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Les fonctions du personnel comme témoignage d’influence des textes en khmer sur les textes en sanskrit les textes en sanskrit

La conscience du rôle du sanskrit (comme langue de pouvoir)

I.4. Des termes liés aux fonctions du personnel de temple attestés dans les inscriptions en khmer et en sanskrit sous les règnes d’Indravarman et de Yaśovarman khmer et en sanskrit sous les règnes d’Indravarman et de Yaśovarman

I.4.2. Les fonctions du personnel comme témoignage d’influence des textes en khmer sur les textes en sanskrit les textes en sanskrit

De nombreux textes en khmer depuis l’époque préangkorienne énumèrent des termes liés aux fonctions du personnel de temple, d’origine khmère et sanskrite. La plupart paraissent morphologiquement et sémantiquement comparables aux termes attestés dans les inscriptions en sanskrit que nous venons d’examiner. Dans les pages qui suivent, nous proposons de décrire tout d’abord les termes attestés dans des inscriptions préangkoriennes en khmer, en les comparant avec ceux attestés dans les textes khmers sous les règnes d’Indravarman et de Yaśovarman. Notre description se concentrera sur les termes d’origine sanskrite et ceux d’origine khméro-sanskrite. Ensuite, nous comparerons les termes de fonctions d’origine sanskrite attestés dans les inscriptions en khmer avec ceux attestés dans les inscriptions en sanskrit. Cela sert peut-être un autre argument pour montrer que les termes dans les inscriptions en sanskrit avaient des connotations locales tout comme les textes khmers. Enfin, nous reprendrons sept termes attestés dans des inscriptions en sanskrit pour les étudier à la lumière des termes correspondant attestés dans les textes khmers. Ce sont : vīṇā « harpe arquée », veṇu « flûte », tāla « cymbale », pattrakāra « fabricant de feuilles », tandulakāriṇī « qui prépare du riz décortiqué », ulkaidhanahāra « qui apporte des flambeaux et du bois combustible » et śākādihāra « qui apporte des légumes, etc. ».

Si les textes en khmer qui font allusion à quelques termes liés aux fonctions sont nombreux, les fonctions du personnel sont attestées en grand nombre – dans l’état actuel de nos connaissances – principalement dans six inscriptions en khmer de l’époque préangkorienne, à savoir : K. 600 (611 apr. J.-C.), K. 926 (624 apr. J.-C.), K. 155 (VIIe siècle), K. 137 (VIIe siècle), K. 129 (VIIe siècle) et K. 124 (803 apr. J.-C.). Sous le règne du roi Indravarman, douze inscriptions khmères (datées de 879 apr. J.-C.) qui mentionnent des termes liés aux fonctions, se retrouvent dans les piédroits du temple de Preah Ko (K. 311-313, K. 315-22, K. 1023) et une inscription provient du temple de Kandol Dom (K. 809).

Les inscriptions préangkoriennes mentionnent une vingtaine de termes liés aux fonctions qui peuvent être groupés en quatre catégories, à savoir : 1. des expressions d’origine khmère, 2. celles d’origine sanskrite, 3. celles d’origine hybride et 4. celles d’origine obscure. Les inscriptions khmères du règne d’Indravarman, quant à elles, non seulement ont repris la moitié de ces termes, mais attestent aussi une trentaine d’expressions nouvelles qui peuvent être divisées en quatre groupes comme ceux attestés dans les inscriptions préangkoriennes. Nous les présentons dans le tableau ci-dessous.

