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Chapitre deux

5- Foyer nouvellement construit et allumé le jour de l’entrée dans une nouvelle maison

La parturiente souffre beaucoup, elle geint. Son époux et son père, parfois une proche parente, se relaient derrière elle pour la soutenir, leurs mains passées sous ses bras.

Plusieurs enfants regardent, certains de la maison, d’autres des nièces et des neveux venus avec leur mère d’une autre maison, d’autres encore des petits voisins curieux. Leur présence ici semble normale. « Coiffe-toi, on dirait phī nyā vǭm nyā vāi », dit à Mon Si ébouriffée une grand-mère moqueuse, faisant ainsi allusion au personnage féminin d’un conte à qui son mari a fendu la tête d’un coup de hache et qui, devenue phī, se reconnaît à ses cheveux hirsutes, agglutinés par le sang1.

Les enfants semblent libres témoins d’un événement public. Leur regard n’est ni orienté ni détourné, pour le moment, par des paroles d’adultes. De manière générale, ils ne sont exclus d'aucun événement de la vie privée ou publique. Ils transcendent même les barrières imposées par le sexe, circulant librement entre des espaces et des activités féminines ou masculines. Seul le moment des funérailles est marqué par un évitement des enfants qui ne font pas partie de la maison du mort. Il ne s'agit pas là d'un interdit, mais d'une précaution relative à la possible présence de phī malveillants. La peur des phī est invoquée pour expliquer cette répugnance, très tôt intériorisée par les enfants.

Près du foyer principal, à l'autre bout de la cuisine, quelques femmes prennent un repas. D’autres visiteurs et parents, assis sur des tabourets bas, occupent une grande partie de « maison du feu ». Ils discutent de tout et de rien : du dernier buffle perdu, de la commerçante qui est arrivée avec son marché en ballot de Luang Namtha, et encore du Ko2 qui est venu acheter de l'opium. Parfois, un peu agités et plus tendus, ils évoquent la possibilité de conduire Mǣ Hyiam, qui souffre trop dit-on, à l’hôpital du district. Il faudrait pour cela la transporter sur un brancard, faire une heure de marche jusqu’à la route et là, avec un peu de chance, arrêter un véhicule. Si ni pick-up, ni bus, ni tracteur (lot tek tek) ne se présentait, il faudrait porter la jeune femme sur vingt-cinq kilomètres jusqu’à Mư̅ang Namo où se trouve le petit hôpital, objet de plus de méfiance que de convoitise. Mǣ Hiam, formée comme infirmière dans un camp militaire où elle avait suivi

1 Les phī vāi apparaissent dans les sources anciennes comme une catégorie d’esprits de la forêt particulièrement redoutables dont l’apparence se rapproche de celle de singes hirsutes (Boutin, A., 1938, p. 77) ; Robert, R. (1941, p. 35). Pour les T’ai de Nākhām, de Namxé et de Natong avec lesquels je me suis entretenue à ce sujet, le phī vāy évoque soit le personnage du conte cité dans le texte, soit un phī susceptible de descendre du ciel peu après l’enfant et de le dévorer.

2 Nom que donnent encore les T’ai aux populations tibéto-birmanes que les ethnologues nomment

« Akha ».

son époux de 1979 à 1983, assiste toutes les femmes dont les accouchements sont problématiques. Il arrive même assez souvent que des habitants de villages voisins la fassent appeler auprès d'une parturiente en difficulté. Par ailleurs sœur de Fep, le père de l’époux de la parturiente, elle est présente ce jour-là. Em Pan et plusieurs de ses congénères affirment à Fep, particulièrement inquiet, que Mǣ Hiam est aussi capable que n'importe quel infirmier de l'hôpital. Chacun sait, pour avoir à de multiples reprises envisagé ce départ, et, pour certains, l’avoir même tenté – un enfant du village, né ainsi sur le bord du chemin, porte le nom de Hyia (« tomber accidentellement ») –, que la discussion est surtout rhétorique.

Pour l'avoir entendue souvent, cette discussion m’apparaît aussi comme une prise en compte indirecte, mais verbalisée, du ressenti de la parturiente, à qui, malgré un contact physique serré, nul ne s’adresse directement.

