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Chapitre 3 – Méthodologie

3.2 Considérations théoriques

3.2.3 Forces et faiblesses de l’approche en termes de niveau de vie soutenable

S’il est important de reconnaître les forces de l’approche en termes de niveau de vie soutenable, il l’est tout autant par rapport aux limites et aux critiques qui ont été formulées à son égard. Certaines de ces forces et de ces limites concernent davantage notre recherche et notre démarche tente de pallier ou d’atténuer certaines des faiblesses dans la mesure du possible. Voici quelques-

68 Moser et al. (1996a) regroupent les méthodes utilisées sous les bannières de « formelles » et « informelles ». Les

premières se réfèrent aux méthodes quantitatives et, comme dans le cas des chercheurs mentionnés précédemment, servent à mesurer et à produire des indicateurs; les secondes comprennent les méthodes qualitatives et visent plutôt la compréhension des perceptions, des comportements, des préférences et des priorités.

unes des principales forces du modèle (Scoones, 2009; Moser, 2008; Carney, 2002; de Haan et al., 2002; Krantz, 2001; Bachi et al., 1998; Moser, 1998; Scoones, 1998; Moser et al., 1996a) :

• L’approche est centrée sur les comportements et les stratégies des individus et des ménages, ce qui implique une compréhension endogène des problèmes, des difficultés, des défis et des priorités et une valorisation des savoirs, des perceptions et des intérêts locaux.

• Alors qu’il est reproché aux approches classiques de s’intéresser aux manifestations de la pauvreté, l’approche des moyens de subsistance se concentre plutôt sur ses causes et sur les processus qui l’affectent et qui l’engendrent.

• L’approche se concentre sur ce que les pauvres possèdent plutôt que ce dont ils manquent. Elle insiste sur leur capacité d’agir en période de vulnérabilité accrue en tant que gestionnaires proactifs des ressources (actifs et différentes formes de capital) à leur disposition. La démarche cherche ainsi à comprendre comment les gens utilisent différents actifs et ce qui permet ou empêche leur utilisation productive.

• L’accent mis sur la « vulnérabilité » permet de comprendre l’aspect dynamique des moyens de subsistance des pauvres, i.e. de comprendre comment les comportements, les stratégies et les actifs des pauvres (des individus et des ménages) changent, se modifient et évoluent pour faire face aux chocs et aux tensions long terme.

• L’approche tient compte de l’effet cumulatif des crises, des tensions et des chocs sur les stratégies des individus et des ménages et sur le statut de leurs actifs.

• L’approche est holistique, ce qui implique, entre autres, qu’elle permet d’étudier des interactions et des interconnexions complexes entre différents processus, secteurs et dimensions.

• L’approche relie les niveaux micro et macro en tenant compte de l’impact des institutions et des politiques (obstacles et contraintes) sur les stratégies de survie. • L’approche permet d’informer et d’alimenter les politiques de développement social,

économique et urbain afin d’éliminer les obstacles et les barrières à l’utilisation productive de leurs actifs par les pauvres et de promouvoir la création et le développement d’« opportunités ».

Les critiques découlent généralement de la capacité réelle mais limitée de l’approche à atteindre ses objectifs ambitieux. Les grandes lignes prennent la forme suivante (Scoones, 2009; Moser, 2008; de Haan et al., 2002; Krantz, 2001; Bagchi et al., 1998) :

• Le fort aspect normatif du modèle implique plusieurs postulats (importance des capacités, des actifs, du contexte et du local) et jugements de valeur (quels moyens de subsistance sont appropriés) en partie responsables de l’une des plus grandes faiblesses du cadre, i.e. la trop faible attention portée aux questions politiques et aux enjeux de gouvernance, de représentation et de droits.

• La question d’échelle : ce qui est une force présente aussi une faiblesse. Il est souvent reproché à la démarche d’être trop ancrée dans le local pour avoir un intérêt à l’échelle nationale. Même si l’approche contribue clairement à éclairer les positions macro d’un point de vue informatif, elle n’est pas toujours considérée comme la méthode la plus appropriée69.

• Un autre aspect qui devait initialement être une force du modèle se présente aujourd’hui plus comme un défi, i.e. de dépasser l’analyse liée aux réponses à court terme face aux chocs que les pauvres affrontent, afin de prendre en compte les changements plus permanents face aux conditions macroéconomiques.

• Au plan pratique et opérationnel, l’aspect multisectoriel ou multidimensionnel rend la tâche parfois lourde et complexe.

• Au plan conceptuel, certains critiquent l’emploi du terme de stratégies en ce qui concerne la gestion d’actifs, car cette notion impliquerait un aspect intentionnel ou délibéré comme si tout était planifié.

• Les données qualitatives qui résultent d’entretiens approfondis généralement limités en nombre doivent être appuyées par des données quantitatives suffisamment importantes et représentatives pour déterminer leur validité à plus grande échelle à des fins d’élaboration et de mise en place de politiques publiques et d’allocation des ressources (de Haan et al., 2002).

• La dernière critique sur laquelle nous insistons, stipule que l’approche des moyens de subsistance est en fait : « good methods in search of a theory » (Scoones, 2009 :193).

Il est effectivement reconnu que l’approche en termes de niveau de vie soutenable ne s’inscrit pas dans une posture épistémologique clairement définie et circonscrite et qu’elle ne dispose pas de théories propres et établies (Scoones, 2009; Bagchi et al., 1998). C’est une approche qui repose plutôt sur divers éléments théoriques, méthodologiques et épistémologiques, reconnaissant la complexité des problématiques étudiées et cherchant à mettre en relief et à articuler les contraintes auxquelles les individus et les ménages font face dans le maintien et le développement de leurs moyens de subsistance, comme il est extrêmement bien synthétisé dans Bagchi et al. (1998)70. Cette démarche s’inscrit bien dans la lignée des études de la planification et des problématiques urbaines qui sont par nature interdisciplinaire et dont la complexité fait figure de caractéristique emblématique (Campbell, 2003).

3.2.4 L’approche retenue et les implications de l’accent qualitatif de la