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I. Ouverture au dialogue interreligieux : l’exemple des papes depuis Vatican II

5. François

Si le pape François ne manifeste pas de considération particulière pour l’aspect interreligieux du dialogue (il l’embrasse dans son intégrité), il envisage surtout ce dialogue dans un cadre (ou un contexte) plus large, ayant comme coordonnées le partage, la proximité, la rencontre ou l’engagement pour la paix. On l’aura répété de nombreuses fois depuis le début de son pontificat : son regard et ses intérêts, à l’instar de ses homélies et de ses gestes, se portent couramment vers l’humain et le pastoral, plutôt que dans les considérations théoriques ou spéculatives60. Ainsi, dans

son premier message Urbi et Orbi pour Pâques 2013, un mois après son élection comme évêque de Rome, le mot paix apparaît 14 fois alors que le terme dialogue, jamais – car ce n’est pas tant le dialogue que son résultat qui est souhaité (François 2013d)61. À la rencontre œcuménique et

interreligieuse au Centre international d’études franciscain de Sarajevo, en revanche, les deux termes seront nettement articulés, de manière assez programmatique d’ailleurs :

Le dialogue interreligieux, ici comme en beaucoup d’endroits du monde, est une condition indispensable à la paix […]. Le dialogue interreligieux, avant même d’être une discussion sur les grands thèmes de la foi, est une « conversation sur la vie humaine ». On y partage l’existence dans sa quotidienneté, dans ce qu’elle a de concret, avec les joies et les douleurs, les peines et les espérances ; on assume les responsabilités communes ; on projette un avenir meilleur pour tous. On apprend à vivre ensemble, à se connaître et à s’accepter dans les diversités respectives, librement, pour ce qu’on est. Dans le dialogue on reconnaît et on développe une communauté spirituelle, qui unifie et aide à promouvoir les valeurs morales, les grandes valeurs morales, la justice, la liberté et la paix (François 2015a).

59 D’où la prière de l’évêque de Rome, à la fin de son discours : « Au terme de cette année, nous voulons prier le Seigneur, afin que l’Église, malgré ses pauvretés, devienne toujours plus identifiable comme sa demeure. Nous le prions pour que, dans la marche vers sa maison, il nous rende aussi toujours plus voyants, afin que nous puissions dire toujours mieux et de manière toujours plus convaincante : nous avons trouvé celui que le monde entier attend, Jésus Christ, vrai Fils de Dieu et vrai homme » (ibidem).

60 Chose qu’il assume d’ailleurs lui-même : « Comment sont nos homélies ? Sont-elles proches de l’exemple de notre Seigneur, qui “parlait avec autorité” ou sont-elles simplement théoriques, éloignées, abstraites ? » (François 2013c, §5.3)

61 Ce lien entre paix et dialogue ne cessera d’être répété – à Sarajevo, Jerusalem ou à Strasbourg, pour ne prendre que quelques occasions interreligieuses où le pape à interpelé ses interlocuteurs à ce sujet.

D’où la conclusion du pontife, éloquente pour le dialogue : « Le dialogue est une école d’humanité et un facteur d’unité, qui aide à construire une société fondée sur la tolérance et le respect mutuel » (ibidem).

Dans son discours aux évêques responsables du CELAM62, sorte d’exégèse de la grande

rencontre d’Aparecida de 2007 et qui préfigure dans ses thèmes son exhortation Evangelii Gaudium sur la mission, il insiste particulièrement sur la nécessité d’une incarnation des discours en rendant attentif au contexte, à la situation particulière dans laquelle évoluent à la fois les Églises et ses membres – particulièrement les pauvres et ceux qui souffrent. Ce contexte, qu’il appelle aussi l’aujourd’hui63, en tant qu’il entend les « joies et espérances, tristesses et angoisses »

(cf. Vatican II 1965, GS §1) du monde, représente la « base du dialogue avec le monde actuel » (François 2013c, §3). Se méfiant des considérations métaphysiques ou théoriques, il met toutefois en garde les Églises contre la tentation inverse, liée au fonctionnalisme, qui risque de transformer celles-ci en ONG64. Ce qui est toujours à privilégier, c’est la rencontre et la proximité, à l’image du

« Dieu proche », par les actions sociales comme par la liturgie. Pour François, « La proximité crée communion et appartenance, rend possible la rencontre. La proximité acquiert des formes de dialogue et crée une culture de la rencontre » (ibid., §5.3).

