• Aucun résultat trouvé

Comme base pour notre discussion, nous nous référerons aux sources du droit international, telles qu’elles sont définies par le Statut de la Cour internationale de Justice, dans son article 38, à savoir : les conventions internationales, la coutume internationale « comme preuve d'une pratique générale, acceptée comme étant le droit », les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées, et, enfin, « les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit ».50 Toutefois notre référence à ces sources sera marquée par la réalité des conflits armés asymétriques, réalité bien différente de celle des Etats en litige devant la Cour internationale de Justice.

49 MELZER, N., Targeted Killing in International Law, p. 333.

50 Statut de la Cour internationale de Justice, San Francisco, 26 juin 1945 : http://www.un.org/

french/aboutun/icjstatute/pdf/icjstatute.pdf. (Consulté le 13 juin 2011).

Notre préférence pour les règles conventionnelles est motivée avant tout par leur richesse, le droit international humanitaire étant l’une des branches du droit international les plus codifiées. Ensuite, par leur qualité intrinsèque, à savoir celle d’être écrites ‘noir sur blanc’, ces règles se prêtent à une application directe au terrain de bataille permettant d’identifier plus clairement les éventuelles lacunes de ce droit. Enfin, le fait que leur application tant aux membres des forces armées étatiques qu’aux groupes armés organisés d’une partie au conflit non étatique soit largement acquise permet de mettre en évidence les questions d’application pratique du droit posées par les conflits armés asymétriques.

En revanche, l’identification des règles coutumières, qui offrent par ailleurs le grand avantage de lier toutes les parties au conflit dans leurs relations mutuelles,51 est loin d’être aisée. En particulier, en ce qui concerne l’identification de la pratique des Etats, on doit tenir compte de leur pratique déclaratoire, et ce, premièrement, pour élargir le nombre de sujets concernés, le nombre des Etats belligérants étant heureusement trop restreint. Certes, la plus grande transparence de l’espace de confrontation asymétrique relativise les obstacles à l’identification de la pratique matérielle des belligérants, obstacles que le TPIY dans l’affaire Tadic indiquait dans l’accès aux sources d’informations souvent nié aux observateurs indépendants, ou dans la dissimulation des renseignements sur la conduite effective des hostilités.52 Toutefois, dans ce type de « guerres de persuasion », le risque est encore plus grand que la propagande de guerre et d’autres formes de désinformations compromettent la fiabilité des informations que les parties au conflit laissent filtrer. Enfin, comme on l’a souligné à juste titre dans la doctrine, la

51 Sur l’opposabilité des règles de droit international humanitaire aux groupes armés d’une partie non étatique au conflit armé, voir : CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua vs. Etats-Unis d'Amérique), Arrêt, C.I.J. Recueil 1986, § 219 ; TPIR, Procureur vs.

Akayesu, TPIR-96-4-T, Chambre de première instance I, Jugement, 2 septembre 1998, § 611 ; CommiADH, La Tablada. Juan Carlos (Abella vs. Argentina), Case 11.137, Report Nº 55/97, OEA/Ser.L/V/II.95 Doc. 7 rev., 18 novembre 1997, § 174 ; Résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies : No. 1193, 28 août 1998, § 12 (sur Afghanistan) ; No. 812, 12 mars 1993, § 8 (sur le Rwanda) ; No. 794, 3 décembre 1992, § 4 (sur la Somalie) ; Résolutions de la Commission des Droits de l’Homme : No. 18, 23 avril 1999, § 17 (sur le Kosovo) ; No. 59, 15 avril 1997, § 7 (sur le Soudan) ; No. 67, 21 avril 1998, § 6 (sur le Soudan). Concernant l’applicabilité des normes coutumières aux groupes armés non étatiques, on fera référence notamment à la jurisprudence du TPIY, notamment, dans les affaires Tadic et « Celebici »et dans les rapports de la Commission intéraméricaine des droits de l’Homme. TPIY, Procureur vs. Tadic, Affaire IT-94-1-A, Arrêt relatif à l'appel de la défense concernant l'exception préjudicielle d'incompétence, Chambre d’Appel, 2 octobre 1995, § 127 ; TPIY, Procureur vs. Délalic et al., IT-96-21-T, Chambre de première instance, Jugement, 16 novembre 1998, § 310.

