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Section 2 : les think tanks au centre du débat public

A) Des institutions aux prises avec la réalité

Ces organismes sont aux prises avec la réalité puisqu’elles se distinguent par leur caractère multiforme, en ce sens que les composantes du débat public sont représentées.

L'économie, la sécurité, les droits de l'homme, l'immigration, la politique internationale, sont en effet les pendants de ces entités. Bien que certains think tank soient dirigés par des anciens hauts fonctionnaires (du DFA par exemple en ce qui concerne la SAF), et aient un statut

1 Joel BOURDIN, op.cit.

spécial, l’AISA en l’occurrence, il s'en dégage une certaine autonomie et un caractère non partisan assez marqué. Enfin, leur autonomie financière doublée d'un financement presque exclusivement international, est un gage de démocratie et d'indépendance1.

Les éléments constitutifs des centres de pensée sud-africains sont le propre de tous les centres de pensée. Si l’ambivalence entre leur force et leur faiblesse est gommée par l’appel au débat national, force est de constater que l’incertitude règne sur leur influence dans les décisions du gouvernement sud-africain. Si la SAIIA a les honneurs du gouvernement, celui du DFA, de même que l’AISA, les autres n’ont que très peu reçu officiellement les gages de son soutien. Ainsi, la voie que s’ouvre aux think tanks est celle du débat public, aux prises pour sûr avec les sujets nationaux et internationaux. De même, la mobilisation générale à une coordination nationale sur la RSA post-apartheid, qui peut s’analyser en une caution de l’action gouvernementale. Protection de la politique gouvernementale, de leur activité, ou protection des intérêts sud-africains ou africains, la question est récurrente, et toute réponse difficile à formuler2.

Le caractère ambivalent de ces structures nationales, qui représentent la société civile peut expliquer l’incertitude de leur poids dans la prise de décision des hommes politiques, avec un bémol pour le GFA de la SAF dont les dispositions, à bien y voir, allaient dans la ligne droite du GEAR. La spécialisation des think tanks est une donnée significative, dans La mesure où, compte tenu de la multiplicité des enjeux nationaux et internationaux auxquels fait face le pays depuis 1994, elle peut, à long terme, répondre à l’appel à la mobilisation générale lancée par le gouvernement, par le biais du DFA. La réponse à cet appel, dans le cadre particulier de la RSA, se doit d’être en terme de débat non seulement pour expliquer la politique étrangère du pays, mais aussi pour en soulever les ambiguités.

Compte tenu de la configuration socio-économique régionale, un glissement vers des débats sur les enjeux régionaux est en mesure de constituer un socle durable de l’action des think tanks. En effet, l'adaptation, tout comme celle de l'Etat sud-africain, de ces reservoirs de pensée au nouveau contexte régional et international, est une réalité.

D'une audience faible internationale, masquée pendant l'Apartheid, ces entités ont fait irruption sur la scène régionale. La démocratisation de la RSA a ainsi ouvert une brèche dans laquelle se sont engouffrés ces ONG. De plus, à l'instar de l'AISA qui bénéficie de l’onction et du financement gouvernementaux et de la SAIIA dont le ministre des Affaires étrangères est

1 L'AISA peut faire figure d'exception puisque c'est le département des Arts et de la Culture qui le finance.

2 L’institut Africain d’Afrique du Sud, a vivement critiqué le durcissement de l’entrée et du séjour des étrangers africains sur le territoire sud-africain instauré par la loi sur l’immigration de 2002 (Immigraton Act de 2002).

le président honorifique, ces entités bénéficient aujourd'hui d'un contexte favorable à l'expression de leurs actions.

De plus, leur caractère non lucratif doublé d'un financement national et surtout international1, illustre la place non négligeable qu'occupent les ONG sur la scène régionale et continentale. Enfin, le dernier élément non moins évocateur est l'orientation de activités vers les défis actuels. La pauvreté, la paix, sa consolidation, la sécurité, d'une manière générale les défis régionaux de l'Afrique Australe, sont en effet les principaux domaines d'activités de ces entités. A cet égard, force est de constater que ces activités diffèrent très peu des priorités régionales de la RSA.

B) Un rôle à jouer sur le plan de la sécurité régionale : la coopération institutionnelle En effet, les financements étrangers, la complexité des relations de la RSA avec ses voisins régionaux, ainsi que la nature différente des enjeux régionaux (sida, sous-développement, querelles étatiques, restauration de la paix, amènent à repenser la place et le rôle des think tank.

