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3. Méthode

3.6 Démarche d’analyse qualitative

3.6.4 Examens des convergences et des divergences (phase 4)

Quatre examens ont été effectués afin de dégager les convergences et les divergences à l’aide d’une stratégie d’analyse par comparaison constante des catégories; cette stratégie provient de l’approche de la théorisation ancrée; elle consiste à comparer les données qui ont été codées dans certaines catégories pour en identifier les similitudes et les différences (Corbin & Strauss, 2008). Le logiciel NVivo a grandement facilité la comparaison des catégories, notamment en déterminant trois « attributs » relatifs aux situations examinées : (1) groupe culturel de l’enfant impliqué; (2) forme de maltraitance suspectée; et (3) décision de signaler ou non. Ainsi, il a été simple de comparer les catégories selon le groupe culturel (« groupe culturel majoritaire » versus « groupe culturel minoritaire »), selon les indices majeurs de maltraitance (« indices d’abus physique » versus « indices de négligence ») ou selon les décisions de signaler ou de ne pas signaler à la protection de la jeunesse.

3.6.4.1 Convergences et divergences sans égard au groupe culturel. Quelles sont les

catégories qui semblent communes à l’ensemble des situations examinées dans cette étude? Pour répondre à cette question, un premier examen a été effectué. En effet, pendant la phase précédente, de nombreuses catégories convergentes ont été identifiées entre les situations. Par conséquent, un

examen des convergences a été réalisé afin d’approfondir ces convergences et d’identifier d’autres éléments convergents qui n’avaient pas émergé de l’analyse. Cet examen a été effectué sans tenir compte de l’origine culturelle des enfants impliqués dans les situations afin de saisir la base commune aux 25 situations du corpus de données.

Dans cet examen, les données relatives à trois situations se démarquent des autres par le fait que la participante a pris la décision de ne pas signaler à la protection de la jeunesse. Étant donné le nombre peu élevé de situations non signalées à la protection de la jeunesse, il n’a pas été possible d’atteindre une saturation empirique nécessaire pour pouvoir judicieusement les comparer avec les 22 autres situations signalées. Malgré tout, ces situations partagent plusieurs éléments convergents avec les situations signalées et par conséquent, il a été décidé de les inclure dans l’analyse et de surveiller particulièrement ce qui semble les distinguer des autres situations.

Par ailleurs, plusieurs éléments divergents ont été dégagés de ce premier examen, dont plusieurs concernent les situations impliquant des enfants de groupes culturels minoritaires. Cependant, les examens relatifs à ces divergences ont été planifiés à la fin de cette phase de l’analyse, soit à l’examen 4. Par conséquent, pour ne pas perdre ces éléments divergents à ce moment-ci de l’analyse, les extraits relatifs ont été recodés et annotés dans NVivo.

3.6.4.2 Divergences selon les formes de maltraitance. Plusieurs divergences ont été mises

en relief dans les façons de prendre une décision selon la forme de maltraitance en cause. Un deuxième examen a donc servi à approfondir davantage ces divergences entre les 15 situations d’abus physique du corpus et les 10 situations de négligence. Comme pour le premier examen, les divergences selon les formes de maltraitance qui touchent les aspects culturels ont été recodées et annotées dans NVivo.

3.6.4.3 Indices de maltraitance observés mais non signalés immédiatement. Pour

certaines situations, des participantes ont révélé que des indices de maltraitance ont été observés antérieurement mais qui n’ont pas été immédiatement rapportés à la protection de la jeunesse. Ce constat amène à se demander pourquoi ces indices n’ont-ils pas mené immédiatement à un signalement. Par ailleurs, lors de la conception de ce projet de recherche, il avait été prévu d’inclure

également des situations n’ayant pas mené à un signalement. Or, la majorité des participantes n’ont pas désiré raconter de situations qu’elles n’avaient pas signalées. Plusieurs ont justifié ce choix en mentionnant n’avoir rien de particulier à raconter sur ce genre de situations et d’autres personnes ont mentionné n’avoir en tête aucune situation non signalée. D’ailleurs, certaines participantes ont invoqué qu’il est rare qu’un doute ne conduise finalement pas à un signalement. Néanmoins, trois situations non signalées ont finalement pu être colligées. Bien que ces trois situations soient des cas rares dans le corpus de données, la décision de « ne pas signaler une situation » n’est probablement pas aussi rare en milieu scolaire. En effet, des participantes ont spontanément abordé d’autres situations pour expliquer pourquoi, selon elles, certaines collègues décident de ne pas signaler. Ces éléments ont aussi été pris en considération dans cet examen. En somme, ce troisième examen a pour objectif d’examiner les situations dont les indices de maltraitance observés n’ont pas été immédiatement signalés; en l’occurrence, des indices d’abus physique, des indices de négligence et des indices de mauvais traitements psychologiques.