52 TPIY, Procureur vs. Tadic, TPIY-94-1-A, Arrêt relatif à l'appel de la défense concernant l'exception préjudicielle d'incompétence, Chambre d’Appel, 2 octobre 1995, § 99 : http://www.icty.

org/x/cases/tadic/acdec/fr/51002JN3.htm. (Consulté le 13 juin 2011).

responsabilité étatique pour le fait commis par l’un de ses agents ne correspond pas toujours à l’endossement de cette pratique.53

Les obstacles que nous venons d’indiquer n’ont toutefois pas empêché les juristes du CICR de se baser exclusivement sur la pratique étatique pour identifier et mettre également « noir sur blanc » un nombre très important de règles coutumières, valables le plus souvent aussi dans les conflits armés non internationaux.54 Notons à ce propos que, si la doctrine majoritaire concorde sur l’opposabilité des règles de droit international humanitaire aux groupes armés d’une partie non étatique au conflit armé, elle est plus nuancée quant à savoir si la pratique de ces groupes peut contribuer à la formation d’une règle de droit international coutumier.55 Certains, se basant sur l’article 38 du Statut de la Cour internationale de Justice, ainsi que sur la jurisprudence du TPIY,56 estiment toutefois que le consentement des groupes armés d’une partie non étatique à respecter certaines règles pourrait contribuer à leur élaboration.57 On rejoindra la position de ceux qui, à l’instar du Professeur Sassòli, considèrent que, si le droit coutumier est le résultat des comportements des sujets de la règle, s’exprimant « sous forme d’actes ou omissions, de déclarations, accusations et justifications pour leurs propres comportements »,58 les acteurs armés non étatiques contribuent tout au moins à l’élaboration des normes de droit humanitaire coutumier relatif aux conflits armés non-internationaux.59

53 L’article 38 du Statut de la CIJ qualifie la coutume de « générale » et « acceptée comme étant le droit ». Voir SASSÒLI, Marco – BOUVIER, Antoine – QUINTIN, Anne, How Does Law Protect in War?, 3rd ed., Geneva, ICRC, 2011, Part I, Chap. 4, p. 5 : http://www.icrc.org/eng/assets/

files/publications/icrc-0739-part-i.pdf. (Consulté le 29 juin 2011).

54 Etude sur le droit international coutumier.

55 Pour les auteurs de l’Etude sur le droit international coutumier : « la pratique des groupes d’opposition armés – comme les codes de conduite, les engagements de respecter certaines règles de droit international humanitaire et les autres déclarations – ne constitue pas, en tant que telle, une pratique des Etats. Si ce type de pratique peut contenir des éléments probants quant à l’acceptation de certaines règles dans les conflits armés non internationaux, sa portée juridique est incertaine ». Ibid., p. LII.

56 “In addition to the behaviour of belligerent States, Governments and insurgents, other factors have been instrumental in bringing about the formation of the customary rules at issue.” TPIY, Procureur vs. Tadic, Affaire IT-94-1, Chambre d’Appel, Arrêt relatif à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, 2 octobre 1995, § 108. Nous soulignons.

57 ZEGVELD, Liesbeth, AccountabilityofArmed Opposition Groups in International Law, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, p. 26.

58 SASSÒLI, M., “Taking Armed Groups Seriously”, pp. 21-22.

59 Cette perspective tient compte entre autres du rejet, exprimé par le Professeur G. Abi-Saab dans ses réflexions sur la soft law, d’« une vision monolithique du droit comme instrument de contrainte hiérarchique ». En matière de droit du commerce international, par exemple, les comportements des sociétés privées contribuent à forger certaines règles. Comme le rappelle la Professeure Boisson De Chazournes : « Le contexte de la mondialisation fait une large place aux opérateurs économiques et à leur initiative dans le développement d’usages et de pratiques. Le processus de globalisation conduit en effet à l’apparition d’un ‘droit global’, qui prend la forme de relations juridiques dont le traitement dépasse le cadre national et qui est conçu et appliqué largement en dehors de la logique classique des traités». Voir ABI-SAAB, Georges, « L’éloge du ‘droit assourdi’.

