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définition générale de « l’objectif militaire »

3. La définition de combattant dans les conflits armés internationaux et non internationaux internationaux et non internationaux

3.2. Les « combattants » dans les conflits armés non internationaux

3.2.1. Absence de statut formel de « combattant »

Dans les conflits armés non internationaux, à l’instar des conflits internationaux, il est possible de cibler les « combattants » lato sensu et les civils qui participent directement aux hostilités. C’est d’ailleurs ce qui résulte d’une lecture combinée de deux règles de droit international coutumier identifiées dans l’Etude lancée par le CICR à ce sujet (1 et 6, respectivement) relatives au principe de distinction : « [l]es attaques ne peuvent être dirigées que contre des combattants »,401 « [l]es personnes civiles sont protégées contre les attaques, sauf si elles participent directement aux hostilités et pendant la durée de cette participation ».402

Cette matière403 est régie principalement404 par l’article 3 commun,405 le PA II et les règles de droit international coutumier y afférant.406 Un certain nombre

400 ZECHMEISTER, David, Die Erosion des humanitären Völkerrechts in den bewaffneten Konflikten der Gegenwart, Baden-Baden, Nomos, 2007, p. 222.

401 Règle 1 de l’Etude sur le droit international coutumier, applicable aux conflits armés internationaux et non internationaux. Comme le précise l’Etude sur le droit coutumier, le terme « combattant » dans cette règle est utilisé dans un sens général pour indiquer toute personne ne bénéficiant pas de la protection contre les attaques accordée aux civils, mais cela n’implique pas automatiquement la reconnaissance du privilège du combattant ou du statut de prisonnier de guerre. Etude sur le droit international coutumier p. 3.

402 Règles 6 de l’Etude sur le droit international coutumier, applicable aux conflits armés internationaux et non internationaux.

403 Le conflit armé non international est défini par le TPIY comme « un conflit armé prolongé entre les autorités gouvernementales et des groupes armés organisés ou entre de tels groupes au sein d’un Etat ». TPIY, Procureur vs. Tadic, IT-94-1-A, Chambre d’Appel, 15 juillet 1999, § 70 ; TPIY, Procureur vs. Blaskic, IT-95-14, Chambre de première instance I, Jugement, 3 mars 2000, § 63.

Dans la doctrine, se référer notamment à l’ouvrage de MOIR, Lindsay, The Law of Internal Armed Conflict, Cambridge, Cambridge University Press, 2002.

404 Les conflits armés non internationaux relèvent aussi de l’article 19 de la Convention de La Haye de 1954 sur les biens culturels, du 2ème Protocole à la Convention de 1980, tel que modifié en 1996, de l’article 22 du Protocole de La Haye du 26 mars 1999, de la clause de Martens et de nombreuses résolutions de l’Assemblée Générale des Nations Unies (ci-après AGNU), comme par exemple la résolution 2444 (XXIII), adoptée le 19 décembre 1968 à l’unanimité.

405 La valeur coutumière de l’article 3 commun a été reconnue dans l’affaire Nicaragua (CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua vs. Etats-Unis d'Amérique), Arrêt, C.I.J. Recueil 1986, § 218) et Tadic (TPIY, Chambre d’Appel, 15 juillet 1999, § 98).

406 Pour les règles coutumières relatives aux conflits armés non internationaux on renverra à l’Etude sur le droit international coutumier.

de faits commis dans le cadre des conflits armés non internationaux sont incriminés par le Statut de la Cour pénale internationale,407 comme notamment, « [l]e fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que telle ou contre des personnes civiles qui ne participent pas directement aux hostilités », qui est constitutif de crime de guerre.408

Mais, si dans les conflits armés non internationaux la distinction entre combattants et non combattants reste pertinente, comme l’affirme le Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie,409 et la Commission interaméricaine des Droits de l’Homme,410 la notion de « combattants » n’y est pas définie. En effet, les Etats représentés à la Conférence diplomatique qui a abouti à la codification des deux Protocoles additionnels aux Conventions de Genève ne se sont pas accordés pour reconnaître aux acteurs non étatiques le statut (et donc « le privilège »411) de combattants. Octroyer aux insurgés l’immunité des juridictions pénales pour les actions licites de guerre et le statut de prisonnier de guerre aurait signifié pour certains Etats encourager la rébellion.412

