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définition générale de « l’objectif militaire »

4. La notion de civil dans les conflits armés internationaux et non internationaux internationaux et non internationaux

5.5. La dimension temporelle de la notion de participation directe aux hostilités participation directe aux hostilités

5.5.2. Une « porte tournante » à vitesse variable

5.5.2.3. Approches fonctionnelles

Certains auteurs, proches d’une interprétation « collective » de la participation directe aux hostilités, sont toutefois conscients de la complexité présentée par certaines organisations non étatiques qui peuvent être composées d’un bras politique et d’un autre militaire, souvent difficile à distinguer. Ils ont par conséquent mitigé leur propos en épousant une approche fonctionnelle. Pour identifier les membres d’un groupe armé organisé, participant directement aux hostilités, ils ont fait appel à deux conditions cumulatives : la participation du groupe à un conflit armé et la fonction « de combattants » assumée par les individus au sein de ce groupe.

Cependant, la définition de la fonction « de combattant » se base sur un raisonnement par analogie avec les différentes fonctions au sein des forces armées,693 toute fonction liée au fonctionnement de l’appareil militaire (secrétariat et ravitaillement inclus) faisant perdre l’immunité au membre d’un groupe armé organisé qui l’exerce, et cela indépendamment de toute menace directement posée contre l’adversaire :

« This could include applying the basic military staff structure (personnel, intelligence, operations, logistics, civil-military relations, communications, etc.) to a non-state fighting organisation as a form of template to identify where individual participants might fit ».694

Or, la volonté légitime de traiter toutes les forces armées de la même manière,695 par le biais de ce parallélisme parfait entre les fonctions qui peuvent être remplies dans une armée régulière et celles définissant les groupes armés organisés irréguliers, doit nécessairement tenir compte de

américain durant la deuxième guerre mondiale. Si l’on garde à l’esprit la chronologie, en 1942, date de l’affaire ex Parte Quirin et al., les Etats-Unis d’Amérique n’étaient pas partie à la IV CG puisqu’elle n’existait pas encore. SASSÒLI, Marco, « The Status of Persons Held in Guantanamo under International Humanitarian Law », Journal of International Criminal Justice, Oxford, Oxford University Press, 2004, pp. 96-106.

692 ICRC, Report of the Third Expert Meeting, pp. 64-65.

693 HCJ, The Public Committee against Torture et al. vs. The Government of Israel et al., HCJ 769/02, jugement, 13 décembre 2006, §§ 31 et 35.

694 WATKIN, K., « Canada/United States Military Interoperability and Humanitarian Law Issues », p. 312.

695 « The approach to determining membership which best reflects how warfare is conducted is to treat all armed forces the same ». WATKIN, K., « Opportunity Lost », p. 690.

l’absence de signes formels d’intégration individuelle au groupe armé irrégulier.

En effet, seule la nature formelle du lien d’appartenance aux forces armées régulières permet de distinguer les personnes qui, militaires de jure, remplissent pour l’armée des tâches n’ayant aucun lien direct avec la conduite des hostilités (nous citons l’exemple du secrétariat du Pentagone ou les cuisiniers des bases américaines en Afghanistan) de l’ensemble des civils ne participant qu’indirectement aux hostilités (par exemple, l’entreprise privée à qui les forces armées américaines ont sous-traité la logistique militaire en Afghanistan). Vouloir étendre la fonction « de combattant » pour qu’elle intègre toutes ces activités non militaires que de jure signifierait, pour la partie au conflit ne se servant pas de critères formels d’appartenance à son bras armé, exposer aux risques les plus sérieux d’attaques directes toute sa population civile, à qui il est demandé à des degrés divers sa participation à l’effort de guerre.696

Enfin, nous rappelons que l’évolution propre aux forces armées les plus sophistiquées – telles que l’armée américaine et israélienne, que nous avons souvent citées comme exemple de parties « fortes » à la guerre asymétrique – va dans la direction de la sous-traitance à des entreprises privées d’un nombre de plus en plus élevé de tâches qui ne font justement pas « partie intégrante » des « actions hostiles » menées par l’armée (cf. infra, Chapitre 2, § 7). Par conséquent, une éventuelle définition de la fonction « de combattant » au sein d’un groupe armé organisé, basée sur un parallélisme avec les différentes fonctions remplies au sein d’une armée, serait condamnée à un remaniement constant.

