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La gestion de l’étroitesse : ajustements spatiaux et temporaux de l’inclusion totale

CHAPITRE 1. La catégorie allegamiento au Chili : variations sur une conception locale du rapprochement résidentiel familial

III. Amelia peut « toujours rester là »

III.3. La gestion de l’étroitesse : ajustements spatiaux et temporaux de l’inclusion totale

Du point de vue indigène, l’invitation de Juan à Amelia n’est pas surprenante. C’est d’une certaine manière ce qu’attendait sa petite-fille et ce que Juan savait qu’il devait faire. Comme je l’ai suggéré avec l’analogie des maillons qui s’ajoutent à une chaîne, dans ce contexte, partager la maison avec les siens est une expérience familière. Elle s’inscrit dans le passé, est constitutive du présent et projetée vers l’avenir. A travers une mise en place

80 À propos du contraste entre l’inélasticité du principe de l’accueil parental et la forte élasticité des arrangements matériaux de l’espace résidentiel, il me semble pertinent d’évoquer un échange que j’ai eu avec Victoria. En parlant de sa fille qui avait déménagé après plus de trois décennies de corésidence chez Victoria, je lui ai demandé ce qu’elle ferait si jamais sa fille lui demandait un jour de revenir, à quoi Victoria m’a répondu :

« Je pense que oui, je ne sais pas où, mais je crois qu’il faudrait que je l’accepte, quoi. [...] Je lui dirais que oui, qu’elle s’arrange une pièce, tant pis pour mon autre fille, elle devrait s’arranger aussi [...]. Je n’aurais pas le cœur pour lui dire [non]. Et en plus, avec toutes les choses qu’elle a accumulées maintenant, il lui faudrait se faire une pièce en bas et une autre au-dessus ! » (E7, 2007)

mouvementée et changeante, pleine d’imprévus et d’incertitudes, la corésidence constitue un horizon persistant, durable, continuel, sur lequel s’articulent les attentes réciproques et les possibilités résidentielles faisables et désirables. Ce vécu, inscrit dans la continuité, est résumé par l’expression indigène « rester là pour toujours » [quedarse aquí para siempre].

« Rester là pour toujours »

Paradoxalement, ce n’est pas par rapport à l’idée de rester, mais de partir de chez ses grands-parents qu’Amelia a rendu explicite, au cours de notre conversation, la signification de la notion « rester là pour toujours ». Se distinguant de sa tante et son oncle, Amelia m’a dit qu’elle aimerait bien pouvoir accéder à la propriété, obtenir une maison à elle :

AMELIA : Rester là toute la vie, non. Je voudrais avoir ma maison à moi. Je ne veux pas que mes enfants vivent comme j’ai vécu. Je veux qu’ils voient que j’ai réussi [tiro pa’rriba] et eux aussi. Merci Dieu, j’ai l’épargne pour le logement [social], alors je vais déposer mon dossier et j’espère que ça va aller. (E83, 2015)

Je fus un peu surprise de constater qu’en même temps qu’Amelia investissait beaucoup dans sa maison sur le toit, envisageant même de faire des aménagements dans le court terme, elle prévoyait aussi sérieusement d’initier les démarches pour obtenir un logement social. Or, ce scénario posait un problème pour Amelia, car avec le montant de l’allocation accordée par le programme étatique d’accès à la propriété trouver une maison à proximité de chez ses grands-parents était, selon elle, « impossible ». Le prix des maisons les moins chères à Macul ou dans les arrondissements voisins est trop élevé, entre 27 et 30 millions de pesos (entre 35 et 40 milles euros environ), selon son estimation, par rapport à une allocation qui, dans le meilleur des cas, sera autour de 20 millions (26 milles euros environ)81. Alors, pour concrétiser ce projet, il faudra s’en aller loin, à la périphérie de Santiago ou même dans la Région Métropolitaine. Selon Amelia, face à ce scénario très probable d’éloignement, sa grand-mère a opposé une forte résistance :

AMELIA : Ma Nana ne voulait pas que je parte. Lorsque je lui ai dit que j’allais déposer le dossier, elle m’a dit « ton Tata a dit que tu pourrais rester-là toute la vie si tu veux ». Et moi, je lui ai dit « tu sais,

81 Les montants estimés par Amelia correspondent au programme étatique d’achat de logements pour des familles non propriétaires et qui vivent dans des conditions de vulnérabilité sociale. Ce programme permet d’obtenir un logement neuf ou d’occasion sans crédit hypothécaire. Voir http://beneficios.minvu.gob.cl/comprar-una-vivienda/sector-vulnerable/ (consulté pour la dernière fois le 27/08/2018).