Tableau 5 : Les fonctions du personnel des temples attestés dans les inscriptions en khmer de l’époque préangkorienne et du règne d’Indravarman

Expressions connues seulement à l’époque préangkorienne Expressions préangkoriennes connues à l’époque préangkorienne et sous le règne d’Indravarman Expressions nouvelles connues seulement pendant le règne d’Indravarman Expressions d’origine khmère

tmiṅ kañjaṅ « joueur

d’un instrument à cordes appelé Kañjaṅ », raṅhvai « fileur », tmir slik « couseur de feuille »,

tmāñ « tisseur », paṃnvas ta pjuḥ

« religieux qui s’occupe des rites expiatoires »

’amuḥ dik sroṅ / sraṅ « qui réchauffe l’eau des ablutions », rmāṃ « danseur », caṃreṅ ~

caṃryyāṅ « chanteur », pamas « qui écrase ou

pile des substances parfumées ou

médicinales », pamas

jnau « qui écrase des

substances aromatiques, des condiments ou des épices », tmiṅ lāv « joueur d’un instrument à cordes appelé Lāv » cmāṃ mās prak « gardien de l’or et de l’argent », cmāṃ kanloṅ105 « gardien de trésor de temple », cmāṃ vraḥ vleṅ « gardien du feu sacré », cmāṃ pjuḥ gardien de rite expiatoire », cmāṃ cpar « gardien de plantation », tmoṅ « joueur de percussion », cmap cheṅ « joueur de cymbale », taṃve

saṅvey « qui prépare

de nourriture pour offrir au dieu », taṃve

naṃ « qui fait des

gâteaux de farine »,

rmes raṅko « trieur de

riz décortiqué »,

pamek « distributeur

de gages et autres objets » Expressions d’origine sanskrite pedānātaka « danse nommée Pedānātaka », vādya « musicien » gandharva « chanteur », mahānasa « cuisinier » tūryya « musicien », mahāvrīhi « qui s’occupe du riz de cérémonie », mālākāra « qui confectionne des guirlandes », pattrakāra « qui fabrique des feuilles », chattradhāra « porteur de parasol » Expressions d’origine hybride (khmère et sanskrite) paṃnvas ta taṃtaṃ carū « religieux qui

prépare l’oblation de bouillie de céréales et de lait »

cmāṃ dvāra « gardien

de porte », tmiṅ vīṇa « joueur de harpe arquée », pamas

gandha « qui écrase des

substances aromatiques » cmāṃ vraḥ śālā « gardien de salle sacrée », caṃryyaṅ stuti « chanteur d’éloges », tmiṅ kinnara « joueur d’instrument à cordes », tmiṅ trisarī « joueur d’instrument à trois cordes (?) » Expressions d’origine obscure ou termes douteux

caṭṭra, caṃdak, taṃpeḥ vari ~ varī, pile cmāṃ parihāra, cmāṃ vraḥ pitai, smañ, taṃluṃ,

’ābhaṣa, vannāra,

cañ, dmuk varṣā

Nous constatons que les expressions mentionnées dans ce tableau sont majoritairement d’origine khmère ou sont des composés hybrides. La plupart des noms d’origine khmère sont dérivés de verbes dont la majorité se forme avec l’infixe d’agent -m-. Le nom rmāṃ, « danseur ou danseuse », dérive du verbe rāṃ « danser », le nom tmiṅ, « qui joue », du verbe

nom tmir du verbe tir « coudre », le nom cmāṃ, « gardien », du verbe cāṃ « garder », le nom

dmuk, « qui garde, qui a la charge de », du verbe duk « garder », le nom rmes, « qui trie », du

verbe res « trier », le nom ’amuḥ106, « qui brûle, chauffe » (dans le composé ’amuḥ dik sroṅ), du verbe uḥ ~ us « brûler, chauffer », le nom pamas107, « qui écrase ou pile des substances parfumées ou médicinales », du verbe pas « écraser ou piler » et le nom pamek, « ouvreur de porte, distributeur de gages et autres objets », du verbe pek « ouvrir ».

Par ailleurs, quatre noms reçoivent l’infixe d’agent -aṃ- ou -aṅ-. Ce sont : taṃve « qui fait, fabrique » (du verbe tve « faire, fabriquer »), paṃnvas « un religieux » (du verbe pvas « entrer dans la vie religieuse »), caṃryyāṅ « chanteur ou chanteuse » (du verbe cryaṅ « chanter »), raṅhvai « fileur, fileuse » (du verbe *rhvai ou *ravai « faire tourner une roue, un rouet, filer »).

