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3-3 Genèse de nouveaux centres semi-ruraux et problématique d’emploi dans les années 1990 et

Dynamiques démographiques dans le Sud-ouest algérien: un espace qui s’urbanise

I- 3-3 Genèse de nouveaux centres semi-ruraux et problématique d’emploi dans les années 1990 et

La population urbaine dans le Sud-ouest algérien a crû d’une manière remarquable mais sans pour autant dépasser le seuil de 50% pour l’ensemble de la région en 1998. Néanmoins, l’urbanisation est bien marquée dans le territoire de la Haute-Saoura dont le peuplement se concentre désormais dans les agglomérations les plus importantes avec un taux d’urbanisation de plus de 90%. L’urbanisation dans ce territoire s’articule sur une grande agglomération à savoir Bechar dont le fait urbain remonte à l’époque coloniale ainsi que les petites villes de Kenadsa, de Beni-Ounif et d’Abadla. Si la Haute-Saoura enregistre un taux d’urbanisation assez important c’est parce que le réseau d’agglomérations secondaires ou ksour est moins dense, autrement dit la population rurale sédentaire est peu déployée dans cette partie. Par ailleurs, le taux d’urbanisation dans les territoires à ancien peuplement, à savoir la Basse- Saoura, le Touat, le Gourara et le Tidikelt-occidental reste faible, gardant ainsi leur caractère rural. Quant à la croissance des centres urbains déjà existant, elle est impressionnante entre 1987 et 1998 à Adrar (7.2%) et à Aoulef (10,1%), (tableau 5).

L’armature urbaine en 1998 se définit par une grande ville et une ville intermédiaire, et le développement d’une série de petites villes et petits centres semi-ruraux. Si les villes de Bechar et Adrar confirment leur statut sur le plan saharien, en gardant les mêmes rangs, les petites villes telles que Timimoun recule de cinq places, Abadla et Kenadsa se retrouvent dans les 15 dernières agglomérations (voir figures n°13 et 15). Ceci est dû au ralentissement démographique des espaces urbains entre 1987 et 1998 notamment dans la wilaya de Bechar, où le taux d’accroissement annuel de la population ne dépassait pas 2% pour les villes d’Abadla, de Beni- Ounif et de Kenadsa, contre un taux légèrement supérieur pour la ville de Bechar et de Beni-Abbès. C’est ainsi qu’Abadla avait basculé d’un rang en arrière au profit de Kenadsa. Les autres villes du Gourara et du Touat semblent maintenir leurs positions, telles qu’Adrar, Timimoun et Aoulef. Ces villes avaient gardé leur rythme de croissance pour atteindre 42 000 habitants à Adrar, plus de 17 000 habitants pour Timimoun et 15 000 habitants à Aoulef en se démarquant chacune par un taux de croissance démographique de plus de 3%.

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Cette période est marquée par la naissance d’une série de centres semi-ruraux d’un côté (tableau 6) et le déclassement de certains centres urbains d’un autre côté tels que Reggane et Bordj-Badji-Mokhtar suite à l’introduction de nouveau critère définissant l’urbain dans le recensement de 1998 (critères cités p.45), malgré qu’elles aient enregistré un taux

d’accroissement de plus 10% entre 1987 et 1998. Le cas de ces deux agglomérations situées dans la wilaya d’Adrar, suscite un intérêt particulier car il reflète le paradoxe urbain en Algérie. Si on se réfère à la classification instaurée par l’ONS en 1998, le profil socio- économique des habitants de ces centres ne les qualifie pas d’avoir la vocation d’un centre urbain. Ceci dit, qu’il n’existe aucune adéquation entre le volume de leurs habitants, leurs croissances démographiques et l’éventualité de leur mutation urbaine.

Ces centres semi-ruraux jouent un rôle important dans la diffusion des services de premier niveau dans les zones rurales dans ces espaces. En effet, la présence d’une forte paysannerie dans le Touat et le Gourara incite au développement de ce type d’agglomérations (le taux d’urbanisation ne dépasse pas 27.26% pour le premier et 17% pour le deuxième). Ces agglomérations moins de 5000 habitants en 1987, enregistrent à leur tour une nette croissance avec une moyenne de 2 et 3% entre 1987 et 1998.