Par ailleurs, la faiblesse financière des ces centres de pensée laisse libre court à cette immixtion dans les affaires régionales (L'ISS travaille déjà en relation avec l'UA dans la gestion des conflits). Faiblesse financière qui s'avère somme toute normale, puisqu'elles sont financées par des contributions volontaires. Des lors, l'existence d'un réseau entre les ONG du continent, indispensable bien que déjà réel, doit s'intensifier. En effet, l'ISS est impliqué dans la coopération institutionnelle, à travers des liens avec plusieurs organisations civiles sud africaines2.

A cet égard, les activités de ces think tanks sont en nette amélioration, et le secteur de la sécurité, fer de lance de l'ISS, reste primordial. Au-delà d'une forte production de travaux de recherches empirique, des séminaires et conférences3, les ateliers constituent en effet le mode d'action ayant un impact direct sur la société civile et sur les institutions. A cet égard, la SAIIA et surtout l'ISS ont parmi les priorités de leur action le contrôle et l'éradication des armes à feu.

1 La variété des donnateurs de l'ISS l'atteste.

2 Voir supra, p.60.

3 On note à cet égard un choix marqué pour des séminaires et des conférences aussi bien en Afrique du Sud que sur le continent africain, moyen d'action et de débat le plus approprié eut égard aux moyens financiers et logistiques de ces ONG. Les thèmes de ces réunions, à bien y voir, qui ont pour objet la sécurité et la paix, sont variés et se concentrent surtout sur la violence domestique, les armes à feu, le trafic humain, pour ne citer que ces exemples. Pour plus d'information, voir le site de l'ISS www.iss.org.za , (en anglais).

Une attention particulière mérite d'être faite sur l'atelier organisé par l'ISS du 15 au 17 mars 2004 à Johannesburg sur le trafic illégal des armes en Afrique australe. Cette réunion avait un caractère international puisque étaient présents les représentants des pays d'Afrique australe, d'Europe et d'Amérique du Nord, des Nations Unies, et le secrétariat de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) et des ONG d'Afrique du Sud.

L'objectif de cette réunion était une prise de conscience des effets néfastes du trafic d'armes, la mise en lumière de la situation interétatique en Afrique australe et les solutions apportées et à apporter sur la plan régional, continental et international.

L'atelier s'est déroulé dans le contexte des débats sur le Programme des Nations Unies sur le combat, la prévention et l'éradication du trafic illégal des armes légères dans tous ses aspects, sur le protocole de la SADC sur le trafic, la fabrication et l'utilisation des armes légères, ainsi que sur les aspects généraux qui affectent l'Afrique toute entière.1

Une prise de conscience internationale du danger de ce fléau qui affecte surtout les pays les plus pauvres de la planète en proie à une guerre civile sans fin et dont l'Afrique et l'Afrique australe en particulier fait partie2.

La portée de ce type d’ateliers, de même que leur impact sur la prise de conscience internationale et surtout la validité et la pertinence des décisions prises, amènent quelques interrogations. A ce titre, plusieurs décisions et recommandations émanèrent de l'atelier de Johannesburg, notamment un cadre législatif pour la régulation des armes, par l'adaptation ou la création des législations nationales à ces défis, le développement d'un critère de contrôle et de licence de la dissémination des armes sur le modèle de l'Organisation des Etats Américains (OEA), l'immatriculation des courtiers par une autorité nationale désignée, la mise en place des lois et règlements, pour ne citer que ces décisions.

Une note d'optimisme est à mettre à jour puisque de par leur statut, les ONG se caractérisent par leur neutralité, leur propension pour les droits de l'homme et aussi et surtout par leur mise à l'écart des querelles et ambitions étatiques à tous les niveaux, et enfin par le caractère international de leurs donateurs3. Ainsi, une meilleure audience internationale, un

1 Sur le plan international, un mémorandum sur la poursuite d'une approche commune existe en vue de la régulation de la dissémination des armes légères. L'Assemblée générale des Nations Unies, en décembre 2003, a adopté la résolution 58/241 sur les armes légères, qui donne mandat à l'ONU pour tenir des consultations avec les pays membres, les organisations régionales et sous-régionales concernées, les agences internationales et les experts, dans le but d'améliorer la coopération internationale afin de prévenir, combattre et éradiquer la dissémination illégale des petites armes et armes légères.

2 Le difficile retour de la paix en Angola l'atteste.

3 Les ONG sud-africaines et celles installées en Afrique du Sud ont ceci de particulier qu'il y une forte tradition nordique, illustrée par leurs donations, et aussi par la participation des Etats aux programmes, séminaires, ainsi qu'aux initiatives internationales comme celles de la Norvège et des Pays-Bas, en vue de mettre en place un soutien international des efforts nationaux et régionaux pour réguler la dissémination des armes. La tradition de paix et des droits de l'homme de ces Etats Nordiques sont à cet égard à mettre en valeur.

soutien des Nations Unies, des ONG, et de tous les acteurs de la scène internationale, peuvent impulser une nouvelle dynamique de prise de conscience et surtout d'action.