À propos des composés hybrides, les premiers éléments sont souvent d’origine khmère alors que les derniers sont des emprunts au sanskrit. Le mot khmer tmiṅ « qui joue », par exemple, est combiné avec le mot d’origine sanskrite vīṇa « harpe arquée » ; pareillement le mot khmer cmāṃ « gardien » se trouve en combinaison avec le mot sanskrit dvāra « la porte » et le mot khmer pamas « qui écrase » avec le mot sanskrit gandha « parfum ».

Quant aux emprunts au sanskrit, ils sont au nombre de neuf dont quatre concernent la musique, la danse et le spectacle. Ce sont gandharva, tūryya, vādya et pedānātaka. Le premier semble signifier « chanteurs masculins à la voix harmonieuse, employés dans le service divin ». Le deuxième et le troisième, vādya et tūryya, signifiant littéralement tous les deux en sanskrit « instrument de musique » semblent désigner, par voie de métonymie, « des musiciens ». Parmi eux, l’expression pedānātaka, d’après Jenner (2009a : 318), est probablement une forme khmérisée du composé en sanskrit de deux mots, à savoir : peṭa « the open hand with fingers extended » et nāṭaka « acting, dancing » mais l’auteur propose ensuite qu’il s’agit d’une danse indienne classique. Elle est attestée deux fois (pedānātaka rpam et

pedānātta rpam) dans K. 155, suivie d’un mot khmer rpam « la danse ». Il semble que les

deux noms pedānātaka et pedānātta renvoyaient à une seule danse. Dans l’état actuel de nos connaissances, nous ne pouvons pas savoir ni le nom ni la forme de la danse. D’ailleurs, les cinq autres emprunts au sanskrit concernent la préparation des repas et des accessoires pour des rites. Ce sont des composés soit de type tatpuruṣa (composés déterminatifs), soit de type

bahuvrīhi (composés possessifs). Les composés de type tatpuruṣa sont au nombre de trois, à

106 La forme amuḥ pourrait sembler bizarre pour un dérivé du verbe uḥ. La forme attendue serait *muḥ. En fait, le a devant le m représente en effet un coup de glotte (voir les conventions, p. 10), car en khmer une syllabe ne peut commencer que par une consonne et les voyelles isolées de l’écriture indienne représentent en khmer un arrêt glottal suivi d’une voyelle.

107 Les mots pamas et pamek, comme le cas de amuḥ, semblent des dérivés irréguliers car ils ont un a devant l’infixe -m- (les formes attendues sont *pmas et *pmek). Ces variantes sont peut-être pour être proches de la prononciation.

savoir : chattra-dhāra « porteur de parapluie », mālā-kāra « fabricant de guirlandes », et

pattra-kāra « fabricant de feuilles de palme ». Il existe un composé de type bahuvrīhi

(composés possessifs) : mahāvrīhi qui signifie littéralement « celui dont le riz est grand ». Dans le contexte des inscriptions sous ces deux règnes, il renvoie probablement aux « serviteurs s’occupant du riz de cérémonie ».

Par ailleurs, nous y trouvons une dizaine de termes dont le sens nous échappe. Parmi eux, six semblent être d’origine sanskrite ou avoir un élément de composé d’origine sanskrite. Ce sont : dmuk varṣā, ’ābhaṣa, varī, vannāra, caṭṭra et cmāṃ parihāra. Le premier est un composé d’un mot khmer dmuk « qui garde » et d’un mot sanskrit varṣā « la pluie ». Toutefois, Aymonier donne la signification du composé comme « serviteurs pour la saison de pluie » sans aucune précision. Jenner (2009b : 267), lui aussi, propose que le composé signifie « keeper of garments for the rainy season (qui garde des vêtements de la saison de pluie) » sans expliquer son point de vue. Si l’on prend le second élément sanskrit varṣā, « la pluie », comme objet direct de dmuk, il y a tout lieu pour l’interprétation du composé comme « qui garde l’eau récoltée de la pluie » ; une signification proche de celle donnée par Aymonier. Le deuxième est expliqué dans Pou (2004 : 32) comme « des serviteurs travaillant dans un type de bâtiment » en prenant le terme ābhaṣa comme une variante orthographique du mot sanskrit

