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Représentations du temps linguistique

4.3. Représentations du temps linguistique

4.3.1.2. Formes en -aba/-ía, -ría

canté canto cantaré

Fig. 6 : Représentation linguistique des formes du mode actualisant

4.3.1.2. Formes en -aba/-ía, -ría

Gilles Luquet cite l'exemple suivant : « ayer, a las tres, llovía » pour illustrer le fait que « llovía assume ici la valeur d'un ''présent dans le passé'' ». Si l'on admet, dit-il, que

« pour l'auteur de l'énoncé, llovía a les propriétés d'un présent (llueve) transposé dans le passé, il faut admettre aussi qu'un sujet parlant est capable de concevoir un autre type de présent que celui qui lui sert à construire un énoncé. Il est capable de concevoir un présent abstrait – un présent inactualisé – à partir duquel se déterminent, dans son univers temporel, un passé et un futur également inactualisés ». Suit la figure 7.

- ∞ + ∞ + ∞

Fig. 7 : Représentation du temps linguistique associé à cantaba et cantaría

245 Gilles Luquet, « Temps linguistique et ''temps verbaux'' »… », op. cit., p. 43.

temps d'expérience du Moi

pas de signifiant cantaba cantaría

futur passé

futur inactualisé passé inactualisé présent inactualisé

présent

4.3.1.3. Formes en -e/-a, -re, -se et -ra

D'après G. Luquet, cante s'inscrit dans un « espace ouvert à l'activité du Moi – un 'présent-futur' indifférencié », auquel s'oppose un « espace fermé à cette activité » dépourvu de représentation linguistique (fig. 8) tandis que pour les formes -ra et -se, le niveau d'abstraction est maximal compte tenu de l'absence, dans la représentation du temps impliquée, de « toute extension singulière et même de toute limite singulière246 » (fig. 9).

- ∞ + ∞

Fig. 8 : Représentation du temps linguistique associé à la forme cante

- ∞ + ∞

Fig. 9 : Représentation du temps linguistique associé aux formes cantara et cantase

a) cante / cantare

Bernard Darbord et Bernard Pottier établissent un constat similaire à celui de G. Luquet : « il est facile d'observer au contraire [des formes en -a/-e et -re] que les formes en -ra~se peuvent signifier un événement dans toute l'étendue du temps (non révolu / révolu)247 ». On citera toutefois Sandro Sessarego qui a relevé des emplois de formes en -e/-a faisant référence à des faits passés (dialectes andins de Bolivie et du Pérou) :

246 G. Luquet, « Temps linguistique et ''temps verbaux'' » … », p. 43.

247 B. Darbord, B. Pottier, op.cit., p. 171.

non-révolu (='présent-futur') moment

de l'énonciation

pas de signifiant

révolu

cante

[

cantara / cantase

Andean dialects are famous in the literature for violating the rule of Concordantia Temporum resulting in sentences where the subjunctive verb encountered in a nominal subordinate clause is often found in a present form even though it conveys a past action (Kany 1945; Obaid 1967; Lunn 2007).

To see an example of this, in (1) there is a humorous (and presumably fictitious, yet certainly possible) anecdote from Quito Spanish that provides us with an idea of how the present subjunctive is used in that dialect, and in Andean Spanish more generally, to convey a past action; the characters are a tourist and a cabdriver (Lunn 2007).

(1) Tourist: ¿Es nuevo ese edificio?

‘Is that building new?’

Cabdriver: Sí, lo construyeron para cuando venga el Papa.

‘Yes they built it for the Pope comes’.

Tourist: Ah, ¿cuándo va a venir el Papa?

‘Oh, and when is the Pope coming?’

Cabdriver: Ya vino, el año pasado.

‘He already did, last year.’

