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Chapitre 4 : Des relations porteuses de guérison

4.5 HOSW, lieu de guérison : ressourcement, célébration et unité

4.5.4 Célébrer

D’autre part, le rassemblement est décrit par les conférenciers et les organisateurs comme un moment de célébration. Cela s’accorde avec la vision d’HOSW décrite dans le covenant :

Celebrating that our Creator has given Indigenous Peoples, who belong to the land and the sea, a unique and rich collection of gifts including mother earth, the sky and water, or families and nations, our culture and wisdom and our own lives;

Recognizing that these gifts rest at the heart of our past, our present and our future; (IIC et Productions 2009)

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En effet, plutôt que de mettre l’emphase sur les expériences négatives et douloureuses vécues par les Autochtones, les participants, les organisateurs et les conférenciers, à travers une attitude positive et solidaire, célèbrent collectivement la résilience et la richesse des cultures autochtones. Tariana Turia s’exprime ainsi : « This is our space to celebrate our uniqueness as indigenous peoples of the world. ». Elle ajoute : « And so I come here today from Aotearoa, in my capacity as the Associate Minister of Health, to congratulate all involved in keeping strong the tradition of healing, the tradition of healing our spirit and your commitment to strengthen the health and wellbeing of indigenous families worldwide » (Tariana Turia, Honolulu, le 8 septembre 2010). Wilton Littlechild, alors co-commissionnaire de la Commission de vérité et réconciliation (CVR) du Canada, remercie quant à lui les organisateurs et les participants du rassemblement : « We want to thank you to bring us together, as in a canoe you said, to connect with one another, and celebrate all the good work being done toward healing ourselves as individuals, families, communities and nations » (Wilton Littlechild, Honolulu, le 7 septembre 2010). En ce sens, les conférenciers félicitent, remercient et célèbrent les personnes impliquées dans HOSW et dans des initiatives liées à la guérison, la santé et au bien-être. Ils encouragent les intervenants, particulièrement, soulignant que leur travail est difficile bien qu’essentiel. Julia A. Davis-Wheeler affirme ainsi :

We all try to help the same people. […]I know how hard it is, and the burnout rate […] You try to help and something always happens. And then you get your feelings hurt because there they are, back out on the weekend. Or you hear, you know how our moccasin telegraph is, “Oh! Did you hear so and so was out and they did this or that”. And then you're going, “All of that talking I did. All of that work I did with them to help them, and they… “. So it's never ending, I guess that's what I'm saying. And it's never ending at whatever level you're working at (Julia A. Davis-Wheeler, Honolulu, le 6 septembre 2010)

Richard Kistabish mentionne, pendant sa conférence en plénière, que ses amis vont se marier pendant le rassemblement : « Today one of my friends is going to get married on the beach, let's go there, and celebrate. This is magnificient » (Richard Kistabish, Honolulu, le 7 septembre 2010). Les participants peuvent donc associer le rassemblement à différentes formes de célébrations s’ils le souhaitent.

Un grand sens d’espoir et d’optimisme est présent dans les discours des conférenciers. Certains d’entre eux discutent de leur propre parcours de guérison et servent ainsi à titre d’exemple vivant de la possibilité

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pour d’autres personnes de se guérir elles aussi63. Selon Rod Jeffries, le parcours de guérison des

participants ajoute à la richesse du rassemblement, et celui-ci contribue en retour au cheminement de guérison de ces personnes (entrevue réalisée le 23 juillet 2013). D’autres conférenciers présentent des projets d’envergure aux orientations diverses et insistent sur l’utilité, l’efficacité et la pertinence de ceux- ci. Plusieurs des conférences analysées dans le cadre de la présente recherche portent sur des réussites (success stories) et contribuent à faire du rassemblement un lieu chargé d’espoir et d’optimisme. Rawiri Paratene parle, par exemple, du pouvoir des gestes de quelques personnes en invoquant l’exemple de son aîné, Hekenukumai (Hector) Busby, qui a mené la construction de Te Aurere, tel que décrit précédemment (voir section 3.4.1) :

