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2-3 Des équipements à caractère social mais qualitativement insuffisants

Processus du développement économique et mutations sociales dans le Sud ouest algérien

I- 2-3 Des équipements à caractère social mais qualitativement insuffisants

Loin des centres de peuplement européens, les oasis du Sud-ouest algérien ont été dépourvues durant la période coloniale de tout type d’investissement visant à améliorer le cadre de vie des populations autochtones, mis à part quelques maigres réalisations d’équipements à caractère social dans les centres les plus urbanisés. Dans le Sud-ouest, la majorité des équipements (piscines, salles de cinémas…) ont été concentré à Bechar qui était une ville plutôt européenne. Les autres centres ont été complètement mis à l’écart à l’exception d’Adrar ou de Timimoun, dotées de quelques équipements tels que le centre scolaire et l’hôpital.

Après l’indépendance, l’Etat algérien s’engage à palier les déséquilibres spatiaux hérités de la colonisation en affectant une série d’équipements aussi bien dans les centres urbains que dans les zones rurales, par le biais de la fameuse grille du Ministère de la Planification puis par les programmes sectoriels. Des sommes colossales ont été déployées afin de permettre à quelques agglomérations sahariennes d’acquérir de nouvelles fonctions économiques. A partir du premier plan quadriennal 1970-1973, on enregistre un développement massif des investissements à caractère social. L’attribution des projets se fait certes à l’échelle centrale, mais suivant la demande locale exprimée par les directions de wilaya qui s’appuient sur des normes sectorielles (rapport entre nombre d’habitants et équipement), pour définir les nouveaux besoins. Mais, cette approche techniciste se trouve dans plusieurs cas dépassée par un jeu de pression exprimé par la population, voire les djamaa ou les personnes les plus influentes telles que le cheikh de zaouïa qui donnent leur avis. Ainsi, les secteurs de l’enseignement, de la santé et de la jeunesse ont été au centre de ces actions.

a- Un encadrement sanitaire insuffisant et plus ou moins acceptable pour l’éducation

La mise en place d’un système de santé en Algérie (un droit garanti par la constitution algérienne) a nécessité la réalisation d’une série d’équipements allant de salle de soins (assurant les petits soins) jusqu’aux hôpitaux ou polycliniques garantissant des soins spécialisés et complexes, mobilisant ainsi les compétences nécessaires pour leur fonctionnement. « L’Algérie, au lendemain de l’indépendance, connut un véritable ‘’état d’urgence médicale’’ dans la mesurer où le ratio (nombre d’habitant par médecin) était de l’ordre de 100 000 alors qu’il était de 50 000 par agent paramédical (non diplômés dans la majorité des cas). La plupart du personnel médical pratiquait une médecine curative dans

matériels et financières » (Benhabib A. - Ziani T., 2001). Si l’Algérie a réussi à couvrir tous les espaces sahariens par des équipements sanitaires, la mobilisation du personnel médical, notamment les médecins et les médecins spécialistes, demeure encore une tache difficile (voir photo n°12). Actuellement, le Sud-ouest algérien compte une moyenne d’un médecin pour 1 093 habitants grâce à 331 médecins dans la wilaya d’Adrar et 282 médecins dans la wilaya de Bechar, soit successivement un médecin pour 1 332 habitants et un médecin pour 958 habitants. Toutefois, ce taux parait plus confortable dans les centres urbains où se concentrent la majorité des équipements publics et les cabinets médicaux privés avec un taux d’un médecin pour 400 à 500 habitants. Il s’agit essentiellement d’Abadla, de Beni-Abbès dans la wilaya de Bechar, de Reggane et de Timimoun dans la wilaya d’Adrar, et les deux chefs-lieux de wilaya avec un taux plus important pour Bechar (un médecin pour 952 habitants) et pour Adrar (un médecin pour 641 habitants). L’existence de grands hôpitaux dans ces lieux destinés à couvrir un secteur comprenant plusieurs communes explique ce haut niveau d’encadrement. Ce niveau est très critique dans certaines communes rurales dans la wilaya d’Adrar, souffrant d’un manque considérable de personnel médical telles qu’à Akabli et à Timokten qui compte un médecin pour 10 000 habitants. Dans d’autres communes, ce taux est d’un médecin pour 500 et 4 000 habitants. Dans les communes rurales de la wilaya de Bechar, ce taux est inférieur à un médecin pour 1 500 habitants.

Les salles de soins ou de santé nécessitant peu de moyen matériel et humain, représentent la cellule de base de ce système. En effet, on compte 139 salles de soins dans la wilaya d’Adrar et 80 dans la wilaya de Bechar. Leur concentration dans la wilaya d’Adrar s’explique par la présence d’une forte population rurale, répartie sur de nombreux ksour. Ces équipements de base dans le secteur de la santé couvrent généralement toutes les communes sans exception pour ne pas dire chaque ksar ou chaque quartier urbain.

