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IMPACT DES BOOMS DE RESSOURCES EXOGENES SUR LA STRUCTURE PRODUCTIVE EGYPTIENNE.

I- LE SECTEUR MANUFACTURIER : SECTEUR ECHANGEABLE ?

I.1- Biens manufacturiers : biens échangés ?

La notion d’échangeabilité est un concept théorique. Cette notion est centrale dans toute la littérature s’attachant à expliquer le lien entre prix domestiques et prix internationaux dans le cadre théorique de l’économie dépendante, et remettant en cause la loi (non observée) du prix unique. Les auteurs sont amenés à distinguer l’évolution des prix des biens échangeables de ceux des biens non-échangeables. Certains auteurs [Kravis et Lipsey (1988)] assimilent les biens échangeables à toutes les marchandises, sauf celles relatives au secteur de la construction, les services étant eux classifiés comme non-échangeables. D’autres auteurs, comme De Grégorio et al. (1994), prennent en compte la part de la production exportée, et fixent le seuil d’échangeabilité à 10%. Cette approche consiste en fait à assimiler les biens échangeables aux biens échangés, la définition du seuil étant arbitraire.

Cette approche empirique a le mérite d’être simple et nous allons l’appliquer pour l’Égypte. Sa forme la plus complète a été définie et utilisée par Krueger (1981), et elle prend en considération les taux de pénétration des exportations mais aussi des importations. Elle permet de discriminer entre biens échangeables et biens non-échangeables, et parmi les biens échangeables entre les biens exportables et les biens importables.

La méthode consiste à calculer les taux suivants :

) (Q M X M T et Q X TX M − + = =

Q étant la production, X les exportations et M les importations. (Q+M-X) représente les ressources domestiques totales.

Si T < 10 % ou 15 % et X T < 10 % ou 15 %, le produit, la branche ou l’industrie considéréeM

est non-échangeable. Dans notre cas, nous parlerons de branche.

Si la branche est échangeable, il peut être intéressant d’analyser si elle est exportable ou importable. Pour cela, le taux suivant est défini :

) ( ) ( X M Q X M R − + − =

Si R<0, la branche est exportable. Si R>0, elle est importable, ou concurrente des importations. Si R > x%, x habituellement fixé à 75 %, la branche est considérée comme non-concurrente des importations, la production locale est alors marginale.

Nous avons calculé ces taux pour les différentes branches de l’industrie manufacturière égyptienne, ainsi que pour le secteur manufacturier dans son ensemble. Nous avons distingué quatre périodes : la période totale, 1970-199729, la période antérieure aux booms, 1970-1973, le période de booms, 1974-1985, et la période postérieure aux booms, 1986-1997. Les résultats sont reportés dans le tableau III.1. Le tableau III.2 résume la classification des différentes branches du secteur manufacturier en fonction de leurs degrés d’échangeabilité.

Il apparaît que le secteur manufacturier pris dans son ensemble est un secteur échangeable, de substitution à l’importation, quelle que soit la période considérée. Sur l’ensemble de la période, toutes les branches sont échangeables. Parmi elles, la seule branche exportable entre 1970 et 1997 est celle du textile, des chaussures et du cuir. Toutes les autres sont importables.

Peu de changements se sont opérés depuis le début des années 70. L’industrie du bois et de ses dérivés était exportable jusqu’en 1974, elle est devenue importable par la suite. L’industrie minérale était non-échangeable dans la première partie des années 70, elle est devenue importable ensuite. Ce sont là les seules évolutions réelles dans le degré et la nature d’échangeabilité des différentes branches du secteur manufacturier. Les autres branches ont gardé les mêmes caractéristiques : exportables pour le textile, les chaussures et le cuir et importables pour toutes les autres.

Les taux de pénétration indiquent que l’industrie manufacturière égyptienne dans son ensemble est échangeable du fait de l’importance de ses importations, non de ses exportations. La part de la production exportée est en effet inférieure à 10 % sur l’ensemble de la période, alors que les importations représentent plus de 30 % de la demande manufacturière totale. Les industries agroalimentaires ; du papier et de l’édition ; minérales et des produits métalliques se démarquent de par l’infime proportion de leur production exportée.