5.5.3. Le functional membership approach 5.5.3.1. « Fonction permanente de combat »

Le CICR propose un critère à géométrie variable, ou Functional Membership Approach,697 combinaison des approches mentionnées ci-dessus, pour mieux répondre aux exigences de protection de la population civile, tout en respectant le plus possible le principe de l’égalité des belligérants :

696 MELZER, N., “Keeping the Balance”, p. 850. Voir Commentaire aux PA I et II, article 51(3) du PA I,

§ 1945.

697 ICRC, Interpretive Guidance, p. 72. Note de bas de page No. 196. Pour le CICR, il s’agit quelque part d’un retour aux sources : « La fonction des personnes dans les opérations militaires est le critère que l’on conviendra d’appeler provisoirement la participation ou la non participation aux opérations militaires. » CICR, Conférence d’experts gouvernementaux sur la réaffirmation et le développement du droit international humanitaire applicable dans les conflits armés (Genève, 24 mai – 12 juin 1971) – III Protection de la population civile contre les dangers des hostilités, CE/3, Genève, janvier 1971, pp. 21-22.

« Civilians lose protection against direct attack for the duration of each specific act amounting to direct participation in hostilities, whereas members of organized armed groups belonging to a non-State party to an armed conflict cease to be civilians (see above II), and lose protection against direct attack, for as long as they assume their continuous combat function. »698

Cette recommandation doit être lue à la lumière d’une autre recommandation de l’Interpretive Guidance (relative aux conflits armés non internationaux) : « […] In non-international armed conflict, organized armed groups constitute the armed forces of a non-State party to the conflict and consist only of individuals whose continuous function it is to take a direct part in hostilities (‘continuous combat function’). »699 Le critère décisif pour établir l’appartenance individuelle à un groupe armé organisé, partie à un conflit armé non international, est donc lié à l’assomption d’une « fonction permanente de combat », impliquant sa propre participation directe aux hostilités.700

Enfin, dans son commentaire, l’Interpretive Guidance suggère de se référer à ce même critère fonctionnel pour établir l’appartenance individuelle aux forces armées irrégulières, partie cette fois à un conflit armé international.701

De jure, la solution proposée par le CICR reste fidèle au Spécific Act Approach (cf. supra, Chapitre 2, § 5.5.2.1.). Un civil participant directement aux hostilités ne garde son statut juridique de civil que s’il y participe de façon spontanée, sporadique, désorganisée, etc., d’une manière qui se distingue de l’assomption d’une « fonction permanente de combat ».702 Le modèle de la

« porte tournante » est dès lors décrit comme faisant partie intégrante du droit international humanitaire et non pas comme une distorsion de ses règles et principes.703

En outre, pour le CICR le fait qu’un civil ait déjà pris part directement aux hostilités, voire de façon répétée, n’autorise aucune prévision concernant sa participation future.704 Par conséquent, et sur la base du Commentaire à l’article 13(3) du PA II et de la jurisprudence Strugar,705 l’Interpretive Guidance

698 ICRC, Interpretive Guidance, p. 17, Recommendation VII.

699 Ibid., p. 16, Recommendation II.

700 Ibid., p. 33.

701 Ibid., p. 25. Contrairement à la compréhension que Schmitt s’est faite des recommandations du CICR, l’Interpretive Guidance admet donc la possibilité de cibler, sur la base de leur appartenance au groupe, les membres des groupes armés organisés (mêmes irréguliers) dans le cadre des conflits armés internationaux. SCHMITT, M. N., « The Interpretive Guidance : A Critical Analysis », p. 18.

702 ICRC, Interpretive Guidance, p. 33.

703 Ibid., p. 70.

704 Ibid., p. 71.

705 « Si un civil participe directement aux hostilités, il ne bénéficie évidemment d'aucune protection contre les attaques pendant la durée de cette participation. Hors de cette période, ne présentant pas de danger pour l'adversaire, il ne doit pas être attaqué ». Commentaire aux PA I et II, article 13(3) du PA II, § 4789 ; TPIY, Procureur vs. Strugar, Jugement, Appel, 17 juillet 2008, § 178.

considère que, jusqu’à ce que le civil en question ne se soit engagé à nouveau dans un acte spécifique de participation directe aux hostilités, l’utilisation de la force à son égard doit respecter les règles du law enforcement ou de la légitime défense.706