À l’instar de ce pragmatisme social, il développe une compréhension particulièrement existentielle de l’être chrétien. Rappelant que le disciple est, par le fait même d’être disciple, également missionnaire, il insiste régulièrement sur sa condition vocationnelle, où le discernement – thème crucial dans la pensée ignacienne – et l’apprentissage des logiques de l’amour sont à revisiter et à approfondir tout au long d’une vie. Tous deux – discernement et amour – génèrent une tension dans la vie chrétienne, puisque tant par l’écoute et le travail de compréhension de l’appel de Dieu dans son quotidien que par le don de soi que demande l’amour, le disciple sort de lui-même. Cela fait donc de lui un « décentré », l’envoyant à la périphérie, voire aux « périphéries existentielles », et cela replace le Christ au centre, lui « qui convoque et envoie » :

Il n’existe pas de condition de disciple missionnaire statique. Le disciple missionnaire ne peut pas se posséder lui-même, son immanence est en tension vers la transcendance de la

62 Le CELAM est l’acronyme du Conseil épiscopal latino-américain, fondé en 1966.

63 « Toute projection utopique (vers le futur) comme toute restauration (vers le passé) ne sont pas de l’esprit bon (sic). Dieu est réel et se manifeste dans l’“aujourd’hui” » (François 2013c, §5.1).

64 « L’Église est institution, mais quand elle s’érige en “centre”, elle tombe dans le fonctionnalisme et, peu à peu, elle se transforme en une ONG. […] Elle devient de plus en plus autoréférentielle et sa nécessité d’être missionnaire s’affaiblit. D’“Institution” elle se transforme en “Œuvre”. Elle cesse d’être Épouse et finit par être Administratrice ; de Servante elle se transforme en “Contrôleuse” » (ibid., §5.2). Cette image de l’ONG revient souvent dans la pensée de François : de sa première homélie aux Cardinaux le 14 mars 2013 jusqu’à cette réflexion à bâton-rompu qui se tint au retour de son voyage aux Philippines, le pape met en garde contre l’ONGisation de l’Église, et ses penchants subséquents aux mondanités. Au contraire, dira-t-il, « L’Église doit se dépouiller » (François 2015b).

condition de disciple et vers la transcendance de la mission. Elle n’admet pas l’auto- référentialité : ou elle se réfère à Jésus-Christ, ou elle se réfère au peuple auquel elle doit annoncer. Sujet qui se dépasse. Sujet projeté vers la rencontre : la rencontre avec le Maître (qui nous fait disciples) et la rencontre avec les hommes qui attendent l’annonce (ibid., §5.1).

Aussi paradoxale soit-elle, cette idée de décentrement, expliquée plus simplement aux catéchistes réunis à Rome deux mois plus tard, est déterminante dans la manière de comprendre le « disciple-missionnaire » qu’est le chrétien : « Celui qui met le Christ au centre de sa vie se décentre ! Plus tu t’unis à Jésus et Lui devient le centre de ta vie, plus Lui te fait sortir de toi- même, te décentre et t’ouvre aux autres. C’est le vrai dynamisme de l’amour, c’est le mouvement de Dieu même » (ibid., §2). En tant que don de soi, l’amour – qui est la nature de Dieu – ne peut être statique ; il est ouverture à l’autre, qui provoque la sortie de soi et la relation.

François développera surtout ces différentes intuitions dans sa première exhortation apostolique Evangelii Gaudium, suite au dernier synode des évêques sur la mission et « la nouvelle évangélisation », qui avait été tenu en 2012. En réponse à la demande des évêques d’en rédiger une exhortation, François s’y emploie en manifestant toutefois un double refus, symboliquement fort pour sa théologie de la mission. Refus, d’une part, de traiter tous les problèmes65, car le

contexte est trop diversifié pour qu’on puisse proposer une approche déductive ou exhaustive – ce qui montre l’importance qu’il accorde au contexte. Et refus, d’autre part, de donner une « parole définitive » sur ces sujets (François 2013b).