Nana, je vais te parler bien sincèrement. Moi, ici, je n’ai rien à faire, rien. Le jour où tu ne seras plus là,

je dépendrai de la volonté de mes oncles et tantes, et moi, je ne veux pas cela. Je ne veux pas qu’ils viennent et me piétinent et me disent « tu peux rester » et, ensuite, « non, tu t’en vas ». Je veux être chez moi avec mes enfants, tranquille. » « Bon, [sa grand-mère lui a répondu] fais ce que tu veux, mais que tout le monde sache que personne ne t’a renvoyée d’ici. » (E83, 2015)

Face à son intention de partir, Ester a clairement déclaré à sa petite-fille que « personne

ne lui a renvoyée » de sa maison et lui a rappelé que c’est son grand-père lui-même qui, avant

de mourir, a dit qu’elle pouvait « rester là tout la vie ». Cela m’a été confirmé plus tard par Ester, lorsque je lui ai posé la question du départ éventuel d’Amelia :

ESTER : Bon, si c’est son destin à elle, d’avoir une petite maison, alors « ma fillette, pour tes enfants, tu peux partir ». Mais, ici, elle peut rester tant qu’elle le veut. Or, elle m’a dit « si jamais tu pars un jour Nana, et eux me renvoient ». « Ils n’ont pas de raison pour te renvoyer, cela est à toi aussi ! ». Pour moi, qu’elle reste à mes côtés, car je sais que je vais beaucoup souffrir quand elle va partir. Moi, aux enfants [d’Amelia], je les adore, j’adore mes petites chèvres [mis cabritos], surtout la toute petite, celle qui était la préférée de mon vieux. (E84, 2014)

La possibilité temporellement indéfinie de rester là, de ne jamais devoir partir, car « cela

est à toi aussi », apporte une forme de souplesse face aux ruptures, changements et

bouleversements de toute sorte qui, dans ce contexte, traversent la vie quotidienne. Déménager dans une maison localisée dans la périphérie représente pour Amelia la menace d’une rupture radicale (« c’est recommencer tout à zéro »), et elle en est très consciente (« cela me fait peur »). Une rupture non seulement du point de vue des rapports familiaux, d’amitié et de voisinage qu’elle, son mari et leurs enfants ont tissés localement, mais aussi du point de vue de son travail. Deux ans auparavant, Amelia et son mari ont investi dans un chariot [carro], où ils préparent et vendent, tous les soirs dans la rue, des sopaipillas – un pain frit très populaire à base de courgette, farine et graisse de porc –, activité pour laquelle ils ont réussi à obtenir un permis municipal. Le chariot est leur moyen de subsistance, mais il représente aussi symboliquement ce qu’Amelia a pu réussir dans sa vie :

AMELIA : Je suis devenue mère à 15 ans et cependant j’ai quand même réussi [tiré pa’rriba]. Je n’ai pas abandonné mes enfants comme l’a fait ma mère avec moi, et je suis restée avec mon mari. Et j’ai fini le lycée, c’est quand-même quelque-chose ! La dame de la fondation [d’aide au logement] peut vous le dire, car quand je suis allée [demander la mediagua], je n’avais rien, même pas des sous pour le transport, rien […]. Mais maintenant, j’ai mon chariot et je travaille, j’ai mon argent […]. Ce chariot, c’était un tricycle que l’on m’a donné à la Municipalité […]. Avec mon mari, nous avons acheté de l’acier inoxydable qui est très, mais très cher […]. Et mon mari a utilisé la machine à souder et lui-même l’a monté […] et ensuite on a demandé un permis à la Municipalité, et on l’a obtenu. (E83, 2014)