ābhāsa désignant « un type de bâtiment dans l’enceinte d’un temple ». Quant au troisième

terme (varī), Pou (2004 : 432) le définit par « serviteur chargé des éléphants » car le terme signifie en sanskrit « endroit pour attacher l’éléphant, une corde pour attacher l’éléphant » ; la définition a été remise en cause par Vickery (1999 : 22) qui, en étudiant les contextes de ce mot dans les textes depuis l’époque préangkorienne, prend varī comme désignant des artistes et artisans de haut rang. Jenner (2009b : 531, n.1) semble corroborer le point de vue de Vickery en le prenant comme un synonyme du mot khmer aṃraḥ « chef d’équipe de travailleurs » et en proposant la définition « warder of a team of slaves ». Nous ne pouvons savoir avec exactitude ni la signification de ce terme, ni son origine. Il peut être une forme corrompue d’un emprunt au sanskrit (comme Pou le propose) ou à une autre langue indienne ou encore à une langue de l’Asie du Sud-Est, qui signifie un artiste ou un artisan (comme Vickery le suggère). À propos du mot vannāra, nous n’avons aucun indice de sens. Le dernier, quant à lui (caṭṭra), nous semble une forme corrompue du mot sanskrit chattra « parapluie ou ombrelle », qui réapparaîtra en combinaison avec dhāra « porteur » dans les inscriptions postérieures. Le composé chattradhāra signifie « porteur de parapluie ». Quant à la dernière expression, cmāṃ parihār, le dernier élément du composé n’est pas clair. Pou (2004: 308) pense qu’il pourrait être une forme corrompue de pratihāra « la porte ». L’expression cmāṃ pratihāra serait donc un synonyme de cmāṃ dvāra « gardien de porte ».

Cependant, Jenner (2009b : 327) suggère une traduction obscure « warder in charge (gardien en charge) » pour cmāṃ parihāra car il prend parihāra comme un verbe signifiant « to have

charge of, manage, administer ». Cette définition (gardien en charge) n’est pas conforme à la

liste des gardiens. Comme montre le tableau ci-dessus, les cmāṃ « gardiens » sont chargés d’objets divers, soit dvāra « porte », soit śālā « ermitage », soit mās prāk « d’or et d’argent », etc. Le terme parihāra pourrait renvoyer à un objet, soit à une porte, comme Pou le suggère, soit à un objet particulier qui, dans l’état actuel de notre recherche, reste à identifier.

Si l’on considère les inscriptions en khmer sous le règne de Yaśovarman qui énumèrent des termes de fonctions, elles sont au nombre de dix-sept provenant de trois temples, à savoir : Preah Ko (K. 314), Lolei (K. 324-38) et Sasar Sdam (K. 832). Énumérer des fonctions n’est pas une règle de l’époque. Pour ne citer qu’un exemple : K. 713B de ce règne ne donne qu’une liste des noms du personnel accordé au temple de Preah Ko. Les termes de fonctions attestés dans les dix-sept inscriptions présentent un grand intérêt pour notre recherche car ils sont contemporains de ceux attestés dans les inscriptions sanskrites K. 290, K. 701 et K. 323, que nous avons mentionnés ci-dessus. Ces termes sont en grande partie identiques à ceux du règne d’Indravarman. Comme le tableau précédent, nous groupons les termes sur deux plans : 1. par leurs origines et 2. par leurs attestations dans les inscriptions.