3.6.4.4 Divergences selon les groupes culturels et les formes de maltraitance. Ce

quatrième examen est celui qui permet de culminer vers les questionnements analytiques qui permettront de répondre spécifiquement à la question de recherche. À ce moment de l’analyse, les 13 situations de « groupes culturels minoritaires » et les 12 situations du « groupe culturel majoritaire » ont été confrontées à leurs divergences en tenant compte de la principale forme de maltraitance observée à travers les indices reconnus (indices de négligence versus indices d’abus physique). Le Tableau 4 indique la répartition des situations examinées selon les groupes culturels et les formes de maltraitance suspectées.

Tableau 4

Nombre de situations selon la décision et selon le groupe culturel Groupes culturels minoritaires Groupe culturel majoritaire Total Situations signalées 12 10 22

Situations non signalées 1 2 3

À la réalisation de cet examen, il n’a pas été nécessaire de reprendre les comparaisons des catégories depuis le début car plusieurs divergences avaient déjà été observées et codées au cours des examens précédents. Par ailleurs, il convient de rappeler que pendant l’entrevue, plusieurs personnes ont fait allusion à d’autres situations que celles choisies pour l’entrevue, soient les situations secondaires, pour faire des comparaisons avec d’autres situations vécues ou faire des projections à partir de situations hypothétiques, et ce, dans le but de raisonner la décision prise dans la situation principale faisant l’objet de l’entrevue. Par conséquent, non seulement les segments d’entrevue se rapportant aux situations principales ont été inclus dans cet examen, mais aussi ceux se rapportant aux situations secondaires.

En conclusion, cette phase d’analyse a été effectuée en examinant d’abord les catégories en dégageant leurs convergences et divergences sans égard au groupe culturel (examens 1, 2 et 3) puis ensuite, en examinant plus spécifiquement leurs divergences (examen 4). Cette stratégie a permis de mettre en lumière les façons dont se prennent les décisions de signaler à la protection de la jeunesse lorsqu’elles concernent des enfants de groupes culturels minoritaires.

3.6.5 Mise en relation avec la littérature (phase 5)

Pour interpréter adéquatement les résultats et pour donner un sens aux convergences et aux divergences observées, des mises en relation ont été réalisées avec la littérature dans les domaines de la psychologie du jugement et de la prise de décision ainsi que des études empiriques disponibles qui ont été recensées. De plus, cette phase a permis d’adapter les termes choisis par ceux utilisés dans la littérature sur le sujet. Par exemple, le terme « gravité de la situation », initialement choisi pour refléter celui utilisé dans la LPJ, a été changé par le terme « sévérité de la situation » privilégié dans la littérature scientifique dans ce domaine.

En somme, la démarche d’analyse en cinq phases ne s’est pas opérée de façon linéaire, mais plutôt de façon itérative. Notamment, en réalisant les examens des convergences et des divergences, il est survenu à quelques reprises qu’une nouvelle catégorie ait dû être créée et qu’un retour à la phase précédente ait été nécessaire. La Figure 1 présente une synthèse des cinq phases de la démarche d’analyse.

Phase 1 : Analyse pendant la collecte de données

25 fiches synthèses d’entretien Journal de bord de l’étudiante-chercheuse

Phase 2 : Organisation du corpus de données

Transcription verbatim des 25 entrevues 25 résumés intermédiaires

Phase 3 : Analyse à l’aide des catégories

Codage du corpus de données dans NVivo

Travail d’explicitation des catégories (registre des catégories)  

Phase 4 : Examens des convergences et des divergences

Convergences et divergences sans égard au groupe culturel

Divergences selon les formes de maltraitance sans égard au groupe culturel Examens des indices de maltraitance observés mais non immédiatement signalés

Divergences selon les groupes culturels et les formes de maltraitance  

Phase 5 : Mise en relation avec la littérature

Théories du jugement et de la prise de décision Études empiriques disponibles

Figure 1. Démarche d’analyse qualitative de données.