François confirme donc, dans cette exhortation, sa manière de considérer la mission à partir du concret plutôt que de l’abstrait : l’Église doit se réformer pour être à la hauteur de sa mission et apprendre pour cela à sortir d’elle-même (ibid., §20-24) tout comme à « entrer dans un processus résolu de discernement, de purification et de réforme » (ibid., §30), éviter les « On a toujours fait ainsi » pour oser l’audace et la créativité (ibid., §33), tout en soulignant que « La mission s’incarne dans les limites humaines » (ibid., §40-45)66.

Identifiant ensuite quelques défis du monde actuel (ibid., §52-75) et diverses tentations des agents pastoraux (ibid., §76-109) – qui reviendront dans l’examen des motivations spirituelles pour la mission (ibid., §262-288) –, François insiste sur l’idée que l’Église dans son ensemble, et chacun de ses membres en particulier, aussi démuni et non éduqué soit-il, est à la fois, du simple fait de son baptême, appelé à la mission67, mais également, du fait de son état d’imperfection, ouvert à

65 « Il n’est pas opportun que le Pape remplace les Épiscopats locaux dans le discernement de toutes les problématiques qui se présentent sur leurs territoires » (François 2013b, §16)

66 Aux membres du clergé, les consacrés et les membres de conseils pastoraux, il insistera encore plus sur cette sortie des sentiers battus : « N’ayez pas peur de sortir et d’aller à la rencontre de ces personnes, de ces situations. Ne vous laissez pas arrêter par les préjugés, par les habitudes, par les rigidités mentales ou pastorales, par le fameux “on a toujours fait comme cela !” » (François 2013e).

67 « En vertu du Baptême reçu, chaque membre du Peuple de Dieu est devenu disciple missionnaire (cf. Mt 28, 19). Chaque baptisé, quelle que soit sa fonction dans l’Église et le niveau d’instruction de sa foi, est un sujet actif de l’évangélisation. […] Tout chrétien est missionnaire dans la mesure où il a rencontré́ l’amour de Dieu en Jésus Christ ;

être soi-même évangélisé68. Ainsi, dans les dialogues du quotidien, où s’expriment et se partagent

les joies et les peines, les soucis et les espoirs, quand François propose à tous baptisés de prêcher, à leur manière, il ajoute que cette annonce est un « partage », qui se vit « dans une attitude humble, de témoignage, de celui qui toujours sait apprendre, avec la conscience que le message est si riche et si profond qu’il nous dépasse toujours » (ibid., §128).

À ce titre, pour François, dialogue et annonce, sans se confondre, germent d’un même terreau : celui de la quête et de l’écoute de Dieu. L’analogie de la mère et de l’enfant que François utilise pour illustrer son propos est signifiante en ce sens : autant la mère (l’Église) est appelée à enseigner à son enfant, autant celle-ci doit apprendre à « reconnaître tout ce que Dieu a semé chez son enfant », et donc « écoute ses préoccupations et apprend de lui. L’esprit d’amour qui règne dans la famille guide autant la mère que l’enfant dans leur dialogue » (ibid., §139). En d’autres mots, parce que la mère et l’enfant sont mis au même niveau dans l’écoute, et que les deux s’évangélisent mutuellement, il y a parité entre les interlocuteurs. Or, parce qu’il y a parité, que le respect et l’ouverture dominent de chaque côté, on peut également dire que les deux personnes sont en dialogue. D’où sa conclusion : « L’évangélisation et le dialogue interreligieux, loin de s’opposer, se soutiennent et s’alimentent réciproquement » (ibid., §251).

Sans l’exprimer de manière systématique, le pontife met en exergue le don comme variable capitale autant pour la mission que pour le dialogue. Inspiré par le document d’Aparecida (2007), la mission pourrait naturellement se résumer au don de soi. Afin de grandir et de rester profondément vivant, l’humain est appelé à partager, à servir, à aimer – c’est sa vocation la plus profonde et la plus sublime69. Ainsi, sur la question de l’approfondissement du kérygme, qui

pourrait être la pierre d’angle de l’évangélisation, François prévient qu’« Il ne serait pas correct d’interpréter cet appel à la croissance [de la foi] exclusivement ou prioritairement comme une fonction doctrinale » (ibid., §161). Au contraire, estime-t-il, outre le fait que la foi soit un don de Dieu, l’évangélisation des cœurs, pour bien mûrir, doit sans cesse être rattachée, verbalement et dans le quotidien, au premier et nouveau commandement de s’aimer les uns les autres, que Jésus

nous ne disons plus que nous sommes “disciples” et “missionnaires”, mais toujours que nous sommes “disciples- missionnaires” » (ibid., §120).

