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3. Méthode

3.6 Démarche d’analyse qualitative

3.6.3 Analyse à l’aide des catégories (phase 3)

Une stratégie de questionnement analytique, inspirée de l’approche par théorisation ancrée (« Grounded Theory ») (Corbin & Strauss, 2008; Glaser & Strauss, 2010) a été privilégiée pour décrire et expliquer les processus décisionnels et leurs principales composantes. Cette stratégie est d’ailleurs recommandée par Creswell (2007), en particulier pour comprendre un processus.

Plus concrètement, il s’agit d’adresser des questionnements pour orienter le travail d’analyse du corpus de données: Qu’est-ce qui est central dans ce processus? Qu’est-ce qui influence ce processus? Quelles sont les stratégies employées en cours de processus et quels résultats ont-elles produits? Aussi, des questionnements plus spécifiques ont guidé le travail d’analyse en cherchant à cerner, les actions, les raisonnements et les émotions, et ce, en respectant les mots utilisés par les participantes pour les décrire : Qu’est-ce que les personnes ont pensé, ont fait, ont ressenti ou ont regretté? Est-ce qu’il y a des raisons qui pourraient expliquer pourquoi elles ont procédé de la sorte? À cette phase de la démarche d’analyse, il fallait donc identifier des éléments qui ne se limitent pas uniquement à décrire le phénomène à l’étude ou la simple chronologie des faits, mais également, dans la mesure du possible, qui permettent de comprendre les processus sous-jacents au phénomène. Les prochaines sections décrivent en détail cette phase de l’analyse.

3.6.3.1 Codage du corpus de données. Au cours des phases antérieures d’analyse, plusieurs

pistes se sont dégagées du corpus et plusieurs catégories ont été annotées dans les résumés intermédiaires et le journal de bord. Ces pistes sont des réflexions spontanées et non des catégories possédant les caractéristiques pour être qualifiées de « conceptualisantes ». Il fallait alors procéder au codage de façon systématique en gardant à l’esprit les questionnements analytiques. Pour entreprendre le codage du matériel de façon plus conceptuelle, les deux catégories préexistantes à la démarche d’analyse ont servi de catégories de départ. Il convient de rappeler que la méthode a inclus la stratégie de collecte de Carroll et Johnson (1990) basée sur le processus et dans laquelle se retrouvent les deux grandes phases du processus de prise de décision, soient : « observer la situation » et « évaluer la situation ».

Le logiciel de traitement de données qualitatives NVivo (version 7, QSR International) a été utilisé pour coder le matériel. Le codage des cinq premières entrevues a été fait en utilisant une technique appelée « process coding » que l’on pourrait traduire comme « codage du processus » (Corbin & Strauss, 2008; Saldaña, 2009). Concrètement, Saldaña (2009) propose de coder les activités simples et faciles à observer (par exemple, lire, jouer, regarder la télé) ainsi que celles plus abstraites (par exemple, négocier, s’adapter, etc.). Essentiellement, il s’agit de coder et d’attribuer un verbe en début de titre des catégories émergentes. Dans cette étude, des exemples de tels codes sont : questionner l’enfant; vérifier les marques sur le corps de l’enfant; vérifier le dossier scolaire; consulter les collègues; parler avec les parents; être incertaine de la présence de maltraitance; être inquiète pour la sécurité de l’enfant; être inquiète des retombées d’un signalement; être en conflit avec les parents; ne pas obtenir de consensus dans l’équipe-école quant à la décision à prendre, etc. Les extraits ont donc été codés avec cette technique de « process coding » et ont été classifiés dans l’une ou l’autre des deux grandes catégories de départ, soient « observer la situation » et « évaluer la situation ». Le codage s’est déroulé en trois blocs : un premier bloc de codage des 10 premières entrevues (S01 à S10); un deuxième bloc de codage des 7 entrevues suivantes (S11 à S17); et un troisième bloc de codage des 8 dernières entrevues (S18 à S25).

Pendant le codage, l’étudiante-chercheuse a effectué un certain travail d’explicitation sur les catégories, par exemple en créant une nouvelle catégorie ou en rattachant un extrait d’entrevue à une autre catégorie. Cependant, afin de prendre le recul nécessaire pour revoir systématiquement chacune des catégories, la majeure partie du travail d’explicitation a été réalisée à trois moments précis, soit à la fin de chaque bloc de codage.