Dans l’idéal, l’accès à la propriété d’une maison serait pour Amelia l’aboutissement de sa propre trajectoire de réussite qu’elle décrit plus haut. Or, « partir » implique aussi une menace de rupture et le risque de tout perdre, d’autant plus que la maladie en face terminale de son mari augmente les incertitudes et les sources de vulnérabilité. À cela s’opposent l’horizon du « rester là » et la solidité du « toujours » qui, comme sa grand-mère le lui a rappelé, sont une promesse faite par son grand-père et qui, par conséquent, est censée être respectée par les membres de la famille qui vivent dans le sitio.

Amelia sait bien que, malgré la parole donnée, lorsque sa Nana ne sera plus là, personne ne pourra garantir son respect. La reconnaissance ambiguë de son statut dans la fratrie par les frères et sœurs de sa mère constitue pour Amelia une forte incertitude. Alors, c’est sa maison sur le toit, la matérialité même de sa construction et de son occupation effective qui deviennent sa seule garantie et la forme par laquelle le « toujours » se concrétise et devient effectif. Intéressons-nous à ce récit dans lequel Amelia résume toutes les alternatives concernant sa maison actuelle auxquelles elle a songé dans l’hypothèse où elle obtiendrait un logement social :

AMELIA : Ma grand-mère m’a dit que je ne démonte pas ceci [les mediaguas], que je les laisse comme ça et que ça reste pour quand je reviendrai […]. Que je les ferme seulement et que j’y garde quelques choses, tout ce qui ne rentrera pas là-bas [dans la nouvelle maison], ou bien des marchandises, si je monte un commerce, que je les stocke ici et après je viens les chercher […]. Je peux revenir une semaine, [si ma grand-mère] est malade, je viens prendre soin d’elle, je laisse les [enfants] plus âgés là-bas, quelque chose comme ça. Mais, ma mère, elle voulait déjà venir s’installer, mais je ne veux pas, car mon grand-père m’a donné ceci. Il m’a dit : « tu vas vivre ici toute ta vie et quand tu auras une maison, alors tu vas la mettre en location ». Mais ça, on ne peut pas le faire, c’est illégal.

A la fin de l’extrait, Amelia mentionne une possibilité que son grand-père lui a suggérée et qu’elle aimerait bien faire : rester vivre dans sa maison actuelle et mettre sa nouvelle maison en location. Comme ça, elle pourrait rester chez sa grand-mère, mais en touchant un revenu additionnel et en possédant un lieu où s’en aller si les relations deviennent compliquées avec ses oncles et tantes, ainsi qu’avoir « quelque chose pour laisser aux enfants ». Or, elle le sait bien, cela n’est pas possible, car la législation chilienne interdit de louer ou vendre, pendant une période de cinq ans, un logement obtenu via l’allocation étatique. Alors, il y a une autre alternative que sa grand-mère lui a proposé : ne pas « démonter » sa maison sur le toit et continuer à l’occuper de plusieurs manières pour empêcher que quelqu’un d’autre puisse en prendre possession. Cette idée d’une double résidence semble plaire à Amelia. Cela lui

permettrait de réaliser simultanément deux souhaits : d’un côté, « rester-là pour toujours » ; et de l’autre, « réussir sa maison à soi » [tener la casa propia].

On l’a vu, « rester là » pour « toujours » est une projection idéale qui structure les attentes réciproques et oriente les pratiques indigènes vers la recherche d’arrangements qui le rendent plus ou moins réalisable. Or, du fait de l’orientation morale à l’inclusion totale des enfants et de leur descendance et dans un contexte contraint par une limitation de l’espace résidentiel disponible, cet idéal rencontre nécessairement des problèmes pratiques pour se réaliser effectivement. La contrainte spatiale est souvent à l’origine de conflits quotidiens, des plus banaux aux plus graves, entre les membres corésidents d’un groupe de parenté. C’est pourquoi dans la réalisation pratique du « rester-là », se met en place tout un savoir-faire lié à la gestion de l’espace, des objets et des personnes, que j’appelle ici la « gestion de l’étroitesse ».

