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1.2. Reprendre le cours de la vie 1 Famille et entourage

1.2.3. La fête des Pères / Mères

À leur manière, les prochaines citations expriment bien la complexité de ces célébrations pour certains professionnels, comment faire bien, comment marquer sa considération sans trop en faire ?

Jusque-là, Richard vit/endure son quotidien sans trop s’interroger. Les moments où il se sent par contre à part sont les fêtes des Mères. Fabriquant ses cadeaux à l’école comme ses autres camarades, les siens sont destinés à sa grand-mère : « Ben là j’étais plus dans la normalité ! Les autres savaient pourquoi ils le faisaient, moi j’étais pas dans la normalité, j’étais pas comme les autres ». Carole en garde elle aussi un très mauvais souvenir : « tu fais pas de cadeau de fête des pères, quoi, tu fais autre chose, je sais pas, tu fais le cadeau de la fête de ceux que tu aimes, ou je sais pas ce que tu fais, mais essaie de penser quand même à l’idée de ce que ça peut renvoyer à cet enfant quoi ! ». Il semble ici que Carole n’ait pas été du tout associé à ce qu’elle souhaitait faire ou ne pas faire.

À l’inverse, pour Élodie, faire comme tous les autres c’est important :

« on avait fait le dessin de notre mère au fusain, ben, elle m’avait dit : tu l’offriras à ton papa, voilà, elle m’adaptait un peu les trucs, elle me disait : est-ce que ça te va si on le fait ? Elle s’assurait que j’y trouve une utilité quand même, mais elle changeait pas tout pour moi et j’aurais pas voulu qu’on change tout pour moi… Au contraire parce que ce serait encore rappeler que : pauvre petite bichette ».

« J’aime qu’on ait de la considération […], mais j’ai pas envie qu’on change les autres, qu’on oblige les autres à faire des trucs, voilà, eux, ils ont leur mère et tant mieux ! Donc, ça m’aurait plus pesé que, au contraire, on dit : bon ben on fait pas de cadeau de fête des Mères, non, j’ai bien envie de faire comme tout le monde, faire des dessins, c’est sympa ! ».

En entretien, une des veuves témoigne que, suite au conseil reçu dans une Maison Verte, son fils fait un cadeau de fête des pères qu’il lui offre et pose à côté du petit autel qu’il lui a consacré. La fête des Mères / Pères renvoie finalement à la tension entre vouloir être normal tout en étant parfois reconnu comme différent des autres. Il semble qu’elle pourrait souvent être atténuée, voire partagée, si on associait l’enfant et son parent restant. L’équilibre et les choix sont difficiles, mais comme l’écrit bien Paola :

« Forcément la fête des Pères fait ressortir cette différence d’être sans papa, tout comme les fêtes de Noel qui n’avaient plus cette atmosphère féérique […] Les fiches de renseignement font mal aussi. En fait tout ce qui renvoie à l’absence de la personne, mais c’est aussi la réalité et ne pas l’affronter serait pour moi comme nier sa mort ».

1.2.4. Les personnes ressources

Lors des ARC, les groupes ont souligné l’importance de la mobilisation possible d’un professionnel (ASS, enseignant, soignant, thérapeute), qui puisse incarner une « figure de soutien », notamment lorsque, comme David, on a perdu ses deux « tendeurs » ou « harnais de sécurité ». Beaucoup ont souligné l’importance de « savoir qu’il y a des gens disponibles si besoin ». Un des groupes précise que « spécialiste psy – ou pas », il faut « verbaliser » et être « écouté » ; donner les moyens à la personne d’exprimer ce qu’elle a besoin d’exprimer, le moyen de « communiquer sa souffrance », que ce soit dans le cadre d’une thérapie, en faisant du « dessin » ou en écrivant une « lettre adressée au défunt ». Aux côtés de la famille et l’école, d’autres personnes et institutions peuvent donc accompagner les orphelins dans ce qu’ils endurent.

Bien qu’on leur ait conseillé généralement d’avoir voir un psychologue, certains interviewés n’ont jamais consulté ou alors n’y sont retourné. Nathalie : « parce qu’on se plaint pas quoi tu vois ? Donc tu vas pas commencer à t’épancher sur tes petits trucs en allant voir un psy quoi, c’est pas un truc qui se fait ! » ;