68 « Assurément, nous sommes tous appelés à grandir comme évangélisateurs. En même temps employons-nous à une meilleure formation, à un approfondissement de notre amour et à un témoignage plus clair de l’Évangile. En ce sens, nous devons tous accepter que les autres nous évangélisent constamment ; mais cela ne signifie pas que nous devons renoncer à la mission d’évangélisation, mais plutôt que nous devons trouver le mode de communiquer Jésus qui corresponde à la situation dans laquelle nous nous trouvons » (ibid., §121).

69 « La vie s’obtient et se mûrit dans la mesure où elle est livrée pour donner la vie aux autres. C’est cela finalement la mission » (ibid., §10 – Cité du Document d’Aparecida 2007, §360). Et sur un mode beaucoup plus personnel, à la fin de son exhortation, François s’exclamera : « Elle est quelque chose que je ne peux pas arracher de mon être si je ne veux pas me détruire. Je suis une mission sur cette terre, et pour cela je suis dans ce monde. Je dois reconnaître que je suis comme marqué au feu par cette mission afin d’éclairer, de bénir, de vivifier, de soulager, de guérir, de libérer. Là apparaît l’infirmière dans l’âme, le professeur dans l’âme, le politique dans l’âme, ceux qui ont décidé, au fond, d’être avec les autres et pour les autres » (ibid., §273).

indiqua comme la réponse à son amour et qui nous identifiera comme ses disciples – et sur lequel insisteront ensuite Paul ainsi que les premières communautés chrétiennes70. François ne situe ni

l’évangélisation ni le dialogue dans une perspective intellectuelle de débats d’idées ou de spéculation sur le monde, mais dans la rencontre interpersonnelle, où se vit et se meut l’amour du prochain : « Un dialogue est beaucoup plus que la communication d’une vérité. Il se réalise par le goût de parler et par le bien concret qui se communique entre ceux qui s’aiment au moyen des paroles. C’est un bien qui ne consiste pas en des choses, mais dans les personnes elles-mêmes qui se donnent mutuellement dans le dialogue » (ibid., §142)71. De même, ajoutera-t-il plus loin en

introduction au dialogue interreligieux, « Une attitude d’ouverture en vérité et dans l’amour doit caractériser le dialogue avec les croyants des religions non-chrétiennes » (ibid., §250).

Ce faisant, François ne dit pas que le kérygme est devenu secondaire – « la première annonce, ou “kérygme” a un rôle fondamental, qui doit être au centre de l’activité évangélisatrice et de tout objectif de renouveau ecclésial » (ibid., §164) –, mais il appelle à une autre forme d’entendement et d’appropriation du kérygme que celle professée traditionnellement, afin de rendre celui-ci plus vivant, plus palpable dans nos vies. Ce kérygme, qui pourrait se résumer chez François à ces mots : « Jésus Christ t’aime, il a donné sa vie pour te sauver, et maintenant il est vivant à tes côtés chaque jour pour t’éclairer, pour te fortifier, pour te libérer » (ibid., §164), contient des paroles de feu, d’amour, de libération, et doit toujours être entendu et redit de différentes manières. Inutile d’y ajouter un enseignement « plus solide », estime le pape, car « Il n’y a rien de plus solide, de plus profond, de plus sûr, de plus consistant et de plus sage que cette annonce » (ibid., §165). La formation chrétienne ne consiste pas tant en une formation philosophique, qui impliquerait une plus grande connaissance des questions trinitaires, christologiques ou pneumatologiques, mais doit surtout être évangélique, c’est-à-dire, empreinte des évangiles, de l’amour « qui se fait chair toujours plus et toujours mieux » en soi (ibid., §165). Pareil pour l’évangélisation, qui doit d’abord s’incarner en geste et en attitudes d’amour fraternel72. D’où son appel à mieux exprimer et

partager ce kérygme :

70 « Pour saint Paul, le précepte de l’amour ne résume pas seulement la loi, mais il est le cœur et la raison de l’être “Une seule formule contient toute la Loi en sa plénitude : Tu aimeras ton prochain comme toi-même” (Ga 5, 14). Et il présente à ses communautés la vie chrétienne comme un chemin de croissance dans l’amour » (ibid., §161).

