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1 Décadence économique dans le Sahara et crise des espaces rurau

Processus du développement économique et mutations sociales dans le Sud ouest algérien

II- 1 Décadence économique dans le Sahara et crise des espaces rurau

Après le glissement d’une partie des emplois du secteur agricole vers l’industrie et le bâtiment durant la période coloniale, les emplois basculent vers les services et le commerce après l’indépendance et notamment dans les deux dernières décennies. Développé après l’indépendance, le secteur tertiaire est stimulé par une urbanisation rapide des espaces sahariens et soutenu par un volontarisme étatique. Le découpage administratif de 1985 avait permis la genèse de certains services administratifs dans des localités récemment promues.

En effet, le développement de quelques centres urbains a généré la création de multiples postes d’emplois temporaires et permanents par le biais des chantiers de construction des infrastructures, de logements et d’équipements d’un côté, et par le développement des services de l’Etat et le commerce, d’un autre côté. L’Etat reste certes le principal acteur de la promotion économique dans cette zone où il est difficile de se prononcer sur la question d’un décollage économique du Sud-ouest. Ainsi, l’hypothèse d’une économie de services comme l’a annoncé (Blin L., 1990) : « En dehors de ses activités agricoles traditionnelles, et bien sûr de l’exploitation des hydrocarbures, le Sud a surtout une économie de services, donc improductive, qui n’a pas de base locale », trouve une part de vérité puisque le secteur industriel est modeste pour ne pas dire inexistant et le secteur agricole n’arrive pas à créer une relance économique. La découverte des gisements des hydrocarbures ces dernières années dans la wilaya d’Adrar, nous laisse penser aux perspectives de développement industriel dans la région à l’avenir. Une raffinerie est déjà mise en place à Sbaâ créant 500 emplois directs et des centaines d’emplois indirects notamment dans le transport. Par contre dans les derniers plans quinquennaux, la filière du bâtiment est en développement rapide dû au lancement d’un programme assez conséquent dans les infrastructures, les équipements et les logements. Une simple visite sur terrain permet de constater l’ampleur de ces chantiers financés par le pouvoir central (voir figure n°18).

d’Adrar, on constate ainsi que la part des emplois agricoles est en baisse constante en faveur d’un secteur tertiaire en pleine expansion puisque le secteur secondaire est quasi absent, exceptée l’existence de quelques unités industrielles dans les grandes villes ou quelques emplois dans les hydrocarbures dans Sud-est.

Bien que l’Etat ait mis un dispositif particulier pour dynamiser l’agriculture, l’emploi agricole ne cesse de reculer proportionnellement dans toutes les communes du Touat et du Gourara. Ni la loi sur l’Accession à la Propriété Foncière Agricole (A.P.F.A.), connaissant un grand succès depuis 1983, ni le Plan National de Développement Agricole (P.N.D.A.) lancé en 2000, n’ont pu replacer le secteur tel qu’il était dans les premières années de l’indépendance. En effet, on passe de 90% des emplois dans le secteur agricole en 1966 dans le Touat et le Gourara à 20% en 1998, soit 4 761 et 2 230 emplois agricoles respectivement. Le déclin de l’emploi agricole est du à l’incapacité de ce secteur, notamment le secteur traditionnel à devenir rentable pour pouvoir répondre aux nouveaux besoins générés par la croissance de la population, d’autant que les problèmes liés à l’indivision des terres agricoles et au départ des harratine ont compliqué la donne agricole. Dans la Haute-Saoura où le phénomène d’urbanisation est plus poussé, la part de l’emploi agricole ne dépassait 9% en 1987 ; elle est en 1998 en dessus de 5%. Dans la Basse- Saoura où les traditions agricoles sont plus marquantes, l’emploi agricole n’a pas cessé de baiser pour passer de plus de 16% en 1987 à moins de 9% en 1998.

Le paradoxe d’une telle mutation agricole réside dans la part de l‘emploi agricole qui est faible dans toutes les communes rurales de la Basse-Saoura et de la plaine d’Abadla, et ne dépasse pas 30% dans les meilleurs cas. Ces communes ont perdu la moitié de leurs emplois agricoles entre 1987 et 1998, sans évolution de l’emploi dans les autres secteurs. Cette baisse est nettement observée dans les communes de Lahmar, Mogheul, Erg-Ferraj, Mechraâ- Houari-Boumedienne dans la Haute-Saoura et dans les communes de Beni-Ikhlef et Timoudi dans la Basse-Saoura. Ce phénomène concerne quelques communes urbaines comme Beni- Abbès où les emplois s’orientent vers le secteur tertiaire.

