permettre de problématiser leur propre savoir. La multiplication des activités dans le programme de la 3ème s'avère d’importance dans les processus de mise en texte des savoirs. Cependant ces activités restent très centrées sur le contenu scientifique et la géologie semble être exclue du contexte socio-économique. Nous n’avons trouvé aucune importance, dans les deux manuels, donnée à la prévention où la prédiction des séismes par exemple.

Il convient donc de retenir que :

- L’ampleur du style informatif, qui favorise une transmission du savoir sous forme de cumul de résultats, pourrait mener les auteurs des manuels à se questionner sur les objectifs réels de la mise en texte des contenus d’enseignement.

- La limitation des styles injonctifs et persuasifs réduit le dogmatisme scientifique et rompt avec une éducation autoritaire.

- La tendance dans le nouveau programme de la géologie à l’usage du style participatif reste

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limitée et ne peut traduire l’autonomie de l’apprenant dans la construction de son savoir. Cette participation pourrait être associée à d’autres dimensions, socio-économiques par exemple.

3.5. Analyse des rubriques ; « situations-problèmes25 » et « réflechissons »

Les situations-problèmes sont proposées dans le manuel de la 3ème année Sc. Exp. par contre la rubrique « réfléchissons » est proposé dans le manuel de la 2ème année secondaire. La présentation d’une situation-problème au début d’un chapitre est particulièrement efficace. Elle permet aux élèves d’explorer et de mobiliser leurs pré-acquis. Elle permet aussi d’attirer l’attention de l’apprenant et de l’impliquer dans la situation de construction du problème et de sa résolution. Néanmoins, si la construction de problème peut être faite au début, sa résolution totale n’est pas une obligation tant que la séance ou le chapitre est en cours.

Nous récapitulons dans ce qui suit les exemples de situations-problèmes présentées au début de chaque chapitre du thème de la géologie avec leurs questions. Afin d’incarner cette analyse dans notre projet de recherche portant sur la construction des problèmes en sciences, nous transposons une grille d’analyse, élaborée par moi-même dans la typologie des questions des enseignants pour analyser les différentes questions posées dans les trois situations-problèmes. Comme nous l’avons proposé, cette grille nous permet d’identifier les attributs associés aux concepts « problème ». Nous essayons donc de montrer si les questions posées dans les situations-problèmes renvoient à des problèmes scientifiques ou aident à leur construction. Nous essayons de déterminer les typologies des questions et de les classer dans les différentes catégories : Questions conceptuelles (obtenir des idées, des définitions…etc.) ; Questions empiriques : (faits, expérimentation…etc.) ; Questions pédagogiques (gestion de la classe, compréhension, mémorisation) ; Questions de valeurs (des questions relatives à l’environnement, à la société) ; Questions de transfert ou problème scientifique (questions d’extension de la pensée, application des connaissances à de nouveaux problèmes scientifiques). C’est ce dernier type de questions que nous considérons corrélant avec notre étude sur la construction de problèmes en sciences.

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Tableau 31 : typologie de questions posées dans les situations-problèmes Situation-

problème

Types des questions Exemples

P278 3 questions

Conceptuelle, empirique

Quelle est l’origine de l’énergie dissipée lors de la production des séismes et des volcans

P 297 2 questions

Empirique Comment expliquer la répartition des séismes, des

volcans et des chaînes de montagnes ?

P298 7 questions

Empirique Conceptuelle De transfert

Comment expliquer la jeunesse de la croûte océanique ?

Que signifie-t-elle ? (théorie de la tectonique des plaques)

Peut-on exploiter la théorie de la tectonique des plaques pour prédire l’évolution géologique de certaines régions du globe ?

P 328 1 questions

Empirique Quels sont les arguments qui plaident en faveur de la

théorie de l’évolution ?

L'ensemble des questions, présentées successivement dans ce tableau, retrace exactement le programme, c’est une sorte d’hiérarchisation du cours pour le professeur. Elles sont des questions qui peuvent être des sous-titres dans un chapitre. A notre sens, seul l’enseignant est capable de répondre à ces questions, leur résolution sera le cours dicté aux élèves en situation d’apprendre. Les problèmes qu'ils proposent sont des opérations mentales, l’élève ne peut y répondre qu’après avoir acquis une certaine connaissance.