Dans le Touat, bien que les traits d’une nouvelle mutation prennent forme dans l’agglomération de Tamentit, enregistre un taux d’accroissement de 3,6% entre 1987 et 1998, soit 4 000 habitants en 1998. Cependant, Adrar reste l’agglomération la plus importante (42 700 habitants en 1998) dont l’expansion urbaine a galopé depuis sa promotion administrative en 1975, affichant un taux de 3,6% entre 1987 et 1998. Reggane avec 5 900 habitants (2,9%), figure parmi les centres semi-ruraux, pourtant classé agglomération urbaine dans le recensement précédent (1998).

Dans le Gourara, le taux d’urbanisation est le plus faible, révélant un cachet rural de la région. Cependant, la seule ville dans ce territoire à savoir Timimoun affiche un taux d’accroissent de 2,6% ; elle est considérée comme une véritable ville suite à l’acquisition d’une série équipements et le développement d’une structure commerciale assez diversifiée. L’agglomération de Tiberghamine, chef-lieu de l’Aougrout, a été classée semi-rural en 1987, enregistrant un taux de 3,1 % entre 1987 et 1998 soit une population de 6 000 habitants en

1998. Ceci permet de développer une centralité secondaire dans les espaces périphériques dans le Gourara.

Dans la partie sud-est de la wilaya d’Adrar soit dans le Tidikelt, l’espace se structure en s’articulant sur la petite ville d’Aoulef (15 229 habitants en 1998) et deux petits centres semi- ruraux à savoir Tit chef-lieu de et Kasbate-Djena (6 5000 habitants en 1998), agglomération secondaire dans la commune de Timokten. Si la première garde une dynamique spectaculaire après l’indépendance, c’est parce qu’elle représente un centre concentrant des équipements et des activités commerciales, quant au deuxième centre, il est plutôt le produit de la promotion administrative de 1985.

Enfin, la Basse-Saoura ayant le même profil de peuplement et de fonctionnement que celui du Touat et du Gourara, représente une urbanisation de moins de 18.9%, structurée autour d’une ville de petite taille (Beni-Abbès, 8 000 habitants en 1998)) à qui s’ajoute l’agglomération d’Igli, chef-lieu de daïra classé semi-rural. La ville de Beni-Abbès représentait depuis la colonisation le centre de gravité de la Basse-Saoura, rôle renforcé après l’indépendance par l’équipement et le commerce.

Cependant, la question d’emploi s’inscrit en toute sa complexité dans les préoccupations des politiques dans les deux dernières décennies où de multiples crises ont frappé le pays. Les pouvoirs centraux étaient confrontés à des pressions sociales (émeutes), revendiquant plus d’emploi pour les zones sahariennes (émeutes d’Ouargla, 2006). Devant les difficultés économiques des entreprises algériennes, incapables de créer une richesse et d’embaucher plus, le Sud-ouest en particulier se trouve dépourvus d’une telle possibilité de

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création d’emplois, accentué par l’absence de tels investissements. Ainsi, le nombre important de jeunes qui s’inscrivent dans la liste des demandeurs d’emplois est important. Il est difficiled’avancer un chiffre réel sur l’emploi, puisque les autorités publiques masquent ces problèmes de chômage en jouant sur les chiffres. Le taux de chômage est qualifié par le pouvoir public au-dessous de 12% tandis qu’il est au-dessus de ce seuil pour certains experts économiques. « Abderrahmane Mebtoul, économiste, estime dans une analyse que les taux annoncés au début de l’année en cours par l’ONS, concernant le chômage et le travail en Algérie, sont loin d’être réels » (www. Algérie-dz.com).

Durant la période volontariste où l’Etat était le vecteur de la croissance économique, l’emploi était le résultat de plusieurs actions politiques et économiques menées par l’Etat dans une logique de redistribution des richesses de la rente pétrolière équitablement sur tout les territoires, et de créer à la fois des mécanismes qui permettent de peupler les zones sahariennes tout en espérant d’absorber une partie de la population habitante le littoral considéré comme ‘’saturé !’’. Le défi résidait à attribuer à ces espaces du Sud-ouest de nouvelles fonctions économiques par le biais de tourisme, les services publics, les travaux de bâtiment et l’agriculture saharienne. Ces efforts ont été précédés par une tentative d’industrialisation en implantant quelques industries sous l’égide de l’économie planifiée, cas de Bechar et d’Adrar. Le poids de ces unités est certes négligeable actuellement, notamment avec les difficultés que connaissent le secteur industriel public dans une économie de marché voire de ‘’Bazard’’. Ainsi, un processus de commercialisation, d’industrialisation des produits agricoles se met en place, permettant de créer des centaines d’emplois propulsé par la naissance de quelques activités industrielles d’agro-alimentaire (la tomate industrielle à Adrar).

