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La famille patrilinéaire taïwanaise

CHAPITRE 1 – CONTEXTUALISER ET APPRÉHENDER L’IMPORTANCE

1.1 CONTEXTUALISER L’IMPORTANCE DE LA BEAUTÉ FÉMININE

1.1.3 La famille patrilinéaire taïwanaise

Largement étudiée par les anthropologues depuis le début du 20e siècle (voir Dos Santos 2006 pour un tour d’horizon substantiel des débats marquant l’anthropologie de la parenté en monde chinois au 20e siècle), la famille chinoise est traditionnellement basée sur l’axe père- fils (voir notamment Hsu 1948 pour une première analyse en termes d’axe père-fils; Chen 2000 : 42 et les travaux de Sangren (notamment 2013) pour une appréhension en termes symboliques du phénomène de ce qu’il nomme une « fantaisie androcentrique »). Bien que

les choses changent et que les filles gardent de plus en plus de liens avec leur famille d’origine29, cet axe père-fils est toujours palpable dans la société taïwanaise. Il s’agit d’une famille patrilinéaire (marquée par l’idéologie de la patriligne, pour reprendre les termes de Sangren 2000) – où la piété filiale30 reste centrale –, exogame et virilocale.

Découlant de la morale confucéenne, la piété filiale peut être très brièvement résumée en l’obéissance, le respect et le support que doivent les enfants à leurs parents vivants et, par la suite, en rituels aux ancêtres après leur mort31, et ce, en échange du don de vie. Les parents s’investissent généralement beaucoup dans leur relation avec leur fils (récemment avec leur fille aussi, mais souvent dans une beaucoup moins grande mesure), par exemple en lui assurant de bonnes études et une situation matérielle confortable jusqu’à ce qu’il ait son propre emploi (bien que des solidarités financières sont communément présentes aussi par la suite). Le retour du balancier a lieu une fois le fils devenu adulte; il aura, lui aussi la responsabilité d’assurer le confort (et aussi, une certaine part d’obéissance) à ses parents. Chao (1983 : 71) résume cette dynamique ainsi : « The parents take great interest in the children throughout their lives, and their children, imbued with the doctrine of filial piety, are constantly reminded of their bounden filial duty towards their parents ». Concrètement, beaucoup d’hommes taiwanais ont un grand attachement à leurs parents, ce qui a une forte influence dans leur choix de vie et dans leur capacité à prendre des décisions pour eux-mêmes sans tenir compte de leurs parents ou, encore plus délicat, qui irait à l’encontre du désir parental32. En effet, la piété filiale implique en théorie de ne rien faire qui va à l’encontre du désir parental : « (a)s long as one has one’s parents, one must ask their advice before any undertaking is attempted, and only act with their approval », nous dit l’enseignement confucéen (Chao 1983 : 80).

29 Ces liens d’attachement ont toujours été présents (voir les travaux de Judd 1989 et 1994), mais prennent

aujourd’hui des formes plus concrètes qui se manifestent, par exemple, par une fréquentation plus assidue de la famille d’origine de la femme que ce qui était de coutume ainsi que par une réciprocité de la part des filles envers leurs parents âgés.

30 La piété filiale est toujours très valorisée dans la société taiwanaise et dire que quelqu’un fait preuve de piété

filiale (孝順, xiaoshun) est généralement jugé très positivement : cela témoigne de sa vertu et de sa moralité.

31 Les autels à la patriligne sont encore très fréquents chez les fils aînés des fratries à Taiwan et divers rituels

les entourent (par ex. : offrandes ponctuelles selon le calendrier lunaire, encens, etc.).

32 Cette dynamique crée inévitablement des tensions dans les couples taiwanais, l’épouse sentant parfois que

Dans ce contexte, les femmes sont le moyen par lequel la lignée se poursuit33 et elles doivent traditionnellement obéissance (三從 sancong) successivement à leur père, à leur époux et à leur fils34. La tradition confucéenne, d’ailleurs targué, entre autres par les féministes taiwanaises (Chang 2009, 2018; Faris 2004), d’être une des sources des inégalités femmes- hommes encore aujourd’hui dans la société taiwanaise, place les femmes dans une position dite complémentaire (互 補 hubu) aux hommes – que l’expression « l’homme domine l’extérieur de la maison et la femme domine l’intérieur » (男 主 外 女 主 內 nanzhuwai, nüzhunei) exprime bien (Farris 2004 : 330).