The humorous effect in (1) stems from the fact that the tourist did not know that the use of the present subjunctive in environments where normative grammar requires the past subjunctive is not an exception in Quito, but rather the norm (Lunn 2007)248. [Notre soulignement]

En ce qui concerne la forme cantare, son emploi se restreint aujourd'hui à des formules figées (sea lo que fuere) ou au registre juridique. Elle s'est maintenue dans certaines régions d'Amérique jusqu'au XIXe siècle :

su uso frecuente en los documentos dominicanos de la época colonial que hemos manejado nos lleva a postular, para la pérdida del carácter sintáctico productivo de esta categoría verbal, una fecha tardía que bien podría alcanzar a los inicios del siglo XIX249.

L'examen de textes littéraires du XVIe et XVIIe siècle conduit Gilles Luquet à affirmer que

« [s]elon toute vraisemblance, la tendance à éliminer le futur du subjonctif du système verbal espagnol remonte au début du XVIe siècle250 ». À cette époque, l'emploi de la forme en -re se restreint aux représentants des strates les plus élevées de la société.

L'origine de la forme en -re demeure incertaine comme le rappelle la NGLE : El FUTURO SIMPLE DE SUBJUNTIVO (CANTARE) procede del latín. Las formas del futuro perfecto de indicativo eran idénticas a las del pretérito perfecto de subjuntivo,

248 Sandro Sessarego, op. cit., p. 91.

249 Francisco J. Zamora, « Formas en -re en documentos coloniales de Santo Domingo », Revista de filología de la Universidad de La Laguna, 1994, nº 13, p. 363-378, p. 369.

250 Gilles Luquet, Systématique …, op. cit. p. 274.

excepto la primera persona singular dedĕro (futuro perfecto de indicativo) y dedĕrim (pretérito perfecto de subjuntivo). Aunque se documenta en latín el cruce de los dos es muy polémica la cuestión de si el futuro simple de subjuntivo castellano (AMARE) procede del primero, del segundo o de la confusión de los dos.

(§ 24.3a, p. 1811)

On peut également lire à ce sujet : « it remains unclear if the tense derives from an indicative or subjunctive mood in Latin. It is generally agreed that the tense derives from either the latin future perfect indicative [CANTĀVERŌ, “I will have sung”], the perfect subjunctive [CANTĀVERIM, “I sang, I have sung”], or is a merger of both tenses, this last theory being the consensus view251. » Pour B. Pottier et B. Darbord, leur héritage latin fait que les formes cante et cantare ont en commun de « ne pouvoir décrire un moment passé, révolu, alors que le subjonctif français correspondant recouvre aujourd'hui l'infini du temps252 ». À propos de ce qui distingue cante et cantare, « dans la perspective généralisante (el, lo), la forme en -a/-e est toujours possible : … e prestalde de aver lo que sea guisado (Mio Cid, v. 118) ; mais elle est moins virtuelle [que la forme en -re] comme le confirment des énoncés tels que : todos los que pueda o pudiere encontrar (Luc, 15, 21), cité par Molho, II, 579 » (p. 172). On retrouve cette virtualité supérieure de la forme en -re par rapport à -e/-a dans la synthèse proposée par Edward Baranowski : « cantare is more hypothetical and conditional than cante » ou « the future subjunctive is an “ante-future” that denotes greater “definiteness” than the present subjunctive253. »

Une autre particularité de -re réside dans sa capacité à alterner avec -e/-a tout en étant limitée à des contextes syntaxiques spécifiques : « El futuro simple de subjuntivo se diferencia de otros tiempos de ese mismo modo en que no aparece en las subordinadas sustantivas (contextos característicos de inducción modal), sino en las prótasis condicionales y concesivas, en las oraciones de relativo (especialmente las relativas libres) y en el término de algunas conjunciones subordinantes » (NGLE, § 24.3b, p. 1812) ; « In both languages [Spanish and Portuguese], these contexts are limited to certain relative clauses with indefinite antecedents and subordinate adverbial clauses indicating time, condition (especially after si/se), place, manner and even concession254. » Dans le cas de constructions enchâssées, ces contextes peuvent être plus étendus :

