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Le chantre du socle économique sociolibéral des relations entre l’Etat et la société sud-africaine

Paragraphe 2: Un nationaliste africain dans un paradigme économique néolibéral

B) Le chantre de la notion libérale de l’Etat démocratique

2) Le chantre du socle économique sociolibéral des relations entre l’Etat et la société sud-africaine

L’adoption des politiques économiques qui s’alignent sur la logique capitaliste, peut être analysée sous le prisme de la démocratie capitaliste. La démocratie, l’institutionalisation des droits de l’homme, le système capitaliste font que, selon D. McKINLEY « l’ANC est devenu l’exemple même de la démocratie libérale en Afrique du Sud et dans le continent africain »1. La légalisation de l’ANC en 1990 et le débat sur sa politique économique et sociale illustrent la complexité idéologique du mouvement et surtout de ses dirigeants, N.

MANDELA et T. .MBEKI, représentants du consensus préservant l’autorité du chef.

A son retour de Davos (Suisse) en 1992, suite au forum économique mondial, N.

MANDELA affirma que « nous avons remarqué l’hostilité et les inquétu des des hommes d’affaires vis-à-vis des nationalisations, et nous ne pouvons ignorer leurs points de vue….

Nous sommes conscients du fait que si nous ne pouvons pas coopérer avec le marché, nous ne pourrons reussir à générer la croissance »2.

En 1989 déjà, dans son mémorandum de mars adressé à P. W. BOTHA, N.

MANDELA confirmait son discours de Rivonia sur «la necessité d’une forme de socialisme permettant à notre peuple de rattraper les pays avancés du monde et de surmonter leur héritage de la pauvreté»3. En 1994 enfin, aux Etats-Unis, lors d’un discous au Congrès, en date du 6 octobre, N. MANDELA ne fut pas loin d’affirmer que le capitalisme est « l’elixir magique » qui apportera à tous la liberté et l’égalité4.

Ces propos tracent la voie d’un mélange de capitalisme et de socialisme à la sud-Africaine, leitmotiv de l’utilisation du modèle économique dominant pour sortir La majorité des Sud-Africains de la pauvreté. Ils sont aussi l’illustration de la volonté pour le leader d’user de son prestige, par le consensus tribal, la position la mieux à même d’éviter la division. Le système capitaliste est devenu le lieu de rassemblement de la tribu globale.

1 Dale McKINLEY, Democracy, Power and Patronage : debate and opposition within the ANC and the tripartite allliance Since 1994 : document présenté à la conférence sur l’opposition de la nouvelle démocratie en Afrique du Sud, 28-30 juin 2000, Kariega Park, Eastern Cape, RSA.

2 « We have observed the hostility and concern of businessmen towards nationalisation, and we can’t ignore their perceptions….We are well aware that if you cannot co-operate with business, you cannot succed generating growth”. Cité par P. WALDMEIR, op.cit., p. 256.

3 « The need for some form of socialism to enable our people to catch up with the advanced countries of the world and overcome their legacy of poverty”. Cité par S. JOHN et S. DAVIS., op .cit., p.223.

4 N. MANDELA, Invest in peace : addresses to the UN General Assembly and the joint House of the Congress of the USA, SA Communication Services, Pretoria, 1994.

Mieux encore, à Singapour, en mars 1997, il affirma que la RSA n’était « ni socialiste ni capitaliste, mais guidée par la volonté d’améliorer le niveau de vie de notre peuple »1.

La présidence de T. MBEKI suit cette logique de conception libérale des relations entre l’Etat post-Apartheid et la société sud-africaine. Selon Krista JOHNSON, la génération du président et ses alliés au sein de l’ANC dont la majorité était compsée d’exilés et formés à l’école de Lénine à Moscou, donne la primeur au rôle du Parti dominant et aux intellectuels révolutionnaires. Ces derniers estiment que la réorganisation des relations entre l’Etat et la société sur la base libérale est compatible, leur perception des rapports avec cette société et la primauté du leadership sur l’action de masse2.

Si cette prégnance idéologique est le fruit des années de lutte, elle est aussi la conséquence de la volonté politique de faire face aux dissensions par un consenssus imposé.

Le président T. MBEKI milite en faveur d’une approche technocratique de la gouvernance qui base l’élaboration de la décision sur des évaluations des « facteurs subjectifs et objectifs de l’environnement national et international »3. Ainsi, la philosophie de gouvernement est un mélange hybride des précepts libéraux tel l’Etat impartial, et les conceptions issues de la lutte anti-apartheid comme la démocratie participatoire et l’Etat interventionniste.

