• Aucun résultat trouvé

Evolution des salaires réels propres à chaque secteurs productifs.

IMPACT DES BOOMS DE RESSOURCES EXOGENES SUR LA STRUCTURE PRODUCTIVE EGYPTIENNE.

II- EVOLUTION DU POIDS DES DIFFERENTS SECTEURS PRODUCTIFS DANS L’ECONOMIE EGYPTIENNE.

II.3- Evolution des salaires réels propres à chaque secteurs productifs.

Nous pouvons nous demander si les salaires réels ont globalement suivi la tendance prédite par la théorie du syndrome hollandais : augmentation des salaires exprimés en termes de biens échangeables et diminution de ceux exprimés en termes de biens non-échangeables.

34 Nos propres calculs du taux de croissance de la productivité totale pendant la période de booms, effectués à

partir d’une fonction de production brute et non de valeur ajoutée comme le fait Messiha, sont moins pessimistes (0,9 %/an), c. f. tableau III.9 et chapitre V. Dans ce cas, la capacité de créations d’emplois du secteur manufacturier pendant la période de booms s’en trouve renforcée ; il se comporte alors encore plus comme un secteur non-échangeable.

Étant donné que la productivité totale des facteurs a augmenté dans beaucoup d’activités pendant la période de booms, nous pouvons nous attendre à un comportement des salaires réels non conforme aux prédictions de la théorie des chocs externes, qui suppose que la productivité totale est constante.

Le graphique III.10 décrit l’évolution des salaires réels hebdomadaires dans les principaux secteurs productifs. Les déflateurs utilisés sont propres à chaque secteur. Les déflateurs des grands secteurs productifs proviennent des WDI 2001 de la Banque Mondiale ; ceux des activités industrielles proviennent du Ministère du Plan égyptien. Pour l’ensemble de l’économie, les salaires nominaux, dont les données sont issues de la publication annuelle du CAPMAS, intitulée Emploi, salaires et heures travaillées, ont été déflatés par l’indice des prix à la consommation, publié dans les WDI 2001. Il est important de noter que les données sur les salaires nominaux ne concernent que les entreprises de plus de 10 employés, et négligent donc un pan important de l’économie égyptienne. Le graphique III.11 représente l’évolution des déflateurs des grands secteurs productifs et de l’indice des prix à la consommation. Les données détaillées sur les salaires nominaux hebdomadaires apparaissent en annexe A, dans le tableaux AIII.5, celles sur les déflateurs dans les tableaux AIII.6 et AIII.7, et celles sur les salaires réels hebdomadaires dans les tableaux AIII.8 et AIII.9.

Graphique III.10 : Évolution des salaires réels hebdomadaires, base 100=1970, au sein des principaux secteurs productifs en Égypte, 1970-1995.

Salaires réels hebdomadaires des secteurs productifs (déflateurs propres). 0 2 4 6 8 10 12 1970 1972 1974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 En £E constante de 1970

Agriculture Industrie Services Economie

Sources : Calculs de l’auteur à partir des données suivantes :

- Salaires nominaux : Emploi, salaires et heures travaillées, CAPMAS, différentes années. - Déflateurs sectoriels : WDI 2001, Banque Mondiale.

- Indice des prix à la consommation pour l’économie : WDI 2001, Banque Mondiale.

Note : Les données du CAPMAS sur le salaires nominaux ne concernent que les entreprises de plus de 10 employés. Le salaire réel pour chaque secteur est obtenu en effectuant le rapport du salaire nominal du secteur et du déflateur du secteur. Pour l’économie dans son ensemble, le niveau de salaire nominal est déflaté par l’indice des prix à la consommation.

Pendant la période de booms, les salaires réels dans l’économie tout entière ont augmenté en moyenne de 2,5 %/an. C’est d’ailleurs durant cette période qu’ils ont enregistré la plus forte croissance. Elle n’était que de 1,2 %/an en moyenne avant la période de booms, et elle est devenue négative après 1985, en déclinant en moyenne de –5,1 %/an entre 1986 et 1995.

C’est le secteur de l’agriculture qui, des trois principaux secteurs productifs, a connu la plus forte augmentation de salaire réel, avec en moyenne un taux de croissance annuel moyen de 6,8 % entre 1974 et 1985. Cette augmentation est surtout due à la hausse du salaire nominal dans l’agriculture, de 20 %/an en moyenne sur la période. Le graphique III.11 montre que les prix agricoles sont curieusement ceux qui ont le plus augmenté pendant la période de booms, de 13 %/an en moyenne.