A cause du caractère mutuellement exclusif des catégories de « civil » et de

« forces armées » lato sensu (c’est-à-dire incluant les groupes armés organisés), la « fonction permanente de combat »,707 en définissant l’appartenance individuelle au groupe armé organisé d’une partie non étatique à un conflit armé non international, ainsi qu’aux groupes armés irréguliers d’une partie au conflit armé international, régit en fait le temps durant lequel le civil qui entre dans les rangs d’un groupe armé organisé cesse d’être considéré comme civil au regard de la conduite des hostilités et perd la protection contre les attaques directes.708

Comme il ressort d’ailleurs de la Recommandation VII de l’Interpretive Guidance, selon laquelle « les membres de groupes armés organisés […] cessent d’être des civils et perdent la protection contre toute attaque directe »,709 la

« fonction permanente de combat » est construite sur la base de l’interprétation de la notion de participation directe des civils aux hostilités. Si cela n’était pas le cas, le CICR aurait pu tout simplement dire que les membres des groupes armés irrégulièrement organisés se définissent par le biais de la « fonction permanente de combat » et qu’à l’instar des membres des forces armées étatiques, ils ne sont pas protégés contre les attaques directes.

Pour notre part, avant d’analyser le lien entre l’assomption de la « fonction permanente de combat » et l’appartenance au groupe armé irrégulier, et plus particulièrement, encore, ses conséquences sur l’édifice du droit international humanitaire fondé sur la dualité des statuts juridiques (civil/combattant) et sur le principe de l’égalité des belligérants (cf. infra, Chapitre 2, § 6), il nous faut mieux comprendre la notion de « fonction permanente de combat ».

5.5.3.2. Fonction « hostile » vs. fonction « de combat »

Avec le génitif « de combat », l’Interpretive Guidance indique le type de fonction qui doit être assumée par une personne pour établir son appartenance au groupe armé organisé irrégulier. Ratione materiae, tout acte faisant « partie intégrante » de la préparation, exécution et commandement d’actes ou

706 ICRC, Interpretive Guidance, p. 71.

707 Le terme « combat » ici définit de façon générale les actes qualifiables de participation directe aux hostilités. Voir la Section V de l’Interpretive Guidance, relative aux éléments constitutifs de la notion de « participation directe aux hostilités ». Ibid, p. 33.

708 “In other words, the ‘revolving door’ of protection starts to operate based on membership”. Ibid, p. 72.

709 Ibid, p. 70. Notre traduction. Nous soulignons.

opérations de participation directe aux hostilités y est inclus.710 En cohérence avec la notion d’« action hostile » que nous avons dégagée supra (cf. Chapitre 2,

§ 5.2.1.2.), nous ajoutons à la liste indiquée les actes faisant « partie intégrante » de la phase du « retour » de l’« action hostile ».

Il va sans dire qu’une activité exclusivement politique ou administrative,711 ainsi que toute autre action de support au groupe armé organisé, ne rentre pas dans la notion de « fonction permanente de combat » :

« Thus, recruiters, trainers, financiers and propagandists may continuously contribute to the general war effort of a non-State party, but they are not members of an organized armed group belonging to that party unless their function additionally includes activities amounting to direct participation in hostilities. The same applies to individuals whose function is limited to the purchasing, smuggling, manufacturing and maintaining of weapons and other equipment outside specific military operations or to the collection of intelligence other than of a tactical nature. »712

Au vu de ce qui précède, il nous semble toutefois que le terme « combat » est mal choisi, trop restreint par rapport aux différentes activités destinées à infliger un dommage à l’action militaire ennemie ou une atteinte grave à ses personnes et biens protégés.713 Nous proposons donc de le remplacer avec le qualificatif « hostile », en référence explicite et précise à l’ensemble (plus large) des actes et opérations que comprend la notion d’« action hostile » telle qu’elle a été définie supra (cf. Chapitre 2, § 5.2.1.2.). De surcroît, ce renvoi au concept plus large d’« hostilités » éviterait le risque inutile que le CICR soit perçu, notamment par des haut-gradés de l’armée israélienne que nous avons eu l’occasion d’interviewer directement,714 comme ayant pour « agenda caché » celui de faire passer une interprétation restrictive des actes et opérations constituant participation directe aux hostilités, les limitant aux seuls actes et opérations de combat.

5.5.3.3. La « fonction hostile permanente » comme critère d’appartenance