3.6.3.2 Travail d’explicitation des catégories. Le codage du matériel s’est réalisé en parallèle

avec la tenue d’un registre dans lequel les catégories ont été développées et raffinées au fur et à mesure de la progression de l’analyse. Pour réaliser ce travail, l’étudiante-chercheuse s’est inspirée des lignes directrices de l’analyse à l’aide des catégories dites « conceptualisantes » de Paillé et Mucchielli (2008). Ces auteurs définissent la catégorie comme « une production textuelle se présentant sous la forme d’une brève expression et permettant de dénommer un phénomène perceptible à travers une lecture conceptuelle d’un matériau de recherche. » (p. 233); puis ils renchérissent en spécifiant que la catégorie « va bien au-delà de la désignation de contenu pour

incarner l’attribution même de la signification » (p. 234). Les catégories sont généralement circonscrites par une définition, des propriétés et des variations possibles (Corbin & Strauss, 2008; Paillé & Mucchielli, 2008).

Pendant ce travail d’explicitation des catégories, il fallait donc saisir de manière conceptuelle les catégories en émergence en formulant une courte définition et en précisant les principales propriétés. Pour expliquer ce que sont les propriétés d’une catégorie, voici un exemple tiré de cette étude : la catégorie « Employer des pratiques pour confirmer la présence de la maltraitance » est subdivisée en sous-catégories. On y retrouve entre autres la sous-catégorie « vérifier les marques sur le corps de l’enfant », dont les propriétés qui la caractérisent sont : (1) être une pratique utilisée lorsque la personne est incertaine de l’existence de la maltraitance; ou (2) être une pratique utilisée pour valider un indice d’abus physique. Des variations ont été aussi identifiées dans la façon dont cette pratique est concrétisée, par exemple, (1) demander de façon détournée de voir une partie du corps; (2) prendre une photo d’une partie du corps de l’enfant; et (3) demander à une autre personne de vérifier les marques sur le corps. Paillé et Mucchielli (2008) suggèrent aussi de distinguer les « conditions d’existence ». Ainsi, en poursuivant avec ce même exemple, la principale condition d’existence est d’être en présence d’indices d’abus physique.

Le travail d’explicitation des catégories prend forme à travers un registre, appelé dans la littérature anglophone le « codebook », qui contient un ensemble de codes, définitions et exemples et qui requiert un travail itératif, c’est-à-dire de revoir régulièrement les codes et raffiner les définitions et les concepts en émergence (DeCuir-Gunby, Marshall, & McCulloch, 2011). Dans la présente étude, ce travail d’explicitation des catégories a été réalisé dans un registre divisé en deux parties : la première partie a classifié les catégories se rapportant aux processus de prise de décision de signaler et la deuxième partie a répertorié celles relatives aux éléments à connotation culturelle.

Puisque l’étudiante-chercheuse a été la seule à coder le corpus de données, le registre n’a pas eu pour utilité première d’assurer la concordance du codage entre les personnes responsables de cette tâche. En fait, à travers ce registre, un travail d’explicitation des catégories a pris forme peu à peu. Concrètement, un examen a été fait sur chacune des catégories et des extraits codés dans le but de peaufiner les définitions et de revoir méticuleusement les segments codés. Quelques fois, ce

travail a abouti à la création d’une nouvelle catégorie et d’autres fois, il a permis de spécifier les propriétés d’une catégorie existante ou de dégager les variations d’une même catégorie. Bref, le travail d’explicitation à travers ce registre a servi à raffiner les catégories et à resserrer les liens entre chacune d’elles. Plusieurs annotations concernant des extraits d’entrevues ont aussi été intégrées au registre, entre autres des annotations pour mettre en relief des divergences et des convergences identifiées entre les deux groupes de situations à l’étude.

En somme, cette phase a facilité le développement des catégories au fur et à mesure de l’analyse. Ce travail d’explicitation à travers le registre des catégories n’était pas une fin en soi, mais plutôt une stratégie par laquelle l’analyse a pu évoluer vers un autre niveau, celui des mises en relation entre les catégories. Au terme de cette phase, d’autres questionnements ont été formulés, lesquels ont défini les balises pour examiner les convergences et les divergences.