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La définition d’« acte préparatoire à l’action hostile »

définition générale de « l’objectif militaire »

4. La notion de civil dans les conflits armés internationaux et non internationaux internationaux et non internationaux

5.3. Les différentes phases de la participation directe aux hostilités

5.3.1. La définition d’« acte préparatoire à l’action hostile »

Dans les instruments de codification du droit international humanitaire, la notion de « mesures préparatoires » apparaît à l’article 44(3) du PA I, intimement liée à celle de « déploiement ». Cet article assouplit l’obligation pour le combattant de se distinguer « lorsqu’il[…] pren[d] part à une attaque ou à une opération militaire préparatoire d’une attaque » dans la clandestinité, en exigeant de celui-ci de porter ses armes ouvertement « pendant chaque engagement militaire […] et pendant le temps où il est exposé à la vue de l’adversaire alors qu’il prend part à un déploiement militaire qui précède le lancement d’une attaque à laquelle il doit participer. »

Si, à première vue, l’obligation de se distinguer de la population civile et la légitimité d’être objet d’attaques directes sont deux questions distinctes – un combattant qui échappe ex article 44(3) du PA I à l’obligation de se distinguer pouvant être attaqué –, en fait, elles sont liées par l’exigence de rendre possible la distinction entre la population civile et les personnes qui participent

557 ICRC, Report of the Fourth Expert Meeting on Direct Participation in Hostilities under International Humanitarian Law, p. 61.

558 Ibid.,p.54.

directement aux hostilités.559 C’est la raison pour laquelle les auteurs du Commentaire à l’article 51(3) du PA I se fondent sur l’obligation de se distinguer formulée par l’article 44(3) du PA I pour anticiper la perte de l’immunité du civil qui participe directement aux hostilités au moment où, précédant l’attaque, il porte une arme. De façon, plus générale, ils proposent une interprétation restrictive des notions de « préparatifs » et de « retour du combat »,560 en ligne avec l’orientation générale de la Conférence diplomatique de 1974-1977.561

L’Interpretive Guidance maintient cette position en soulignant que la nature spécifiquement militaire des mesures préparatoires à un acte hostile, ainsi que le lien étroit de celles-ci avec l’acte hostile, sont propres à les rendre parties intégrantes de cet acte.562

Plus généralement, sur la base de la distinction entre les mesures préparatoires en vue d’un acte hostile spécifique et celles qui cherchent à renforcer les capacités militaires, lato sensu, d’une partie au conflit, seules les premières seraient qualifiables de participation directe aux hostilités563 et cela en accord avec les recommandations du CICR : « [m]easures preparatory to the execution of a specific act of direct participation in hostilities, as well as the deployment to and the return from the location of its execution, constitute an integral part of that act. »564

L’Interpretive Guidance cite, comme exemple d’acte préparatoire qualifiable de participation directe aux hostilités, le chargement des bombes sur un avion qui va mener une attaque dans un théâtre d’hostilités. Et cela, même si l’opération ne sera pas immédiatement menée, mais peut-être seulement le jour suivant, et que la cible ne sera sélectionnée que lors de l’opération elle-même, et enfin, qu’une grande distance géographique sépare le lieu de l’acte préparatoire de celui de l’attaque. En revanche, le transport aux Etats-Unis des bombes de l’usine à la piste de décollage, et de là vers un entrepôt en Iraq ou en Afghanistan, sans qu’un usage futur des bombes ne soit défini, ne constitue qu’un acte de renforcement des capacités militaires d’une partie au conflit, qualifiable uniquement de participation indirecte aux hostilités.565

En outre, s’ils sont accomplis dans la perspective d’un acte hostile spécifique, tous les actes suivants sont, pour le CICR, des actes préparatoires qualifiables de participation directe aux hostilités : l’équipement, l’instruction et le transport du personnel, la récolte des renseignements, ainsi que la