Tableau 6 : Les fonctions du personnel des temples attestées dans les inscriptions khmères sous le règne d’Indravarman et sous celui de Yaśovarman

Expressions connues seulement sous le règne d’Indravarman

Expressions préangkoriennes connues sous les deux

règnes Expressions nouvelles connues seulement sous le règne de Yaśovarman Expressions d’origine khmère

taṃve saṅvey « qui

prépare de nourriture pour offrir au dieu »,

taṃve naṃ « qui fait

des gâteaux de farine »,

pamas « qui écrase des

substances aromatiques »

’amuḥ dik sroṅ « qui

réchauffe l’eau des ablutions », cmap /

chmap cheṅ « joueur de

cymbale », cmāṃ kanloṅ « gardien de trésor de temple », caṃryyāṅ stuti « chanteur d’éloge », paṃnvas smiṅ « religieux officiant »,

tmiṅ chko « joueur

d’un instrument à corders », pamos « balayeur », taṃrvac « chef de service »

tmoṅ « joueur de percussion », cmāṃ cpar « gardien de plantation », rmāṃ « danseur », caṃryyāṅ « chanteur », tmiṅ lāv « joueur d’insctrument Lāv », pamek « distributeur de gages et autres objets », cmāṃ

pjuḥ « gardien qui

s’occupe des rites expiatoires »108, cmāṃ mās prāk « gardien de

l’or et de l’argent »,

cmāṃ vraḥ vleṅ

« gardien du feu sacré », rmes / rmmes

raṅko « trieur du riz

décortiqué » Expressions d’origine sanskrite gandharvva « chanteur », mahānasa « cuisinier », mālākāra « qui confectionne des guirlandes », patrakāra ~ pattrakāra « fabricant de feuilles », chattradhāra « porteur de parasol », tūryya « musicien », mahāvrīhi « qui

108 Pou (2004 : 302, 644) explique que « paṃjuḥ, dérivé de pjuḥ, est le chargé des rites expiatoires. » De ce fait,

cmāṃ pjuḥ est le personnel qui s’occupe desdits rites. À son tour, le verbe causatif « faire tomber quelque

chose » dérive du verbe juḥ « laisser tomber quelque chose ». Dans la stèle préangkorienne de Tuol Suporkaley (Ka. 118), le verbe juḥ apparaît dans l’expression juḥ niraya « descendre / tomber en enfer ». En khmer moyen, il donne un autre dérivé, à savoir jajuḥ « faire tomber quelque chose » ; c’est donc vraisemblablement un synonyme du khmer ancien pjuḥ. Il est employé dans le domaine juridique (Pou 2011 : 13, 17‒20).

s’occupe du riz de cérémonie » Expressions d’origine hybride (khmère et sanskrite ; ou khmère et une autre langue) cmāṃ dvāra « gardien de porte », cmāṃ

paripāla « gardien (le

second mot d’origine sanskrite est un pléonasme du premier »

caṃryyāṅ stuti

« chanteur d’éloge »,

tmiṅ vīṇa, tmiṅ trisarī, tmiṅ kinnara, cmāṃ

(vraḥ) śālā,

caṃryyāṅ śikharā

« chanteur qui chante avec un instrument à cordes nommé

śikharā », ’anak ta pas gandha « qui

écrase des substances aromatiques », cmāṃ

hajaya « gardien de

case, de loge (dans jardins et plantations) » Expressions d’origine obscure ou des termes douteux

cañ, cmāṃ parihāra dmuk varṣā, vāri, pile, cmāṃ / chmāṃ vraḥ pitai, vannāra, ’ābhaṣa, smañ, taṃluṃ

lmāṃ vraḥ pitai, vraṃ gomayā, gṛhayantra vluk

N.B. : Les termes soulignés sont des termes connus depuis l’époque préangkorienne.

Ce tableau montre que les inscriptions en khmer sous le règne de Yaśovarman attestent plus de termes de fonctions que celles du règne précédent. La majorité des termes sont identiques à ceux du règne d’Indravarman. Parmi les termes identiques aux deux règnes, sept sont des expressions attestées déjà à l’époque préangkorienne. Il existe deux termes (pamas et cmāṃ dvāra) qui sont repris de l’époque préangkorienne et ne sont pas attestés dans les inscriptions du règne de Yaśovarman.