251 Edward Baranowski, « Defining the Spanish Future Subjunctive », Hispania, 2008, 91.2, p. 495.

252 B. Darbord, B. Pottier, op.cit., p. 170.

253 Edward Baranowski, op.cit., p. 495-509.

254 Ibid., p. 495.

el futuro de subjuntivo, por regla general, no aparece más que en las oraciones adjetivas y adverbiales y, de manera mucho más esporádica, en las oraciones sustantivas dependientes de una oración adjetiva o adverbial cuyo verbo está ya en futuro de subjuntivo255.

b) cantara / cantase

Le choix de la forme en -ra et en -se est « prácticamente libre en el español europeo escrito256 » (NGLE) et relève principalement, selon les auteurs, de variations géographiques : la forme en -ra prédomine quoique dans une proportion moindre en Espagne qu'en Amérique hispanique.

Comme le souligne l'adverbe « prácticamente » dans la définition de la NGLE, les formes en -ra et en -se ne sont pas équivalentes. En s'attachant au sentiment linguistique des locuteurs hispanophones, Dwight Bolinger conclut que « -se implies 'remoteness, detachment, hypothesis, lack of interest, vagueness, greater unlikelihood', while -ra brings everything into relatively sharper focus257 ». Mais, en appliquant la même méthode, d'autres aboutissent à l'observation inverse comme l'a mis en évidence G. Luquet après avoir cité les propos de Bolinger :

Pour Vidal Lamíquiz en revanche, l'opposition des deux imparfaits s'argumente sous la forme : inclinación subjetiva hacia la imposibilidad (-ra) / inclinación subjetiva hacia la posibilidad (-se) (Vidal Lamíquiz, « El sistema verbal del español actual : intento de estructuración », in Revista de la Universidad de Madrid, XVIII, 1969, p. 258), et il en donne l'illustration suivante: « cantase es actual marcado, con enfoque subjetivo a que la acción verbal, dentro de la no realización que expresa el subjuntivo, se ve con grandes posibilidades de cumplirse, como en le ordenó que viniese inmediatamente ; mientras que cantara es inactual, no marcado, con enfoque subjetivo de considerar que la hipotética realización que indica el subjuntivo se va a quedar en hipotética pura como en le ordenó que estudiara, donde captamos poco convencimiento de que su orden se cumpla » (Vidal Lamíquiz, Lingüística española, p. 328). Comme la comparaison le fait apparaître, la plus grande distanciation vis-à-vis de l'actualité est imputable à l'imparfait en - se pour l'informateur de Dwight Bolinger et à l'imparfait en - ra pour Vidal Lam í quiz, tandis que la distanciation minimale est imputable à l'imparfait en - ra pour le premier et à l'imparfait en - se pour le second258. [Notre soulignement]

255 Gilles Luquet, La teoría de los modos…, op. cit., p. 109.

256 NGLE, op. cit., § 24.2c, p. 1804 257 Dwight Bolinger, op. cit., p. 346.

258 Gilles Luquet, Systématique …, op. cit., p. 83, note de bas de page n° 11.

Faute de pouvoir s'appuyer sur le sentiment linguistique des locuteurs, on ne peut que se baser sur un constat : l'existence de cas d'exclusion d'une forme en faveur de l'autre.

Bien que rares (« escasos » selon la NGLE, § 24.2c, p. 1804), ils sont révélateurs d'une profonde divergence entre les deux formes. Comme le rappelle Gilles Luquet259, il est impossible de construire des énoncés du type *quisiese pedirte un favor..., *debieses / pudieses tener más cuidado. Dans des énoncés de ce type, seule la forme en -ra est admise.

On peut donc affirmer qu'il existe « des notions qui se laissent inactualiser au moyen de la forme en -ra et non au moyen de la forme en -se, ce qui fait apparaître que la première a un pouvoir d'inactualisation supérieur à l'autre260 ».