559 Commentaire aux PA I et II, article 44(3) du PA I, § 1695.

560 CDDH, Actes, Vol. XV, CDDH/III/224, p. 340 ; Commentaire aux PA I et II, article 51(3), § 1943.

561 Commentaireaux PA I et II, article 51(3) du PA I, § 1943.

562 ICRC, Interpretive Guidance, pp. 65-66.

563 Ibid.

564 Ibid.

565 Ibid., p. 66.

préparation, le transport et le positionnement des armes et de l’équipement. A l’inverse, ne pourront être qualifiés que de participation indirecte aux hostilités, l’achat, la production, le trafic et la cache des armes, le recrutement et l’entraînement non spécifique du personnel, ainsi que le support financier, administratif ou politique des acteurs armés.566

5.3.1.1. Le rôle des circonstances

Il va sans dire que dans certaines situations il est très difficile de qualifier l’acte concret de « préparatoire » à une « action hostile ».567 Par exemple, le port d’armes par des civils dans un village, la veille d’une attaque (annoncée par les services de renseignements), dans un pays qui connaît la guerre depuis des lustres tel que l’Afghanistan, n’est pas suffisant per se pour qualifier l’acte de préparatoire à une « action hostile ».

A plusieurs reprises, durant les réunions portant sur la clarification de la notion de participation directe aux hostilités, les experts ont souligné que cette qualification ne pouvait faire abstraction de la totalité des circonstances régnant au moment et sur les lieux de réalisation de l’acte en question.568 L’exemple proposé est celui de deux personnes creusant un trou aux bords de la route. Le soldat, bien que soupçonneux, ne pourrait exclure qu’il s’agisse de simples travaux de réparation de la route. Mais, il pourrait raisonnablement considérer ces actes comme « préparatoires » d’une « action hostile » au cas où il devrait observer, par exemple, des personnes remplissant ce trou par de l’explosif (il doit donc être sûr qu’il s’agit d’explosif et non pas de goudron) et construisant un barrage pour ralentir le passage des véhicules.569

L’appréciation des circonstances ne peut en tout cas pas faire abstraction de critères précis, à défaut desquels les préjugés du sens commun pourraient fournir à la personne chargée d’évaluer ces circonstances des clés interprétatives dangereuses. En particulier, les exemples cités par les experts réunis par le CICR pour préciser la notion de participation directe aux hostilités donnent l’impression que le sexe et l’âge des personnes impliquées dans les actes préparatoires comptent davantage que la fonction des actions mêmes. Comme l’Interpretive Guidance le précise, les civils qui ont été forcés de participer directement aux hostilités, tout comme les enfants recrutés malgré leur trop jeune âge, peuvent perdre, le cas échéant, la protection contre une

566 Ibid., pp. 66-67.

567 ICRC, Report of the Fourth Expert Meeting on Direct Participation in Hostilities under International Humanitarian Law, p. 55.

568 “It should be reiterated that the[…] examples […] cannot replace a careful assessment of the totality of the circumstances prevailing in the concrete context and at the time and place of action”.

ICRC, Interpretive Guidance, p. 67 ; ICRC, Report of the Fourth Expert Meeting on Direct Participation in Hostilities under International Humanitarian Law, pp. 55 and 60.

569 Ibid.,p.58. On ajoutera que pour la qualification d’« action hostile », il est nécessaire de vérifier également la présence du critère de la « dynamique d’opposition entre parties au conflit », qui dans l’exemple cité devrait exclure qu’il s’agisse de bandits.

attaque directe.570 Par conséquent, un homme de trente ans doit pouvoir bénéficier de la même façon qu’une fille à peine adolescente du bénéfice du doute relatif à la qualification juridique de sa conduite.571

5.3.1.2. Un critère précis pour identifier les « actes préparatoires » qualifiables de participation directe aux hostilités

Comme nous l’avons énoncé précédemment, l’« action hostile » correspond à un acte ou à une opération émanant du bras armé d’une partie au conflit qui, par sa capacité et son but, est en mesure d’affecter négativement les opérations militaires ou la capacité militaire de la partie au conflit adverse ou alors, de porter atteinte de façon grave à l’intégrité des personnes ou des biens appartenant à celle-ci, même s’ils ne contribuent pas effectivement à son action militaire. Qu’il s’agisse d’un acte individuel ou d’une opération (individuelle ou collective), trois phases différentes peuvent être identifiées :

