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Chapitre 3 : Description de Healing Our Spirit Worldwide

3.4 Rassemblement Healing Our Spirit Worldwide 2010

3.4.3 Facteurs liés à la participation

En dépit d’une invitation s’adressant à tous les Autochtones du monde, HOSW rassemble donc principalement des Autochtones provenant du Canada, d’Aotearoa/Nouvelle-Zélande, de l’Australie et des États-Unis continentaux : ce sont de ces même pays qu’émergent les premières mobilisations autochtones à grande échelle décrites dans le premier chapitre. Qu’est-ce qui explique cette participation ainsi qu’une plus faible présence d’Autochtones d’autres pays ? Différents facteurs sont nommés dans les rapports d’évaluation du cinquième et du sixième rassemblement ainsi que par Rod Jeffries et Dave Baldridge.

Tel qu’indiqué dans le rapport d’évaluation du cinquième rassemblement (Currie, LaBoucane-Benson et Gibson 2006), la disponibilité, notamment quant au travail, est un des deux principaux obstacles auxquels les participants font face. En effet, plusieurs conférenciers dont la participation est confirmée dans le programme du rassemblement de 2010 ne se présentent pas en fin de compte. C’est le cas notamment de Mick Gooda, anciennement membre de l’IIC et représentant de l’Australie, qui, selon Rod Jeffries, a démissionné de son poste après ce rassemblement parce que son nouveau travail ne lui permettait pas de se libérer pour participer aux rassemblements (Rod Jeffries, entrevue réalisée le 23 juillet 2013).

Le deuxième obstacle principal indiqué dans le rapport d’évaluation du cinquième rassemblement est le coût de la participation aux événements. La capacité financière est par ailleurs ce que Rod Jeffries nomme avec certitude comme facteur expliquant une participation émergeant principalement des 4 pays nommés précédemment. Effectivement, comme Rod Jeffries le souligne, les repas, l’hébergement, le

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transport et l’inscription au rassemblement coûtent cher (entrevue réalisée le 23 juillet 2013). Pour cette raison, selon lui, l’IIC insiste pour que les tarifs d’inscription soient aussi minimaux que possible ; alors que certaines conférences exigent des frais d’inscription de 1000$ à 1500$ par personne, l’IIC propose de garder le prix d’entrée autour de 250 $ pour les rassemblements. En 2010, un prix réduit était offert aux bénévoles en échange d’un nombre minimum d’heures de bénévolat. Un tarif d’inscription hâtive (early bird) était également offert.

Dave Baldridge affirme qu’il est très difficile de s’assurer que les personnes intéressées à prendre part aux rassemblements trouvent une façon de participer qui soit économiquement viable. Il mentionne que les hôtes des rassemblements s’efforcent de rendre disponible ou de révéler aux participants, une variété d’options d’hébergement, comme des campements ou des hôtels, et que des délégations nationales se chargent de négocier des tarifs réduits auprès de compagnies aériennes (Dave Baldridge, entrevue réalisée le 3 juin 2014). L’hôte du rassemblement de 2010, Papa Ola Lokahi, négocie de tels tarifs réduits auprès de compagnies aériennes et d’hôtels. Dave Baldridge estime que les participants autochtones pouvant payer entièrement leur voyage, hébergement et participation aux rassemblements sont peu nombreux. Selon lui, l’appui d’une délégation nationale pouvant négocier un travel package et fournir un soutien financier, est essentiel (Dave Baldridge, entrevue réalisée le 3 juin 2014). Par exemple, NNAPF amorce en 2008 une campagne de financement ambitieuse visant à offrir du financement aux personnes dont la présentation est acceptée dans la programmation du rassemblement à Honolulu. Afin d’amasser des fonds, NNAPF organise notamment des activités le 21 juin, journée nationale des Autochtones au Canada. NNAPF collabore avec d’autres organisations canadiennes dans ces initiatives de financement (NNAPF 2009). Cette organisation canadienne finance aussi la participation d’une délégation de personnes du Pérou, de l’Équateur et du Mexique au rassemblement de 2006 afin d’encourager leur implication au sein du mouvement (NNAPF 2006 : 29).

Rod Jeffries et Dave Baldridge mentionnent tous deux que plusieurs groupes financent leur participation aux rassemblements grâce à des collectes de fonds. Rod Jeffries explique que cela rapproche les personnes :

I think the piece that really needs to be mentioned and talked about is how much work communities put into attending and fundraising. The example I'll give you is this community here. About six months before the Edmonton event, I was coaxed into taking the position of band administrator here. […] And so right away I thought '' well I need to get some of these people involved in terms of Healing Our Spirit Worldwide''. So [there was] a lot of interest right off the bat. And they started fundraising whether it would be doing pancake breakfasts, or having different events that would raise money for them to go. And I believe

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with only six months' time, I think they were 25 that went from this community. But you know the other thing that it did do, it brought people together that hadn't been together before. Because there was a common goal of attending the event. And so following Edmonton they got going themselves to do the fundraising for Hawai'i. And there was a large contingency from this community in Hawai'i as well. I think there had to have been 35-40 (Rod Jeffries, entrevue réalisée le 23 juillet 2013).

Les contraintes financières ne sont pas lourdes que pour les personnes souhaitant prendre part aux rassemblements : elles affectent également leur organisation. En effet, l’organisation de rassemblements exige des sommes d’argent impressionnantes et l’accès à des ressources humaines, matérielles et autres qui ne sont pas accessibles dans tous les pays. Selon Dave Baldridge, il est difficile de trouver des appuis gouvernementaux, financiers ou autres, en Amérique latine. Les gouvernements y appuient peu les organisations autochtones (entrevue réalisée le 3 juin 2014). En contraste, Papa Ola Lokahi obtient pour le rassemblement de 2010 des appuis d’une dizaine de partenaires financiers, dont le gouvernement fédéral des États-Unis, le gouvernement de l’état d’Hawai’i et la ville et le comté d’Honolulu, Hawai’i Medical Services Association (HMSA).