T. MBEKI est dès lors en faveur de la notion libérale de l’Etat démocratique qui se doit d’être un arbitre neutre qui équilibre les intérêts sociaux divergents : « L’Etat démocratique est le corrolaire d’une démocratie stable, de ce fait ne peut passer outre l’établissement d’un ordre social caractérisé par les intérêts du peuple sans distinction de race, de genre et de classe. Il ne peut y avoir de démocratie stable sans la prise en compte des intérêts du peuple dans leur ensemble, et sans prendre la responsabilité de l’évolution vers une nouvelle société »4.

Dans « l’Etat et la transformation sociale », T. MBEKI milite en faveur d’une prise de conscience nationale des limitations imposées par les réalités contemporaines mondiales sur la conduite de la lutte démocratique. « Le mouvement democratique doit résister à l’illusion selon laquelle une Afrique du Sud démocratique peut être écartée du processus qui caractérise le développement du monde. Il doit résister à l’idée selon laquelle l’Afrique du

1 Cape Times, 1997.

2 Krista JOHNSON, « State and Civil Society in Contemporary South Africa :Redefining the rule of the Game », in S. JACOBS & R. CALLAND, op.cit., p. 222.

3 ANC, «State and social Transformation », document de discussion, novembre 1996.

4 « The Democratic State is objectively interested in a stable democracy , so it cannot avoid the responsibility to ensure the establishment of a social order concerned with the genuine interests of the people as a whole, regardless of the racial, national gender and class differentiation. There can be no stable democracy unless the democratic state attends to the concern of the people as a whole and takes responsibility for the evolution of a new society”. Cité par K. JOHNSON, op .cit., p. 227.

Sud a la possibilité d’élaborer des solutions qui sont en discordance avec le reste du monde, mais qui peuvent être soutenues par la vertu d’une expérience sud-africaine d’un type spécial volontariste, un monde de lutte anti-apartheid, qui, sans nous être loyaux, vont soutenir un tel volontarisme »1.

L’Afrique du Sud de T. MBEKI est ainsi caractérisée par une approche du développement qui allie sur le marché et l’homme. Cette approche met en jeu la nécessaire coordination entre la participation populaire et les rapports entre l’Etat et la société civile. Le partenariat Etat-secteur privé n’en est que l’illustre manifestation. Dans presque tous les ministères, les intérêts économiques et politiques puissants, ceux du milieu d’affaires en particulier, influencent la mise en œuvre de la politique nationale, au détriment parfois des traditionels alliés2.

La création d’une classe moyenne noire constitue ainsi l’illustration de la nouvelle approche idéologique de la présidence T. MBEKI, et s’appuie sur le changement de la composition raciale de la classe dirigeante qui est son leitmotiv. Dans un discours intitulé « Y t-il un agenda national-qui l’a élaboré ? » à l’université de Port Elisabeth en 1995, il a plaidé pour une politique gouvernementale qui mette tout en œuvre pour permettre aux noirs l’accès à l’éducation et à la formation afin de pouvoir accéder aux postes dans la fonction publique, l’enseignement, et dans les grandes entreprises multinationales, etc…3

La mise en oeuvre de la Black Economic Empowerment, qui est une politique volontariste, a connu des résultats mitigés parce qu’elle dépend du marché, de sa mise en œuvre, et encore plus de la formation de jeunes Sud-Africans noirs. La société de classe est ainsi la conséquence de cette politique, synonyme de nouvel « apartheid social », ou seules les élites ont droit de cité. Le mélange des préceptes libéraux et sociaux, fondé sur une acointance entre l’Etat et le milieu d’affaires4, trouve ici ses limites dans le sens où tous les sud-africains, n’ont pas connu une amélioration de leur niveau de vie. Nous pouvons nous

1 « The democratic movement must resist the illusion that a democratic South Africa can be insulated from the processes which characterise world development. It must resist the thinking that this gives South Africa a possibility to elaborate solution which are in discord with the rest of the world, but which can be sustained by virtue of a voluntarism South Africa experiment of a special type, a world of anti-apartheid campaigners, who, out of loyalty to us, would support and sustain such voluntarism”. Cité par K. JOHNSON, op.cit., p. 229.

2 La puissance des consultants au sein de l’ANC et du gouvernement est une réalité. A titre d’exemple, les firmes Deloitte & Touche, et Ernst & Young, ont été prioritaires pour la formulation de leur poltique. La première a décroché un contrat de 1 million de rands pour la transformation du département des services correctionnels ; la seconde pour 7 millions de rands s’est vue confier la gestion de la cantine de l’école primaire du ministère de la santé. Voir Martin EDMONDS, « ANC MPs peeved about consultant’s power », Mail & Guardian, october 4, 1996.

3 T. MBEKI, The Time has Come, Tafelberg et Mafube, Cape Town et Johannesburg, 1998, p.106.

4 Steven FRIEDMAN,« The MBEKI era and the South African Business », document non publié, Centre for Policy Studies, Johannesburg, 1997.

interroger sur la possibilité d’une alternative à cette politique en 1994. Elle était impossible dans le sens ou l’enjeu à cette époque était de faire de la nation sud-africaine une nation unie.

