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Le déroulement des entretiens du temps 2

Dans le document Médecins là-bas, infirmier-ère-s ici (Page 90-92)

Au temps 1, nous avions conduit sept entretiens et avions obtenu de chacun-e leur accord pour un deuxième entretien quelques mois plus tard. Six sur les sept ont répondu présent-e- pour le second temps. La septième personne ne s’est pas du tout manifestée. Daravanh, avait abandonné la formation après le premier stage de cinq semaines. Elle est venue parler de ses projets professionnels.

Les entretiens ont eu lieu comme pour le temps 1 dans notre bureau sur notre lieu professionnel. Ils ont duré moins longtemps, en moyenne d’une heure à une heure trente.

10.1.1 Illusion biographique, distance critique et équilibre des relations

sociales en entretien.

Notre posture de chercheuse n’a pas cessé de nous questionner car nous avons pris conscience après coup qu’il nous était très difficile d’ignorer notre posture de formatrice en soins infirmiers. Par exemple, quand un-e migrant-e se mettait-il/elle-même dans une demande d’aide ou de conseil, très vite nous revêtions nos « défroques professionnelles ». Nous nous retrouvions dans une relation asymétrique où nous occupions une position haute et la personne interviewée une position basse. C’est ce qui doit être questionné également dans la relation soignant-e/soigné-e afin d’éviter les abus de pouvoir au sein de positions sociales déséquilibrées.

« Certaines relations sociales peuvent être qualifiées de relations asymétriques au sens où les termes qui y sont impliqués ne peuvent être permutés sans que leur nature même n’en soit modifiée. Alter ne peut y prendre la place d’ego pour des motifs variables, tenant à la répartition inégale de compétences, de ressources ou d’attributs150. »

L’autre impact est celui sur la distance critique nécessaire à maintenir dans une recherche sociologique. Car comment, si l’on se laisse emporter par l’illusion graphique, ensuite déconstruire, analyser et faire émerger des processus sociaux en lien avec différentes échelles d’analyse ?

P BOURDIEU évoque, dans son article sur l’illusion graphique151, la tentation de celui/celle qui écoute l’autre dans le récit de vie, d’accepter « cette création artificielle de sens152 » au

150 ZACCAI-REYNERS N., « Respect, réciprocité et relations asymétriques. Quelques figures de la relation de

soin », Esprit, 2006/1 Janvier, pp95-108. DOI : 10.3917/espri.0601.0095, http://www.cairn.info/revue-esprit- 2006-1-page-95.htm, consulté le 10/06/2014, p95

151 BOURDIEU P.. « L’illusion graphique », in : Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 62-63, juin 1986.

L’illusion graphique. Pp.69-72. DOI : 10.3406/arss.1986.2317,

http://www.persee.fr*web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1986_num_62_1_2317, consulté le 27/04/2015.

sens où de la reconstruction d’une cohérence biographique en perdant de vue « la question des mécanismes sociaux qui favorisent ou autorisent l’expérience ordinaire de la vie comme unité et comme totalité 153». En même temps la rencontre de l’autre au travers du récit de vie ne peut éviter un partage de quelque chose dans un espace-temps délimité. C’est le temps que prend par la suite le/la chercheur-euse pour rétablir la distance permettant un travail scientifique qui va transformer ce qui s’est passé entre les personnes.

Afin de rétablir de l’équilibre dans les relations d’entretiens, nous avons pour ce temps 2, renvoyé aux médecins la retranscription des récits et leur avons proposé d’apporter des modifications si certains propos n’avaient pas été rapportés de manière sensée pour eux/elles. Cela nous a demandé un travail d’écriture lors de la retranscription que nous n’avions pas réalisé pour le temps 1. Par exemple, nous avons rétabli les négations correctes dans les phrases et revu les phrases de façon à respecter le sens tout en les rendant aisées à la lecture. Clarifier par l’écrit la langue et parole de l’autre pour le/la lecteur/trice et l’ouvrir au regard des intéressé-e-s est une des premières étapes dans la co construction des savoirs d’une recherche émancipatrice. Nous avons été surprises d’un effet auquel nous ne nous attendions pas du tout : celui d’une responsabilisation de notre part dans cet écrit « réfléchi » à l’autre. L’autre surprise a résidé dans les réponses des intéressé-e-s ; tous/toutes n’ont pas répondu, ceux/celles qui l’ont fait, ont soit apporté quelques modifications aux écrits soit exprimé leur déception au renvoi de leurs paroles. Cette dernière réaction nous a interpellées car nous avions essayé d’amoindrir au maximum l’effet « non maitrise de la langue française ».

10.1.2 Le point sur les situations socioprofessionnelles des médecins à six-

neuf mois de la formation infirmière.

Parmi les sept médecins présent-e-s au temps 1, une femme, Leila, diplômée depuis juillet 2014, n’a pas répondu aux sollicitations d’entretien pour le temps 2. Nous n’avons pas eu des ses nouvelles ni par elle ni par ses connaissances du groupe de formation. Une autre, Daravanh, avait abandonné la formation après le premier stage suite à des difficultés importantes de communication et d’intégration dans le milieu professionnel infirmier mais a été d’accord pour participer au temps2. Une autre, Hanja, n’a pas eu le diplôme infirmier en juillet et en novembre et le représente en juillet 2015 ; elle a validé sur le plan théorique les UE mais doit renouveler les périodes de stage afin de valider les éléments de compétences requis pour se présenter au DEI. Les autres, Fathia, Nadia, Mamadou et Mohamed ont été diplômé-e-s en juillet 2014. Nadia et Mohamed travaillent, Nadia dans la clinique où elle était précédemment aide-soignante, Mohamed a changé de région, il s‘est rapproché de sa mère et du reste de sa famille vivant à Marseille et travaille dans une EHPAD154. Mamadou finit une série de deux stages d’approfondissement des soins infirmiers, l’un en clinique, l’autre en EHPAD. Fathia finit son congé maternité et sa reprise du travail qu’elle espère en mars 2015 dépend de l’accueil en crèche de son dernier enfant. Hanja va partir en stage au moment où nous nous voyons.

153 Ibid. p70

En ce qui concerne Daravanh, la question de l’échec taraude toujours le/la formateur-trice. Nous l’aborderons quand nous ferons le point sur les éléments du dispositif pédagogique dans le cadre du rapport de stage.

Nous commencerons par interroger le « travailler ensemble » infirmier-ère/aide-soignant-e tel que l’expérimentent Nadia, Mohamed et Mamadou.

10.2 Questionner le « travailler ensemble » entre infirmier-ère-s et aide-soignant-e-

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