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Le chapitre 1 sert de prélude à l’ensemble de la thèse. Il aborde le point de départ de ma recherche sur les proximités résidentielles familiales à Santiago, autour de la catégorie indigène allegamiento. Celle-ci est très répandue autant dans le langage courant que savant, et sert à nommer le partage d’un même logement entre groupes familiaux apparentés, où l’un d’entre eux « accueille » [allega] aux autres. Cette catégorie est loin d’être seulement descriptive et entraîne des significations normativement chargées, qui varient en fonction du niveau sociolinguistique où elle est mobilisée. En tant que chilienne et sociologue, j’ai construit des rapports multiples et parfois contradictoires envers cette catégorie, ce qui a façonné significativement mon regard sur mon sujet d’étude. Ce chapitre constitue alors un détour nécessaire pour prendre distance de des cadres cognitifs et moraux qui ont façonnée mon propre regard sur les proximités résidentielles familiales à Santiago. Au long du chapitre, je cherche à restituer l’horizon sémantique indigène qu’entoure le mot allegamiento dans trois niveaux linguistiques. D’abord, dans son usage dans la vie quotidienne à partir de l’histoire de vie de Victoria, femme de ménage qui j’ai côtoyé pendant ma vie. Ensuite, au niveau de la

systématisation et objectivation de l’éventail d’usages possibles du mot dans les dictionnaires de la langue espagnole, de l’espagnol chilien et étymologiques. Enfin, au niveau de l’appropriation savante du mot par les sciences sociales et les politiques publiques, et de sa transformation concomitante en « concept » et en « mesure ». Ce parcours sert à ouvrir l’horizon du questionnement à la fois biographique et sociologique qui a donnée origine aux questions de cette thèse.

Les deux chapitres suivants s’occupent du premier objectif de la thèse, à savoir, produire un cadre conceptuel pertinent et une unité d’analyse efficace pour saisir le niveau émergent du rapprochement résidentiel familial observé sur mon terrain. Pour cela, j’ai suivi un processus inductif, qui démarre de la restitution des perspectives indigènes sur l’expérience de vivre

« près » des parents proches à Santiago. Le chapitre 2 a ainsi pour but de mettre au centre de

ma production conceptuelle les catégories, raisonnements et pratiques indigènes, auxquelles j’ai accédé par la parole, à travers l’analyse de trois cas « exemplaires » de mon terrain. Suivant ces cas, je m’en prends de trois catégories indigènes – « vivre à côté », « passer », « rester-là »

– qui condensent de manière efficace les multiples significations, pratiques et perceptions de la

proximité « vécue » sur mon terrain à Santiago.

Sur ce brouillon de la conception indigène de la proximité résidentielle familiale, dans le chapitre 3 j’attaque l’élaboration d’un cadre théorique et une unité d’analyse pertinents pour rendre compte de mon sujet d’étude. Pour cela, je mène d’abord une discussion critique sur les limites de l’approche et la catégorie de ménage, largement dominant dans l’étude de la vie domestique dans les sciences sociales contemporaines. Ensuite, je passe revue à un corps de littérature qui, depuis des regards disciplinaires différents, a élaborée des propositions conceptuelles alternatives au ménage. Dans un deuxième moment, j’aborde un autre ensemble de travaux qui, autour du concept de « configuration sociale » de Norbert Elias, partagent une approche « configurationelle » pour saisir les formes complexes de la vie domestique, en mettant l’accent dans sa dimension résidentielle. En troisième lieu, je reprends des formulations théoriques issues de l’anthropologie contemporaine et de la phénoménologie pour saisir conceptuellement l’expérience de la proximité résidentielle. Enfin, dans un effort pour réunir les apports conceptuels précédents, je propose et développe le concept de « configuration résidentielle de proximité » comme nouvelle unité d’analyse pour saisir et modéliser les formes émergentes de l’organisation résidentielle observées à Santiago.

Sur la base de l’approche configurationnel et du concept de configuration résidentielle de proximité comme unité d’analyse, dans le chapitre 4 je m’occupe du deuxième objectif de la thèse. À savoir, rendre compte de la variabilité des formes spatiales, temporelles et relationnelles dans lesquelles les configurations résidentielles de proximité ont lieu sur l’ensemble de mon terrain. Pour cela, je reviens sur mon matériel de terrain pour en faire une caractérisation globale et comparée des modalités-type qui caractérisent la quarantaine de configurations étudiées à Santiago, en prêtant une attention accrue aux rapports entre telle variabilité et les conditions socioéconomiques de vie des groupes familiaux impliqués.

Les deux derniers chapitres s’occupent du troisième objectif de la thèse, celui d’identifier et comprendre les corrélations entre la production des configurations résidentielles de proximité, et l’émergence de formes et expériences concrètes de la parenté. S’inscrivant dans la tournure « pratique » de l’anthropologie contemporaine de la parenté et de la maison, le chapitre 5 a pour but d’interroger les imbrications entre le travail de l’espace résidentiel et l’émergence de styles sui generis de filiation, conjugalité et germanité, dont leur manifestation concrète se spécifie différemment selon contraintes et opportunités qui configurent l’horizon du possible des individus. Dans son ensemble, les rapprochements résidentiels familiaux réalisent d’une manière particulièrement poussée un complexe de parenté pratique que les enquêtés appellent « se faire clan ».

Enfin, le chapitre 6 approfondie l’analyse précédent, en ajoutant une perspective explicitement dynamique des configurations résidentielles de proximité. J’y propose que le caractère mouvant de celles-ci puisse être saisi en fonction de trois dimensions temporelles ou expériences de la diachronie– longitudinale, saisonnière et quotidienne–, ce qui ouvre une voie d’accès à l’observation trois types de tensions structurantes de la parenté pratique –entre générations, entre lignées conjugales, entre individus, respectivement.

CHAPITRE 1. La catégorie allegamiento au Chili : variations sur une