Les mécanismes de la hiérarchie dans la famille sont la piété filiale et la vénération de l’âge. Cela implique des pratiques attendues. Ces circonstances rendent souvent délicate la relation entre la belle-mère et la belle-fille (voir Baker 1979 : 44 et Gallin 1998, sur la relation belle- fille/belle-mère). Aujourd’hui, les belles-mères ont relativement perdu de leur pouvoir et les couples, s’ils en ont les moyens financiers, choisissent, le plus souvent, de ne pas vivre avec les parents de l’époux35, bien qu’à proximité36 de ces derniers. Cependant, il n’en reste pas moins que les couples doivent, jusqu’à un certain point, tenir compte des parents du mari dans l’organisation du quotidien37, que ce soit pour la garde des petits-enfants par les grands- parents (Yu 2009 : 103), pour dispenser les soins à ces aînés ou tout simplement pour

33 Les études anthropologiques de la famille chinoise ont d’ailleurs longtemps négligé la question des femmes

au profit de l’étude du lignage. Ce n’est finalement qu’à partir des années 1960 que les anthropologues de la parenté élargiront leurs thèmes de recherche pour couvrir la famille, le mariage, les femmes et les questions de genre et l’impact de l’industrialisation sur la famille traditionnelle, pour en nommer quelques-uns avec des recherches basées principalement à Taiwan, mais aussi à Hong-Kong. Les travaux de l’anthropologue américaine Margery Wolf (par exemple, 1968, 1970, 1972, 1975) sont à soulignés puisqu’ils constituent les premières documentations du rôle des femmes dans la famille à Taiwan disponibles en anglais et parce qu’ils décentrent du regard masculin les études jusque-là majoritairement réalisées par des hommes. Son ouvrage The

House of Lim (1968), une ethnographie classique, consacre d’ailleurs cinq chapitres ethnographiques à des

figures féminines.

34 La relation avec le fils est plus complexe. Si elle leur cède le pouvoir familial publiquement, la piété filiale

que le fils doit à sa mère donne à cette dernière un ascendant considérable sur les affaires de la famille, dont elle disposait déjà, dans une moindre mesure, avec son mari.

35 Des féministes comme Hu You-Hui (1995) ont dénoncé dès les années 1990 l’importance de la néolocalité.

En effet, les femmes, en se mariant, se retrouvaient dans une position très désavantageuse, arrivant comme parfaites inconnues et dans une position inférieure dans la famille de leur mari. Plusieurs femmes âgées m’ont confié avoir passé les premiers mois de leur vie de jeune épouse à pleurer en cachette. Des jeunes femmes, pour leur part, ont soutenu que la relation à leur mari avait été bonne jusqu’au mariage; par la suite l’ingérence de la belle-famille avait « gâché » leur liberté et leur bonheur.

36 Voir Biddlecom, Chayovan et Ofstedal (2002), Hermalin et Yang (2004), Lui (2013) et Simon (2003 : 8) sur

la résidence des couples taïwanais.

37 Comme le rapporte Lui (2013 : 6), il peut être intrigant de se pencher sur la manière dont les parents âgés

peuvent compliquer au quotidien les relations maritales de leurs enfants. Mes observations abondent aussi en ce sens.

l’organisation des sorties ou des voyages d’amusement (出去玩 chu qu wan) auxquels il n’est

pas rare que les grands-parents se joignent.