71 Et plus loin : « Et si vraiment nous croyons en la libre et généreuse action de l’Esprit, nous pouvons apprendre tant de choses les uns des autres ! Il ne s’agit pas seulement de recevoir des informations sur les autres afin de mieux les connaître, mais de recueillir ce que l’Esprit a semé́ en eux comme don aussi pour nous » (ibid., §246).

72 Dans l’importante entrevue qu’il donna aux revues culturelles jésuites par l’intermédiaire d’Antonio Spadaro, et traduite en français dans la revue Études, François ne cache pas sa réticence à l’égard de certaines attitudes pastorales : « Les enseignements, tant dogmatiques que moraux, ne sont pas tous équivalents. Une pastorale missionnaire n’est pas obsédée par la transmission désarticulée d’une multitude de doctrines à imposer avec insistance. L’annonce de type missionnaire se concentre sur l’essentiel, sur le nécessaire, qui est aussi ce qui passionne et attire le plus, ce qui rend le cœur tout brûlant, comme l’eurent les disciples d’Emmaüs » (Spadaro 2013, 16).

La centralité du kérygme demande certaines caractéristiques de l’annonce qui aujourd’hui sont nécessaires en tout lieu : qu’elle exprime l’amour salvifique de Dieu préalable à l’obligation morale et religieuse, qu’elle n’impose pas la vérité et qu’elle fasse appel à la liberté, qu’elle possède certaines notes de joie, d’encouragement, de vitalité, et une harmonieuse synthèse qui ne réduise pas la prédication à quelques doctrines parfois plus philosophiques qu’évangéliques. Cela exige de l’évangélisateur des dispositions qui aident à mieux accueillir l’annonce : proximité, ouverture au dialogue, patience, accueil cordial qui ne condamne pas (ibid., §165).

Son discours aux catéchistes ne disait pas autre chose, mais insistait pareillement sur l’attitude, qui, contrairement à un titre ou à une fonction, enjoint une manière d’être et consiste – il ose le mot – en une vocation73. D’où son appel au témoignage par la vie, les gestes et les

comportements, plutôt que par les paroles. Et d’où sa condamnation claire et nette du prosélytisme, en rappelant les mots de Benoît XVI prononcés à Aparecida en 2007 : « L’Église ne grandit pas par le prosélytisme. Elle grandit par attraction » (cf. Benoît XVI 2013e)74. Appréciant

beaucoup le mot, plutôt facétieux, de François d’Assise, quand il disait à ses frères : « Prêchez toujours l’Évangile, et, si c’est nécessaire aussi par les paroles », le pape insiste : « Les paroles viennent… mais d’abord le témoignage : que les gens voient l’Évangile dans notre vie, qu’ils puissent lire l’Évangile [dans l’amour que nous manifestons grâce aux Christ] ». Et plus tard, osant une autre image, il comparera la mission à du feu plutôt qu’à du papier : « La méthode de la mission chrétienne n’est pas le prosélytisme, mais celle de la flamme partagée qui réchauffe l’âme » (François 2013f).

Ainsi, quand il traite spécifiquement du dialogue, qui reste capital dans la théologie de l’Église, l’accent n’est pas tant mis chez lui sur l’interreligieux que, de manière plus large et incluant celui- ci, sur le « dialogue social comme contribution à la paix » (François 2013b, §238-258), où trois champs sont ensuite énumérés : le dialogue avec les États, avec la société (qui inclut la culture et les sciences) et avec les personnes « qui ne font pas partie de l’Église catholique » (ibid., §238). Ce dernier champ regroupe ici le dialogue œcuménique, interreligieux, mais aussi celui qui devrait se développer avec les non-croyants, agnostiques ou athées, évoqués et reconnus même comme « de précieux alliés dans l’engagement pour la défense de la dignité humaine, la construction d’une cohabitation pacifique entre les peuples et la protection de la création » (ibid., §257).

Comme je l’ai dit plus haut, le pape estime que c’est à travers le dialogue que peut se construire