La disponibilité d’un marché de consommation constitué par une masse de fonctionnaires et par une population locale, l’ouverture économique du pays et l’évolution des moyens de transport, ont permis d’orienter les emplois vers le secteur commercial. En effet, de nouvelles activités commerciales de détail et de gros se mettent en place dans ces centres. La fonction libérale constituée par des cabinets de médecins, des bureaux de consultation et d’expertise a aussi marqué cette mutation, notamment dans les villes de rang supérieur.

L’ouverture économique du pays, a réorienté la vision des politiques vers la promotion d’une économie fondée sur les petites et moyennes entreprises privées. Quant à l’Etat, il

d’emploi résidait dans cette équation économique depuis la mise en place des réformes à partir du début des années 1990. Des agences spécialisées ont accompagné cette transition telles que l’Agence Nationale d’Emploi, l’Agence Nationale de Soutien à l’Emploi de Jeunes (ANSEJ), l’Agence National du Développement de l’Investissement (ANDI)…des centaines d’emplois ont été créés par ce dispositif dans le secteur de transport (voir chapitre II). Ceci dit, les centres sont affectés par ces actions, créant davantage des emplois dans le secteur tertiaire.

Tableau n°6 Évolution de la population des centres semi-ruraux

Agglomérations Wilaya Population en 1987 Population semi- rurale en 1998 Taux d’accroissement annuel Tinoulef(Reggane) ADRAR 4 332 5 977 2,92 Tilouline 3 854 5 363 2,99 Tit ADRAR 2 430 3 160 2,37 Kasbate-el-Djena (Timokten) 1 093 6 583 17,39 Tamentit ADRAR 2 824 4 034 3,24 Tiberghamine (Aougrout) ADRAR 4 260 6 033 3,16 Bordj-Badji- Mokhtar ADRAR 3 297 9 323 9,73 Igli BECHAR 3 240 4 170 2,28 Source : - ONS, 2000 -ONS, 1988

En 2008, l’armature urbaine est ainsi formée d’une série de villes de différents rangs à savoir : une grande ville (Bechar), une ville moyenne (Adrar) qui a dépassé le seuil de 60 000 habitants, deux villes intermédiaires à savoir Timimoun et Aoulef avec plus de 20 000 habitants et six petites villes à savoir Kenadsa, Beni-Abbès, Abadla, Beni-Ounif et Bordj- Badji-Mokhtar et Reggane (entre 10 000 et 20 000 habitants) ainsi qu’un ensemble de petits centres semi-ruraux (entre 4 000 et 10 000 habitants). Les centres urbains et semi-ruraux situés au sud de la région se sont caractérisés par une forte dynamique propulsée aussi bien par des investissements publics que par la mobilité et les échanges qui s’effectuent au-delà des frontières. En effet, Bordj-Badji Mokhtar est un centre qui a pu, au bout de quelques

années, à passer du dernier au quatrième rang avec plus de 16 000 habitants, se positionnant ainsi devant les villes de la Saoura. A ceux-ci s’ajoute Reggane qui a franchit le seuil de 10 000 habitants et Aoulef qui a dépassé les 20 000 habitants.

Cette urbanisation a été soutenue par un programme de relance économique entre 1999 et 2004 et un autre programme complémentaire lancé entre 2005 et 2009 dans lesquels, l’Etat a tenté de promouvoir le cadre de vie des citoyens en prenant en charge les problèmes locaux liés à l’insuffisance des moyens communaux. Dans les espaces urbains, des actions multiples ont été entreprises dans ce cadre, visant à la réalisation des logements, à corriger les carences des voiries et des réseaux divers dans les villes et à doter ces espaces par des équipements socio-économiques manquants. Un programme assez ambitieux qui ne s’inscrit pas clairement dans une perspective d’aménagement du territoire mais révèle plutôt une logique de redistribution de rente pétrolière. L’aisance financière de l’Etat dans ces dernières années a transformé les villes algériennes en grands chantiers où le logement est la locomotive de cette dynamique.