Le mariage, base de la famille à Taïwan, reste très important comme dans beaucoup de sociétés de l’Asie de l’Est et est vu comme un passage encore fortement souhaité, voire obligé, pour un individu38 (voir Jackson, Liu et Woo 2008 : 14, Farris 1994 : 321 et Adrian 2003 : 106, sur l’importance du mariage)39. Le mariage taïwanais est encore un évènement marqué par la famille patrilinéaire, dans son processus comme dans sa réalisation. Le caractère patrilinéaire du mariage peut être saisi en portant une attention aux mots utilisés pour parler du mariage. Ainsi, l’homme dira qu’il a pris épouse ou que sa lignée a « ajouté une femme » (娶太太 qu taitai), alors que la femme dira qu’elle s’est donnée à lui ou qu’elle est soustraite de la lignée

de son propre père (嫁給他 jia gei ta). La femme quitte donc sa famille pour se donner à une

autre famille. Le caractère familial et discriminatoire du mariage pour la femme et sa propre lignée peut se lire dans une expression comme « je prends belle-fille » (我娶媳婦 qu xifu),

prononcé par le père du marié. Le patriarche, lui aussi, « prend » belle-fille. On dira qu’une femme est « jia chu qu » (嫁出去), ce qui se traduit littéralement par « donner en mariage- sortir ». Les enseignements de Mencius souligne ce point: « (a)t the marrying away of a

young woman, her mother admonished her, accompanying her to the door on leaving, and cautioning her with these words: You are going to your new home; you must be respectful;

38 Il faut savoir que puisqu’une femme appartiendra à la lignée de son époux, le fait de ne pas se marier veut

aussi dire qu’elle aura du mal à trouver les ressources et soins nécessaires lors de ses vieux jours (de prime abord, personne ne prendra soin d’elle) et qu’une fois décédée, elle n’aura pas de place sur un autel familial (ce qui est aussi le cas si elle n’a pas eu de fils (Sangren 2013 : 296; voir aussi Wolf 1968 : 74 pour l’exemple de Lim So-an, une femme n’ayant que deux filles, dont l’une adoptée : « (i)f after her death anyone thinks to make an ancestral tablet for her, it will rest uneasily on an altar dominated by other surnames – a meaningless piece of wood, a link without a chain »). Scott Simon (2003 : 95) rapporte avoir vu des tablettes funéraires de filles non mariées dans la cuisine de leurs parents parce que ceux-ci devaient trouver une place pour apaiser ces fantômes et l’autel familial ne convenait pas puisqu’il est le lieu de la lignée patrilinéaire. Le mariage, de préférence avant 30 ans, reste donc important pour beaucoup de femmes et est une partie importante de leur identité.

39 Il faut tout de même souligner qu’il y a plus de femmes célibataires que jamais dans la société taïwanaise.

Mentionnons que plus de 30 % des Taïwanaises âgées entre 30 et 40 ans sont célibataires (Shaw et Lin 2012; Martin et Lewis 2012 : 65; Yu 2009 : 199). Ces femmes sont célibataires par choix ou parce qu’elles ne rencontrent pas l’époux espéré – fortuné et éduqué (Kim 2012 : 6). D’autres femmes ne veulent pas se retrouver dans un foyer où elles seraient une domestique gratuite due à une non-répartition des tâches ménagères (voir Farris 2004 : 359, sur l’inégalité du travail domestique). Mentionnons que beaucoup de femmes ne désirent pas se soumettre à un mariage pour diverses raisons, par exemple le fait qu’elles ne font pas confiance aux hommes taïwanais souvent infidèles, comme le montrent plusieurs témoignages recueillis par Simon (2003). Certaines femmes vont jusqu’à préférer épouser un homme homosexuel qui lui, au moins, ne risquera pas de revenir avec une maîtresse qui désirera un divorce, lui donnera un enfant ou encore, voudra avoir des droits sur les propriétés de l’homme. Plusieurs répondantes, bien que souhaitant se marier ou étant mariées, m’ont fait part de ce type d’inquiétudes.

you must be careful. Do not disobey your husband » (Chao 1983 : 90). Ici, on insiste sur le

fait que la femme quitte sa famille pour en joindre une autre lorsqu’elle se marie et « justifie » parfois que la famille d’origine de la femme se préoccupe peu de sa fille en cas de problèmes (par exemple : la violence conjugale). Tout cela donne un aspect très familial au mariage et encore aujourd’hui, pour beaucoup, il s’agit avant tout de l’union de deux lignées40, ou dans des termes anthropologiquement plus justes, du don de femmes à un autre lignage. L’insistance sur cette proximité relationnelle ainsi que la résidence qui est souvent partagée avec d’autres membres de la famille (le plus souvent les parents du mari) rend difficile l’accès à un espace privé41 autant physique que psychologique.