Graphique III.11 : Évolution des déflateurs sectoriels et de l’indice des prix à la consommation, base100=1970, en Égypte, 1970-1997.

Evolution des déflateurs sectoriels et de l'IPC.

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 1970 1972 1974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 Indice 100=1970

Agriculture Industrie Services IPC

Sources : WDI 2001, Banque Mondiale.

L’augmentation du salaire nominal reflète en partie les gains de productivité durant cette période. Elle traduit aussi la pénurie de main-d’œuvre dans ce secteur pendant la période de booms, car beaucoup de travailleurs ont migré dans les pays du Golfe, notamment en Irak, ou sont allés gonfler les rangs des travailleurs urbains, notamment dans le secteur de la construction, alors en plein boom. L’augmentation de prix peut refléter un certain réajustement entre prix locaux, subventionnés, et prix international. En effet, à partir de 1974, les importations de biens agricoles ont considérablement augmenté en Égypte, encouragées par l’augmentation de la demande et par la politique d’ouverture. Entre 1973 et 1974, les importations agricoles ont ainsi augmenté de 145 % (CEPII, base données CHELEM). Par ailleurs, entre 1980 et 1986, le prix des terres agricoles a été multiplié par 6, reflétant

l’augmentation de leur rendement, estimé à 9,5 % au cours de cette période, et aussi celle de la demande pour ces terres de la part des travailleurs ruraux émigrés à l’étranger et dont la capacité à investir s’est accrue en même temps que leurs revenus [Shafik (2000)].

Le salaire réel hebdomadaire dans le secteur des services a augmenté en moyenne de 5,2 %/an pendant la période de booms. L’indice des prix a relativement moins augmenté dans ce secteur que dans les secteurs agricole et industriel, seulement de 9 %/an en moyenne sur la période. Non ouvert à la concurrence internationale, les prix de ce secteur ne reflètent pas les prix du marché, notamment en ce qui concerne les loyers immobiliers, les transports, et les services sociaux, dont les prix sont fortement subventionnés. L’augmentation annuelle moyenne de 15 % des salaires nominaux pendant la période de booms reflète par ailleurs en partie les gains de productivité dans ce secteur au cours de cette période.

Enfin, le salaire réel dans le secteur industriel a augmenté au taux annuel moyen de 4,9 % sur la même période. Le salaire nominal a légèrement plus augmenté que dans le secteur des services, de l’ordre de 16 %/an en moyenne sur la période, de même que les prix pratiqués dans ce secteur, qui ont eux augmenté en moyenne de 12 %/an entre 1974 et 1985.

Au sein du secteur industriel celui de l’eau-gaz-électricité a vu son salaire réel progresser de plus de 20 %/an en moyenne entre 1974 et 1979, et chuter ensuite au rythme annuel de 11 % jusqu’en 1985, comme le montre le graphique III.12.

Graphique III.12 : Évolution des salaires réels hebdomadaires, base 100=1970, des activités industrielles égyptiennes, 1970-1995.

Salaires réels hebdomadaires dans l'industrie (déflateurs propres). 0 5 10 15 20 25 30 1970 1972 1974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 En £E constante de 1970

Industrie Manuf. Pétrole E-G-E Construction

Sources : Calculs de l’auteur à partir des données suivantes :

- Salaires nominaux : Emploi, salaires et heures travaillées, CAPMAS, différentes années.

- Déflateurs sectoriels : Ministère du Plan, données obtenues à la Mission résidente de la Banque Mondiale au Caire.

Note : Les données du CAPMAS sur les salaires nominaux ne concernent que les entreprises de plus de 10 employés. Le salaire réel pour chaque secteur est obtenu en calculant le ratio du salaire nominal du secteur et du déflateur du secteur.

Cette chute s’explique par une augmentation moins rapide du salaire nominal dans ce secteur après 1980, mais surtout par une augmentation des prix de près de 20 % entre 1980 et 1985 (graphique III.13). Au total ce secteur a connu une augmentation annuelle moyenne de son salaire réel de 5,5 % pendant la période de booms.