Il va sans dire que les civils non plus, bien que mentionnés plusieurs fois dans le PA II,413 ne sont pas définis, et en tout cas pas définis a contrario par rapport aux combattants. On rappellera toutefois que la définition de civil comme « toute personne qui n’est pas membre des forces armées» a été proposée, lors de la Conférence diplomatique de 1974-1977, dans le cadre des discussions portant sur le deuxième Protocole additionnel, relatif aux conflits armés non internationaux,414 pour être ensuite modifiée et adoptée par la III Commission qui a choisi de définir les civils a contrario par rapport aux

407 Article 8(2)(c)-(f) du Statut CPI.

408 Article 8(2)(e)(i) du Statut CPI.

409 TPIY, Procureur vs. Martic, IT-95-11-I, Chambre de première instance I, Décision, 8 mars 1996,

§ 10.

410 CommiADH, La Tablada. Juan Carlos (Abella vs. Argentina), Case 11.137, Report Nº 55/97, OEA/Ser.L/V/II.95 Doc. 7 rev., 18 novembre 1997, § 177.

411 Par privilège du combattant, on entend le droit reconnu par le droit international humanitaire de participer aux hostilités et, sur le plan interne, l’immunité pénale pour les actes commis en respectant le droit international humanitaire. Au contraire, un rebelle peut être condamné par une juridiction nationale pour la simple participation aux hostilités.

412 SOLF, Waldemar A., « Problems with the Application of Norms Governing Interstate Armed Conflict to Non-International Armed Conflict », Georgia Journal of International and Comparative Law, Vol. 13, 1983, p. 292 ; SOLF, Waldemar A., « Status of Combatants », The American University Law Review, Vol. 33, 1983, p. 59.

413 Articles 13, 14, 15, 17 et 18 du PA II.

414 Projet d’article 25(1) du PA II, adopté par consensus par la III Commission le 4 avril 1975. CICR, Projets de Protocoles additionnels aux Conventions de Genève du 12 août 1949, Genève, Juin 1973, p. 40.

« membres des groupes armés organisés »415, et au dernier moment supprimée.416

Le doute porte avant tout sur la qualification des membres des groupes armés non étatiques, comme en témoigne le nombre de désignations différentes utilisées dans les traités : personnes qui participent directement aux hostilités,417 membres des forces armées dissidentes ou des groupes armés organisés,418 membres des forces ou des groupes armés,419 personnes civiles qui participent directement aux hostilités,420 adversaires combattants.421 Cette incertitude, ainsi que le désaccord de la doctrine sur ce point, se reportent sur la détermination des règles du ciblage. S’agit-il de non civils qui peuvent être attaqués à tout moment ? De civils qui perdent l’immunité des attaques à cause de leur appartenance au groupe armé ou, de manière plus limitée et plus directement, de civils dont la participation directe aux hostilités est constituée par leurs actions spécifiques ?422

Mais si, comme il est confirmé dans l’Etude sur le droit coutumier, « [i]l est indubitable que les membres des forces armées de l’Etat ne sont pas considérés comme des personnes civiles [et] en revanche, la pratique est moins tranchée sur le point de savoir si les membres des groupes d’opposition armés sont des civils soumis à la règles 6 sur la perte de la protection contre les attaques en cas de participation directe aux hostilités, ou si les membres de tels groupes peuvent être l’objet d’attaques en tant que tels, indépendamment de l’application de la règle 6 »423, on peut conclure que l’ambiguïté liée au statut et donc aux règles du ciblage des acteurs au conflit est distribuée

415 CDDH, Actes,Vol.XV, CDDH/215/Rev.1, pp. 299 et 330.

416 CDDH, Actes,Vol.VII, CDDH/SR.52, p. 137.

417 Article 3 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949, article 4(1) PA II et article 8(2)(c) du Statut CPI.