À un autre niveau, ces échanges animés témoignent auprès des esprits malfaisants – parmi lesquels les phī phāi1 qui rôdent autour des femmes en couches en quête de nourriture – de la présence active de nombreux villageois dans la maison de l’accouchement.

La mère de l’époux, Em Yā (grand-mère paternelle), s’est approchée de sa bru, elle commente « la chemise de l’enfant (sư̅a deknǭi, le placenta), il a déchiré la chemise ».

Plusieurs femmes discutent autour de Mǣ Hiam dont un des gants de caoutchouc est déchiré. Celle-ci en est contrariée, elle devra faire l’examen vaginal avec une main partiellement nue. Je me souviens alors qu’elle m’a dit un jour, me parlant de sa fonction d’accoucheuse, qu’après avoir aidé à mettre un enfant au monde elle ne supportait plus l’idée de toucher la nourriture et mangeait à peine plusieurs jours durant.

Aīthao Am, jusque-là toujours présent auprès de sa fille, part vers dix heures pour kīn ngāi, le premier vrai repas de la journée. Il va participer au sūkhwan, rite de rappel des principes vitaux, offert par les parents de Houn aux villageois qui ont aidé à préparer la cérémonie des funérailles.

Il est maintenant onze heures, ce matin du 20 février 2000. Mǣ Hiam masse le ventre de la parturiente dans un mouvement de haut en bas destiné à aider l'enfant à descendre.

1 Voir supra, chapitre un, p. 75.

Les femmes discutent entre elles, et je ne comprends pas tout. Em Pan résume pour moi :

« Le petit (ǣ nǭi) n’est pas encore descendu. »

Sur la terrasse chān, où se trouve l’accès principal à la maison, une sœur aînée de Mǣ Hyiam, Mǣ Hom, trempe et frotte le bas de son sīn (tīn sīn, « pied du sīn ») dans de l’eau, « pour faire un remède », m’explique-t-on. Elle verse ensuite « l’eau qui a du pied de sīn » (nam mī tīn sīn) dans une feuille de bananier et la donne à boire à sa cadette.

Le rouleau de coton cardé vu dans les cheveux de la parturiente, et ici le pied du sīn dont les sucs ont été dissous dans l'eau procèdent de transformations de matières premières, le coton et la soie, dont l'efficacité joue sur plusieurs registres à la fois.

Dans le premier cas, deux explications différentes sont évoquées. La première s'appuie sur la texture particulière du coton cardé qui semble constituer un piège idéal où viendraient se prendre les phī (le même objet sert de réceptacle aux principes vitaux du mort lors des funérailles). La deuxième explication porte sur l'apparence phallique du rouleau. La présence totalement déplacée de l'organe sexuel masculin sur la tête d'une femme sème la confusion – est-ce bien là une femme ? Est-ce même là un être humain ? – et effraie les phī. Tromper les esprits sur l'identité d'une personne représentant pour eux une victime potentielle est une méthode éprouvée dont nous verrons de nombreuses manifestations. Quant à l'usage du symbole phallique, il se retrouve lors de la célébration du rite annuel à l'esprit tutélaire du village, phī bān. Une sculpture en bois évoquant un pénis, associée à la représentation en bambou d'une vulve, orne les portes (tū sư̅a, litt.

« portes-chemise ») élevées pour l'occasion aux entrées du village. Là encore, les organes sexuels agissent comme répulsifs pour les phī malveillants qui pourraient venir troubler l'ordre de la fête et du rituel. La puissance du pénis et de la vulve joue à la fois sur leur rôle dans le processus de reproduction et sur leur nature éminemment souillée.

Le sīn combine lui aussi cette double puissance. Vêtement qui couvre le bas du corps, il est étroitement associé à la féminité et est porteur de la souillure dégagée par les organes reproducteurs de la femme. En ce sens, il menace l'intégrité corporelle des hommes dont les khwan sont particulièrement sensibles à la mauvaise odeur qu'il dégage.