L’augmentation de 40 % en moyenne des prix pétroliers pendant la période de booms a amorti la hausse du salaire nominal de 20 % pendant cette période. Finalement, le salaire réel n’a progressé qu’au rythme annuel moyen de 7,5 % entre 1974 et 1985. Le contrôle des prix de l’énergie et en particulier de ceux du pétrole a ainsi amorti l’augmentation de leurs prix domestiques. En effet, alors que le prix du pétrole a augmenté de 260 % en 1974 et encore de 60 % en 1979, le prix domestique n’a crû que de 40 % entre 1974 et 1986 [Shafik (2000)].

C’est dans le secteur de la construction que le salaire réel a le moins augmenté, de l’ordre de 3,5 %/an entre 1974 et 1985. Ceci s’explique en partie par le fait que les prix dans ce secteur ont connu la plus forte hausse après ceux du secteur pétrolier. Ils ont augmenté de près de 14 %/an en moyenne pendant la période de booms, venant ainsi compenser l’augmentation annuelle moyenne de 17 % des salaires nominaux dans ce secteur. Shafik (2000) souligne cependant que l’indice des prix du secteur de la construction est sous- estimé, ne prenant pas en compte les nombreuses transactions effectuées sur le marché parallèle des produits de la construction, notamment du ciment, dont le prix y était supérieur de 225 % à celui pratiqué sur le marché officiel. Le salaire réel serait donc surestimé dans ce secteur.

Graphique III.13 : Évolution des déflateurs des activités industrielles égyptiennes, base100=1970, 1970-1997.

Evolution des déflateurs industriels en Egypte.

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 1970 1972 1974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 Indice 100 en 1970

Source : Ministère du Plan, données obtenues à la Mission résidente de la Banque Mondiale au Caire.

Finalement, c’est le secteur manufacturier qui a vu son salaire réel augmenter le plus durant cette période, de 7,8 %/an en moyenne. L’augmentation annuelle moyenne de 16 % du salaire nominal, qui ne reflète pas des gains de productivité, a été en partie compensée par l’augmentation annuelle moyenne des prix manufacturier de 9 %/an pendant cette période. Cependant, l’augmentation des prix dans ce secteur a été contrecarrée par l’existence, jusqu’en 1985, de nombreuses subventions à la consommation. C’est d’ailleurs dans le secteur manufacturier, avec celui de l’eau-gaz-électricité, que l’indice des prix a le moins augmenté pendant la période de booms.

Cette analyse sur les salaires montre donc :

- que les salaires nominaux ont augmenté fortement dans tous les secteurs pendant la période de booms, au minimum de 12 %/an dans le secteur de l’eau-gaz-électricité, au maximum de 21 % et de 20 %/an pour respectivement les secteurs de l’agriculture et pétrolier. Pour les autres secteurs, l’augmentation varie entre 15 % et 17 %/an en moyenne entre 1974 et 1985. De toute notre période d’étude, 1970- 1997, c’est pendant la période de booms que les salaires nominaux ont le plus augmenté. Cette augmentation de salaire nominal reflète l’amélioration du niveau de vie et, pour certains secteurs (agriculture et services), les importants gains de productivité durant la période de booms.

- Les indices de prix des différents secteurs n’ont pas évolué tout à fait selon les prédictions de la théorie du syndrome hollandais. En effet, l’indice des prix dans le secteur échangeable qu’est l’agriculture a fortement augmenté. En revanche, l’indice des prix dans les secteurs non-échangeables tels ceux des services, de l’eau-gaz-électricité et du secteur manufacturier ont relativement moins augmenté. Finalement, seuls les indices de prix des secteurs pétroliers et de la construction semblent avoir eu l’évolution attendue. Mais l’évolution de ces différents déflateurs reflète peu les forces du marché puisqu’en Égypte, les prix ont été fortement contrôlés jusqu’en 1985. En l’absence de contrôle des prix, l’effet de dépense aurait encore été plus marqué.

- Au total pendant la période de booms, les salaires réels ont augmenté dans tous les secteurs de l’économie égyptienne. C’est durant cette période qu’ils ont le plus augmenté, ils diminueront ensuite fortement dans tous les secteurs de l’économie, hormis dans le secteur pétrolier. La rigidité des prix à la hausse a cependant le

comportement des salaires réels dans certains secteurs, notamment dans l’industrie manufacturière.

Maintenant que nous avons étudié en détail l’évolution de la taille des différents secteurs, nous sommes en mesure de comprendre l’évolution du poids relatif de chacun dans l’économie égyptienne.

Documents relatifs