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Le critère du « lien de causalité directe » (one causal step) et celui de « partie intégrante » (integral part) de « partie intégrante » (integral part)

définition générale de « l’objectif militaire »

4. La notion de civil dans les conflits armés internationaux et non internationaux internationaux et non internationaux

5.2. Les éléments constitutifs de la notion de

5.2.2.2. Le critère du « lien de causalité directe » (one causal step) et celui de « partie intégrante » (integral part) de « partie intégrante » (integral part)

Sans pour autant proposer une définition générale abstraite du lien de causalité directe, la Cour suprême israélienne déclare :

“In our opinion, the ‘direct’ character of the part taken should not be narrowed merely to the person committing the physical act of attack. Those who have sent him, as well, take "a direct part". The same goes for the person who decided upon the act, and the person who planned it. It is not to be said about them that they are taking an indirect part in the hostilities. Their contribution is direct (and active)”536. La Commission intéraméricaine des Droits de l’Homme semble plus restrictive quand, pour sa part, elle précise que : « civilians present an immediate threat of harm to the adversary when they prepare for, participate in, and return from combat ».537

Le CICR formule le critère de causalité directe en ces termes :

« In order for the requirement of direct causation to be satisfied, there must be a direct causal link between a specific act and the harm likely to result either from that act, or from a coordinated military operation of which that act constitutes an integral part ».538

533 Le critère de l’« aide et encouragement » trouve sa définition dans la jurisprudence des Tribunaux pénaux internationaux ad hoc. Nous retenons la définition du TPIR dans l’affaire Akayesu : « L’aide signifie le soutien apporté à quelqu’un. L’encouragement, quant à lui, consisterait plutôt à favoriser le développement d’une action en lui exprimant sa sympathie ». TPIR, Procureur vs. Akayesu, TPIR-96-4-T, Chambre de première instance I, Jugement, 2 septembre 1998, § 484.

534 ICRC, Report of the Third Expert Meeting, p. 34.

535 ICRC, Interpretive Guidance, p. 52.

536 HCJ, The Public Committee against Torture et al. vs. The Government of Israel et al., HCJ 769/02, jugement, 13 décembre 2006, § 37.

537 CommiADH, Troisième Rapport sur les droits de l’Homme en Colombie, Doc. OEA/Ser.L/V/II.102 Doc. 9 rev 1, 26 February 1999, § 54.

538 ICRC, Interpretive Guidance, p. 16.

En outre, toujours selon l’Interpretive Guidance, pour que le lien de causalité puisse être défini « direct », il ne doit pas y avoir de passages intermédiaires entre l’acte individuel et le dommage infligé (« lien de causalité directe » ou one causal step).539 Faute d’une explication plus approfondie de ce « lien de causalité directe » dans l’Interpretive Guidance,540 il faut se référer à l’article de Melzer, auteur principal de l’Interpretive Guidance, pour comprendre que si le CICR considère le recrutement et l’entraînement spécifiquement finalisés à l’exécution d’une « action hostile » comme des actes de participation directe aux hostilités – cet exemple se trouve dans le paragraphe dédié à l’opposition entre lien de causalité directe et lien de causalité indirecte –,541 cela dépend exclusivement du fait qu’il les place dans la catégorie des actes préparatoires faisant « partie intégrante » de l’« action hostile ».542 En effet, aucun des deux actes en question – recrutement et entraînement – ne serait à même à lui seul de causer le dommage requis.

Il est important, par conséquent, de mieux comprendre le rapport entre le critère du « lien de causalité directe » (one causal step) et celui de « partie intégrante » de l’action hostile (integral part), réservé par le CICR aux seules opérations collectives.543 Au regard des explications données par l’auteur de l’Interpretive Guidance, seules les actes ou les opérations remplissant les conditions du « seuil de dommage infligé » en une seule étape le long de la chaîne de causalité (one causal step) peuvent être considérés comme la cause directe de ce dommage ; les autres opérations sont considérées comme des opérations de participation indirecte.544

L’auteur de l’Interpretive Guidance, de manière plutôt tautologique, explique qu’en cas d’opérations collectives causant directement le dommage requis, le critère de la « partie intégrante » considère chaque personne dont la conduite est partie intégrante de cette opération, comme participant directement aux hostilités ; et cela, même si la conduite individuelle n’est pas à même à elle seule de causer directement ce dommage.545

A notre avis, il se pose un problème de cohérence là où le CICR, avec le premier élément constitutif de la notion de participation directe aux hostilités, d’une part, requiert de l’acte spécifique qu’il atteigne le « seuil de dommage

539 ICRC, Interpretive Guidance, pp. 52-53.

540 Ce grief est aussi celui de SCHMITT, M. N., « Deconstructing Direct Participation in Hostilities », p. 727.

541 “[W]here persons are specifically recruited and trained for the execution of a predetermined hostile act can such activities be regarded as an integral part of that act and, therefore, as direct participation in hostilities”. ICRC, Interpretive Guidance, p. 53.