Malgré certains relents traditionnels, il faut surtout souligner que l’alliance entre un homme et une femme a connu des changements dramatiques au cours du 20e siècle. Ce n’est que récemment que les jeunes taïwanais peuvent se fréquenter relativement librement (自由談戀 愛 ziyou tanlianai)42 et qu’on choisit soi-même, jusqu’à un certain point43, son époux ou son épouse. Le fait d’avoir un emploi rémunéré permet parfois aux jeunes femmes de ne pas vivre dans le giron familial, ce qui leur donne sensiblement plus de liberté; il suffit de penser au choix plus libre lors du mariage, aux relations sexuelles prémaritales44 ou encore à la gestion de leurs propres finances (Chang 1980).

40 Adrian (2004 : 144) souligne : « Marriage – its meaning, purpose, and practice – changed rapidly in post-

war Taiwan such that today there is a wide generation gap (daigou) in views on courtship and matrimony. Parents and grandparents push for an older approach to marriage that is reflected in the wedding rites they organize for their children: marriage is the transfer of a woman from one family to another for the purpose of producing patrilineal heirs and securing a host for the women spirit in death. Through their large, lavish, and loud bridal photographs, the young generation protests their elders’ views on marriage even while they respectfully submit to its logic. »

41 Il est important de retenir ce manque d’espace privé et de distinction claire entre privé et public quant aux

affaires individuelles pour la compréhension du chapitre 3.

42 Adrien (2003 : 88) nous rapporte ceci : « The intergenerational compromise, often unspoken, is that the older

generation will stay out of the younger generation’s business until marriage is likely because the younger generation agrees not to marry without parental approval. The situation is complex: A Confucian-style code of proper conduct between parents and children persists. Individuals often live inside their parents’ homes for nearly three decades. And yet, they enjoy remarkable freedom ».

43 Chun-Feng, une répondante, insista sur le fait qu’ « au début [de la relation], peut-être que l’amour est

important, par exemple, quand on a un copain ou une copine, mais après avec le mariage c’est plus concret et il faut que les deux familles soient d’accord. Moi, si ma famille avait été contre j’aurais laissé faire ». On voit que si Chun-Feng choisit son compagnon, elle croit que les familles respectives ont leur mot à dire lorsqu’il s’agit du mariage ».

44 Il est toutefois à noter que s’il y a une hausse de l’intimité prémaritale, cela n’empêche pas qu’une grande

importance est accordée encore aujourd’hui à la virginité des femmes avant le mariage et à la chasteté après le mariage (voir Farris [2004 : 348] sur ces questions et Farrer 2014), la virginité des femmes est quelque chose à posséder pour les hommes (voir Zheng et Tiessen [2009] sur le concubinage moderne en Chine) et les hommes taiwanais érotisent les jeunes femmes sans expérience.

Dans ce climat de transformations liées à la modernité, on peut comprendre qu’aujourd’hui, les attentes à l’égard du mariage ont beaucoup changé. Si à une époque on se mariait parce que cela faisait partie de l’ordre des choses et qu’on ne choisissait pas son époux (il s’agissait de mariages dont le but était principalement la poursuite de la patriligne (Chu et Yu 2010 : 87), aujourd’hui, les mariages se veulent de plus en plus basés sur les sentiments et sont donc beaucoup plus précaires. L’amour dit « romantique » présenté dans les médias (surtout taïwanais, coréens, chinois, japonais et américains) n’est pas sans influencer les conceptions des sentiments amoureux de la jeune génération. Les femmes attendent souvent beaucoup plus d’investissement émotionnel de la part de leur partenaire (époux) que c’était le cas chez leur grand-mère.