Mais il est aussi, en vertu du même principe, efficace contre les phī, et cela est encore plus vrai du pied du sīn qui associe souillure de la femme à travers ses fonctions

Photo II-2 Rouleaux de coton cardé, prêts au filage

Photo II-3 Triangle-vulve et pièces de bois-pénis ornant la porte du village pour le culte annuel à l'esprit tutélaire du village (sen bān).

reproductrices et statut inférieur des pieds1. En effet, dans le schéma corporel hiérarchisé haut/bas caractéristique des populations t’ai dans leur ensemble2, les pieds occupent une position dévalorisée. De plus, la souillure dont ils sont les récipiendaires et les vecteurs (ils sont au contact du sol et on s'en sert pour laver ce qui est considéré comme le plus sale, ‘uay : excréments, sang, fluides issus de l'accouchement) constitue un gage de

Photo II-5 Femme portant une chemise et un sīn t’ai dam

1 Rajadhon, Phia Anuman, (1961, p. 49) rapporte des techniques pour faciliter l'accouchement qui font appel à des principes comparables : « L’eau exorcisante, dont on asperge ou frotte la parturiente, ou encore qu’on lui donne à boire, est très utilisée. » Il existe de multiples manières de rendre cette eau efficace dont deux ont particulièrement retenu mon attention. La première consiste à donner à boire à la parturiente de l'eau préalablement versée sur le gros orteil de son mari. La seconde à insuffler dans l'eau des paroles obscènes. Nous retrouvons là les principes actifs contenus dans l'infériorité de statut des pieds et dans l'évocation de la sexualité, tous deux liés à la souillure. L'auteur ne s'attarde pas sur l'interprétation de ces pratiques. Concernant les paroles obscènes, il note leur possible efficacité psychologique : déridant la parturiente, elles lui permettraient de concentrer ses efforts sur l'expulsion de l'enfant.

2 B. Formoso (1987 et 1994).

veut la tradition, déchiré le bas de sa jupe. La veille déjà, à peine son mari avait-il rendu son dernier souffle qu'elle avait défait son chignon et laissé pendre ses cheveux. De cette manière, elle renonçait publiquement à son statut de femme mariée.

L'infusion de pied de sīn contient potentiellement une multitude de principes actifs.

Tissé de motifs formant barrage aux phī, mais aussi imprégné de l'odeur du bas du corps de la femme (pieds et organes sexuels), le pied de sīn réduit en boisson constitue un traitement prophylactique contre l'intrusion d'esprits malveillants. Quand elle trempe le pied de son sīn dans l'eau, Mǣ Hom, qui a eu trois enfants et des accouchements faciles transmet à sa jeune sœur primipare un savoir-faire, mais aussi un savoir-être femme, littéralement incorporés et, pour reprendre les termes de J.-P. Warnier (1999), « mis en objet » dans ce vêtement si intrinsèquement lié à la femme dans son statut et dans son essence.

Em Yā nourrit, à la cuillère, sa bru d’un peu de riz et de viande de buffle. Une femme m’explique que l’enfant une fois né, la jeune mère mangera à une table à part et n’utilisera plus les mêmes couverts que le reste de la famille. Souillée et fragilisée par l’accouchement, elle risquerait alors ou de tomber malade elle-même ou de rendre malades les autres membres de la maisonnée1.

La souillure dont la femme pubère est porteuse est particulièrement forte et active au moment de la menstruation (duang nying) et de l'accouchement où elle est matérialisée par la perte de fluides à travers les organes génitaux. Contrairement à ce que note Ing-Britt Trankell (1995, p. 166) au sujet des T’ai Yong, une population t’ai bouddhisée du nord de la Thaïlande : – «  Elle (la pollution) est cependant conçue comme une “condition individuelle”. En tant que telle, et contrairement à la pollution créée par la mort, elle n’affecte pas le reste de la maisonnée. »(ma traduction) –, chez les T’ai Dam, cette souillure est potentiellement contagieuse. Ainsi, dans les maisons de spécialistes rituels, l'autel du phī mǫt (esprit auxiliaire du spécialiste rituel, mǭ mot) qui se trouve dans la cuisine, non loin de « l'endroit où les femmes accouchent », doit être recouvert d'un tissu lors des accouchements. La vue du sang offenserait le phī, provoquant des représailles.

Cette souillure touche non seulement la mère, mais également l'enfant. À tel point que le jour de sa naissance restera sa vie durant impropre à la tenue de rituels impliquant khwan ou phī.

