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L'expérience du dialogue et de réconciliation nationale ou la force d’un compromis national

Section 1 : Un pôle magnétique continental

A) L'expérience du dialogue et de réconciliation nationale ou la force d’un compromis national

L’élection de Nelson MANDELA à la tête du pays le 27 avril 1994 a été la conséquence de quatre années de dialogue et de négociation entre les deux forces principales, l’ANC (premier parti représentatif de la communauté noire) et le parti national (PN), représentant la minorité blanche au pouvoir. De même, elle a été aussi le fruit d’un compromis entre les aspirations de l’ancien parti au pouvoir et l’ANC. L’audience

1 Les Sud-africains peu qualifiés d’une manière générale sont intolérants envers les étrangers vivant dans leur pays. En mai 2001, le président sud-africain T.MBEKI, a souligné que ses compatriotes devraient se garder de tout acte de xénophobie envers tout immigré africain. Selon lui, il est « fondamentalement érroné et inacceptable » que les Sud-Africains traitent les étrangers qui viennent en Afrique du Sud en tant qu’amis comme s’ils étaient des ennemis. En 1997, la SAHRC a consideré la xénophobie comme la source majeure d’atteinte aux droits de l’homme et à la démocratie en Afrique du Sud. En 1998 (en partenariat avec d’autres agences), elle a lancé un plan public et médiatique de sensibilisation appelé Roll Back Xenophobia (RBX) Campaign, avec le message suivant « L’Afrique du Sud se doit d’envoyer un message fort selon lequel un acte de malveillance irrationnel et les hostilités envers un non national est inacceptable en toutes circonstances. La COSATU (le puissant congrès des syndicats a aussi condamné les actes de xénophobie. Lire J. CRUSH,

«Migration Report 2001», SAMP, 25 septembre 2001.

internationale et l’impact de ce miracle sud-africain sur l’image sud-africaine est ainsi liée à la volonté des partis (1), aux deux thèses en présence (2) et à la résistance face aux forces hostiles à la paix (3).

1) La volonté politiques des partis politiques

La conjoncture internationale, l'effet des sanctions internationales, la violence civile1, le surcoût de l'Apartheid2, la fin de la guerre froide, en l’occurrence ont crée les conditions propices d'un changement de régime par la négociation. L'initiative MANDELA-DE KLERK de février 1990 a constitué en effet le point de départ des négociations qui aboutiront au démantèlement de l'Apartheid3.

N. MANDELA et F.W. DE KLERK sont les symboles visibles de l'amorce du changement, le dernier s’illustrant particulièrement par son plan de cinq ans. En effet, les élections législatives du 6 septembre 1989 sur la politique de changement, avaient donné la majorité aux forces qui s'étaient clairement engagées pour la répudiation de l'apartheid et ont donné la signal politique de la volonté d'un changement. Le Parti National et le Parti Démocrate avaient en effet voté en faveur du changement à 69% contre 31% pour le Parti Conservateur, soit 54% des votes Afrikaners et 92% des votes anglophones4. Conséquence directe, la libération le 15 octobre 1989 de Walter SISULU, la loi sur le Group Area Act, la légalisation le 02 février 19905 de l'ANC et du Congrès Panafricain (PAC), interdits depuis 1960, et la libération le 11 février de la même année de Nelson MANDELA, ont été les garanties gouvernementales d'un climat propice aux négociations. Cette libération, véritable condition d'un dialogue constructif et des négociations, a été le début du processus de démocratisation du pays.6

1 Le pays détient un des forts taux de criminalité au monde. Se référer à l’introduction.

2 La gestion administrative de la ségrégation raciale aurait pesé à elle seule près de 4% du P.I.B, et a fortement entravé le développement du pays soumis, depuis les années 1980, aux contraintes d'un système mondial ouvert et concurrentiel. Information tirée de Jacques RIGAUX et Elisabeth SANDOR, Le démantèlement de l'apartheid, L'harmattan, Paris,1992, p. 184. Et aussi Raphaël PORTEILLA, La démocratisation en Afrique du Sud :aspects constitutionnels et politiques, cours de DEA. de droit constitutionnel sud-africain, université de Reims Champagne-Ardenne (France)1999-2000.

3 Cette initiative est la conséquence de tractations (qualifiées de phase préparatoire) entre les deux hommes. Elle qui s'étala de l'été 1989 au mois de février 1990 avec la libération de Nelson MANDELA. Sur le processus lire, Michel KLEIN, op.cit., p. 111-165.

4 Jean Claude BARBIER, L'Afrique du Sud après l'apartheid, Kimé, Paris,1991, p. 170. Et aussi Nadège DAMOISEAU, Apartheid et démocratie en Afrique du Sud : Evolution de la politique gouvernementale de 1989 à nos jours, Thèse de doctorat de l'Université de Reims, 1995, p. 151-188.

5 Discours de F.W DE KLERK devant le parlement blanc, le dernier en Afrique du Sud.

6 Néanmoins, au début de l'année 1989, le leader noir avait écrit à P.W BOTHA affirmant l'urgence d'une rencontre pour une négociation politique réelle, face à la dégradation du pays par la violence, et se présentait déjà comme le médiateur qui se fixait la tâche limitée d'amener les deux protagonistes (ANC et gouvernement) à

Ce sont les accords du 2 mai et du 6 août 1990 qui ont marqué les premiers pas vers les négociations officielles. La rencontre du 2 mai 1990 esquissa le dessein d'une voie de paix et de compromis. A cet égard, Nelson MANDELA, à l'issue de ce premier round insista sur le fait que pour lui il s'agissait de la «réalisation d'un rêve». Cet accord dit de Groote Schuur1 portait sur des mesures en cinq points parmi lesquelles l'amnistie temporaire pour le retour des exilés politiques et l'établissement de canaux de communication entre l'ANC et le gouvernement, lesqueles ont en effet mis en orbite la voie vers le démantèlement institutionnel de l’ancien régime 2.