Quelques réflexions sur le rôle de la soft law en droit international contemporain », in Nouveaux

Il n’en reste pas moins que la pratique du « faible », en particulier sa pratique déclaratoire, est encore plus difficile à identifier que celle du « fort », puisque, par exemple, ce dernier ne se prévaut que très rarement de manuels militaires ou de codes de conduite60 – c’est d’ailleurs pour avoir ne serait-ce qu’une esquisse de cette pratique déclaratoire du « faible » sur des sujets précis de la conduite des hostilités que nous avons conduit des interviews dans la West Bank, avec des responsables de groupes armés palestiniens.

Au vu de ce qui précède, le lecteur ne devra pas s’étonner si dans cette étude nous faisons référence à la pratique des Etats davantage pour identifier les éléments de tension dans l’application des règles des conflits armés asymétriques que pour identifier les règles elles-mêmes.

C’est en appréhendant les principes généraux de droit, pour le dire avec R.

Kolb, comme des « valeurs cherchant à épancher leur substance à travers tout l’ordre juridique au moyen de normes dérivées »,61 que nous identifions tout d’abord un certain nombre de principes inspirateurs du droit international humanitaire – tels que le principe de distinction (entre personnes ou biens civils et combattants ou biens militaires, respectivement), l’interdiction d’infliger des maux superflus et des souffrances inutiles, le principe de nécessité militaire, le principe d’humanité, le principe de proportionnalité ou le principe de séparation entre le jus ad bellum (le droit du recours à la force) et le jus in bello (règles à respecter en cas de conflits armés) –62 qui doivent être défendus face à toute tentative de remise en question, notamment dans les contextes d’extrême asymétrie des conflits armés.

En outre, mis à part les principes fondamentaux du droit international humanitaire, les principes généraux de droit pourraient être importés dans le droit international humanitaire pour en combler les lacunes. Ceux-ci ne

itinéraires en droit, Hommage à François Rigaux, Bruxelles, Bruylant, 1993, pp. 59-68, p. 60 ; BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence, « Qu’est-ce que la pratique en droit international ? », Colloque de Genève – La pratique et le droit international, Société française pour le droit international, Paris, Pedone, 1994, pp. 13-47, p. 44. Voir aussi HANDL, Gunther, « A Hard Look at Soft Law », American Society International Law Proceedings, Vol. 82, 1988, pp. 371-373, p. 372.

60 Voir le code de conduite rédigé par les Talibans, « The Islamic Emirate of Afghanistan – ‘A Book of Rules’ », 10 septembre 2009 : http://media.mcclatchydc.com/smedia/2010/03/12/19/

Talibanbookofrules.source.prod_affiliate.91.pdf. (Consulté le 14 mai 2011).

61 KOLB, Robert, Ius in bello – Le droit international des conflits armés, II édition, Bâle – Genève – Munich – Bruxelles, Helbing & Lichtenhahn – Bruylant, 2009, p. 113, note de bas de page No. 207.

62 La « clause de Martens » énonce que « les personnes civiles et les combattants restent sous la sauvegarde et sous l’empire des principes du droit des gens, tels qu’ils résultent des usages établis, des principes de l’humanité et des exigences de la conscience publique ». La clause de Martens est codifiée au préambule de la Convention (IV) de La Haye, de 1907, aux articles 63 de la CG I, 62 de la CG II, 142 de la CG III, 158 de la CG IV, à l’article 1(2) du PA I, au préambule du PA II et de la Convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination, Genève, 10 octobre 1980. La CIJ, dans son avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi des armes nucléaires, a reconnu la nature coutumière de la clause de Martens et par conséquent son caractère normatif. CIJ, Licéité de la menace ou de l’emploi des armes nucléaires, avis consultatif, Recueil C.I.J. 1996, §§ 78 et 84.

découlent d’ailleurs pas nécessairement des structures ni des dynamiques asymétriques des conflits armés.63 Par exemple, la théorie du droit pénal, en permettant de définir plus précisément les liens de causalité entre l’acte individuel et son résultat, peut fournir des éléments de réponse utiles à la définition de la notion de « participation directe aux hostilités ».