1 Voir Robert (1941, p. 41).

On s’approche de la mi-journée et, peu à peu, la maison se vide. Plusieurs personnes s’en vont en souhaitant une naissance facile. Mǣ Hiam, qui est restée, me dit que l’enfant n'aime pas naître quand le soleil est trop haut, trop fort. En général, ajoute-t-elle, les enfants naissent le matin avant onze heures ou l’après-midi à partir de une heure.

Profitant de ce temps creux, je repasse brièvement chez Aī Loun qui m'assure lui aussi que je peux être tranquille, l'enfant ne naîtra pas avant le soir.

S'il m'a été dit avec une belle unanimité que la naissance d'un enfant aux heures les plus chaudes de la journée était problématique, l'interprétation de cette donnée, présentée comme empirique, reste délicate. C'est incidemment que des éléments de réponse m'ont été livrés.

Plusieurs mois après l'accouchement de Mǣ Hyiam, je discutai avec Aīthao Tyua (frère aîné de Aī Loun) d'un tout autre sujet. Médicastre, et partageant avec moi une désagréable propension aux brûlures d'estomac, il avait au fil du temps pris l'habitude, quand nous nous voyions, de me transmettre certaines de ses recettes. Ce jour-là, il me livrait un principe général sur la collecte de plantes médicinales :

« Les yā phư̅n mư̅ang (litt. « remèdes-locaux-du pays »), on les ramasse de six à huit heures ; après, ils ne sont plus efficaces. De neuf à onze heures, le soleil est trop fort, bǭ mī yā (« il n'y a pas de remède »), quand le soleil est encore frais, il y a du remède, mī yā. »

J'avais toujours en tête cette question non élucidée d'incompatibilité entre la chaleur du soleil et la naissance des enfants. Je l'interrogeai donc à ce sujet. Il me répondit en ces termes : « Si un enfant naît quand le soleil est haut, chaud et fort, il sera plus fort (phǣ) que ses parents, il aura trop de bun (chance)1, son cœur sera trop grand. » Cette supériorité déplacée de l'enfant sur ses aînés porte atteinte à l'intégrité corporelle de ces derniers, qui tombent fréquemment malades.

Cette incompatibilité entre un pouvoir excessif et une filiation réussie se retrouve dans le cas, cité par le jeune père d'une petite fille succédant à une série d'aînés mort en bas âge, de ces spécialistes rituels qui, ayant appris trop de khwām, formules magiques,

1 Nous reviendrons plus loin sur l'emploi de ce terme, bun, dérivé du pâli punna et qui signifie dans le contexte bouddhique à la fois « mérite, acte méritoire » et « fête, cérémonie » (Reinhorn, M., 2001), par des T’ai non bouddhisés.

n'arrivent pas à élever (liang) des enfants : luk bǭ phǣ khwām, tāi  (« l'enfant est moins fort que les khwām, il meurt »).

Un devin (mǭ mœ̅, « maître des jours ») t’ai khao bouddhisé du village de Namxé, auquel les habitants de Nākhām faisaient fréquemment appel, m'a livré une autre interprétation. Aux heures dites sānya (midi)1 et chœ chae ̅ (minuit), l'enfant qui descend des villages célestes pour naître sur terre risque d'être poursuivi par le phī vāi. Si celui-ci descend entre dix et vingt minutes après l'enfant, il peut le dévorer. S'il descend plus tôt ou plus tard, le nouveau-né est sauf. Interrogés à nouveau, Aīthao Tyua et sa belle-sœur, Em Pan, ont corroboré les dires du devin :

« Les gens d'autrefois disaient que l'enfant né à midi, s'il mourait, c'était à cause du phī vāi. Aujourd'hui, les médecins disent que c'est la fièvre qui monte à la tête (sai khư̅n samǭng). »

Il est maintenant midi. C’est son mari qui masse Mǣ Hyiam. Celle-ci, épuisée, s’est mise à genoux sur un tas de sīn pliés posés là par sa sœur. Il ne reste plus grand monde dans la maison : deux sœurs, le mari, la belle-mère, Mǣ Hiam. Quelques hommes discutent dans l’autre partie de la maison, parmi lesquels Aī Fep, le phǭ tā. Des enfants entrent et sortent.

