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3-2 Un développement qui s’articule sur des nouvelles compétences : une forte attractivité des cadres

Processus du développement économique et mutations sociales dans le Sud ouest algérien

II- 3-2 Un développement qui s’articule sur des nouvelles compétences : une forte attractivité des cadres

Si les espaces urbains dans le Sud-ouest affichent des rapports migratoires négatifs au niveau national, ils exercent par contre une attractivité sans précédente des cadres et des commerçants originaires du Nord du pays qu’on qualifie de migration ’’sélective’’. C’est ainsi, qu’on s’intéresse à la mobilité des cadres pour la compréhension de ce phénomène. Afin d’identifier leurs caractéristiques sociales, les motifs de leur mobilité et leurs relations avec l’espace réceptacle et l’espace d’origine, nous avons effectué une enquête qui a touché 120 cadres migrants, réparties selon trois secteurs étatiques ou publics soit 40 cadres pour la santé, 40 cadres pour l’administration et 40 cadres pour l’éducation nationale et l’enseignement supérieure. Nous avons ventilé cet échantillon sur cinq villes d’une manière équitable à savoir une grande ville (Bechar), une ville moyenne (Adrar), une ville intermédiaire (Timimoun) et deux petites villes (Beni-Abbès située au nord et Reggane située au sud). Dans chaque ville 30 cadres ont été enquêtés où chaque secteur est représenté par 10 cadres. Dans la ville de Bechar et d’Adrar, le secteur de l’éducation est représenté par l’enseignement supérieur. La population de notre enquête a été constituée par la technique d’effet de boule de neige.

a- Espace d’embauche des cadres

La majorité des cadres installés dans les villes du Sud-ouest sont des hommes (77,5%), mariés et emménagés avec leur famille à 87%. Pour la majorité des cadres mariés qui se sont installés seuls, sans leurs familles, la qualité de vie est mal appréciée car elle est moins confortable. Ainsi, ils préfèrent laisser leur famille au Nord. Pour les autres, la spécificité de leur train de vie au nord est la cause qui empêche le regroupement de leur famille au Sahara comme le travail du conjoint, les études des enfants…comme l’évoque quelques uns. Enfin, la vie familiale au sein de la famille élargie prime pour quelques cadres d’origines ruraux, qui laissent leur petite famille avec les grands parents au Nord.

La proportion des cadres de sexe féminin est limitée et concerne à la fois des femmes mariées et célibataires. La mobilité des femmes mariées s’inscrit dans une stratégie des couples cadres (jeunes) qui visent les espaces sahariens afin d’accéder à l’emploi, au logement et de bénéficier d’une rémunération qui leur permettrait de réaliser des épargnes. Celles-ci seront réinjectées plus tard dans un projet d’achat d’un bien immobilier souvent au Nord du pays,

d’effectuer des voyages… La mobilité des femmes cadres célibataires, reflète quant-à-elle le nouveau statut que la femme se procure dans une société conservatrice, dominée par les hommes. Le droit aux études a permis le droit au travail qui a donné ensuite droit à la mobilité pour les femmes célibataires en Algérie.

Par ailleurs, les tranches d’âge dominantes des cadres sont celles de 30-40 ans et de 40-50 ans, représentant chacune 35% de l’ensemble des effectifs. Ceci montre qu’il y’a une régularité des arrivées depuis au moins deux décennies. Ces immigrations sont à la fois le résultat de la création de nouveaux emplois dans la fonction publique mais aussi d’un roulement suite à la vacation d’autres postes, due aux départs des uns et des autres (entretien avec un cadre de la fonction publique). L’analyse des dates de recrutement de ces cadres révèle une évolution continue qui a commencé dans les années 1980 pour le secteur de l’enseignement et l’administration et qui s’est poursuivie dans les années 1990 dans les deux secteurs en particulier dans le secteur de l’administration (53% des installations se sont effectuées entre 1990-2000), et qui a duré dans la décennie suivante dans le secteur de l’enseignement et notamment dans la santé (73% des cadres de la santé sont arrivés entre 2000-2010) (tableau 10). Ces résultats traduisent des choix politiques de l’Etat dans la réalisation des équipements et la généralisation des services en fonction de chaque période. En effet, dans les années 1980 les besoins en matière d’enseignement se sont accrus suite à la croissance démographique dans ces espaces, impliquant l’Etat à la réalisation d’une série d’établissements scolaires. Ces besoins se sont doublés dans les décennies suivantes pour se généraliser aux différents niveaux notamment à l’enseignement supérieur au début des années 2000. Ceci a entrainé des recrutements massifs d’enseignants du niveau supérieur avec l’ouverture de plusieurs lycées et de deux universités à Adrar et à Bechar.