Comme nous l’avons rappelé plus haut, le Statut de la Cour internationale de Justice qualifie « les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit ».64 Si la jurisprudence relative à des éléments critiques de la conduite des hostilités spécifiques aux conflits armés asymétriques n’est pas très abondante,65 contrairement à celle qui, à l’instar du TPIY, porte sur des aspects de la conduite des hostilités relative aux conflits armés symétriques ou dissymétriques, force est de constater que la production doctrinale est extrêmement riche en la matière. Parmi ces documents, nous accorderons une place et un poids tout particuliers aux lignes directrices du CICR visant à clarifier la notion juridique de « participation directe aux hostilités ».66 A la lumière des débats sur la contribution de certains acteurs internationaux à la formation du droit international, on pourrait même considérer que les positions du CICR ne constituent pas de simples positions de la doctrine.67 Cette considération pourrait d’ailleurs s’appuyer sur le rôle de

« gardien du droit international humanitaire »68 que les Etats ont reconnu au CICR,69 en sus des tâches spécifiques qu’ils lui ont confiées par voie de traités,70 et que cette institution accomplit en prenant des mesures visant à

63 KOLB, R., Ius in bello, pp. 114-115.

64 Article 38(1)(d) du Statut de la CIJ.

65 Le jugement de la Cour suprême israélienne sur les assassinats ciblés conduits par l’Etat d’Israël contre des cibles palestiniennes figure comme l’une des rares exceptions. HCJ, The Public Committee against Torture et al. vs. The Government of Israel et al., HCJ 769/02, jugement, 13 décembre 2006.

66 ICRC, Interpretive Guidance.

67 Sur ce débat, voir notamment BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence, « Treaty Law-Making and Non-Treaty Law-Making : The Evolving Structure of the International Legal Order », in RÜDIGER, Wolfrum – VOLKER, Röben (ed.), Developments of International Law in Treaty Making, Heidelberg, Springer, 2007, pp. 463-479, pp. 469-473.

68 SANDOZ, Yves, Le Comité international de la Croix-Rouge : gardien du droit international humanitaire, Genève, CICR, 1998 : http://www.cicr.org/fre/resources/documents/misc/about-the-icrc-311298.htm. (Consulté le 29 juin 2011).

69 Article 5(2)(c) et (g) des Statuts du Mouvement : http://www.cicr.org/fre/assets/

files/other/statutes-fr-a5.pdf. (Consulté le 28 juin 2011). Si le Mouvement se compose du CICR, des Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ainsi que de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et de Croissant-Rouge, ses Statuts ont été adoptés par la Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, à laquelle participent également tous les Etats parties aux Conventions de Genève.

70 Dans les situations de conflit armé international, le CICR, en tant qu’intermédiaire neutre entre les parties au conflit, a pour rôle de : visiter et s’entretenir sans témoin avec les prisonniers de guerre et les civils protégés (articles 126(5) de la CG III et 143(5) de la CG IV) ; bénéficier d’un droit d’initiative humanitaire (articles 9/9/9/10, respectivement, des quatre CG et 81(1) du PA I) ; fonctionner comme substitut des Puissances protectrices ou comme quasi-substitut (articles

assurer le respect de ce droit, à le promouvoir, le réaffirmer, à le développer ou, alors, à le clarifier, comme c’est le cas de l’Interpretive Guidance. Toutefois, en l’occurrence, le CICR lui-même insiste qu’en tant qu’organisation humanitaire neutre et indépendante, non seulement n’a pas reçu des Etats une autorité législative, mais il ne l’a pas non plus revendiquée.71

3.3. Enjeux

Notre périple sera accompagné par les questions de fond suivantes. La première touche au principe de l’égalité des belligérants. Plus particulièrement, nous allons nous demander si l’application des principes de la conduite des hostilités, en pratique, est la même ou diffère selon qu’il s’agit du « fort » ou du « faible » au conflit armé asymétrique. Deuxièmement, face aux défis posés à l’application pratique de ces principes aux parties respectives du conflit armé asymétrique, on se demandera si un effort de clarification du droit ou des mécanismes de mise en œuvre est suffisant pour surmonter ces défis ou si un développement du droit est nécessaire. Plus particulièrement, nous nous interrogerons sur l’opportunité de certaines modifications des règles pour les faire mieux « adhérer » aux contextes en examen, sans oublier que le respect de la règle humanitaire n’est pas un but en soi,72 mais vise toujours la protection la plus efficace des victimes des conflits armés.73