A retenir :

 En 1966, l’armature urbaine dans le Sud-ouest était constituée d’un ensemble d’agglomérations s’articulant autour de la ville moyenne de Bechar (42 000 habitants) et cinq petites villes de moins de 5 000 habitants à savoir Abadla et Beni-Ounif dans la Haute-Saoura, Beni-Abbès dans la Basse-Saoura, exceptée Kenadsa (6 000 habitants), Adrar dans le Touat et Timimoun dans le Gourara.  A partir de 1987, le Sud-ouest est marqué par la genèse des premiers centres semi-

ruraux.

 En 2008, l’armature urbaine est formée ainsi d’une série de villes de différents rangs à savoir : une grande ville (Bechar), une ville moyenne (Adrar) qui a dépassé le seuil de 60 000 habitants, deux villes intermédiaires à savoir Timimoun et Aoulef avec plus de 20 000 habitants et quatre petites villes à savoir Kenadsa, Beni-Abbès, Abadla, Beni-Ounif (entre 10 000 et 20 000 habitants) avec lesquelles on peut intégrer Reggane ainsi qu’un ensemble de petits centres semi- ruraux (entre 4 000 et 10 000 habitants).

 Les taux d’accroissement annuel sont supérieurs à 4% entre 1966 et 2008 dans la majorité des agglomérations.

Conclusion

Le Sud-ouest algérien avait connu une croissance démographique galopante qui a concerné aussi bien les communes rurales que les communes urbaines. Cette croissance est soutenue par un volontarisme étatique et s’inscrit dans une vision de développement des espaces sahariens s’appuyant surtout sur la promotion administrative via deux découpages administratifs (1975 et 1985). Dans les dernières décennies, cette croissance se concentre dans les zones excentrées ou désenclavées situées dans la wilaya d’Adrar soit la partie méridionale à savoir la commune de Bordj-Badji-Mokhtar et les communes du Tidikelt- occidental telles qu’Aoulef et d’Akabli où les communes de l’Erg occidental comme Talmine, Ksar-Kaddour et Ouled-Aissa. Paradoxalement, les autres communes excentrées dans la wilaya de Bechar, soit dans la partie sud de la Basse-Saoura ou dans la partie nord de Bechar enregistrent des déficits dans la croissance de leur population. Cependant, la croissance de la population dans les communes les plus peuplées dans la wilaya d’Adrar reste intéressante par rapport aux communes de la wilaya de Bechar où ce taux recule d’une décennie à une autre.

Par ailleurs, la promotion administrative a donné une allure particulière pour la multiplication des agglomérations et la transformation de plusieurs ksour en petits centres. La concentration des équipements dans les chefs-lieux de commune et de daïras a favorisé leur croissance démographique au détriment des agglomérations secondaires bien que ces dernières soient importantes dans les territoires à ancien peuplement.

Bien que le Sud-ouest soit encore dominé par une dimension rurale dans la majorité de ses territoires, l’urbanisation prend une allure importante dans les quatre dernières décennies. Cette urbanisation est le produit d’un volontarisme étatique visant à promouvoir certains centres urbains pour faire face au déséquilibre de l’armature urbaine héritée de la colonisation. Ainsi, le découpage administratif et l’introduction des services publiques dans les centres promus ont permis la formation d’une série de villes de différents rang à savoir : une grande ville (Bechar), une ville moyenne (Adrar), deux villes intermédiaires (Timimoun et Aoulef) et quatre petites villes ( Beni-Ounif, Kenadsa, Beni-Abbès, Abadla) auxquelles on peut intégrer Reggane ainsi qu’un ensemble de petits centres semi-ruraux. Ces villes ont pris une dimension spatiale particulière générée par la multiplication de leur population. Conséquemment, une crise de logement affecte ces villes due d’un côté à la croissance de la demande engendrée par de nouveaux habitants affluant dans ces villes, et d’un autre côté à la dégradation des anciens noyaux d’habitat, à savoir les ksour.

Cependant, ces villes sont dépourvues de toute activité industrielle importante, mis à part quelques petites unités industrielles privées ou l’installation d’une raffinerie à Adrar récemment (dans la commune de Sbaâ). L’économie urbaine est ainsi le résultat du développement du secteur tertiaire soutenu par les services publics et la genèse des activités commerciales. Ainsi, ces villes sont confrontées à un énorme problème d’emploi dû à l’absence de toute activité industrielle.

Chapitre II

Processus du développement économique et mutations sociales dans le Sud-

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