418 Article 1(1) du PA II.

419 Article 4(3)(c) du PA II.

420 Article 13(3) du PA II et article 8(2)(e)(i) du Statut CPI.

421 Article 8(2)(e)(ix) du Statut CPI.

422 Abresch distingue deux catégories de personnes dans les conflits armés non internationaux : les

« civils », toujours protégés, et les « personnes qui prennent part aux hostilités », qui perdent leur immunité seulement pendant la durée de cette participation ; Sandoz en distingue une ultérieure, celle des fighters, qui doivent être traités comme les forces régulières et peuvent donc être l’objet d’attaques « à tout moment » ; enfin, Ben-Naftali, Michaeli et Kretzmer n’hésitent pas à employer le terme de « combattants » pour définir cette troisième catégorie. ABRESCH, W., « A Human Rights Law of Internal Armed Conflict », p. 19 ; Second Expert Meeting, Direct Participation in Hostilities under International Humanitarian Law, Summary Report ; ICRC, Report of the Second Expert Meeting, Direct Participation in Hostilities under International Humanitarian Law, CICR – Institut TMC Asser, The Hague, 25-26 October 2004, p. 16 ; BEN-NAFTALI, Orna – MICHAELI, Keren R.,

« ‘We Must Not Make a Scarecrow of the Law’ : A Legal Analysis of the Israel Policy of Targeted Killings », Cornell International Law Journal, Vol. 36, 2003-2004, p. 271 ; KRETZMER, David,

« Targeted Killing of Suspected Terrorists : Extra-Judicial Executions or Legitimate Means of Defence? », European Journal of International Law, Vol. 16, No. 2, 2005, pp. 171-212, p. 197.

423 Etude sur le droit coutumier, Règle 5, p. 26.

asymétriquement, concernant uniquement la partie « faible », dont le bras armé est composé par ces groupes armés non étatiques.

Nous ajouterons que la confusion ne se limite pas au niveau du groupe organisé, bras armé de la partie « faible » au conflit armé non international, et à sa qualification juridique, mais elle porte également sur le lien individuel d’affiliation à ce groupe, qui se passe d’actes formels, se basant plutôt sur l’assomption d’une ou plusieurs fonctions militaires, celles-ci plus ou moins proches du « coup de feu ». Si la nature élastique et clandestine des structures des groupes armés organisés rend encore plus ardue la distinction entre l’ensemble des personnes contribuant à l’effort militaire de la partie au conflit armé non international et les forces armées de cette dernière,424 le « faible » exploite cette confusion pour mieux se protéger des attaques ennemies.425 3.2.2. Un catégorie de « combattant » lato sensu par analogie avec

les conflits armés internationaux

L’article 3 commun aux Conventions de Genève doit son épithète de

« convention en miniature »,426 entre autres, au fait que sa formulation permet de déduire des règles relatives à la conduite des hostilités. En effet, de l’exigence de traiter « avec humanité » et sans aucune discrimination « [l]es personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, y compris les membres de forces armées qui ont déposé les armes et les personnes qui ont été mises hors de combat »,427 on peut déduire implicitement l’obligation de faire la distinction, dans la conduite des hostilités, entre, d’une part, les forces armées étatiques et les groupes armés organisés, et, d’autre part, la population civile.428

Plus spécifiquement encore, le fait qu’il soit demandé aux seuls membres de ces forces et groupe armés de déposer les armes pour obtenir, par leur propre volonté, l’immunité des personnes hors de combat, signifie que pour eux la seule suspension des actes de participation directe aux hostilités n’est pas suffisante à cette fin.429

424 ICRC, Interpretive Guidance, p. 33.

425 ROBERTS, Adam, « The Equal Application of the Laws of War : A Principle under Pressure », IRRC, Vol. 90, No. 872, December 2008, pp. 931-962, p. 948.

426 Commentaire à la CG I, article 3, p. 51 ; ABI-SAAB, Georges, “Non-international Armed Conflicts”, in International Dimensions of Humanitarian Law, Dordrecht, UNESCO, 1988, pp. 217-239, p. 221 ; MOIR, L., The Law of Internal Armed Conflict, p. 31.

427 1er sous-paragraphe de l’article 3(1) commun.