Par ailleurs ces mêmes politiques de développement menées par l’Etat dans cet espace (mise en valeur, infrastructures, eau…) ont également généré des recrutements de cadres à profil technique (hydraulique, informatique, ingénieur BTP…) dans les directions exécutives de wilaya et les subdivisions de daïras. Ces recrutements ont accompagné aussi la promotion administrative de quelques localités.

Enfin, une grande partie des cadres du secteur sanitaire (médecins, pharmaciens, laborantins…) s’est installée dans les villes du Sud-ouest entre les années 2000 et 2010. Si le nombre de cadres de ce secteur est moins important dans les périodes précédentes, c’est parce

côté ces prestations ont été assurées principalement par des médecins étrangers (des japonais avant 1990 à Adrar). L’instauration du principe de l’obligation du service civil pour les jeunes diplômés en médecine a permis de renouveler le personnel de ce secteur.

Tableau n°10 Périodes d’installation des cadres dans les villes du Sud-ouest algérien selon les secteurs d’activités

1970-1980 1980-1990 1990-2000 2000-2010 Total Santé 0 3 8 29 40 % 0 8 20 73 100 administration 5 8 21 6 40 % 13 20 53 15 100 Enseignement 3 9 13 15 40 % 8 23 33 38 100 Total 8 20 42 50 120 % 7 17 35 42 100

Sources : enquête de terrain, 2009.

Quoi qu’il en soit, l’accès à l’emploi reste le premier motif d’une telle mobilité avec une proportion de 58% (tableau 11). Ceci concerne les cadres les plus jeunes (20-40 ans), qui préfèrent, en s’installant au Sud où les possibilités d’embauche dans les secteurs liés aux services publics sont multiples, faire face au problème de chômage que rencontrent les diplômés au Nord du pays. C’est ainsi que la mobilité de ces cadres s’effectue dés leur jeune âge, tout juste après qu’ils aient obtenu leur diplôme universitaire. Cet espace est devenu le lieu du premier recrutement pour toutes les générations de cadres installés dans le Sud-ouest (100% chez les cadres de 20-30 ans ; 92% des cadres âgés entre 30-40 ans). Ce motif concerne toutes les villes mais, en particulier les centres les plus petits comme Reggane.

Le deuxième motif de ces mobilités est en rapport avec l’accès au logement qui concerne 23% de l’ensemble des cadres. En effet, face à la crise de logement qui affecte les villes du Nord algérien, l’Etat a misé sur les logements de fonction pour rendre cet espace plus attractif, visant notamment les cadres. La réalisation des programmes de logement d’accompagnement est régulière dans les villes sahariennes (voir chapitre VII) dont quelques uns sont équipés tels que les logements de fonction des médecins spécialistes. La disponibilité du logement a motivé aussi bien les plus jeunes qui rencontrent des problèmes de logement après leur formation universitaire que leurs prédécesseurs plus âgés installés dans les années 1980 ont également vécu. La taille et le type de ces logements diffèrent du F3 au F4 jusqu’au F5 et du

collectif au semi-collectif jusqu’à l’individuel. Ce motif concerne tous particulièrement les cadres installés dans les deux chefs lieux de wilaya.