542 MELZER, N., « Keeping the Balance », p. 867.

543 ICRC, Interpretive Guidance, p. 54.

544 MELZER, N., « Keeping the Balance », p. 866.

545 Ibid.

infligé »546 et, d’autre part, accepte que le lien de causalité ne soit rempli que par l’action dans son ensemble, l’acte individuel ayant toutefois besoin de faire partie intégrante de cette dernière.547

M. Schmitt, en revanche, est convaincu que le test de la « partie intégrante » est suffisant, à lui tout seul, pour déterminer le « lien de causalité directe » avec le dommage infligé par un acte individuel ou par une opération collective. Son argumentation est toutefois contradictoire : d’une part, il conçoit difficilement qu’un acte faisant partie intégrante d’une opération correspondant à l’« action hostile » ne puisse causer qu’indirectement le dommage requis, et d’autre part, il est de l’idée que des actes, bien que très éloignés dans la chaîne de causalité, peuvent néanmoins faire partie intégrante de cette opération.548

Il n’en demeure pas moins que, pour M. Schmitt, tout entrainement fonctionnel à l’attentat kamikaze (en général), du fait qu’il s’agit tout de même d’un entraînement pour un type particulier de mission, fait partie intégrante de l’attentat spécifique qui tôt ou tard sera commis. L’instructeur en question, même s’il ignore les circonstances précises de l’attentat, est considéré comme y participant directement.549 De la même manière, les actes d’acquisition du matériel nécessaire pour la construction des engins explosifs improvisés ou pour les ceintures explosives s’apparentent, selon M. Schmitt, à des actes faisant partie intégrante de l’« action hostile ».550

Formellement, rien ne change par rapport à la position du CICR.

M. Schmitt a simplement élargi la notion d’acte préparatoire faisant partie intégrante de l’« action hostile ». Mais concrètement, le risque est de faire rentrer le critère de la conditio sine qua non par la petite porte, tout acte contribuant seulement indirectement à l’« action hostile » pouvant être considéré comme préparatoire, et donc faisant partie intégrante de l’« action hostile ».

Notre position peut être ainsi résumée. Le « lien de causalité directe »551 (one causal step)avec le dommage infligé à la partie au conflit adverse n’est requis, pour qu’il ait participation directe aux hostilités, que pour l’« action

546 “In order to reach the required threshold of harm, a specific act must be likely to adversely affect the military operations or military capacity of a party to an armed conflict or, alternatively, to inflict death, injury or destruction on persons or objects protected against direct attack”. ICRC, Interpretive Guidance, p. 47. Nous soulignons.

547 “In order for the requirement of direct causation to be satisfied, there must be a direct causal link between a specific act and the harm likely to result either from that act, or from a coordinated military operation of which that act constitutes an integral part”. ICRC, Interpretive Guidance, p. 51.

548 SCHMITT, M. N., « Deconstructing Direct Participation in Hostilities », p. 729.

549 Ibid., p. 730.

550 Ibid., p. 729.

551 « ‘Direct’ […] means ‘without intervening condition agency’ ». BOTHE, M. – PARTSCH, K. – SOLF, W. A., New Rules for Victims of the Armed Conflicts, p. 365.

hostile » dans son ensemble.552 L’acte individuel, pour être qualifié d’acte de participation directe aux hostilités, doit faire partie intégrante de l’« action hostile » en question, et ce, dans une opération collective, indépendamment du fait qu’il cause ou non directement le dommage requis. L’exemple des guets durant une embuscade, partie intégrante de l’« action hostile », est une bonne illustration d’actes de participation directe aux hostilités, même à défaut d’un impact immédiat sur la cible de cette action.553 Naturellement, s’il s’agit d’une action individuelle, l’acte, qui par définition fait partie intégrante de celle-ci, doit causer directement (one causal step) le dommage requis pour que l’action qu’il met en œuvre soit considérée comme « hostile ».

Il se pose maintenant la question cruciale de comment circonscrire la portée du critère de « partie intégrante » pour ne pas faire rentrer le critère du sine qua non par la petite porte. Par exemple, pourquoi considérons-nous les guets dans une embuscade du Hamas contre l’armée israélienne comme faisant partie intégrante de l’« action hostile », alors que les personnes du

« réseau iranien » qui en fournissent les armes nécessaires n’en font pas partie ? Pourquoi considérons-nous les agents palestiniens infiltrés des services secrets israéliens comme participant directement aux hostilités, lorsqu’ils indiquent la cible à liquider aux soldats sur leurs hélicoptères peu avant le tir de missile meurtrier, alors que les mêmes agents, se limitant à dresser la liste des personnes à éliminer, n’y participent pas directement ? A défaut d’une interprétation restrictive du critère de « partie intégrante », en effet, les deux exemples que nous avons écartés rentreraient dans la notion de participation directe aux hostilités.