Pendant la période du booms, 1974-1985, le taux d’exportation s’est réduit, et le taux d’importation s’est considérablement alourdi. Pour l’ensemble du secteur manufacturier, le premier a chuté de deux points entre 1970-73 et 1974-85, pour atteindre 8 %, alors que le deuxième a presque doublé passant de 24 % à 42 % entre les mêmes périodes. La branche textile a vu en particulier son taux d’exportation chuter de près de 10 points.

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Tableau III.1 : Taux de pénétration des échanges pour les différentes branches de l’industrie manufacturière égyptienne, 1970-1997.

En % Br-31 : Agroalimentaire… Br-32 : Textile… Br-33 : Bois … Br-34 : Papier, édition… Br-35 : Chimie…

X T TM R TX TM R TX TM R TX TM R TX TM R 1970-1973 3,6 13,9 10,7 22,7 4,2 -24,0 25,2 20,8 -5,9 4,1 26,5 23,4 9,2 35,4 28,8 1974-1985 2,0 27,2 25,7 14,2 9,5 -5,5 4,5 36,5 33,6 3,3 31,1 28,7 17,9 40,4 27,4 1986-1997 1,5 16,2 15,0 20,3 11,6 -10,8 14,8 39,1 28,6 2,2 31,7 30,2 12,1 24,4 14,0 1970-1997 1,7 19,6 18,2 18,5 10,5 -9,8 11,8 37,7 29,4 2,6 31,3 29,5 13,2 28,6 17,7

Br-36 : Industrie minérale… Br-37 : Fer et acier… Br-38 : Engineering… Br-39 : Autres produits Br-3 : Secteur manufacturier X T TM R TX TM R TX TM R TX TM R TX TM R 1970-1973 7,9 7,7 -0,2 5,2 30,3 26,5 3,4 50,7 49,0 36,6 50,8 22,4 9,8 24,0 15,7 1974-1985 0,3 31,4 31,2 9,4 36,4 29,8 2,4 70,8 70,1 29,5 83,8 77,0 7,9 42,8 37,8 1986-1997 1,3 11,7 10,5 11,7 26,5 16,8 6,2 64,2 61,8 56,8 89,7 76,1 8,7 32,1 25,7 1970-1997 1,3 16,9 15,9 10,8 29,7 21,2 4,9 66,2 64,5 46,8 86,8 75,2 8,5 35,1 29,1

Les industries agroalimentaires, minérales et métalliques ont vu leurs taux d’importation fortement augmenter, voire exploser dans le cas de l’industrie métallique. D’autre part, nous pouvons noter que cette évolution a pris un caractère irréversible, puisque la branche textile n’a jamais retrouvé le taux d’exportation qu’elle connaissait avant la période de booms, et que de manière générale toutes les branches, à l’exception de l’industrie pétro- chimique, ont conservé, même après les booms, des taux d’importation supérieurs à ceux qu’elles enregistraient avant la période de booms.

Tableau III.2 : Classification des branches de l’industrie manufacturière selon leurs degrés d’échangeabilité au seuil de 10 %, 1970-1997.

Échangeable Non-échangeable

Exportable Importable

Substitution à l’importation Production locale marginale

1970-1973 32, 33 31 ;34 ;35 ;37 ;38 ;39 ; 3 36

1974-1985 32 31 ;33 ;34 ;35 ;36 ;37 ;38 ; 3 39 1986-1997 32 31 ;33 ;34 ;35 ;36 ;37 ;38,3 39 1970-1997 32 31 ;33 ;34 ;35 ;36 ;37 ;38 ; 3 39 Source : Tableau III.1.

Cette approche par les taux de pénétration indique donc que l’industrie manufacturière prise dans son ensemble, et toutes les branches qui la composent sont échangeables sur la période 1970-1997. Cette méthode a cependant certaines limites puisqu’elle assimile bien échangé à bien échangeable. Or un bien échangeable à la marge peut ne pas être échangé, et un bien échangé peut ne pas être échangeable à la marge. Or cette notion d’échangeabilité « à la marge » est celle qui compte pour les incitations et les décisions des agents économiques. Nous allons donc présenter une autre approche pour discriminer les différentes branches du secteur manufacturier selon qu’elles sont échangeables ou non-échangeables à la marge.

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