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Dans ce modèle de formation, ce qui est au centre est le processus de construction des savoirs. La recherche n’y est pas envisagée comme devant nécessairement produire un accroissement de la connaissance scientifique, mais de nouveaux savoirs, notamment de nouveaux savoirs professionnels.

“Enquiry-Based Learning inspires students to learn for themselves, bringing a real research-orientated approach to the subject.”181

L’université de Manchester a développé jusqu’en 2010 un projet de recherche sur l’apprentissage par la recherche (inquiry-based learning)182.

Sur leur site internet est précisé que cette conception de la formation fournit un environnement dans lequel l’apprentissage s’opère par un processus de recherche qui dépend de l’étudiant. Celui- ci doit identifier ses problèmes, définir ses propres questions, examiner les ressources dont il a besoin pour mener sa recherche sur le sujet choisi. Ainsi acquière-t-il, par expérience et en relation avec un problème inscrit dans sa réalité, le savoir qui lui est nécessaire.183 Cette formation

peut donc concerner une simple « enquête » ou des projets de différentes envergures, jusqu’à un projet de recherche. Elle met en œuvre les principes théorisés par Dewey.

Cette formation inclut ce que les anglo-saxons appellent le Problem-based learning (PBL)184,

apprentissage en petits groupes d’étudiants, particulièrement développé dans les universités de médecine. Diana F. Wood185 précise que dans ce type de formation, les étudiants partent du

problème pour définir leurs propres objectifs d’apprentissage.

Il ne s’agit donc pas en soi de résoudre le problème posé, mais de partir de problèmes pertinents pour acquérir des savoirs.

Mais telle qu’elle est énoncée ci-dessus, la démarche d’apprentissage par la recherche dépasse le

181 Dr Bill Hutchings, professeur au département d’Arts de culture et de langage, Université de Manchester.

« L’apprentissage fondé sur la recherche stimule les étudiants pour qu’ils apprennent par eux-mêmes, ce qui induit une approche du sujet réellement orientée vers la recherche ». Citation sur le site de l’Université de Manchester.

http://www.ceebl.manchester.ac.uk/ebl/ (consulté le 27 Août 2014 10 :53 UTC).

182 Leur site est très complet sur les résultats de leurs recherche : http://www.ceebl.manchester.ac.uk/ebl/

183 Ces éléments proviennent du site de l’Université de Manchester : http://www.ceebl.manchester.ac.uk/ebl/

consulté le 27 Août 2014 à 10 :46 UTC

184 « Apprentissage à partir d’un problème »

cadre de cette « formation par problème » : alors que dans le PBL en médecine, on part de cas cliniques donnés et généralement les mêmes pour tous les étudiants, dans la formation par la recherche, il appartient à l’étudiant lui-même d’identifier le problème à partir duquel il définira ses questions de recherche. Cela nécessite donc une forme d’enquête préalable qui permettra l’émergence du problème. On se rapproche là de la démarche du praticien réflexif, qui, réfléchissant sur ses propres pratiques, pourra cerner les problèmes qui se posent à lui.

Cette nuance entre production de nouvelles connaissances scientifiques et production de nouveaux savoirs est importante car elle met en jeu, la notion de communauté à laquelle s’adresse cette création de savoirs ou de connaissances.

Jean Marie Barbier estime que « D’une manière générale, toutes les actions de transformation du monde sont aussi des activités de transformation de soi transformant le monde »186. L’artiste est celui qui pose un regard

différent sur le monde, nous disait Bergson. Cette transformation que permet la recherche commence donc par celle de l’individu lui-même. C’est ce que confirme cet auteur :

« Les actions de recherche supposent de la part des sujets qui les conduisent une transformation de leurs cadres mentaux, transformation susceptible d’être investie dans les activités d’interprétation qui accompagnent leurs actions de transformation du monde. »187

Il est donc tout à fait légitime que la création de savoirs, qui est ici définie comme étant le propre de cette formation par la recherche, concerne en premier lieu l’individu lui-même, qu’il soit artiste ou non : la « découverte » ainsi réalisée éclairera un champ jusqu’alors inconnu pour lui. Mais Jean-Marie Barbier nous dit bien que cette acquisition de savoirs par la recherche qui transforment, accompagnent leur transformation du monde. Il ne s’agit donc pas d’une démarche isolée.

Dans un premier cycle d’enseignement supérieur, ce « monde » qu’ils doivent ainsi accompagner dans sa transformation se compose, en cercles successifs, de l’équipe avec laquelle il travaille, de la classe dans laquelle il développe ce travail ou de sa promotion, voire des étudiants du cycle d’études, ses pairs. Il s’agira donc, pour cet étudiant, de déterminer le problème à étudier, en lien avec une préoccupation qui concernera également la communauté dans laquelle il inscrira sa recherche.

Entre ces trois recherches, que choisir ? Richard Etienne résout cette question à sa façon : « Nous parlerons volontiers de formation à ou par la recherche, mais pour la recherche ou pour l’exercice d’un métier ou d’une profession »188. Mais il a été vu aussi avec Humboldt, Bergson, cet idéal de « création de soi »

que doit permettre la formation liée à la recherche, idéal repris ci-dessus par l’idée de la « transformation de soi » que cite Jean-Marie Barbier. Dans une formation de premier cycle, dans quel ordre placer cette formation : par, à, pour la recherche ?

Il pourrait paraître évident de dire qu’il ne s’agit pas de former pour la recherche à ce niveau. Mais dans certains arts, cela pourrait paraître un non sens que d’affirmer cela : dans les cas d’études, nous verrons que la formation des plasticiens en école d’Arts rejoint celle des compositeurs dans

186 Jean-Marie Barbier, Entretien, dans Recherche et Formation, op. cit. p.135 187 Ibid.

les Conservatoires en ce qu’ils y ont, dès le début, des travaux de création à réaliser avec des objectifs de recherche : n’est-il pas alors important de les former pour leurs recherches ?

Former par la recherche alors pour l’exercice d’un métier ou d’une profession ? Ce n’est pas la même chose de former à un métier ou une profession que d’y former par la recherche.

Mais dans le cas de la musique, à quel métier, à quelle profession ? Donc par quelle recherche ? Ce qui est dit dans l’introduction au sujet des mutations profondes du champ professionnel complique la réponse à cette question.

Former alors à la « création de soi » ? Cette option holistique présente un intérêt certain : renforcer non pas seulement la capacité à maîtriser un certain nombre de réponses professionnelles, mais celle à inventer ces réponses en s’inventant soi-même rejoint l’idéal humboldtien. Mais sa mise en œuvre serait certainement complexe. Donc des réponses à plusieurs niveaux, et des outils de recherche diversifiés.

Je reviendrai sur cette question à la fin du chapitre suivant, mais un premier élément de réponse peut déjà être abordé ici : pour Françoise Clerc, c’est une évidence que la réflexivité constitue le cœur de la vertu formatrice de la recherche en ce que s’y rejoignent « production de connaissance, construction de compétences et construction professionnelle ».189 C’est cet aspect que je vais aborder pour

finir ce premier chapitre, avec le concept de praticien réflexif.

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