• Aucun résultat trouvé

La « fonction hostile permanente » comme critère d’appartenance aux groupes armés irréguliers aux groupes armés irréguliers

définition générale de « l’objectif militaire »

4. La notion de civil dans les conflits armés internationaux et non internationaux internationaux et non internationaux

5.5. La dimension temporelle de la notion de participation directe aux hostilités participation directe aux hostilités

5.5.2. Une « porte tournante » à vitesse variable

5.5.3.3. La « fonction hostile permanente » comme critère d’appartenance aux groupes armés irréguliers aux groupes armés irréguliers

Plus haut dans notre chapitre, nous avons dit que si l’appartenance individuelle aux forces armées de la partie « forte » au conflit armé asymétrique est établie par les lois nationales de l’Etat en question, c’est à des

710 ICRC, Interpretive Guidance, p. 34.

711 Ibid., p. 33.

712 Ibid., pp. 34-35.

713 On rappellera que le CICR avait évité le mot combat dans la notion de « participation directe aux hostilités » le considérant peu précis et ambigu. CICR, Conférence d’experts gouvernementaux sur la réaffirmation et le développement du droit international humanitaire applicable dans les conflits armés (Genève, 24 mai – 12 juin 1971) – III Protection de la population civile contre les dangers des hostilités, CE/3, Genève, janvier 1971, p. 23.

714 L’interview s’est déroulée à Tel-Aviv, le 15 juillet 2009.

critères factuels qu’il faut se référer pour reconnaître cette appartenance aux groupes armés irréguliers du « faible » (cf. supra, Chapitre 2, § 3.3.). Il nous semble dès lors possible d’affirmer que la notion de « fonction hostile permanente », telle que nous venons de la définir, représente le seul critère factuel pouvant définir l’appartenance individuelle aux groupes armés irréguliers, tout en préservant la protection des civils qui contribuent seulement indirectement aux hostilités.

Il en découle que la notion de participation directe aux hostilités sert deux buts différents. D’une part, elle définit l’exception à la règle générale de l’interdiction d’attaquer directement les civils. D’autre part, elle sert à définir le critère factuel nécessaire à reconnaître sur le terrain de bataille l’appartenance individuelle au groupe armé irrégulier. Autrement dit, alors que le civil qui participe directement aux hostilités sans assumer une « fonction hostile permanente » conserve le statut de civil, la personne qui assume cette fonction ne peut être qualifiée de civil mais bien de membre du groupe armé pour lequel il remplit sa fonction. C’est aussi pour cette raison qu’appartenir à un groupe armé irrégulier ne constitue pas une simple participation directe aux hostilités. En effet, le membre d’un groupe armé, différemment de la personne qui sans appartenir à celui-ci participe à ses « actions hostiles », assume une fonction hostile qui ne s’épuise pas avec la fin de chaque « action hostile », mais demeure même lorsque les stratégies du groupe imposent un ralentissement des opérations militaires ou font appel à des fonctions hostiles autres que celle du membre en question.715

Nous citons comme exemples de personnes qui exercent une « fonction hostile permanente » l’« électricien » câblant les pièges dans les pièces des maisons qui serviront de trappe pour l’armée occupante, l’informaticien chargé du fonctionnement du système informatique des drones destinés à cibler des miliciens retranchés dans des vallées, et même le factotum qui pour son groupe armé recrute, entraîne ou fait le passeur pour les kamikazes destinés à franchir une frontière.

Il nous paraît, par conséquent, important de préciser que le qualificatif

« permanente » se réfère au caractère « hostile » de la « fonction ». Cette solution nous paraît représenter le juste milieu entre, d’une part, les préoccupations liées au fait que toute interruption d’une activité hostile peut être utilisée par le membre du groupe armé irrégulier pour regagner l’immunité du civil et, d’autre part, la volonté de ne pas faire perdre la protection en tout temps au sleeper, c’est-à-dire la personne « en attente », prête

715 Relativement aux changements de rythme du conflit et, plus particulièrement, aux stratégies communes aux parties « faibles » au conflit armé asymétrique propres à ralentir le pas de la guerre, jusqu’à l’enliser (et nous ajoutons) pour exploiter l’effet surprise de l’« action hostile » suivante.

MÜNKLER, Herfried, « The Wars of the 21st Century », IRRC, Vol. 85 No. 849, March 2003, pp. 7-22, p. 8.

à contribuer à l’« action hostile » en prévision, mais qui n’a toujours pas reçu l’« appel aux armes ».716

5.5.3.4. « Assomption » et « désengagement » d’une « fonction hostile permanente »

Les personnes appartenant aux forces armées ou aux groupes armés peuvent être attaquées en tout temps,717 qui se réduit tout de même au temps de leur appartenance au groupe. Comme nous l’avons déjà dit, la « porte tournante » de la protection pivote en correspondance de l’entrée et de la sortie de l’individu par rapport au groupe,718 signalant, respectivement, l’assomption et le désengagement de la « fonction hostile ».719 Mais comment reconnaître ces deux moments-clé de l’entrée et de la sortie du groupe ? L’Interpretive Guidance se limite à proposer des exemples, laissant aux parties au conflit le choix des critères qu’elles considéreront les plus appropriés, selon le contexte politique, culturel et militaire. A cela s’ajoute l’exigence d’une évaluation attentive des circonstances, ainsi que le respect de la bonne foi720 et de la présomption de la protection propre aux civils, en cas de doutes :721