Aīthao Am revient de chez Houn. Il ramène un morceau de viande de porc dont il prélève un bout qu’il dépose dans un récipient en courge séchée accroché au-dessus de sa fille. Cette viande servira à lui donner des forces avant la naissance.

Mǣ Hom masse le ventre de sa sœur, qui souffre beaucoup. Il est une heure de l’après-midi et peu à peu les femmes reviennent. Mǣ Hyiam souffre toujours beaucoup, l'inquiétude se fait plus pressante. Les femmes se lèvent et s'approchent d'elle, les discussions sur un éventuel départ à l'hôpital reprennent. Les enfants aussi se sont attroupés et regardent. Une des femmes me dit : « On doit être nombreux, on a peur. Elle a trop mal (man chep sā). » La parturiente est rafraîchie avec un tissu mouillé, une de ses sœurs lui masse le ventre, tentant d'alléger sa douleur.

Les femmes s’adressent à Mǣ Hiam, elles l’exhortent à écouter pour s’assurer que l’enfant est vivant. Toutes ont en mémoire un autre accouchement récent aussi pénible : l’enfant était mort-né.

1 D’après Reinhorn, M. (2001, p. 580) sānya est un terme dérivé du sanscrit sāya qui signifie le soir, le crépuscule ; sānyan signifierait aussi « après-midi ».

Une femme âgée, Kho, sœur cadette de Am, par son père, dit qu’il faut interroger les khwan (thām phī khwan) de la parturiente. Ces derniers, ajoute-t-elle, veulent certainement être nourris (liang), manger de la viande.

J’ai une montre, alors, comme pour avoir confirmation que l’enfant peut bien naître maintenant, on me demande l’heure. J’entrevois dans la pièce à côté la belle-mère de Hyiam, Mǣ Oy1, qui tient une chemise nouée appartenant à la parturiente et murmure, m'explique-t-on, aux phī khwan de bien vouloir assurer à sa bru une naissance facile.

Elle les interroge aussi sur l’heure de naissance de l’enfant et sur son sexe. La chemise devient lourde et remue quand les réponses aux questions de la devineresse sont positives.

Aux premières douleurs, avant que la poche des eaux (pok ma nyā, litt. « poche-fruit-paillote2 ») ne soit percée, les phī hư̅an avaient été prévenus (vān) de l'imminence de l'accouchement. C'est Aīthao Am, le chef de la maisonnée, qui leur avait porté dans un bol le nécessaire à chiquer : bétel, noix d'arec et chaux.

Les phī hư̅an, en principe bienveillants, doivent cependant être traités avec toute la déférence qui leur est due. L'arrivée ou le départ d'un membre de la maisonnée doivent leur être signalés : il en est ainsi de l'enfant qui naît, mais aussi du buffle que l'on vend.

De plus, si la naissance est toujours un événement souhaité, l'accouchement en lui-même apporte souillure et danger. Les phī hư̅an sont particulièrement sensibles à la souillure véhiculée par les fluides issus de la parturition, alors que des phī intrinsèquement malveillants, comme je l'ai noté plus haut, sont attirés par l'odeur qui s'en dégage.

Prévenir les phī hư̅an, c'est à la fois requérir leur aide pour protéger la parturiente et l'enfant à naître, et se les concilier, leur demander d'être indulgents et de supporter la souillure dont ils vont être les témoins.

Ce rite obligé n'avait pas suffi à assurer à Mǣ Hyiam un accouchement facile. Ses phī khwan avaient alors été mis en cause. Les principes vitaux ont en partage une nature volatile, ils réagissent à la surprise, à la peur, à la douleur en quittant le corps de leur maître, chao khwan. Pendant le sommeil, ce sont leurs voyages hors du corps qui causent les rêves. On dit aussi que certains lieux les attirent, comme les pièces d'eau ou le cimetière. Les phī malfaisants peuvent aussi s'emparer des phī khwan. L'absence d'une

1 Mǣ Oy est une des quatre spécialistes, toutes des femmes, de la technique de divination par la

1 Mǣ Oy est une des quatre spécialistes, toutes des femmes, de la technique de divination par la