Bien que spécialisées, les maternités desservent la quasi-totalité des communes de la wilaya de Bechar et de celles d’Adrar (avec 20 et 18 équipements respectivement). Le fonctionnement de ces maternités est assuré essentiellement par les sages femmes et les médecins généralistes. Les cas urgents sont évacués vers les hôpitaux les plus proches. Ce dispositif a été mis en place pour accompagner la forte natalité dans ces espaces d’un côté et pour palier au problème d’accessibilité aux hôpitaux d’un autre côté, sachant que la distance entre un ksar et la ville la plus proche peut être grande dans certains cas (plus de 250km). Quant aux équipements de rang supérieur (polycliniques et hôpitaux), ils sont implantés exclusivement dans les centres urbains. Six hôpitaux du Sud-ouest couvrent la totalité des spécialités principalement dans les deux grandes villes de Bechar et d’Adrar. Dotées d’un hôpital, les moyennes et petites villes de Beni-Abbès, Abadla dans la wilaya de Bechar Timimoun et Reggane dans la wilaya d’Adrar assurent des prestations sanitaires spécialisées pour les communes limitrophes. L’instauration du service civil dans les dernières années pour les jeunes médecins avait permis de mobiliser le personnel spécialisé nécessaire, défaillant depuis plusieurs années. Enfin, les polycliniques assurent des prestations spécialisées notamment les consultations et les urgences. Ce type d’infrastructures concerne les chefs lieux de daïras dans les deux wilayas (Beni-Ounif, Kenadsa, Igli, Aougrout, Charouine, In- Zghmir…) comme il concerne les communes rurales les plus peuplées dans la wilaya d’Adrar qui dispose de 26 établissements contre 8 seulement dans la wilaya de Bechar.

Le secteur de l’éducation, de la formation et de l’enseignement supérieur connaît, quant à lui, un progrès remarquable au regard des efforts déployés par l’Etat qui lui consacre chaque année un budget de 20 à 25% du PIB. En contre partie, « les efforts faits dans la réalisation des infrastructures ont permis l’augmentation rapide du taux de scolarisation qui passe de 14% en 1954 à 45% en 1966 et à 71% en 1976. Les catégories sous scolarisées (ruraux et filles en particulier) rattrapent peu à peu leur retard. Les efforts consentis par l’Etat aux enfants scolarisés ne sont pas étrangers à ce rattrapages » (Khenniche I., 2001). Le personnel

de ce secteur est appelé à travers tout le territoire national. En effet, le taux d’encadrement au niveau primaire est satisfaisant dans la wilaya d’Adrar avec un taux inférieur à un enseignant pour 20 élèves, à l’exclusion de Bordj-Badji-Mokhtar et de Timiaouine (plus de 30 élèves), contre un taux qui varie entre 18 et 25 élèves par enseignant dans la wilaya de Bechar. Au niveau de l’enseignement moyen, il est critique avec un taux variant entre 20 et 30 élèves par enseignant pour les deux wilayas. Quant à l’encadrement au niveau secondaire, il est satisfaisant (un enseignant pour moins de 20 élèves). Ceci révèle la réussite de défi de l’Etat algérien au Sahara, qui a pu mobiliser une forte masse des enseignants pour des zones peu attractives (voir photo n°13).

Photo n° 13. Equipement scolaire (école primaire) dans le ksar d’Ighzer à Ouled-Saïd

Ainsi, chaque quartier ou chaque ksar compte au moins une école primaire, chaque commune est doté d’une école moyenne « collège » et chaque chef-lieu de daïra est équipé d’un lycée. Les wilayas de Bechar et d’Adrar sont dotées de 144 écoles primaires, 44 collèges et 14 lycées pour la première et 151 écoles primaires, 48 collèges et 27 lycées pour la deuxième. Ceci donne un taux d’occupation par classe qui varie entre 20 et 30 élèves au niveau primaire, mais la situation reste délicate au niveau de l’enseignement moyen notamment dans la wilaya d’Adrar où ce taux est critique dans plusieurs communes, dépassant 40 ou encore 50 élèves

par classe dans les communes de Tamentit, Zaouiet-Kounta et Talmine. A Bechar, les communes de Taghit et d’Igli connaissent la même situation avec des taux respectifs supérieurs à 40 et de 50. Au niveau des lycées, la situation est plus au moins confortable avec des taux qui varient entre 25 et 35 élèves par classe, à l’exception de quelques communes comme Zaouiet-Kounta et Charouine dans la wilaya d’Adrar et El-Ouata et Kerzaz dans la wilaya de Bechar.