La rencontre du 6 août 1990, à bien y voir, a porté essentiellement sur la réévaluation de la lutte armée. En effet, l'enjeu et les débats au sein de l'ANC était la transformation nécessaire de la lutte armée à un parti de gouvernement. Le succès des discussions a aboutit à une décision en neuf points, satisfaisant l'essentiel des demandes des deux parties, parmi lesquelles la suspension par l'ANC de la lutte, la libération de quinze prisonniers et le retour de deux mille exilés, propices à l’élaboration d’une nouvelle Constitution.

2)Les conditions objectives d’une nouvelle constitution : La charte pour la liberté de l'ANC et le manifeste du Parti National

La « charte de la liberté » qui a été adoptée en 1955 par le Congrès du peuple à Kliptown près de Johannesburg, était le premier énoncé systématique dans l'histoire du pays d'une vision politique et constitutionnelle pour une Afrique du Sud libre, démocratique et non raciale. Elle reste à ce jour le seul document en Afrique du Sud correspondant aux principes démocratiques tels qu'ils sont acceptés dans le monde, et est de loin le programme le plus largement accepté par les Sud-africains depuis 1994. Dans ces grandes lignes, il est question de créer une société juste et démocratique qui supprimera l'héritage séculaire de la conquête coloniale et de la domination blanche et abolira l'oppression et la discrimination raciale.

Le manifeste du Parti National (1991), projet du gouvernement blanc, souscrivait à la participation, par un système politique libre et démocratique ; au progrès, par un système social équitable, à la prospétité, par un système économique libre et équitable, à la paix, par la sécurité et la liberté pour tous. Les facteurs facilitant la naissance de la Constitution ont été le

la table des négociations. J.C. BARBIER, ibid., p. 169-170.

1 D'après le nom du siège au Cap du gouvernement.

2 N. DAMOISEAU, Apartheid et démocratie……, op.cit., p. 165 ; J.C. BARBIER, ibid., p. 172-173.

Multiparty Negociation Process (MPNP), mais ce et cela est inédit, l’alliance face à la violence organisée par les forces hostiles à la paix.

3) L’alliance face aux forces hostiles à la paix

Les négociations se sont appuyées sur plusieurs organes originaux, parmi lesquels la Convention sud-africaine pour une Afrique du Sud démocratique (CODESA), créé les 20 et 21 décembre 1991. Composée de trois délégués et de dix neuf partis politiques, son but était de créer un climat propice à la liberté d'action politique, aux principes constitutionnels, à la définition de structures de travail, à l'avenir des Etats TVBC1, ainsi que les limites dans le temps des modalités d'application de ses décisions. Les autres organes ont été le Conseil exécutif de transition. (CET), mis en place le 7 décembre 1993, la Commission électorale indépendante et enfin la Commission indépendante des médias.

La période de transition a été marquée par une situation sociale caratérisée par la violence2provoquée par les forces hostiles à la paix des deux cotés. Ces forces étaient constituées de partisans des partis politiques tels que l'Inkhata (vigilantes pro inkhata), la police sud-africaine (SAP), et l'ANC dont les actes de violences étaient moindres par rapport aux deux autres protagonistes.

Au lieu de remettre en cause ou de freiner le processus en marche, ces actes de déstabilisation ont au contraire renforcé la conviction des deux parties en présence d'une sainte alliance dont les acteurs ont été Rolf MEYER, ministre du Développement constitutionnel et Cyril RAMAPHOSA, secrétaire général de l'ANC. Si l'expérience sud-africaine témoigne de l'efficacité du dialogue et de la négociation par la volonté des parties en conflit (ou en présence), c'est le gouvernement d'unité nationale qui a été le fruit des négociations.

La nouvelle Constitution provisoire du 22 décembre 1993, a scélé la fin institutionnelle du régime d'Apartheid et la promotion des valeurs universellement, reconnues dont la démocratie. Les principes affirmés ont été l’'existence d'une société démocratique,

1 De 1976 à 1981, quatre bantoustans accèdent au statut d'indépendance pour former les TVBC. Par ordre chronologique le Trankei en 1976, le Bophuthatswana en 1977, le Venda en 1979 et le Ciskei en 1981. Voir à cet égard Raphaël PORTEILLA, thèse de doctorat, op.cit., p. 324-405.

2 Entre 1990 et 1992, 260 personnes sont mortes assassinées par mois. N.DAMOISEAU, op.cit., chap. 5, p.190-238.

anti-raciste, une citoyenneté commune, l'affirmation des droits fondamentaux et enfin une assemblée constituante1.

Les résultats des élections d'avril 1994 ont confirmé l'ANC comme le premier parti politique du pays avec 63% des suffrages, devant le parti national 20%, et plus loin l'Inkhata Freedom Party (IFP), 5%. Le 10 mai 1994, Nelson MANDELA devint officiellement le premier Président de la RSA démocratique.

Le GNU était formé des principaux partis politiques, à savoir, l’ANC, le parti national2et l’IFP. La composition du Cabinet refléta de ce fait les forces en présence, avec deux équipes, l’une nationale et l’autre régionale. L’équipe nationale, composée de 27 ministères comprenant 17 membres de l’ANC, 6 du NP et 3 de L’IFP.

La constitution définitive de 1996, qui a été signée par MANDELA le 10 décembre et promulguée le 18 du même mois, est entrée en vigueur le 4 février 1997, fondant les principes du nouveau système, et du réceptacle des attentes de la communauté internationale.

B) Le réceptacle des attentes de la communauté internationale : entre prudence