Dans le même ordre d’idées, il faut signaler que la pratique d’énumérer les termes liés aux fonctions à l’époque angkorienne n’a pas survécu plus tard que le règne de Jayavarman IV (921‒944 apr. J.-C.) dans les textes khmers et qu’elle n’est guère suivie dans les textes sanskrits, à l’exception de K. 450 (Xe siècle) et des stèles sous le règne de Jayavarman VII. À la place des termes de fonction du personnel de temple, les inscriptions sanskrites et khmères à l’époque postérieure, plus précisément au Xe siècle, mentionnent des termes liés aux fonctionnaires de l’administration royale que nous allons étudier dans le chapitre II.3.

Sous le règne de Yaśovarman, les inscriptions emploient une dizaine de nouveaux termes dont la moitié est d’origine khméro-sanskrite et l’autre est d’origine khmère. Aucun emprunt nouveau n’est d’origine sanskrite pure. Trois noms nouveaux, qui sont d’origine khmère, sont des dérivés de verbes, à savoir : le nom smiṅ, « religieux officiant » (dans le composé paṃnvas smiṅ), dérive du verbe siṅ « officier un culte », le nom pamos, « qui balaie, nettoie », du verbe pos « balayer, nettoyer » et le nom taṃrvac, « chef de service », du verbe

trvac « diriger des hommes, un service, notamment la corvée ». Quant aux termes d’origine

khméro-sanskrite, ce sont des expressions douteuses à l’exception de caṃryyāṅ śikharā « chanteur / chanteuse qui joue d’un instrument de musique à corde appelé śikharā » et ’anak

ta pas gandha « personne qui fabrique du parfum » (une paraphrase du mot pamas « fabricant

de parfum »). Il semble que l’emploi du terme śikharā dans un contexte d’instruments de musique n’est pas connu des dictionnaires en sanskrit.

Nous avons souligné ci-dessus que certains termes liés aux fonctions mentionnés dans les stèles de ’āśrama (K. 290 et K. 701) ainsi que ceux attestés dans les stèles de Preah Ko K. 713A et de Bakong K. 826, semblent avoir des connotations locales et ne seront pas correctement interprétés tant que l’on ne connaîtra pas les contextes locaux dans lesquels ces termes sont employés. Un des moyens de connaître les contextes locaux est d’étudier les inscriptions en khmer, contemporaines à ces inscriptions en sanskrit. Les termes liés aux fonctions attestés dans les inscriptions en khmer sous les règnes d’Indravarman et de Yaśovarman (rmmāṃ, caṃreṅ ~ caṃmryyaṅ, cmāṃ dvāra, pamas ~ pamas vraḥ gandha,

gandharvva, mahānasa, pile, varī, chmap cheṅ, tmiṅ kinnara, chmāṃ mās prāk, chattradhāra, pattrakāra, vannāra, cmāṃ [vraḥ] śālā, tūryya, mahāvrīhi) semblent avoir un

rapport avec les termes attestés dans les inscriptions en sanskrit sous ces deux règnes.

Rappelons que les inscriptions en sanskrit, K. 713A et K. 826, sous le règne d’Indravarman, mentionnent des danseurs, des danseuses, des chanteuses et des musiciennes de divers instruments de musique (voir supra, p. 88). Ces métiers rappellent bien des mots khmers : rmmāṃ « des danseurs », caṃmryyaṅ « des chanteurs », tmiṅ « qui joue des instruments à cordes » et chmap (cheṅ) « qui joue des cymbales », attestés dans les inscriptions en khmer sous le même règne et connus aussi depuis l’époque préangkorienne. À propos des instruments de musique, les inscriptions en sanskrit mentionnent trois instruments de musique (vīṇā, veṇu et tāla) et les inscriptions khmères en mentionnent sept (cheṅ109, lāv,

109 Dans son article « Music and dance in ancient Cambodia as evidenced by Old Khmer epigraphy », Pou (1997c : 240) souligne que tāla et cheṅ sont deux instruments métalliques de percussion de l’époque ancienne et propose que le premier signifiait « gong » et le second était l’instrument que l’on appelle en khmer moderne chiṅ signifiant « a pair of brass cups which are struck together for making rhythm. »

kañjan110, vīṇa, trisarī, kinnara et śikharā). Parmi eux, les quatre derniers sont des emprunts

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