Les pratiques destinées à gérer l’étroitesse dans l’expérience de la proximité résidentielle chez les Rojas T., marque la spécificité de ce cas en tant que cas de figure, par rapport aux deux cas analysés précédemment. Surtout chez les Sabalsa R., et sous une forme plus nuancée chez les Vargas E., l’expérience de la proximité résidentielle reposait plutôt sur une « gestion de la distance ». Les pratiques par lesquelles les individus réussissaient à rendre possible une co-présence quotidienne entre des individus habitant des maisons différentes et non contiguës, consistaient en des déplacements routiniers et le franchissement fluide des barrières entre les maisons. Dans ce dernier cas, par contre, la proximité existante entre des maisons différentes exige de résoudre le problème inverse : comment créer et maintenir des frontières résidentielles au sein d’un espace partagé et restreint, c’est-à-dire comment différentier des lieux et des moments d’intimité dans un contexte où la coprésence effective des autres est une situation quasi perpétuelle. De la même manière que la gestion des distances impliquait toute une stratification des lieux en termes de centre et de marges, la gestion de l’étroitesse relève aussi d’une structuration des pratiques de co-présence.

Différentiations et alternances

L’attention portée à la description de l’expérience de la proximité par Amelia, m’a permis de mettre en lumière deux dimensions où se joue la gestion de l’étroitesse. La première est liée aux pratiques de différentiation et d’appropriation des lieux. La deuxième touche l’organisation temporelle de l’occupation des espaces différentiés et appropriés, notamment par

la mise en place d’alternances ou de rythmes d’occupation, aussi bien dans la durée qu’au quotidien.

S’agissant de la première dimension, on a déjà vu comment l’installation progressive des enfants de Juan et Ester et de leur famille dans le sitio a eu comme contrepartie non seulement l’ajout de bâtiments à la maison initiale, mais également un processus de différenciation à l’intérieur du sitio. Ce n’est pas simplement que la maison acquise par Ester et Juan dans les années 1970 s’est progressivement agrandie pour accueillir ceux qui « restaient

là », mais plutôt que plusieurs maisons ont émergé au fur et à mesure. Pour reprendre

l’expression indigène, plusieurs maisons ont été « tirées » [sacadas] de la maison parentale82. On a vu aussi que le processus de transformation d’une simple pièce additionnelle attachée à la maison principale jusqu’à ce qu’elle devienne à proprement parler une maison

« indépendante » est souvent long et marqué par des moments clés, comme la construction

d’une cuisine et une salle de bain « à part » [aparte] et d’une « entrée indépendante » depuis la rue. De même, l’investissement dans l’isolement, notamment visuel mais aussi sonore et olfactif, constitue n enjeu très important du processus de différentiation d’espaces relativement intimes au sein de la corésidence.

À côté de ces barrières matérielles qui servent à différentier des espaces intimes dans des contextes de corésidence, la gestion de l’étroitesse se joue aussi par la mise en place d’alternances et de rythmes dans l’usage des lieux, à différentes échelles temporelles. Si dans l’idéal, tous les enfants et leur famille respective ont le droit de « rester » chez les parents Rojas T. pour une durée indéterminée, dans la pratique, cela n’est pas possible de façon simultanée. Le fait que les cinq enfants aient vécu chez Juan et Ester après avoir commencé à former une famille, n’a été possible que par les jeux de va-et-vient que nous avons décrits en détail dans la section précédente.