La citation suivante, bien qu’elle concerne le cas japonais, illustre le portrait : « [...] Many of

Japan’s company workers, called "salary-men", are devoted to their jobs apart from their families, whereas today’s well-educated and worldly Japanese women watch Sex and the City and wonder why their husbands are not more intimate and dynamic » (Telegraph 2011,

dans Kim 2012 : 8). Simon (2003 : 81) souligne aussi le fait qu’il y a encore une quarantaine d’années, les femmes attendaient peu en matière de satisfaction et de réalisation émotionnelle dans leurs mariages, alors que ce n’est plus le cas aujourd’hui. Cette implication émotionnelle du mariage amène aussi les femmes à tolérer de moins en moins les infidélités45. Nottons que Taiwan a le plus haut taux de divorce en Asie. Cependant, le divorce est toujours mal vu dans

45 La question du concubinage, ou plutôt de l’infidélité (小三 xiaosan et 外遇 waiyu), est très présente dans la

vie des femmes taïwanaises et s’articule avec le rapport au corps – les hommes cherchent des femmes toujours plus jeunes et jolies. C’est là un aspect central de cette thèse. Il convient donc d’exposer cette problématique à Taïwan puisque cela touche directement la vie des femmes. Bien que le concubinage comme il était pratiqué traditionnellement en Chine, où l’homme avait le droit d’entretenir plusieurs épouses et concubines – l’expression étant cristallisée par « Trois femmes et quatre concubines » (三妻四妾 san qi si qie) (Chang 1999) – est chose du passé, il n’en reste pas moins qu’il en existe une forme moderne (Zheng et Tiessen 2009). Il n’est pas marginal ou rarissime pour un homme taïwanais d’avoir une maîtresse. Les motels, avec leurs chambres parfois thématiques, refuges des amants dans les villes surpeuplées où l’espace individuel privé est rare, attirent rapidement l’œil avec leurs néons aux couleurs criardes. Si l’infidélité masculine est tolérée, l’infidélité féminine, quant à elle, est inacceptable pour la majorité des gens, comme le souligne Simon (2003 : 209). Comme nous l’explique Chang (1999 : 70), « [...] men simply have to bear the humiliation, known

colloquially as "wearing a green hat" (dai lümao). This involves a major loss of face, which in Chinese contexts remains a central personal attribute, and a loss of self-esteem ». C’est ce qu’on nomme à Taïwan le « double

standard » quant à la sexualité : la sexualité masculine est par nature incontrôlable alors que la sexualité féminine doit être contrôlée. Finalement, il est à souligner que Taïwan a le plus haut taux de divorce en Asie et que la cause la plus commune est l’adultère : « [...] Given the long history of concubinage in Chinese society,

it goes without saying which spouse is usually accused of adultery. » (Farris 2004 : 360). Les récits d’hommes

infidèles sont chose commune, mais blessent tout autant les femmes comme on peut le voir dans plusieurs récits rapportés par l’anthropologue Scott Simon (voir 2003 : 73-75 pour un exemple de récit poignant).

la société taïwanaise46, ce qui place les femmes insatisfaites de leurs relations conjugales dans une position très délicate.

Malgré ces changements, l’idéologie traditionnelle de la famille est encore très présente et la division du travail domestique (Yu et Liu 2014) ainsi que la prise de décision sont encore grandement influencées par des valeurs patriarcales confucéennes47, qui impliquent des pratiques attendues, et ce, même chez les jeunes (voir Yu et Liu 2014, sur le sujet du fond toujours traditionnel des familles). Dans ce contexte, le travail domestique est le plus souvent féminin et les femmes ont encore moins d’influence que les hommes dans les décisions financières. Cette section montre que c’est finalement dans des rapports femmes/hommes inégalitaires qu’évoluent les femmes taïwanaises.

Un autre point crucial du mariage à Taïwan sera la conception d’enfants, préférablement un fils (voir Attané 2010, sur les questions démographiques dans le monde chinois et la préférence pour des fils)48 pour la poursuite de la lignée patrilinéaire49. En 2011, Taïwan a atteint le record du plus bas taux de natalité avec 0,9 enfant par femme50. Avec ce chiffre, Taïwan rejoint d’autres pays asiatiques comme la Corée du Sud (1,27 enfant par femme), Singapour (1,2 enfant par femme) ou le Japon (1,26 enfant par femme), dont la situation

46 L’idée générale régnant à Taiwan est que la famille est la base de la société et que si quelqu’un, surtout une

femme, n’est pas capable de maintenir l’harmonie dans sa famille et d’entretenir un mariage (經 營 婚姻