428 ICRC, Interpretive Guidance, p. 28. Voir également le Commentaire à la CG III, Article 3, p. 43 :

« [L]es conflits visés par l'article 3 sont des conflits armés caractérisés par des ‘hostilités’ mettant aux prises des ‘forces armées’. On se trouve, en somme, devant un conflit qui présente les aspects d'une guerre internationale, bien qu'existant à l'intérieur d'un Etat. »

429 ICRC, Interpretive Guidance, p. 28. SASSÒLI, Marco – OLSON, Laura M., “The Relationship between International Humanitarian and Human Rights Law Where It Matters : Admissible Killing and

En fait, une lecture combinée des articles 3 commun aux quatre Conventions de Genève et 1(1) du PA II nous permet de reproduire,430 dans les conflits armés non internationaux, la bipartition des catégories ratione personae propre aux conflits armés internationaux :431 d’une part, nous avons les membres des forces armées étatiques et des groupes armés organisés,432 qui ne bénéficient pas de l’immunité contre les attaques directes du fait de leur appartenance au bras armé d’une partie au conflit et, de l’autre, les civils,433 protégés des attaques sauf s’ils participent directement aux hostilités et uniquement pendant la durée de cette participation.434

Trois raisons militent en faveur d’une analogie avec les règles de ciblage relatives aux conflits armés internationaux : primo, l’applicabilité aux conflits armés non internationaux des principes généraux relatifs à la conduite des hostilités;435 secundo, la qualification d’un conflit armé peut se modifier à cause de l’évolution des événements – par exemple, un conflit armé non international peut être internationalisé par une intervention étrangère et, vice versa, un conflit armé international peut devenir interne avec un nouveau gouvernement de l’Etat en proie au conflit armé qui peut « inviter » ou consentir le déploiement de la force armée étrangère (c’est l’exemple, notamment de l’Afghanistan et de l’Iraq avec, respectivement la formation du gouvernement Karzai, en juin 2002, et le passage des pouvoirs au nouveau gouvernement iraquien, en juin 2004). Plusieurs régimes juridiques pourraient s’appliquer simultanément, d’où l’importance de simplifier un système autrement fort complexe436 ; tertio, la difficulté objective de qualifier certains

Internment of Fighters in Non-international Armed Conflicts”, IRRC, Vol. 90, No. 871, September 2008, pp. 599-627, p. 607.

430 « Le présent Protocole, qui développe et complète l'article 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949 sans modifier ses conditions d'application actuelles, s'applique à tous les conflits armés qui ne sont pas couverts par l'article premier du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 2 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I), et qui se déroulent sur le territoire d'une Haute Partie contractante entre ses forces armées et des forces armées dissidentes ou des groupes armés organisés qui, sous la conduite d'un commandement responsable, exercent sur une partie de son territoire un contrôle tel qu'il leur permette de mener des opérations militaires continues et concertées et d'appliquer le présent Protocole. » Nous soulignons.

431 BOTHE, M. – PARTSCH, K. – SOLF, W. A., New Rules for Victims of the Armed Conflicts, p. 672.

432 A l'instar du CICR, nous proposons cette dichotomie pour réconcilier la terminologie de l'article 3 commun aux Conventions de Genève (qui ne mentionne de façon générale que les membres des

"forces armées") avec celle de l'article 1(1) du PA II (qui propose une tripartition entre "forces armées", "forces armées dissidentes" et " groupes armés organisés"). ICRC, Interpretive Guidance, pp. 29-30.

433 A l’égard des civils qui ne participent pas directement aux hostilités « sont et demeurent prohibé[e]s en tout temps et en tout lieu […] les atteintes à la vie ». Article 3 commun aux CG. Comme le précise le Commentaire à la CG IV, les personnes civiles sont « celles qui ne portent pas les armes ». Commentaire à la CG IV, article 3, p. 45.

434 Article 3 commun aux CG et Article 13(1) et (3) du PA II.

435 Voir la Partie I de l’Etude sur le droit international coutumier.

436 STEWART, James, « Towards a Single Definition of Armed Conflict in International Humanitarian Law : a Critique of Internationalized Armed Conflict ».

conflits entraîne souvent des divergences de vue sur le droit applicable qui en affaiblissent certainement la mise en œuvre – l’exemple du conflit israélo-palestinien nous en fournit une illustration très claire.

3.2.3. Définition des forces armées étatiques et des groupes armés