What he was talking about, was, to me, that is, was the actions of just a few people […] simple actions of four people that began with a desire, that began with a dream, that began with just the essence of a thought […] And that is how effective the actions of one or just a few people can be. Because the actions of those four peoples have related, in less than forty years later, of a huge international movement, of a movement that's been essential for us re-finding who we are, re-finding our ways and our relationships with the celestial bodies, with the oceans, the clouds, the winds, that community of ocean voyages has grown worldwide (Rawiri Paratene, Honolulu, le 8 septembre 2010).

La présentation de Maree O’Hara et Angela Hampton (Australie), Small Resources Big Outcomes traite également du grand potentiel qui découle des gestes de quelques personnes (Honolulu, le 6 septembre 2010). Elles décrivent le programme de santé des yeux offert par l’Anyinginyi Health Aboriginal Corporation aux communautés aborigènes du Northen Territory d’Australie, une région de 322 524 km2

habité par des groupes qui parlent quelques 16 langues différentes. En 2006, lorsque Maree O’Hara rejoint le programme, les personnes aborigènes de la région n’avaient que très rarement possibilité de rencontrer des optométristes puisque ceux-ci ne s’y rendraient que quelques fois par année (Maree O’Hara et Angela Hampton, Honolulu, le 6 septembre 2010). Les aînés prenaient pour acquis, en vieillissant, qu’ils ne pourraient obtenir de lunettes et perdaient leur indépendance en même temps qu’ils perdaient la vue, principalement en raison de cataractes. Ayant tenté, sans succès, d’obtenir de l’aide d’optométristes pour favoriser la santé des yeux dans les communautés aborigènes du Northen Territory, O’Hara solicita l’appui du International Centre for Eyecare Education (ICEE)64. Cette collaboration permit

63 C’est le cas d’Ethel Lund (Honolulu, le 6 septembre 2010), de Don Seymour (Honolulu, le 7 septembre 2010) et

de Richard Kistabish (Honolulu, le 7 septembre 2010), notamment. Leurs conférences ont été analysées dans le cadre de la recherche et seule celle de Lund n’est pas citée dans ce mémoire.

64 Depuis renommée Brian Holden Vision Institute, cette organisation œuvre depuis une quinzaine d’année à offrir

des programmes favorisant la santé des yeux dans une cinquantaine de pays. Elle est basée à l’Université de New South Wales, en Australie.

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une amélioration drastique du programme, notamment vis-à-vis de l’accès pour les personnes en bénéficiant de lunettes abordables (30$ avec possibilité de payer en plusieurs versements) et de rencontres plus fréquentes avec des optométristes ou des chirurgiens. L’équipe dispose d’un véhicule pour se déplacer sur de grandes distantes, et rencontre les personnes ayant besoin de soins ou de chirurgie dans des endroits hors du commun : des lieux de travail, des écoles, des centre artistiques ou encore devant des maisons privées. Leurs services sont offerts à tous même s’ils s’adressent d’abord et avant tout aux Aborigènes. L’approche mise en avant, basée sur la compassion, le respect envers tous et toutes, l’écoute et le respect des cultures aborigènes, selon O’Hara et Hampton, ont permis au programme de réaliser de grandes choses avec de petits moyens, comme l’indique le titre de leur présentation (Honolulu, le 6 septembre 2010). Par exemple, en offrant ses services dans différentes langues aborigènes, Hampton réussit à mettre les personnes qu’elle rencontre à l’aise et leur fait sentir qu’elles sont respectées.

