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Des femmes seules initiatrices de leur migration et d’autres en couple

Dans le document Médecins là-bas, infirmier-ère-s ici (Page 66-68)

Deux femmes ont initié leur migration, Leila et Fathia. Elles correspondent au profil des femmes migrantes contemporaines qui partent seules souvent ; le profil traditionnel de la femme migrante s’assimilait davantage à celui de « suiveuse » du mari notamment lors des politiques de regroupement familial dans les années 70/80. La féminisation de la migration a été explorée entre autre par Laurence ROULLEAU-BERGER133 ; cet auteure expose que la féminisation est longtemps restée et invisible et minoritaire dans les années 70 et 80. Sur des chiffres de 2009/2010, sur

« (…) environ 220 millions de migrants dans le monde [qui] résideraient dans un pays étranger (…) la moitié serait des femmes puisque (…) 100 millions de femmes quittent chaque année leur pays d’origine134 ».

La féminisation est liée à un contexte d’extension de la mobilité économique et financière.

« Les migrations internationales ne peuvent être pensées aujourd’hui comme dissociées de dynamiques économiques qui signifient la réorganisation spatiale de la division du travail et la mondialisation financière 135».

De ce fait les parcours et biographies cosmopolites des femmes dépendront pour une grande part de leur capital social, spatial et économique et de leur capacité à les mobiliser ; les conditions pour les mobiliser seront liées au contexte plus ou moins porteur d’inégalités sociales, économiques et ethniques et d’espaces sociaux de reconnaissance. Les ressources, dont disposent les femmes médecins de notre étude, sont élevées de par le diplôme supérieur et prestigieux de médecin, des compétences linguistiques et d’un réseau familial ou de d’interconnaissances en France. Le capital économique est peu élevé par contre, car elles sont issues de classe moyenne ou populaire et n’ont pas, pour la majorité d’entre elles, pu engranger des économies en exerçant longtemps en tant que médecins dans le pays d’origine. Leila, comme nous venons de le voir, a émigré suite à une crise existentielle, c’est elle qui a pris la décision ; elle est venue seule, son mari est resté pendant ce temps en Algérie avant de la rejoindre plus tard. Pour elle, la France a représenté un moyen de mettre à distance des espaces porteurs de tensions identitaires et d’expérimenter des façons de vivre libre.

Fathia, célibataire, a émigré seule suite à des déceptions de remplacement en tant que médecin. La France a représenté pour elle le moyen de faire des stages d’approfondissement pour revenir au pays avec davantage d’expérience dans un pays de référence pour la science médicale en Algérie.

133

ROULLEAU-BERGER F.,( 2010)« Migrer au féminin », collection La nature humaine, PUF,

134 Ibid., p7-9 135 Ibid., p11-12

7.2.2 Les autres femmes émigrent en couple ou en famille

Les autres femmes ont émigré de manière plus traditionnelle dans un contexte de couple ou de famille.

C’est un projet de famille qui a présidé à l’émigration d’Hanja et de son mari. Ils travaillaient dans des centres financés par l’Union européenne à Madagascar. Quand le coup d’Etat éclate en 2009, les financements européens sont stoppés. A ce moment-là, le couple et leur fille décident de venir en France. Son mari, marin dans la marine marchande, aurait pu rester à Madagascar et trouver un autre poste, sa situation était moins dépendante du contexte politique. Mais l’instabilité politique de la situation les a décidés à partir.

[1]« (…) Mais le fait que je sois partie en France, ce n’est pas pour faire la spécialisation. Je suis venue ici avec ma famille en 2010. A Madagascar en 2009, il y a eu un coup d’Etat, mon mari et moi nous travaillons dans un centre qui est financé par l’Union Européenne et dès qu’il y a le coup d’Etat là-bas, les financements ont été stoppés. (…) .[2]Son poste n’a pas été touché parce qu’il avait travaillé au centre de surveillance de pêche de Madagascar, c’est financé par l’Union Européenne, ce n’est pas stable, on avait pensé que ce ne serait pas stable vu le coup d’Etat ; et comme il est de nationalité française, nous avons eu l’opportunité de venir ici en France alors nous avons décidé de quitter le pays.».(Hanja, entretien, Temps 1, P42-L27[1] ; P43-L6 [2]).

La famille a la bi nationalité. Ils ont choisi Toulouse car le mari a un réseau familial dans cette ville. Par contre pour le mari, la destination de Toulouse n’est pas favorable car ce n’est pas une ville portuaire ; il a fallu qu’il se déplace à Nantes puis Bordeaux pour faire reconnaitre son diplôme de marin.

« (…) en fait par rapport à son diplôme ce n’est pas encore reconnu par la France, il devrait faire une formation pour être reconnu pour son diplôme. Il avait suivi une formation à Nantes, pour valider son diplôme et après il a eu son fascicule français pour travailler comme marin ici en France, il avait postulé et il a eu son travail à Bordeaux. Il avait travaillé à Bordeaux comme marin. » (Hanja, entretien Temps 1, P45-L21)

Pour Daravanh, tout s’interrompt en 1975, date de la révolution Khmer, les études sont arrêtées, l’apprentissage de la langue française également et la famille est dispersée ; un frère disparait. Daravanh reprend ensuite les études et obtient son diplôme en 1999 ; elle travaille cinq ans en PMI. Elle manifeste ensuite un désir de partir de son pays et de voir ailleurs.

[1]Je n’avais pas trop envie de rester chez nous, j’en avais marre du social, j’avais envie d’aller à l’étranger ; c’était difficile de partir à l’étranger (voix très douce), la cousine de mon futur mari m’a présenté à lui. (…) [2]Il a un diplôme en informatique et un diplôme en œnologie en France, il a dix ans de plus que moi comme mon 2ème frère. (…) [3]Quand je me suis mariée, mon mari vivait en France depuis 1969 en tant qu’étudiant en pharmacie jusqu’en 3ème année, il avait un restaurant puis il fait des études pour être œnologue puis il a à nouveau fait du commerce. Il a créé une usine pour produire les aliments sous vide à C., il n’a pas réussi non plus car c’est très récent le sous vide asiatique ; Il est revenu au Cambodge en 1994, il a revu sa tante qui m’a présentée à lui. ». (Daravanh, entretien Temps 1, P81-L29[1] ; P81- L35[2] ; P82-L6[3]).

La rencontre avec son futur mari a été une opportunité pour elle d’accomplir ce changement de vie. Elle est prête à trouver un travail même si c’est en dehors de la santé. Elle a la nationalité française par filiation avec son mari. Elle a peu de famille de son côté à elle, c’est surtout la famille de son mari qui est établie en France. Elle est arrivée enceinte avec son mari

en France en 1999. Elle a ensuite un autre enfant deux plus tard et travaillera pendant environ huit ans avec son mari dans le commerce.

Nadia, juste à la fin de ses études, se décide à épouser un homme qu’elle connait depuis son enfance. Ils sont issus du même milieu populaire. Leurs familles se connaissent. Par ailleurs si la France avait représenté pour Nadia une opportunité de mobilité professionnelle en séjour « études » avec retour au pays, le mariage précipite la décision d’émigrer. Le mari a la nationalité française et est installé en France avec un de ses frères. Pour lui la France est le pays où il peut gagner sa vie contrairement à l’Algérie. Le choix de son mari prévaut sur le sien.

7.3 Travail aide-soignant, quand le care s’accompagne de vulnérabilisation par

Dans le document Médecins là-bas, infirmier-ère-s ici (Page 66-68)