De ce fait, la réduction des inégalités entre les populations historiquement défavorisées (Noirs) et les Blancs était de mise. Le maintien de l’héritage capitaliste de l’ancien régime, la mutation idéologique de l’ANC et l’ordre économique existant servent de moule à la nouvelle Afrique du Sud. La version de T. MBEKI, et par delà, de l’ANC, de la tranformation sociale sud-africaine ou de la « révolution », si elle est louable dans la formulation et les idéaux (capitalisme social) est une caractéristique de la sociéte sud-africaine.

Cette « renaissance sud-africaine » travestie, qui est le propre de l’intérêt national au sens de T. MBEKI, est la base et l’illustration des fondements et des instruments de la politique étrangère du pays, que sont la Renaissance africaine et le NEPAD.

Chapitre 2 : Des instruments ambigus de puissance : la Renaissance africaine (RA) et le NEPAD comme fondements socio-libéraux de la politique étrangère de la Nouvelle Afrique du Sud

Les fondements de la politique étrangère de la RSA s’articulent au socle national qui est basé sur la notion libérale et économique du développement. Depuis treize ans, les nouveaux dirigeants du pays, dans le souci de combler le fossé entre les deux nations, ont souligné l’importance du renforcement économique de la majorité noire. En effet, le débat sur les rapports entre l’Etat et la société civile, sur fond de mutation idéologique de l’ANC, a toujours été présent en Afrique du Sud. Cela s’est traduit par la notion libérale de l’Etat démocratique, dans le prisme d’un discours d’un nouveau partenariat social, dont T. MBEKI se fait le porte-parole. Il en découle ainsi une alliance entre les spécificités sud-africaines et la de s’intégrer à la mondialisation économique.

En effet, pour comprendre cet objectif, il faut avoir à l’esprit le caractère dual de la société sud-africaine, ainsi que le caractère libéral de l’économie issue de l’Apartheid. C’est pourquoi le rattrapage économique de la majorité noire1 a été et reste le propre même de la politique nationale.

C’est cette vision néolibérale du développement qui constitue le fondement de la politique étrangère du pays arc-en-ciel. La notion libérale de l’Etat démocratique constitue le mode de réaffirmation de l’Afrique dans la Communauté internationale. En effet, le principe est le suivant : si les sud-Africains Noirs se sont libérés de l’apartheid en cohabitant avec les blancs formant ainsi une nouvelle famille, l’Afrique, qui s’est en partie libérée de la colonisation, peut aussi cohabiter avec les puissances occidentales dans un contexte de mondialisation et de notion libérale des rapports politico-économiques. Si pour les principaux dirigeants sud-africains le destin de l’Afrique du Sud est lié à celui de l’Afrique, la Renaissance sud-africaine se doit d’être le modèle de la revitalisation du continent, à travers une adaptation au nouvel ordre mondial2.

1 Même si cela s’est traduit au bout du compte par une sorte d’Apartheid social, puisque seule une élite noire s’est enrichie.

2 A cet effet, les propos de Nelson MANDELA l’attestent : « le continent africain, auquel est lié le futur de l’Afrique du Sud, ne peut échapper à l’impact du nouvel ordre mondial », Discours au congres américain le 6 octobre 1994. Cet état de fait a été relayé par son successeur T.MBEKI, «permettez moi de parler de ce mot horrible : la mondialisation. Nous devons comprendre que, qu’on le veuille ou non, nous faisons partie de l’économie mondiale » . Discours lors de l’ouverture du sommet du Sud, la Havane, Cuba, le 12 avril 2000.

Ainsi, l’alliance entre la mise en valeur des spécificités africaines, le développement économique dans un contexte international néo-libéral peut être l’expression d’une troisième voie. Aussi, la question qui se pose est de savoir si cette renaissance sud-africaine peut être adaptée au contexte africain. Si elle peut servir de modèle, le facteur d’adaptabilité est un élément crucial de sa mise en œuvre. Dans le même ordre d’idées, si la complexité de l’Afrique, sa différence ethnico-religieuse ainsi que sa disparité régionale attestent de la pertinence du nouveau partenariat social entre l’Etat et la société civile, la question de la légitimité continentale du modèle sud-africain se pose.

La Renaissance africaine et le NEPAD, qui sont l’expression des fondements de la politique étrangère de la nouvelle AFRIQUE DU Sud, laissent ainsi libre cours à une articulation entre les intérêts sud-africains et les intérêts continentaux. La nature stratégique du discours sud-africain de la Renaissance africaine (section 1) et la notion néolibérale du NEPAD (section 2) en sont les illustres manifestations.

Section 1: La nature stratégique du discours sud-africain de la Renaissance africaine