Mélanie : « J’en ai vu peut-être 5 ou 6 mais pas régulièrement, j’ai pas fait une thérapie (…) Les moyens

financiers, pas la force, pas envie » ; Franck : « Voir un psy n’est pas forcément la solution en soi (…) il faut encore être capable d’y aller ». On n’a jamais proposé à Adrien d’aller voir un thérapeute et ensuite il n’y a

pas pensé ni ressenti le besoin, « parce que j’avais l’impression de bien faire face, et de bien gérer (…) j’étais

plutôt dans l’idée de me dire on passe à autre chose ». Richard lui n’est pas convaincu du tout par le

psychologue qu’il consultera à la naissance de son fils, mais insiste sur la place de son médecin traitant, qui d’ailleurs lui conseille l’hypnothérapie : « Le simple fait de ressortir de cette personne et de se sentir super

bien, comme sur un petit nuage, quelque chose que tu n’as jamais connu. Déjà les larmes aux yeux tellement t’es bien (…) le premier coup c’est énormément perturbant. On se demande qu’est-ce que c’est que ce truc, l’étape de transe, ce n’est pas mal, franchement ça vaut un joint. » Les effets de l’hypnothérapie qu’il suit sont

néanmoins de courte durée puisqu’il sera très atteint par les remarques de proches considérants l’hypnothérapie comme de la charlatanerie et laissant entendre que Richard était quand même un peu idiot d’y croire. Tout est à refaire dans un sens. Tout comme le psychologue, l’hypnothérapeute a donc besoin de l’adhésion du patient (et de ses proches).

Carole est allée voir un psychologue vers ses 9 ans, amenée par sa mère, mais elle « séchait le psy (…) c’est

vrai que je le subissais un peu, donc ça m’a pas aidée du tout ». Par contre, elle y reviendra quand elle deviendra mère et insiste sur l’apport essentiel de la thérapie à son équilibre actuel.

Avant le psychologue, Nicolas a pu compter sur le soutien de son médecin traitant (comme Kévin) et sa kinésithérapeute (ou son ostéopathe comme Évelyne). Le premier le suit étroitement et lui prescrit des antidépresseurs qu’il arrête après quelques mois. Avec sa kinésithérapeute, il soigne ses douleurs physiques. Malgré des réticences, il consulte un psychologue au Centre de Santé du Campus, car il se sent coincé, ça ne va pas. Et ça se passe très bien, même si :

« les premières fois, les 3, 4 premières fois, ça m’a beaucoup… comment dire… ça m’a énervé, déjà… parce qu’il touchait, il s’amusait on va dire à essayer de me faire sortir pour vraiment comprendre d’où ça pouvait venir et en même temps, ça me fatiguait, ça me bouleversait ». Il prend conscience qu’il avait besoin d’un tiers : « j’aurais pas pu prendre conscience tout seul parce que je suis dedans et avoir un avis extérieur […] oui, mes amis, j’en parle, ça me fait du bien, mais c’est pas pareil ».

Bruno

L’année qui suit le décès de sa mère est « fantomatique », mais avec des rendez-vous hebdomadaires avec « la psy ». Ce travail porte ses fruits et se révèle essentiel pour sa vie d’adulte : « je pense que si ça va aussi bien maintenant, c’est clairement grâce à ça, enfin vraiment hein ! Je me rends compte maintenant de ce que ça m’a donné comme outils en fait, pour la vie de tous les jours quoi enfin c’est énorme, énorme, énorme ! ». Il reste surpris lorsqu’un an après, elle lui dit qu’ils n’auront pas besoin de se revoir :

« on s’arrête ? Vous êtes sûr ? Ça va bien ? […] elle m’a dit « Moi j’ai vu arriver un petit garçon qui était toujours renfermé qui était dans son truc, là maintenant tu es quelqu’un qui s’exprime qui.. , voilà qui a perdu sa maman c’est sûr ça va rester, mais.. , mais tu es en train de le gérer […] le décès de ta mère ça fera partie de ta vie il faudra continuer à.. , ben à vivre quoi ».

Sofiane

« je les ai rejetés tout de suite, pour moi j’assimilais vraiment le psychologue avec le fait d’être fou ou d’avoir un problème, j’étais pas fou, et j’avais pas un problème, j’avais pas de problème, le problème il était arrivé, tu vois ce que je veux dire ? c’était inévitable, qu’est-ce qu’il va faire le psy ? Il va m’expliquer que parce que je vais pas bien c’est parce que mon père il est mort ? Tu vois le truc ? j’en reparlais avec une cousine à moi qui est sophrologue (son oncle dit à cette cousine) il a juste besoin d’un truc qui lui apprenne à me détendre, tu vois par exemple la sophrologie tu vois c’est un truc qui m’a intéressé parce que ça se trouve physiquement y a des choses à détendre... physiquement, c’est pas de la psychanalyse, mais parce que le corps à un moment il s’est tendu de truc négatif... et j’ai pas envie d’aller voir un psy, mais attention je peux conseiller à quelqu’un d’aller voir un psy si il ressent le besoin d’aller en voir un, mais moi je t’avouerais que je me sentirai mal avec ça parce que je perdrais cette idée de l’affrontement, de me battre, tout seul. Et est-ce que je me confie à des gens en dehors ? Oui mes potes »

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