10(3)/10(3)/10(3)/11(3), respectivement, des quatre CG et 5(4) du PA I) ; apporter une assistance aux civils protégés, aux prisonniers de guerre et à la population civile des territoires occupés (articles 73 et 125 de la CG III et 59, 61 et 142 de la CG IV) ; rechercher les personnes disparues, suivre le parcours des prisonniers de guerre et des civils, et leur transmettre des messages familiaux (articles 16(2) de la CG I, 123 de la CG III, 140 de la CG IV et 33(3) du PA I) ; offrir ses bons offices pour faciliter la création de zones sanitaires et de sécurité (articles 23 de la CG I et 14 de la CG IV). En cas de conflit armé non international, l’article 3 commun aux quatre CG stipule que le CICR « pourra offrir ses services aux Parties au conflit ». Enfin, dans les autres situations de violence, l’article 5(3) des Statuts du Mouvement prévoit que : « [l]e Comité international peut prendre toute initiative humanitaire qui rentre dans son rôle d’institution et d’intermédiaire spécifiquement neutres et indépendants et étudier toute question dont l’examen par une telle institution s’impose ». Voir SASSÒLI, M. – BOUVIER, A. – QUINTIN, A., How Does Law Protect in War?, Part I, Chap. 15, pp. 23-24.

71 MELZER, Nils, « Keeping the Balance between Military Necessity and Humanity : A Response to Four Critiques of the ICRC’S Interpretive Guidance on the Notion of Direct Participation in Hostilities », New York Journal of International Law and Politics, Vol. 42, No. 3, 2010, pp. 831-916, p. 893.

72 “[O]ne ought to recall that the overriding raison d’être of IHL is not full compliance with its norms but rather the protection of humanitarian values.” SHANY, Yuval, “A rebuttal to Marco Sassòli”, IRRC, Vol. 93, No. 882, June 2011, pp. 432-436, p. 433.

73 “A difficult question is whether the types of war conducted today, and those that are increasingly developing – in which there are in many cases many elements of asymmetry between the parties, where injury is inflicted on civilians of one state by forces whose political or military base is very distant from the state, and in which there is prolonged confrontation (which may be of low, high or varying intensity) – justify or require rethinking of the laws of war and the political positions regarding war or the use of military force that were developed mainly on the basis of lessons of

“ordinary” wars between states and armies.” Report of the Winograd Commission, 30 January 2008, Chapter 14, “The Conduct of Israel in Light of International Law”, § 38, cité dans SASSÒLI, M. – BOUVIER, A. – QUINTIN, A., How Does Law Protect in War?, Part II, Vol. 1, Cas No. 150, p. 6 : http://www.icrc.org/eng/assets/files/publications/icrc-0739-part-ii-vol-i.pdf. (Consulté le 29 juin 2011).

Chapitre 1. Le ciblage des objectifs militaires 1. Introduction

La règle fondamentale du droit international humanitaire qui protège la population civile contre les effets des hostilités, codifiée à l’article 48 du Protocole additionnel I, impose aux parties au conflit de distinguer « entre la population civile et les combattants ainsi qu’entre les biens de caractère civil et les objectifs militaires », afin que les opérations militaires soient dirigées uniquement à l’encontre des combattants et des objectifs militaires.74 Il s’agit du principe de distinction, norme de droit international coutumier applicable tant aux conflits armés internationaux que non internationaux,75 et dont l’importance cardinale a été consacrée par la Cour internationale de Justice.76

Cette règle se fonde sur le principe formulé plus d’un siècle auparavant par une commission militaire internationale,77 réunie à Saint-Pétersbourg, dans le préambule de la déclaration qui porte son nom : « le seul but légitime que les Etats doivent se proposer, durant la guerre, est l’affaiblissement des forces militaires de l’ennemi ».78

Le considérant cité repose sur un postulat implicite : tout ennemi peut être vaincu en affaiblissant suffisamment ses forces militaires. Le Professeur Sassòli interprète ce postulat de la manière suivante : « [o]nce its military forces are neutralized, even the politically, psychologically or economically strongest

74 Si l’article 48 du PA I ne mentionne expressément que les « objectifs militaires » comme cible légitime d’attaques, ces termes incluent également les combattants. Commentaire aux PA I et II,

74 Si l’article 48 du PA I ne mentionne expressément que les « objectifs militaires » comme cible légitime d’attaques, ces termes incluent également les combattants. Commentaire aux PA I et II,