Au vu de ce qui précède, il nous semble possible d’avancer la proposition suivante de lege ferenda, selon laquelle pour faire « partie intégrante » de l’« action hostile », trois éléments doivent être réunis : (1) l’acte doit être commis durant l’accomplissement de l’« action hostile », (2) il doit servir le but spécifique d’infliger le même dommage à la partie adverse que celui poursuivi par l’« action hostile », et (3) il doit être accompli dans la même « dynamique d’opposition entre parties au conflit » (cf. supra, Chapitre 2, § 5.2.1.2). Nous ajouterons, qu’à l’instar de cette dynamique, le but de l’acte considéré comme

« partie intégrante » de l’« action hostile » doit répondre à une condition de nature objective, les intentions subjectives de ses auteurs ne rentrant pas en ligne de compte.

Deux précisions sont à souligner, concernant le lien temporel et géographique entre l’acte faisant « partie intégrante » de l’« action hostile » et l’action elle-même. Primo, pour vérifier la simultanéité requise entre l’acte

552 Rappelons que cette dernière se définit comme tout acte ou opération, émanant d’une partie au conflit, à même de porter une atteinte concrète et directe à l’action militaire de l’ennemi ou une atteinte grave à ses personnes et à ses biens, même s’ils ne contribuent pas à son action militaire.

553 ICRC, Interpretive Guidance, p. 54.

spécifique et l’action dans son ensemble, il faut tenir compte de l’étendue temporelle de l’« action hostile ». Nous faisons référence, en particulier, aux mines, aux pièges et à d’autres engins à retardement.554 En effet, feront partie intégrante de l’« action hostile » tous les actes répondant au « but » et à la

« dynamique d’opposition entre les parties au conflit » qui seront commis durant les différentes phases dont l’« action hostile » se compose, soit les

« actes préparatoires », la « réalisation du dommage » et le « retour » (cf. infra, Chapitre 2, § 5.3.).

On peut donner comme exemple les gestes du civil attirant les soldats ennemis à l’intérieur d’une maison piégée. Ces actes font, en effet, partie intégrante de l’« action hostile » dont le début a coïncidé avec la transformation de l’appartement en piège explosif.

Secundo, la notion de proximité géographique ne rentre aucunement dans les considérations relatives à la définition du critère de la « partie intégrante », à l’instar des « actions hostiles » les plus sophistiquées, mobilisant simultanément sur plusieurs continents informaticiens, espions, experts en aéronautique, etc.555 Par conséquent, si ces acteurs remplissent chacune des trois conditions susmentionnées, ils seront considérés comme participant directement aux hostilités.

Selon notre proposition, si le milicien des Brigades Kassam du Hamas qui appuie sur la gâchette, le qaedien en Iraq qui fait exploser à distance l’engin explosif improvisé ou l’agent du Mossad israélien qui lance le missile sont les agents qui causent directement le dommage requis par l’« action hostile », font également « partie intégrante » de telles « actions hostiles », respectivement, le militant du Hamas qui fait le guet, l’iraquien qui signale le moment exact du passage du convoi ciblé, ainsi que l’agent double palestinien qui indique la chambre où se trouve le milicien du Front populaire de Libération de la Palestine à abattre.556

Par ailleurs, pour reprendre les exemples cités plus haut par le CICR et par M. Schmitt, le recrutement et l’entraînement finalisés spécifiquement à un attentat kamikaze précis, ainsi que l’assemblage des pièces nécessaires à la construction d’un engin explosif improvisé ne rentrent dans la définition d’acte faisant « partie intégrante » de l’« action hostile » que si nous les

554 ICRC, Interpretive Guidance, p. 55.

555 Ibid.

556 Voir l’explication terminologique fournie, en mars-avril 1998, par le Comité préparatoire pour l’établissement d’une Cour pénale internationale, afin préciser le sens de la phrase « recruiting children under the age of recruiting children under the age of fifteen years into armed forces or using them to participate in hostilities » : « The words ‘using’ and ‘participate’ have been adopted in order to cover both direct participation in combat and also active participation in military activities linked to combat such as scouting, spying, sabotage and the use of children as decoys, couriers or at military checkpoints. » LEE, Roy S. (ed.), The International Criminal Court. The Making of the Rome Statute : Issues, Negociations, Results, The Hague, Kliwer Law International, 1999, p. 118.

considérons comme préparatoires à un attentat spécifique. C’est ce que nous allons discuter ci-dessous.

5.3. Les différentes phases de la participation directe aux