(a) la phase préparatoire, où l’on se donne les moyens (qui peuvent se limiter à éliminer les obstacles) pour infliger le dommage définissant l’« action hostile » (par exemple, la vérification et la communication de l’emplacement de la cible, les manœuvres de diversion, l’usage perfide de signes protecteurs, l’approche de la cible) ;

(b) la réalisation effective du dommage, ou du moins de sa tentative (qui peut être accomplie par une ou plusieurs personnes – c’est le cas, par exemple, de l’acte de sabotage des antennes radios d’un bataillon militaire – ou par un engin – comme, par exemple, l’explosion d’une bombe à retardement) ;

(c) la phase du retour après le dernier acte accompli en fonction de la réalisation du dommage. Il s’agit par exemple du retour au village des personnes ayant mené une attaque, ayant été embauchées pour déminer une route, mais aussi de celles qui ont posé la bombe à retardement, même si celle-ci n’a pas encore explosé.

Appartiennent donc à la « phase préparatoire » les premiers actes de concrétisation de l’« action hostile ». De facto, une partie au conflit ne pourra réagir qu’à partir du moment où elle sera en mesure de reconnaître dans ces actes le résultat projeté de l’« action hostile » spécifique dont elle est menacée.

Nous reprenons l’exemple cité plus haut du recrutement et de l’entraînement finalisés à un attentat kamikaze précis et de l’assemblage des

570 ICRC, Interpretive Guidance, p. 60.

571 ICRC, Report of the Fourth Expert Meeting on Direct Participation in Hostilities under International Humanitarian Law, p. 61. Qui écrit est bien conscient que, d’une part, traditionnellement, il y a un âge pour se battre et que, d’autre part, les parties au conflit ont l’obligation de prendre « toutes les mesures possibles dans la pratique pour que les enfants de moins de quinze ans ne participent pas directement aux hostilités », comme requis par l’article 77(2) du PA I et repris dans son dispositif à l’article 4(3)(c) du PA II. Cependant, la responsabilité (criminelle) de la partie qui emploie ces enfants n’affaiblit pas le droit de la partie au conflit qui subit une « action hostile » de réagir militairement contre ses auteurs, qui, le cas échéant, seront des enfants.

pièces nécessaires à la fabrication d’engins explosifs improvisés. A la différence du recrutement de candidats potentiels à des opérations suicidaires, la sélection de l’« heureux martyr » pour une attaque spécifique qui a déjà été planifiée s’apparente à un acte préparatoire d’une action hostile et, par conséquent, de participation directe aux hostilités. Par exemple, si des services de renseignements ont les preuves nécessaires pour démontrer qu’un petit comité a sélectionné le martyr sur une liste de candidats potentiels, les membres de ce comité pourront tous être considérés comme faisant partie intégrante d’un acte préparatoire d’une action hostile et par conséquent comme participant directement aux hostilités.

Dans le cas d’un attentat kamikaze, plus que soumis à un entraînement, le candidat sera instruit dans le détail sur les personnes qui vont l’attendre à certains endroits, l’accompagner au-delà d’une certaine zone, et sur le lieu et le moment de la détonation de la ceinture explosive qu’on va lui appliquer.

Toutes ces informations font partie des actes préparatoires et la personne qui les transmet participe directement aux hostilités.

Enfin, les actes d’assemblage des pièces nécessaires à la construction d’un engin explosif improvisé ne feront partie intégrante de l’« action hostile » qu’à partir du moment où elles ne seront pas seulement nécessaires à la construction de cet engin, mais contribueront à la confection d’un engin explosif destiné à une attaque précise et non pas, pour absurde que cela puisse paraître, pour des exercices dans un camp d’entraînement. Dans ce dernier cas, qui précise bien les distinctions, cet engin ne contribuerait en effet qu’à la capacité militaire de sa propre partie au conflit et non pas à la poursuite d’une action spécifique visant à affecter négativement les opérations militaires ou la capacité militaire de la partie au conflit adverse ou à porter atteinte de façon grave à l’intégrité des personnes ou des biens appartenant à celle-ci.