D’autres conférenciers partagent avec les participants des solutions originales qui valorisent les savoirs et les valeurs des peuples autochtones comme des outils porteurs de guérison65. En ce sens, ce sont les

cultures autochtones elles-mêmes qui sont mises en avant et célébrées lors du rassemblement. Elles sont par ailleurs décrites comme sources des solutions aux problèmes que vivent les peuples autochtones, et donc comme un point de départ important des processus de guérison. Stevenson Kuartei affirme en ce sens : « […] our past has in its ownership some of the answers to the challenges of modernity. […] embedded in the traditions of native and indigenous peoples are the lessons of survivability which they have owned for several centuries » (Stevenson Kuartei, Honolulu, le 6 septembre 2010).

C’est aussi la résilience des peuples autochtones qui est célébrée lors de l’événement. Les conférenciers affirment qu’après des centaines d’années de colonisation et malgré toutes les conséquences néfastes qui en ont découlé, les peuples autochtones existent encore. Bien que blessés (crippled) et brisés, ils survivent, parlent encore leurs langues vernaculaires, sont encore connectés avec leurs ancêtres, leurs territoires ancestraux, etc. Tariana Turia l’exprime clairement : « I said that all of these interventions - and many more - could have decimated the spirit of the indigenous peoples. […] But - despite the

65 Parmi les conférences analysées, celles de Marilyn Janzen (Honolulu, le 7 septembre 2010) ; de Williams Mussell, Gaye Hanson, Terry Adler et Victoria Smye (Honolulu, le 6 septembre 2010) ; de Brenda Manuelito et Carmella Rodrigez (Honolulu, le 7 septembre 2010) ; et de Maree O’Hara et Angela Hampton (Honolulu, le 6 septembre 2010), sont des exemples de présentations sur des projets axés sur des valeurs propres aux peuples auxquels les présentateurs appartiennent.

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inequalities - we survive, and we must cherish, everyday, the resilience and the faith that has enabled our survival » (Honolulu, le 8 septembre 2010). Richard Kistabish abonde en ce sens :

Everything, even our spirit was taken away. We didn't have any contacts anymore with our families, with our brothers and sisters. That was really the dark side of our history. Shawn [Atleo] mentioned a while ago about a dark cloud, but that cloud was invading us, all around us, it was really dark. So, one by one, we became crippled, and also, I call this in French, les grands brûlés de l'âme. The only thing that was left is our soul. But our soul remained intact; our soul remained beautiful, because we have this resilience inside of us that the Creator was given us to survive all the things that happened to us (Richard Kistabish, Honolulu, le 7 septembre 2010).

Les conférenciers célèbrent aussi le fait que les peuples autochtones ont réussi à rassembler leurs forces au sein d’initiatives de renouvellement et de renaissance culturelle et identitaire. Kekuni Blaisdell célèbre ainsi ceux qu’il décrit comme les cousins des Hawaïens, les Māori, dont les efforts pour protéger leur langue ont mené à sa reconnaissance comme langue officielle d’Aotearoa/Nouvelle-Zélande et à son enseignement dans les écoles à travers le pays (Kekuni Blaisdell, Honolulu, le 6 septembre 2010). Leur initiative a ainsi inspiré les Hawaïens à créer des programmes d’enseignement de leurs langues dans les écoles de l’archipel. D’après Tariana Turia, c’est ce désir de célébrer ce qu’ils sont qui, d’abord et avant tout, connecte les peuples autochtones :

Healing Our Spirit reminds us that the connections that bind us as indigenous communities are not indicators of disarray such as the dismal status of our socio-economic positions, our similar experience of introduced diseases, and the enduring impact of colonisation. Our connections come through our commitment and our intention to celebrate our resilience; our tenacity; our cultural integrity; indeed to treasure the very essence of what it is to be indigenous (Tariana Turia, Honolulu, le 8 septembre 2010).

Les propos de cette conférencière permettent ici de faire le lien avec la section suivante, qui porte sur l’émergence chez les participants au rassemblement HOSW de 2010 d’une conscience sur les similitudes qui rassemblent les peuples autochtones. Celle-ci contribue à faire du rassemblement un moment d’unité et de solidarité entre les participants.

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