Sur le plan quantitatif, l’importance des équipements scolaires dans la wilaya d’Adrar, s’explique par le mode de répartition de la population qui se concentre essentiellement dans les ksour. Ces équipements sont répartis dans l’espace d’une manière hiérarchique en fonction du volume de la population de chaque commune, de son rang administratif et de son niveau d’urbanisation. En effet, les centres urbains les plus importants tels que Bechar, Adrar et Timimoun disposent d’un nombre important de lycées (6, 5 et 4 lycées respectivement). Dans la Saoura, les lycées sont implantés dans les centres urbains et semi-ruraux avec une moyenne d’un lycée par site où affluent souvent les élèves venant des communes limitrophes. Les établissements scolaires de l’enseignement secondaire sont plus importants dans la wilaya d'Adrar tant dans les zones urbanisées que dans les zones rurales les plus peuplées (Bouda, Sali, Fenoughil, Tamest). Quant aux établissements de rang intermédiaire (collèges), ils couvrent toutes les communes des deux wilayas où on compte une moyenne d’un établissement d’enseignement moyen par commune, sauf dans les communes de Timiaouine (située sur les frontières avec le Mali dans la wilaya d’Adrar), Mogheul, Boukais, Méridja et Tamtert dans la wilaya de Bechar. L’absence de ce type d’équipement dans ces communes est due au modeste volume de leur population.

Au plan de la formation professionnelle, les centres de formation constituent le type d’équipement sur lequel les pouvoirs publics s’appuient pour la promotion et la qualification des jeunes de la région afin de faciliter leur insertion dans le monde professionnel. Ces centres de formation sont répartis en fonction des spécialités dans toutes les villes selon leur niveau hiérarchique. Dans la wilaya de Bechar, trois centres sont situés dans le chef- lieu de wilaya, un centre à Beni-Abbes et un autre à Abadla. Dans la wilaya d’Adrar, ce type d’équipement se trouve dans les agglomérations urbaines, comme à Adrar, à Aoulef, à Timimoun, et à Reggane, ou rurales assurant une fonction de chefs-lieux de daïra tels que Fenoughil, Tsabit et Sali.

Les équipements universitaires connaissent une évolution positive aussi bien par le nombre d’étudiants que par les filières d’études, dans les deux chefs-lieux de wilaya à savoir la ville d’Adrar et celle de Bechar. Des résidences universitaires ont été réalisées pour répondre aux besoins en logements étudiants dans les deux villes. Bechar est dotée de quatre résidences univesitaires (deux pour filles et deux pour garçons) d’une capacité totale d’accueil de 5000 lits. Quant à Adrar, elle est équipée par trois résidences (deux pour garçons et une pour fille) d’une capacité totale d’accueil de 3000 lits.

b- Equipement satisfaisant des centres urbains et les communes rurales les plus peuplées dans le Touat

Les centres urbains les plus importants sont bien structurés avec un ensemble d’équipements hiérarchisés, couvrant l’ensemble des besoins non seulement de la population locale mais aussi des autres communes, voire de toute la wilaya ou parfois des wilayas limitrophes. Allant de l’école primaire à l’université, de la salle de soin du quartier à l’hôpital régional, le chef- lieu de wilaya de Bechar est mieux dotée qu’Adrar en comptant 109 équipements. Bechar occupe le premier rang, car la taille de sa population est largement supérieure à celle d’Adrar (165 000 habitants et 63 000 habitants respectivement) et le processus d’urbanisation est plus ancien. Mais la différence peut s’estomper relativement, si on se réfère à la nature de ces équipements, mettant les deux villes dans la même position (universités, centres de formation professionnelle, lycées, hôpital régional, polycliniques spécialisées).

Sur le plan numérique, Timimoun se situe au même rang qu’Adrar. En effet, Adrar compte 58 équipements (cinq lycées, un hôpital régional, une maternité, une polyclinique), Timimoun en compte 45 équipements (un hôpital et quatre lycées et un centre de formation). Au troisième rang, on retrouve les communes d’Abadla, de Beni-Abbès et de Beni-Ounif dans la wilaya de Bechar, de Reggane et d’Aoulef dans la wilaya d’Adrar, dotées chacune de 10 à 30 équipements. La qualité de ces équipements leur attribue un poids particulier dans la structuration de l’espace où les centres urbains les plus reculés, quelle que soit leur taille, sont équipés par un hôpital comme à Abadla et à Beni-Abbès dans la Basse Saoura et à Reggane dans le Bas Touat. Les agglomérations urbaines proches des villes les plus importantes sont équipées par une polyclinique comme à Kenadsa et à Beni-Ounif (proche de Bechar) ou à Aoulef (étant donnée qu’elle est proche d’In-Salah). Sur un autre plan, toutes les communes urbaines et semi-rurales, généralement chefs-lieux de daïra, sont dotées au moins d’un lycée avec un internat qui permet de prendre en charge les élèves des communes rurales privées de

cet équipement. Quant aux communes rurales les plus peuplées essentiellement dans le Touat et le Gourara, elles semblent bien couvertes par les différents services publics, avec plus de 20 équipements chacune y compris une polyclinique et un lycée à Sali, Tamest, Fenoughil et Bouda. Enfin, au dernier rang, se présentent quelques communes faiblement équipées (moins de 10 équipements), situées essentiellement dans la Saoura (Lahmer, Mechraâ-Houaria- Boumedienne, Erg-Feradj, Tamtert, Mogheul, Méridja et Boukais). Il faut rappeler que ces communes ont enregistré des taux d’accroissement démographique très faible ou même négatif pour certaines d’entre elles.

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