Les situations-problèmes sont accompagnés de textes, d’images …etc. qui n’ont pas parfois de relations avec les questions. Par exemple le texte p 278 parle d’échelle, d’énergie sismique alors que l’élève n’a pas encore une idée sur ces notions ; par contre les questions (voir tableau 39) vont dans un autre sens, sur le modèle structural et/ou l’analyse des ondes. Il s’agit bien de questions conceptuelles qui ne renvoient à aucun problème. Un énoncé qui renvoie à un « vrai » problème ne donne pas des indices de réponses. Ce n’est pas le cas de du 2ème problème (Manuel, p 297-298)26, le texte explique bien la jeunesse de la croûte océanique sujet de la question posée « comment expliquer la jeunesse de la croûte océanique. »

Dans la situation-problème (manuel, page 298)27 sur la tectonique des plaques, on demande aux élèves la signification de cette théorie ou son utilité. Nous avons montré dans des travaux antérieurs (Y. Boughanmi, 2004) que les élèves ne font pas la différence entre la dérive des continents et la théorie de la tectonique des plaques et ce, après l’enseignement du thème de la géologie. La théorie de la tectonique des plaques n’est pas conçue comme un modèle explicatif des autres phénomènes géologiques. En posant ces questions au début du thème,

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Manuel scolaire de la 3ème année Sc. Exp. (voir annexe) 27

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seul l’enseignant serait apte de répondre. La majorité des questions, posées dans les différentes situations-problèmes, sont des questions conceptuelles, certaines sont empiriques ; aucune question qui permette l’extension de la pensée. S’il n’a y pas de l’imprévisible dans la situation-problème qui rend la tâche un peu difficile pour l’élève et l’oblige de chercher ailleurs, elle devient une simple question scientifique où il n’est plus l’acteur. Certaines questions pédagogiques portent sur la signification d’une théorie, d’autres portent sur l’évolution climatique. Mais nous remarquons que le thème de la géologie n’est pas relié à la société. Nous n’avons pas des questions sur la prédiction des séismes, par exemple. La géologie est une discipline qui touche de près l’éducation à l’environnement. Quant à la construction de problème, ses situations-problèmes ne font pas l’objet de cette approche étant donné qu’elles ne renvoient pas à des problèmes. Les problèmes que soulèvent les situations-problèmes sont des questions purement scientifiques, œuvre de l’enseignant et de l’expert. Il serait important d’impliquer l’apprenant dans l’acte même de son apprentissage afin de lui permettre de développer des aptitudes auxiliaires de construction du problème, et au-delà sa résolution.

Nous revenons aussi au manuel de la 2ème année secondaire pour catégoriser les questions posées dans la rubrique « réfléchissons ». Quels types de questions sont proposés par les auteurs dans cette rubrique ? Renvoient-elles à une extension de la pensée ?

Tableau 32 : Typologie des questions dans la rubrique « réfléchissons » du manuel de la 2ème AS

Réfléchissons Types de questions Exemples

P 44

2 questions

Empirique De transfert

Comment est la structure du globe terrestre ? Que peut-on déduire ?

P 53

1 questions

Empirique Comment expliquer la naissance des chaînes de

montagnes ?

Par comparaison au nouveau manuel, la rubrique « réfléchissons » n’offre pas beaucoup de questions à travers lesquelles nous pouvons estimer l’engagement des apprenants des situations de problématisation. La majorité des questions dans les deux manuels sont empiriques et parfois conceptuelles. Les réponses à ces questions sont un cumul de connaissances que l’enseignant est censé expliquer ou dicter aux apprenants. Ce type de questions n’engagerait pas les élèves dans un processus de réflexion ou d’extension de la pensée et ne leur donnerait pas l’occasion de réfléchir sur l’utilité de tells connaissances dans leur environnement social.

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3.6. Conclusion

Le style informatif favorisé dans les deux manuels et les situations-problèmes à travers lesquelles les auteurs cherchent à sélectionner de « bonnes questions » susceptibles d’intéresser les élèves semble être limité pour développer une auto-construction du savoir. Toutefois, explorer des questions problématiques ou amener les élèves à problématiser peut bien sûr se faire via toute une série de situations-problèmes ou à travers un style participatif faisant de l’élève l’élaborateur de sa connaissance. Toutefois, les questions posées dans les situations-problèmes sont des questions empiriques ou conceptuelles. Une situation problème ne se confond pas à la problématique et pourrait être une démarche concrète adaptée aux élèves afin qu’ils apprennent quelques choses. Les situations-problèmes ou plutôt « bonnes questions » scientifiques proposés par les auteurs sont difficiles à résoudre vu le manque de connaissances chez les élèves et ne favoriseraient pas l’engament de l’élève dans une problématisation. La seule question qu’on a supposé de transfert et posera un problème, mais après enseignement du thème entier de la géologie, porte sur l’utilité de la théorie de la tectonique des plaques dans l’explication de l’évolution géologique. Une situation-problème devrait permettre le franchissement de certains obstacles sans qu’elle soit trop difficile sous peine d’abandon de l’apprentissage par l’apprenant. Elle pourrait être plus pertinente qu’elle aura du sens pour l’apprenant, notamment si elle est relié à des situations de son monde ou société.