Presque tous les enfants Rojas T. ont eu recours, par intermittence, à des alternatives résidentielles autres que la maison parentale. Comme j’ai pu le retrouver de manière assez généralisée sur mon terrain, la plupart des jeunes couples comptent en principe sur la maison parentale des deux conjoints, ce qui leur permet de faire des alternances dans la corésidence

82 J’ai souvent entendu, sur mon terrain dans les bidonvilles, l’expression « sortir » ou « tirer » [sacar] les pièces dès la maison originelle vers l’extérieur. Il est intéressant de noter la similitude avec une expression indigène utilisée dans les milieux défavorisés urbains au Brésil. Dans ces milieux, les individus utilisent l’expression « puxar a casa », c’est à dire, « tirer » ou « sortir » une nouvelle maison à partir de la maison originelle.

intergénérationnelle au long de leur vie conjugale. C’est par exemple le cas du fils cadet, Lalo, qui, après son mariage, s’était installé chez ses beaux-parents et qui n’est revenu chez les Rojas T. qu’après sa rupture conjugale. La même chose s’est passée avec Valentina, la fille aînée, sauf que celle-ci était toujours chez ses parents au moment de mon enquête, tandis que son frère cadet était reparti vivre dans une maison à lui. Amelia a, elle aussi, enchaîné plusieurs va-et-vient entre la maison de ses grands-parents et des maisons sous-louées dans les environs. Ces va-et-vient dans la durée octroient une certaine souplesse dans les rythmes de la corésidence, en rendant possible des accommodations temporelles et les alternances nécessaires à la réalisation pratique du principe d’inclusion totale.

Cela dit, les alternances dans l’usage de l’espace résidentiel se jouent aussi dans la micro-temporalité du quotidien, permettant d’élargir les ressources disponibles pour la gestion de l’étroitesse. Au moment de mon enquête, j’ai rencontré chez les Rojas T. une situation particulièrement conflictuelle, qui concernait Estela, la tante célibataire d’Amelia dont j’ai parlé précédemment. Celle-ci est rentrée chez ses parents suite au décès de son père en 2013, « ramenée » du Sud par son frère pour qu’elle vienne prendre soin de sa mère veuve. L’arrivée d’Estela n’a pas été facile, et au moment de mon enquête, sa présence dans la maison parentale était clairement une source de conflit et de préoccupation générale. Cela, non seulement parce qu’elle ne contribuait pas à la prise en charge de sa mère ni aux dépenses de la maison, mais surtout à cause de sa manière particulière d’occuper la maison. Étant célibataire et sans enfant, elle s’était installée dans la chambre de sa mère, et donc la question de la place qu’elle occupait n’aurait pas dû poser de problèmes. Cependant, Estela a l’habitude de ramasser des objets trouvés dans la rue, de les rapporter sur sontricycle et de les accumuler dans la cour latérale de la maison, au lieu de les revendre. Selon Amelia :

AMELIA : [Elle] se consacre au recyclage, mais je ne dirais pas que c’est ça, car le recyclage, c’est ramasser des métaux, du papier, et les vendre. Mais elle ramasse des vêtements et des trucs que personne ne va acheter […]. C’est comme le mal de Diogène, je lui dis […]. Car c’est beaucoup trop. Vous avez vu tout cela ? [elle fait un signe en montrant la cour]. C’est énorme, comme ça, jusqu’à là-haut. Et selon elle, elle vend tout cela au marché, mais pas du tout ! Elle a ce problème, elle accumule des déchets. (E83, 2015)

Tous ces déchets sont accumulés dans la cour couverte latérale qui donne sur le portail auquel on accède depuis la rue et qui sert de passage indépendant pour les maisons d’Amelia et de son oncle Jaime. Il s’agit ainsi d’un espace commun très important, d’autant plus que c’est là où Amelia gare son chariot. Alors, elle doit travailler pour assurer sa place entre les déchets

et le tricycle de sa tante. Or, au lieu de se confronter frontalement à sa tante, Amelia a fini par trouver une solution : pendant qu’Estela est absente, elle jette sélectivement des déchets, de manière à ce que sa tante ne s’en aperçoive pas. Amelia arrive ainsi à les maintenir à un niveau

« tolérable » et compatible avec la vie en commun :

AMELIA : Elle a tous ces déchets [cachureos] là. Et moi, je jette, et jette, et jette. En fait, maintenant elle est sur son tricycle en train de ramasser. (E83, 2015)

Par ailleurs, Ester s’est plainte de la pratique de « renfermement » de certains des habitants du sitio. Sa plainte visait notamment sa fille aînée, celle qui habite avec ses fils dans