Dave Baldridge insiste d’ailleurs sur l’impact de la relation entre les Autochtones et les gouvernements d’États nations sur la participation au sein d’HOSW : « We found that at least in Central America the governmental structure was oppressive still and the economic situation was so poor that we would have been, in my opinion, unable to generate significant participation from South America, Central American, Africa, Middle East » (entrevue réalisée le 3 juin 2014). La pauvreté et la perception des Autochtones par les non-Autochtones, dans certains pays, limitent selon lui la participation de personnes qui pourraient souhaiter participer au mouvement. Rod Jeffries mentionne quant à lui la difficulté, pour les Autochtones de certains pays, d’obtenir des visas et passeports requis pour se rendre aux rassemblements (entrevue réalisée le 23 juillet 2013). Dave Baldridge estime que les gouvernements du Canada, de l’Australie, des États-Unis et d’Aotearoa/Nouvelle-Zélande sont plus démocratiques et moins répressifs que ceux d’autres régions. Il croit aussi que les sociétés de ces pays sont investies dans des débats sur des questions d’égalité (Dave Baldridge, entrevue réalisée le 3 juin 2014). Le travail accompli dans ces pays dans les communautés autochtones, notamment dans les domaines des dépendances, de la santé et de la guérison, est plus avancé, selon Rod Jeffries (entrevue réalisée le 23 juillet 2013).

Questionné sur les raisons expliquant une participation majoritairement issue du Canada, de l’Australie, d’Aotearoa/Nouvelle-Zélande et des États-Unis, Dave Baldridge affirme: « they share English speaking » (entrevue réalisée le 3 juin 2014). En effet, cette langue coloniale est parlée par la majorité des

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participants, même s’ils parlent également des langues vernaculaires différentes comme le souligne Rod Jeffries (entrevue réalisée le 23 juillet 2013). Lors du rassemblement de 2010, toutes les activités se déroulent en anglais bien que les langues vernaculaires soient utilisées à plusieurs reprises dans des chants, prières, par exemple. Un grand nombre de conférenciers parlent d’abord dans leur langue, parfois pendant plusieurs minutes, et poursuivent ensuite en anglais.

La promotion des rassemblements, décrite à la sous-section 3.3.3, se fait principalement en anglais. Cela explique peut-être la participation très faible d’Autochtones francophones, du Québec ou de Nouvelle- Calédonie, notamment, lors du rassemblement de 2010. D’après Rod Jeffries, en 2006, parce que Santé Canada finance le rassemblement d’Edmonton, la promotion de l’événement doit être offerte dans les deux langues officielles du Canada, l’anglais et le français. Des présentations en français sont alors incluses dans le programme et de la traduction simultanée est offerte aux participants. Ces facteurs favorisent alors une plus grande participation de personnes du Québec, selon lui. Des personnes sont aussi présentes pour traduire de l’anglais vers l’espagnol, et les dépliants promouvant l’événement sont traduits en espagnol (Rod Jeffries, entrevue réalisée le 23 juillet 2013). En 2010, aucune traduction simultanée n’est offerte. Selon Rod Jeffries, ce service coûte très cher, n’est pas accessible partout et ne serait utile qu’à un très petit nombre de personnes (entrevue réalisée le 23 juillet 2013). Le rapport d’activités du rassemblement révèle néanmoins que les participants vivent des difficultés par rapport aux différentes langues vernaculaires et certains affirment qu’une traduction simultanée serait utile (LGT 2012 : 39-51). Un des commentaires indique que l’utilisation de mots vernaculaires, plus précisément de mots māori, rend la compréhension d’une présentation difficile si une traduction de ces mots n’est pas fournie (LGT 2010 : 54).

Enfin, les moyens limités dont disposent l’IIC et les comités locaux pour promouvoir HOSW et les rassemblements, décrits à la sous-section 3.3.3, de même qu’une couverture médiatique assez faible, peuvent aussi influencer la participation aux rassemblements : il est possible que certaines personnes pouvant être intéressées par HOSW en ignorent tout simplement l’existence ou ne puissent pas obtenir les informations nécessaires pour participer aux rassemblements.

Les contraintes décrites ci-dessus reflètent surtout les idées des participants d’HOSW et de membres de l’IIC quant aux éléments pouvant expliquer le profil des participants au sein d’HOSW. Des Autochtones d’autres régions du monde participent au seins d’autres forums et d’événements internationaux et ce en dépit de contraintes linguistiques ou financières ; les données recueillies dans le cadre de la présente recherche ne permettent pas, malheureusement, de jeter plus de lumière sur les raisons qui expliquent

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la faible participation d’Autochtones de région telles que l’Amérique Latine et l’Asie, par exemple. Toutefois, il est également important de noter que la participation à HOSW découle de l’histoire du mouvement. Tel que je l’ai relaté à la sous-section 3.2, des personnes originaires du Canada, d’Aotearoa/Nouvelle-Zélande et de l’Australie ont participé aux discussions ayant mené à la création d’HOSW lors d’une conférence à Berlin en 1990. Ces personnes ont mis à profit leurs propres réseaux de contacts pour impliquer des acteurs de ces pays et des États-Unis d’Amérique.