Tableau n° 11 Motifs d’installation des cadres dans les villes du Sud-ouest algérien l’âge Motifs Ages Accès au logement Premier

emploi Mutation Promotion Autres Total

Moins de 30 ans 2 6 8 % 25,00 75,00 0,00 0,00 0,00 100,00 30-40 ans 6 30 0 2 2 40 % 15,00 75,00 0,00 5,00 5,00 100,00 40-50 ans 12 24 2 3 1 42 % 28,57 57,14 4,76 7,14 2,38 100,00 50-60 ans 8 10 4 7 1 30 % 26,67 33,33 13,33 23,33 3,33 100,00 Total 28 70 6 12 4 120 % 23,33 58,33 5,00 10,00 3,33 100,00

Sources : enquête de terrain, 2009.

Enfin, le motif lié à la promotion dans la fonction touche 10% des cadres installés dans les villes du Sud-ouest et concerne la tranche d’âge des plus de 50 ans, représentant 23% des motifs dans cette catégorie. Il s’agit souvent des promotions pour accéder aux postes de responsabilité. En effet, les emplois occupés actuellement par les cadres de la tranche d’âge (50-60 ans) représentent des postes d’emploi de fin de carrière. Cette mobilité leur permet de préparer une retraite conséquente. Ceci représente une mobilité de 19% des cadres qui ont occupés plusieurs postes dans un parcours hiérarchique. Ces cadres promus s’installent majoritairement dans les deux chefs-lieux de wilaya (Adrar et Bechar), où se concentrent les directions exécutives de wilayas et les directions régionales de quelques secteurs.

a- Une majorité de cadres originaires du Nord-ouest

Notre enquête a montré que la majorité des cadres installés dans les villes du Sud-ouest sont originaires des wilayas du Nord-ouest avec une proportion moyenne de 43%, mais qui diffère d’une ville à l’autre (tableau 12). Ceci se calque parfaitement avec les flux migratoires traditionnels démontrés déjà ci-dessus en se référant aux résultats des RGPH entre 1987 et 1998 (voir figures n°20 à 21).

Tableau n°12 Origine géographique des cadres installés dans les villes du Sud-ouest selon leurs lieux de naissance

  Nord‐ouest  Sud  centreNord‐  Nord est  Total 

Bechar  23  2  3  2  30  76,67  6,67  10,00  6,67  100  Adrar  11  3  10  6  30  36,67  10,00  33,33  20,00  100  Timimoun  10  4  11  5  30  33,33  13,33  36,67  16,67  100  Reggane  8  2  11  9  30  26,67  6,67  36,67  30,00  100  Total  52  11  35  22  120  43,33  9,17  29,17  18,33  100 

Sources : enquête de terrain, 2009

En effet, la ville de Bechar affiche des relations privilégiées en direction de la région du Nord-ouest dont 76% de ses cadres y sont originaires. Ayant des relations historiques et économiques, les deux espaces voisins sont reliés par de fortes relations d’échanges qui s’articulent principalement autour de la route RN6, reliant Bechar aux autres villes du Nord- ouest. Les villes d’Oran et de Tlemcen et les villes des Hautes Plaines Oranaises constituent les lieux pourvoyeurs de ces mobilités. Bien plus, les universités d’Oran, de Tlemcen et à un degré moindre celle de Sidi-Bel-Abbès ont été les lieux de formations de la plupart des cadres avec 25%, 12% et 6% respectivement. Quant à ceux installés dans les villes d’Adrar et de Timimoun, ils sont originaires de différentes régions avec une légère dominance de l’Oranie pour Adrar et de l’Algérois pour Timimoun. Les villes d’Alger, de Tizi Ouzou et de Blida sont les lieux de naissance d’une majorité de cadres installés dans ces deux villes. L’examen de leurs lieux d’étude montre que les universités d’Alger occupent une place importante suivies par celles de Blida et de Tizi-Ouzou. Enfin, les cadres de Reggane sont originaires principalement de trois régions à savoir Nord-est, du Nord-centre et du Sud.

Cette nouvelle composante humaine marque aussi bien les nouveaux espaces urbanisés dans ces centres que leur fonctionnement. Appelés pour piloter des équipements de grande envergure, ces cadres sont motivés par une indemnité sur le revenu, appliquée dans les zones sahariennes, et par des logements de fonction. Des cités résidentielles constituées de logements de fonctions sont nées dans la majorité de ces villes (voir chapitre VII).

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