Les communes du Touat sont également touchées par cette mutation. Le secteur agricole représente moins de 30% pour la majorité de ces communes, en exception d’In-Zghmir (605 emplois) et de Tsabit (445 emplois) où ce taux est de 35% ou de Tamest (46% soit 435 emplois). Les communes les plus proches de l’aire urbaine semblent s’orienter rapidement vers les secteurs non agricoles, en particulier dans les communes d’Ouled-Ahmed-Timmi,

Tamentit et de Bouda qui ont perdu beaucoup d’emplois dans le secteur agricole entre 1987 et 1998, passant de 36% à 16% pour la première, de 31% à 16% pour la deuxième et de 22% à 11% pour la troisième.

Dans le Gourara, même si l’emploi agricole est plutôt bien conservé, il ne dépasse pas le tiers des emplois dans la majorité des communes en 1998. Ayant tendance à s’urbaniser, les communes de Tinerkouk, de Timimoun, d’Ouled-Saïd et d’Aougrout enregistrent de faibles proportions d’emplois dans le secteur agricole en 1998, soit successivement 6%, 9.2%, 11%, 14% contre 38%, 49% et 40 et 29% en 1987. Excepté Ouled-Saïd, les activités dans ces communes sont dominées par le développement des services concentrés dans des petits centres ayant souvent une fonction administrative de chef-lieu de daïra. Dans les autres communes du Gourara, l’emploi agricole tend à baisser en passant de 70% à moins de 50% voire à moins de 40% comme à Talmine (265 emplois) et à Ouled-Aissa (222 emplois).

Période coloniale (fermeture de 

l’espace oasien) L’Etat algérien (Désenclavement et volontarisme)

Période précoloniale  (Échanges transsahariens ) Commerce  transsaharien Propriété  de l’eau Oasiens Stratification  sociale Nomades Force de  travail:  harratine Rente  agricole Urbanisation ‐Equipement ‐Service public ‐Habitat ‐Modernisation  des transports ‐ Mise en valeur  agricole (APFA) ‐Mobilisation de   l’eau  (forages) Aliénation  sociale Emplois  tertiaires L’Etat  Mutations des  rapport sociaux Fixation des  nomades Entreprises (BTP,  charbon) Destruction  des échanges  économiques Introduction  du salariat Émancipation 

des harratine Crise des oasis

Nouvelle  composante 

humaine

Figure n° 18. Mutations socio-économiques des espaces oasiens

Le début de cette mutation remonte à l’époque coloniale où les grands chantiers étaient entamés. Le glissement du nomadisme dans le Sud-ouest algérien vers un pastoralisme en se

concentrant sur la vallée de la Haute-Saoura, de la Zousfana, de M’giden dans le Gourara, l’Erg Occidental et l’Erg Raoui, en est la première résultante. Les échanges classiques entre nomades et sédentaires arrivaient à leur fin pour être remplacés par une nouvelle économie qui avait posé ses jalons suite à la découverte des gisements miniers, d’abord par le développement d’une activité d’extraction du charbon dans la région de Bechar, puis par la mise en place des chantiers d’exploration des hydrocarbures jusqu’au développement des bases d’exploitation dans le Bas-Sahara. Mais, c’est plutôt le recul du commerce transsaharien et la volonté de la colonisation à fixer les nomades pour dominer politiquement qui va favoriser le renversement de la structure socio-économique de la région. « La dégradation du nomadisme en pastoralisme a provoqué la sédentarisation au Sud de nomades remplaçant leur capital troupeau par capital palmiers. Le surtravail au lieu d’être payé de tribut à l’extérieur, prend la forme d’une rente payée à l’intérieur » (Granier J.C, 1980). La fixation des nomades avec l’arrivée de la colonisation avait asphyxié l’espace oasien au moment où la demande en eau et en produits agricoles s’est multipliée.

En effet, l’occupation française en Algérie fait disparaître assez rapidement des rapports qui étaient historiquement toujours importants. La sédentarisation des nomades, l’interdiction de la traite négrière et l’émancipation des harratine avaient bouleversé le fonctionnement de l’espace oasien. Ceci se manifestait par des départs vers le Nord et l’intégration de nouveaux emplois dans le secteur du bâtiment et des hydrocarbures, générant des effets néfastes sur la production agricole dans les oasis.

II-1-1 Sédentarisation des nomades dans le Sud-ouest algérien : rupture des échanges

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