« A continuous combat function may be openly expressed through the carrying of uniform, distinctive signs, or certain weapons. Yet, it may also be identified on the basis of conclusive behaviour, for example where a person has repeatedly directly participated in hostilities in support of an organized group in circumstances indicating that such conduct constitutes a continuous function rather than a spontaneous, sporadic, or temporary role assumed for the duration of a particular operation. » 722

« Disengagement from an organized armed group need not be openly declared; it can also be expressed through conclusive behaviour, such as a lasting physical distancing from the group and reintegration into civilian life or the permanent resumption of an exclusively non-combat function (e.g., political or administrative activities). »723

716 ICRC, Report of the Fifth Expert Meeting on Direct Participation in Hostilities under International Humanitarian Law, p. 45 ; ICRC, Report of the Fourth Expert Meeting on Direct Participation in Hostilities under International Humanitarian Law, p. 28.

717 Commentaire aux PA I et PA II, article 13(3) du PA II, § 4789.

718 HCJ, The Public Committee against Torture et al. vs. The Government of Israel et al., HCJ 769/02, jugement, 13 décembre 2006, p. 103.

719 Article 50(1) du PA I. ICRC, Interpretive Guidance, p. 72.

720 Au regard de la règle générale d’interprétation des traités, codifiée à l’article 31(1) de la Convention de Vienne sur le droit des traités : « Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. » Convention sur le droit des traités, Vienne, 23 mai 1969 : http://untreaty.un.org/ilc/texts/

instruments/francais/traites/1_1_1969_francais.pdf. (Consulté le 2 septembre 2010).

721 ICRC, Interpretive Guidance, p. 72.

722 Ibid., p. 35.

723 Ibid., p. 72.

De façon générale, notre position sur le port d’uniformes et d’autres signes distinctifs reste la même que celle exprimée supra (cf. Chapitre 2, § 3.3.).

Utilisés davantage pour manifester l’allégeance d’un segment de la population à une partie au conflit que l’appartenance au bras armé de cette dernière, du moins du côté du « faible » au conflit asymétrique, à eux seuls, les signes distinctifs ne précisent en tout cas pas le type de fonction remplie par la personne qui les arbore. Cependant, il faut garder à l’esprit que la notion de

« fonction » est, par définition, immatérielle, exprimant une responsabilité individuelle vis-à-vis d’un collectif, ce qui bien souvent est manifesté par des symboles visibles. Par conséquent, la conjugaison de signes distinctifs d’une partie au conflit (un turban noir, un brassard ou autre) et du port d’armes d’assaut (par exemple, le kalachnikov) peut donc bien être indice d’« assomption » d’une « fonction hostile permanente ».

Relativement au « désengagement » de cette fonction, il nous semble utile de reprendre les critères mentionnés par la Cour américaine dans l’affaire Al Ginco vs. Obama (2009) :

« [to] determine whether a pre-existing relationship sufficiently eroded over a sustained period of time, the Court must, at a minimum, look at the following factors: (1) the nature of the relationship in the first instance; (2) the nature of the intervening events or conduct; and (3) the amount of time that has passed between the time of the pre-existing relationship and the point in time at which the detainee is taken in custody.”724

Il nous semble en effet que, considérés cumulativement, ces critères peuvent fournir un cadre de référence important à prendre en considération par l’attaquant lorsqu’il s’agit d’évaluer si la personne s’est désengagée ou pas de sa « fonction hostile permanente ».

Il va sans dire que le rôle joué ici par les services de renseignement est de la plus grande importance. Les contextes de guerre urbaine ne facilitent d’ailleurs pas leur travail, surtout lorsqu’il s’agit de distinguer le

« désengagement » d’une « fonction hostile permanente » du simple « retour » d’une « action hostile » qui sera suivi par une nouvelle participation directe aux hostilités. En revanche, plus les groupes armés se trouvent loin des zones urbaines, mieux ils sont organisés selon des fonctions définies attribuées à leurs membres, plus aisé sera donc le travail d’identification de ces derniers.

Aux préoccupations liées à l’incapacité organisatrice de la partie « faible » à la guerre asymétrique, contraignant le « fort » à utiliser le « specific act approach » uniquement,725 nous répondons qu’au contraire, c’est la distance énorme entre les capacités militaires et technologiques des deux parties au

724 U.S. District Court for the District of Columbia, Al Ginco vs. Obama, 626 F. Supp. 2d 123, 2009, p. 129.

725 ICRC, Report of the Fifth Expert Meeting, p. 49.

conflit qui oblige, de manière darwinienne,726 le bras militaire de la partie

« faible » à évoluer dans le sens d’une organisation de plus en plus performante, sa survie étant en jeu. D’ailleurs, la réalité des conflits asymétriques en Afghanistan (2001-aujourd’hui),727 Iraq (2003-aujourd’hui),728 Israël-Palestine (notamment, Opération Cast Lead, décembre 2008 – janvier 2009)729 et au Liban (juillet-août 2006),730 le confirme.

6. Protection asymétrique des « fonctions non