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Le sanskrit n’a pas encore été examiné en relation systématique au vocabulaire vieux khmer et l’interaction des deux langues n’a également pas encore fait l’objet d’un examen ap-profondi, d’où la présente thèse.

Des recherches sur le vocabulaire dans les inscriptions du Cambodge n’ont pas intéressé tant de chercheurs, encore moins sur les emprunts sanskrits. La présente thèse s’intéresse à examiner les « emprunts » au sanskrit qui occupent une place importante déjà dès les premières inscriptions. Le vieux khmer a emprunté au sanskrit à plusieurs niveaux : lexical, graphique, morphologique et peut-être syntaxique. Pendant des siècles, ces emprunts ont connu des assimilations à différents degrés. Les phénomènes concernant les emprunts seront étudiés dans l’ordre diachronique dans le but d’expliquer le développement du vieux khmer, tout en prenant en considération le fait que les données rassemblées dans le corpus ne présentent pas tous les aspects de la langue khmère. Nous préférons ici le mot « développement » (qui est utilisé plus couramment pour décrire une langue) au mot « évolution », parce que non seulement le vocabulaire du vieux khmer augmente avec l’apport du sanskrit, mais également sa syntaxe devient plus complexe en assimilant des éléments sanskrits. Autrement dit, le sanskrit a eu une contribution considérable dans l’enrichissement linguistique du vieux khmer. Le vieux khmer aurait évolué différemment s’il n’avait pas été au contact du sanskrit (et d’autres langues indo-aryennes).

En abordant les éléments d’un tel examen, cette thèse propose de définir les particularités du sanskrit au Cambodge, un membre de la « cosmopolis sanskrite » de Pollock. Elle remet en cause les rôles rhétorique et documentaire du sanskrit et du khmer respectivement, en apportant de nouvelles perspectives sur le sanskrit au Cambodge dont l’interaction avec le vernaculaire – le vieux khmer – n’a pas été étudiée en détail. Elle abordera de nouvelles questions d’intérêt linguistique à propos des emprunts sanskrits.

D. Méthodologie

La présente étude traite des données recueillies d’un corpus qui comprend 977 inscriptions (sur un corpus total de plus de 1300 textes19). Elle fait des références particulières aux inscriptions ayant un intérêt linguistique, tant pour examiner les emprunts sanskrits dans les textes en prose khmers que pour comparer les emplois de ces emprunts dans les vers sanskrits. De ce fait, nous donnons la priorité aux inscriptions composées en deux langues,

19 Les raisons pour lesquelles nous en avons choisi seulement 977 sur 1341 sont expliquées dans l’introduction de l’Annexe 1 : « Corpus des inscriptions du Cambodge ancien ».

sanskrit et khmer, qui représentent un quart du corpus. À peu près quarante pour cent de notre corpus sont des épigraphes composées en vieux khmer et un peu plus de trente pour cent des textes en sanskrit20.

La présente étude porte sur une période de neuf siècles, du VIe au XIVe siècle, qui est en effet l’étendue des dates des inscriptions du corpus. Elle est connue sous le nom d’« époque ancienne » et se divise en deux, à savoir : l’« époque préangkorienne (du VIe au VIIIe siècle) » et l’« époque angkorienne (du IXe au XIVe siècle) ». Certaines inscriptions contiennent une ou plusieurs dates de cérémonies ou d’événements, d’autres n’en comportent aucune. Dans certains cas, nous pouvons donner une date en nous basant sur la paléographie de l’inscription non datée, dans d’autres, des noms de roi ou d’autres personnages nous sont d’un certain recours et, dans d’autres encore, le style de composition ou du vocabulaire utilisé, surtout pour les textes khmers, aide à la datation. Cependant, il existe des inscriptions dans lesquelles rien ne sert comme indice de datation. Nous nous sommes servie de ce dernier groupe d’inscriptions de façon restreinte.

Ces 977 inscriptions ont été découvertes dans cinquante provinces de quatre pays, à savoir : le Cambodge, le Laos, la Thaïlande et le Vietnam21. Les noms les provinces représentent la provenance de ces inscriptions. Ils ne doivent pas être pris comme des lieux où ces inscriptions se trouvaient à l’époque ancienne. Nous avons de nombreux exemples22

d’inscriptions qui n’ont aucun rapport avec le lieu de leur trouvaille. Les épigraphes en provenance de Thaïlande posent plus de difficultés pour retrouver le nom exact de la province actuelle que le reste du corpus. Les difficultés sont peut-être dues à des changements au niveau administratif provincial dans ce pays. Nous avons été obligée de croiser les différentes données auprès de multiples institutions et des collègues.

Nous avons étudié les inscriptions à partir des publications des épigraphistes. En cas de besoin de vérification, nous avons également examiné les photographies des estampages des inscriptions. Les ouvrages de déchiffrement et de traduction des inscriptions ainsi que les photos d’estampages constituent des sources primaires pour nos recherches. Ils sont utilisés pour le recueil de données qui seront analysées ultérieurement. Pour l’analyse des données, nous avons étudié les sources secondaires. Par sources secondaires, nous entendons des ouvrages qui, en se basant sur les sources primaires, montrent des résultats de recherches pluridisciplinaires.

20 Pourcentages à vérifier auprès du corpus actuel.

21 Les noms de ces provinces sont énumérés dans l’introduction de l’Annexe 1.

La procédure de recueil de données s’est déroulée en deux étapes : 1. recueil des em-prunts lexicaux au sanskrit dans les textes khmers et 2. recueil des contextes dans lesquels ces emprunts apparaissent dans les textes khmers et des contextes dans lesquels les mêmes termes sanskrits s’emploient dans les vers sanskrits. Les éléments sanskrits trouvés dans l’épigraphie du Cambodge sont groupé en deux listes séparées, à savoir : 1. liste des emprunts lexicaux et 2. liste des noms propres en sanskrit (trouvés dans les textes khmers et sanskrits). Nous les avons ensuite classifiés par thèmes pour faciliter le travail suivant : celui de l’analyse.

À propos de l’analyse des emprunts, nous nous sommes basée sur l’approche « historico-lexicale » qui, à son tour, met l’accent sur les aspects synchronique et diachronique. Les emprunts dans un thème sont étudiés ensemble sur le plan synchronique et diachronique, en abordant leurs emplois dans les inscriptions en langue khmère et celles en sanskrit.

De manière systématique, nous avons comparé les exemples cités dans des inscriptions khmères avec ceux dans les inscriptions sanskrites qui présentent un parallélisme. En outre, nous faisons des références aux inscriptions du sous-continent indien et des États sanskritisés de l’Asie du Sud-est qui connaissent des phénomènes semblables à ceux du Cambodge. Par ailleurs, nous proposons occasionnellement de nouvelles lectures et traductions des passages des inscriptions. Pour illustrer davantage nos idées, nous montrons des tableaux d’interaction des emprunts sanskrits avec leurs équivalents en vieux khmer.

Partie I :

La conscience du rôle du sanskrit

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