Il se préfigure ainsi la sécurité régionale comme fer de lance du rôle de la société civile. Le domaine de la sécurité, d'une manière générale et en Afrique australe en particulier, a toujours mis en jeu plusieurs acteurs. Les Etats, les Organisations internationales et la société civile, ont en effet été impliqués dans la résolution des conflits. Le maintien de la paix, le retour à une vie normale des populations civiles mutilées, nous amène à considérer la société civile comme un palliatif aux querelles interétatiques empêchant une action de paix dont la noblesse n'est plus à démontrer. Dès lors, le caractère régional de leur action, qui a été rendue nécessaire par la faiblesse des moyens dont ils disposent, et aussi de par l'existence d'autres organismes privés dont l'action dans le domaine de la sécurité est non négligeable.

Au sein de la SADC, existent en effet plusieurs ONG dont l'action dans le domaine de la paix et la sécurité est primordiale. A cet égard, nous pouvons citer au Zimbabwe la Régional Peace keeping Training Center (RPTC). Le Centre régional de formation au maintien de la paix, la spécialisation en gestion des conflits des ONG au Mozambique (exemple le centre des études internationales: Center for International Studies): CIS ; le Centre des études stratégiques, Center for Stratégies Studies: CST en Angola, la Fondation Mwalimu NYERERE pour la Tanzanie, en l’occurrence. La création d'un réseau entre ces ONG s'avère de ce fait somme toute logique pour une meilleure efficacité d’action1.

Ainsi, tous ces éléments amènent à cette redéfinition et à une adaptation de ces ONG aux enjeux et défis régionaux. A cet égard, les ateliers sur la gestion des conflits organisés par la SADC, illustrent non seulement la pérennité de ce type d'action, mais aussi et surtout l'importance de l'aspect régional de l'action des ONG. Les 14 et 15 juin 2004, l'ISS a en effet accueilli un atelier sur la société civile organisé par la SADC sur la paix et la sécurité dans huit pays de la région2.

L'onction donnée par la SADC marque ainsi l'intérêt porté par les société civiles dans la gestion de la paix et de la sécurité sous-régionale, dont le climat politique ambiant, synonyme de liberté et de la mise en avant de toutes les forces vives augure d’un contexte favorable Ce cadre institutionnel marque ainsi une reconnaissance légale et officielle de la société civile.

1 En RSA existent d'autre centres de recherche spécialisés dans la sécurité et la gestion des conflits comme le Centre de résolution des conflits (CCR) basé à Durban, à domination blanche, le Centre africain pour la résolution constructive des conflits (ACCORD), le Quaker Peace Center (QPC), et enfin la MTP, (Mediation and Transformation Practice), basée à Cape Town.

2 Etaient présents les représentants des ONG des pays suivants: La Tanzanie, le Mozambique, l'Angola, le Zimbabwe, le Lesotho, la Zambie, la RSA (l'Institut Africain) et l'Ile Maurice.

L'adaptation et la structure de l'Etat sud-africain vont dès lors de pair avec celles des principaux acteurs de la politique étrangère que sont le cabinet, le Parlement et la société civile, incarnée par les think tanks. La forte centralisation du pouvoirs aux mains de l'ANC, masque mal la nature démocratique du système et les ambitions des autres, les centres de pensée en l’occurrence qui, malgré le peu de moyens financiers dont ils disposent et la forte audience, ont un rôle à jouer en qualité de vecteurs du débat national de la politique étrangère sud-africaine.

L’interaction entre le DFA et les autres acteurs de la vie socio-poltique sud–africaine, la mobilisation générale pour les enjeux nationaux et internationaux, s’opèrent dans un contexte d’attractibilité du pays. La nation pays arc en ciel a ceci de particulier qu’elle est le creuset multidimentionnel des facteurs tant internes qu'externes1 qui doivent être pris en compte par chaque homme d'Etat. A plus forte raison, la RSA, qui est à la croisée des chemins parce que baignant dans un océan de complexité, mérite un regard plus scruteur. Ce pays dual, donne libre cours aux aspirations tant internes qu'externes indispensables à la prise de décision des décideurs politiques, lesquels se traduisent par un creuset sociopolitique dont l’ambiguité est de mise, sur laquelle se greffe des principes directeurs que sont la Renaissance africaine et le NEPAD.

1 Liens entre la politique interne et la politique étrangère.

Titre 2: Le creuset sociopolitique en mutation, la Renaissance africaine (RA) et le